Nations Unies

CERD/C/SR.2149

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

8 mars 2012

Original: français

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Quatre-vingtième session

Compte rendu analytique de la 2149 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 28 février 2012, à 15 heures

Président: M. Avtonomov

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Seizième à dix-huitième rapports périodiques de la République démocratique populaire lao

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Seizième à dix-huitième rapports périodiques de la République démocratique populaire lao (CERD/C/LAO/16-18; CERD/C/LAO/Q/16-18; HRI/CORE/LAO/2011)

1.Sur l ’ invitation du Président, la délégation lao prend place à la table du Comité.

2.M. Yiapaoheu (République démocratique populaire lao) dit que le rapport à l’examen aurait dû être présenté en 2009 mais que son pays a manqué de ressources financières et humaines pour s’acquitter de cette obligation dans les délais impartis. Un comité national présidé par le Ministre de la justice et composé de représentants des institutions concernées a été chargé d’élaborer le rapport, qui a été achevé en 2010 et présenté au Gouvernement début 2011. Celui-ci l’a adopté dans la foulée et transmis au Comité pour examen. Le rapport répond aux questions soulevées par le Comité lors de l’examen, en 2005, du précédent rapport. Les observations finales adoptées à cette occasion par le Comité ont été traduites en lao et diffusées aux niveaux national, provincial et local, et la plupart des recommandations du Comité sont en cours d’application ou ont déjà été suivies d’effet.

3.M. Yiapaoheu dit que la Constitution et la législation lao interdisent la discrimination raciale et garantissent l’égalité de tous devant la loi sans distinction de race ni d’origine ethnique. Tous les citoyens laos ont le droit à l’égalité de traitement devant les tribunaux et les autres organes d’administration de la justice, conformément à la Constitution, à la loi relative aux tribunaux populaires et au Code de procédure civile. Le peuple pluriethnique lao jouit de la liberté de circulation et de résidence, sans restriction ni obstacle. Le Gouvernement a adopté une politique de développement des villages qui privilégie l’élimination de la pauvreté et la réduction des disparités économiques. À cet effet, il applique une politique tendant à inciter les habitants des régions montagneuses et reculées qui pratiquaient le nomadisme à s’installer dans des villages dotés d’infrastructures (écoles, hôpitaux, routes, etc.). Il s’agit aussi de créer des conditions favorables pour les groupes ethniques les moins nombreux en améliorant durablement leurs moyens de subsistance. La création de villages et communautés de villages de développement, élément capital des programmes de réduction de la pauvreté lancés par le Gouvernement, contribue à mettre fin à la pratique de la culture sur brûlis dans les régions montagneuses, nuisible pour l’environnement. La politique de réinstallation a donné de bons résultats. Ainsi, 679 projets ont été exécutés grâce à un financement national et à l’aide de la communauté internationale. En mettant en œuvre la stratégie nationale de croissance et d’élimination de la pauvreté, le Gouvernement soutient le développement des régions montagneuses reculées afin d’améliorer les conditions de vie des groupes ethniques les moins nombreux, y compris les Hmongs. Des programmes de développement sont mis en œuvre dans 64 zones afin de créer des villes modèles en milieu rural.

4.La loi relative à la nationalité lao dispose que tous les Laos, quelle que soit leur origine ethnique, ont la nationalité lao. Elle prévoit également la réduction des cas d’apatridie en facilitant les procédures d’acquisition de la nationalité, et définit l’égalité de droits de la mère et du père en matière de transmission de la nationalité aux enfants, indépendamment du mode d’acquisition de la nationalité lao par les parents. La loi relative à la famille, qui consacre le droit au mariage, n’interdit pas les mariages mixtes interethniques; en pareil cas, les enfants peuvent s’identifier comme appartenant à l’ethnie de leur mère ou à celle de leur père. La Constitution et la législation garantissent le droit de propriété individuelle et collective. Le Gouvernement attache de l’importance à la titularisation des terres et l’Administration foncière nationale a mis en œuvre un projet en ce sens pour assurer à tous les Laos le droit de posséder des terres. Aucune discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique n’est exercée dans la délivrance des certificats officiels de propriété foncière. M. Yiapaoheu dit que bien que le droit d’hériter soit garanti par la loi relative à la succession, les traditions en la matière varient d’un groupe ethnique à l’autre et tendent à favoriser les hommes. Afin de remédier à cette situation, le Gouvernement mène une politique de promotion de l’égalité hommes-femmes qui met l’accent sur l’éducation et la sensibilisation de l’opinion à ces questions.

5.S’agissant des droits économiques, sociaux et culturels, le Gouvernement s’efforce de créer des emplois pour améliorer les conditions d’existence du peuple pluriethnique lao. Dans la plupart des grands projets de développement et d’investissement, en particulier dans les provinces, les membres des petits groupes ethniques se voient accorder la priorité en matière d’emploi. Par exemple, le projet d’extraction minière de Xepone emploie 91 % de Laos dont 60 % de membres de groupes ethniques. La loi relative à la promotion et à la protection de la femme dispose qu’il est interdit de contraindre une femme enceinte à accoucher dans la forêt ou un endroit isolé, ainsi que de blesser une femme ou un enfant pour des motifs de superstition ou autres. Le Gouvernement continue de mettre en œuvre sa politique de santé maternelle et infantile pour la période 2011-2015.

6.La Constitution garantit le droit à l’éducation sans distinction de race ou d’origine ethnique et prévoit que l’État crée les conditions pour permettre à tous, en particulier les personnes vivant dans des régions isolées, les membres des groupes ethniques, les femmes et les enfants défavorisés, d’avoir accès à une éducation de qualité. En 2008, le Gouvernement a mis en place un centre d’éducation général chargé de mettre en œuvre des politiques d’éducation et a adopté en 2010 un décret sur la Stratégie nationale d’éducation inclusive visant à garantir une éducation de qualité à tous les groupes ethniques vivant dans des régions reculées au moyen, notamment, de la construction d’écoles primaires et secondaires ou de l’octroi de bourses d’études. En vertu de la Constitution, tous les groupes ethniques ont le droit de protéger, préserver et promouvoir leurs coutumes et cultures. Le Gouvernement accorde une attention particulière à la protection de la culture nationale en encourageant les traditions culturelles ethniques. Le peuple pluriethnique lao a le droit de prendre part à la vie culturelle du pays sans discrimination aucune fondée sur la race et l’origine ethnique. La République démocratique populaire lao n’a adopté aucune loi ni règlement interdisant à une ethnie quelconque l’accès à des lieux et services publics, lesquels sont ouverts à tous sans discrimination. Le Gouvernement a adopté des mesures dans le domaine de l’éducation visant à faire mieux connaître les instruments relatifs aux droits de l’homme, notamment la Convention. Les programmes scolaires du primaire et du secondaire prennent en considération le caractère multiethnique du pays et les coutumes et traditions des différents groupes ethniques. La politique éducative vise à promouvoir le respect et l’entente entre tous les groupes ethniques et à préserver leurs cultures et traditions. Les médias jouent également un rôle important dans la prévention de la discrimination et dans la diffusion d’informations sur les instruments internationaux auxquels l’État est partie auprès de tous les groupes ethniques, particulièrement ceux qui vivent dans des régions isolées ou montagneuses. Des informations sur les droits de l’homme sont également diffusées dans le cadre d’ateliers et de séminaires organisés aux niveaux local et national. La République démocratique populaire lao comprend 49 groupes ethniques classés en quatre grands groupes ethnolinguistiques. Le Gouvernement assure l’égalité et la non-discrimination entre tous les groupes ethniques et respecte le principe de l’égalité de tous devant la loi.

7.L’État a mis en place des stratégies et plans de développement socioéconomiques, grâce auxquels le taux de croissance économique s’est élevé en moyenne à 7 % par an et le revenu par habitant a atteint 1 050 dollars en 2010, alors qu’il était inférieur à 100 dollars en 1970. Le taux de pauvreté a diminué, passant de 49 % en 1990 à environ 25 % en 2009. Le septième plan de développement socioéconomique national (2011-2015) a pour objectif d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement d’ici à 2015, d’éradiquer la pauvreté, de réduire les inégalités entre les populations urbaines et rurales, et de placer les groupes ethniques au cœur des activités de développement afin qu’ils en soient à la fois les participants et les bénéficiaires. L’Assemblée nationale compte 132 membres, dont 25 % sont issus de groupes ethnolinguistiques minoritaires, et son Président est une femme du groupe ethnique hmong. Le Front lao d’édification nationale est chargé de promouvoir la non-discrimination et l’égalité entre les groupes ethniques et de favoriser leur participation au développement national. Les représentants des groupes ethniques sont de plus en plus nombreux à occuper des postes importants au sein du Parti, de l’Assemblée nationale, du Gouvernement et de la magistrature.

8.En 2009, le Gouvernement a adopté un plan de réforme de la justice visant à instaurer l’état de droit d’ici à 2020 et à renforcer l’indépendance du système judiciaire. Dans le cadre de cette réforme, le Ministère de la justice accordera une grande importance aux règles coutumières ethniques et à la justice de terrain.

9.En conclusion, M. Yiapaoheu affirme que les allégations de mauvais traitements et de discrimination envers certains groupes ethniques, en particulier les Hmongs, sont dénuées de fondement et ont été colportées par des groupes malintentionnés qui cherchent à ternir l’image du pays.

10.M. de Gouttes (Rapporteur pour la République démocratique populaire lao) rappelle en préambule que le Comité a adopté plusieurs décisions au titre des mesures d’alerte rapide et de la procédure d’action urgente, au vu notamment des informations faisant état de la persistance de mauvais traitements à l’encontre de la minorité ethnique hmong. Peuplée de 6 440 000 personnes, la République démocratique populaire lao se caractérise par une très grande diversité ethnique (49 groupes ethniques, répartis en quatre grands groupes ethnolinguistiques, le groupe lao-thaï étant largement majoritaire). La population compte 67 % de bouddhistes et 20 % d’animistes, mais aussi des chrétiens, des bahaïstes et des musulmans. Le Rapporteur évoque deux grands problèmes concernant l’État partie: l’intégration des peuples ethniques des zones rurales et montagneuses, ainsi que les politiques de déplacement et de réinstallation de ces peuples, en particulier de la minorité hmong. Notant que lors de l’Examen périodique universel, le Gouvernement a maintenu sa position selon laquelle il n’existe pas dans le pays de groupes ethniques «autochtones» ou «minoritaires», M. de Gouttes invite la délégation à s’expliquer sur cette position et à fournir des précisions sur les conditions de vie des Hmongs dans les centres d’accueil et de transit.

11.Le Code pénal lao et la loi de 2005 sur la garantie des dépôts des plaintes ne répondant pas à toutes les exigences de l’article 4 de la Convention, le Rapporteur demande si l’État partie prévoit de procéder aux réformes nécessaires pour se conformer à cet article. S’agissant du cadre de la protection des droits de l’homme, il exprime des préoccupations concernant notamment la liberté d’expression, la liberté du culte, la liberté de la presse, le problème de la corruption, et les conditions de détention des prisonniers politiques et des détenus toxicomanes. Par ailleurs, il voudrait savoir si l’État envisage de créer une institution nationale des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris et de faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention. M. de Gouttes demande quelles organisations de la société civile ont été consultées lors de l’élaboration du rapport et comment ont été prises en compte leurs observations. Constatant que la définition de la discrimination raciale est encore insuffisante en droit interne, il rappelle que le Comité a recommandé à l’État partie en 2005 d’adopter une définition qui reprenne les éléments de l’article premier de la Convention. Il note que la République démocratique populaire lao a un système dualiste dans lequel les instruments ne sont pas directement applicables et demande si les tribunaux, notamment populaires, peuvent tenir compte des obligations conventionnelles contractées par l’État partie même si une loi interne d’incorporation n’a pas encore été adoptée. Le Code pénal contient deux dispositions qui font référence à la discrimination ethnique mais ces dispositions ne satisfont pas pleinement à l’article 4 de la Convention. En outre, l’article du Code pénal dressant la liste de circonstances aggravantes de la responsabilité pénale n’inclut pas le motif racial. La délégation est invitée à revenir sur les lacunes de la législation lao. M. de Gouttes demande si les peuples et les groupes ethniques concernés sont consultés avant les opérations d’élimination de la culture du pavot, de déplacement et de sédentarisation, et quels sont les problèmes rencontrés à ce jour dans ce domaine. Il souhaite savoir combien de représentants de petits groupes ethniques sont devenus membres du Parti ou d’autres organes de l’État. Constatant que la langue employée devant les tribunaux est le lao mais que ceux qui ne le parlent pas peuvent s’exprimer dans leur langue maternelle, il demande comment sont organisés les services d’interprétation et si la gratuité des interprètes est assurée pour les justiciables les plus démunis.

12.En ce qui concerne les allégations de viols et de sévices sur des femmes hmongs par des membres de l’Armée populaire lao en 2004, l’État partie explique que l’enquête menée n’a permis de réunir aucune preuve et que l’incident s’est révélé être «monté de toutes pièces». Il demande à la délégation de préciser comment s’est déroulée cette enquête, qui sont les trois enquêteurs impartiaux et comment ils ont été désignés. Par ailleurs, il demande à la délégation de plus amples informations sur les allégations d’ONG faisant état d’arrestations arbitraires, de mauvais traitements et de défaut de soins médicaux concernant notamment des détenus hmongs et des prisonniers politiques. Il demande comment le Gouvernement prend en compte les incidences de la politique de réinstallation des peuples des régions montagneuses reculées sur les familles concernées. Il demande si les populations concernées ont été préalablement consultées avant la réalisation des projets d’exploitation minière et de constructions de centrales hydroélectriques et si elles ont pu bénéficier d’une manière ou d’une autre de ces projets. Il voudrait des exemples concrets de cas où des médias ont été interdits pour atteintes aux intérêts de la nation, aux cultures traditionnelles et à la dignité du peuple lao.

13.M. de Gouttes aimerait savoir quelle suite l’État partie a donnée aux recommandations de la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction, Mme Asma Jahangir, qui s’est rendue sur place en novembre 2009. Il demande quel est le bilan du plan stratégique de santé publique d’ici à 2020 et où en est le projet mentionné aux paragraphes 73 et 74 du rapport visant à inclure un nombre accru de personnels médicaux issus des petits groupes ethniques dans les programmes de formation. Étant donné que les données relatives à l’éducation citées dans le rapport remontent à 2005, l’expert aimerait connaître les taux de scolarisation et d’alphabétisation actuels et en savoir plus sur la politique spéciale du Gouvernement en faveur de la promotion de l’enseignement dispensé aux membres des petits groupes ethniques et des habitants des régions isolées. Il apprécierait en outre que la délégation lao fournisse des explications sur l’article 22 de la Constitution de 2003, aux termes duquel «l’État met en œuvre l’éducation primaire obligatoire pour faire de bons citoyens dotés de compétences, de connaissances et d’aptitudes révolutionnaires».

14.M. de Gouttes souhaiterait savoir quel est le nombre de recours adressés à la Commission des affaires ethniques de l’Assemblée nationale, la nature de ces recours ainsi que la suite qui y a été donnée. Il aimerait aussi connaître le rôle joué par les «groupes de médiation» (par. 97) créés en 1997 pour régler les différends concernant les groupes ethniques dans les villages et savoir ce qui explique qu’aucun différend racial ou ethnique n’ait été porté devant les tribunaux en dépit de la très grande diversité ethnique du pays. Il rappelle à cet égard que l’absence de plaintes pour discrimination raciale n’est pas toujours un signe positif et traduit souvent une ineffectivité des recours disponibles, une méconnaissance par les victimes de leurs droits, la peur d’une réprobation sociale ou de représailles, la difficulté à établir la preuve de la discrimination au motif de la race ou de l’origine ethnique, voire un manque de confiance de certains groupes vis-à-vis des autorités de police et de justice. La délégation voudra bien indiquer les mesures prises pour diffuser le texte de la Convention, les rapports périodiques soumis en vertu de la Convention et les observations finales et recommandations formulées par le Comité. Elle indiquera quels programmes de formation aux droits de l’homme et à l’entente interethnique ou interraciale ont été élaborés en faveur des écoliers et des étudiants ainsi que des agents de l’État chargés de l’application des lois (policiers, gendarmes, militaires, magistrats et autres personnels de justice, personnels pénitentiaires, personnels de santé et autres travailleurs sociaux).

15.M. Diaconu estime que l’article 66 du Code pénal, qui punit d’une peine d’emprisonnement quiconque est à l’origine de la division ou de dissension entre les groupes ethniques dans l’intention de saper la solidarité nationale, ne constitue pas une interdiction de la discrimination raciale telle que prévue à l’article 4 de la Convention, puisqu’il ne vise que certains types d’infractions. Il faudrait donc que l’État partie adopte une législation portant interdiction de la discrimination dans tous les domaines. L’expert souhaiterait savoir si les élèves scolarisés dans les «écoles primaires et secondaires ethniques» créées dans toutes les provinces du pays bénéficient d’un enseignement à la fois dans leur langue maternelle et dans la langue officielle, et quels moyens l’État partie met en œuvre pour préserver et promouvoir les cultures, les traditions et les coutumes des groupes ethniques. Enfin, il voudrait savoir si des études d’impact environnemental sont menées avant de lancer certains projets de développement.

16.M. Murillo Martínez demande ce qui explique l’écart considérable entre les taux d’alphabétisation de la population lao (85 %) et du groupe ethnique lue (76 %), qui est encore plus marqué dans l’enseignement supérieur. Il souhaiterait savoir si la création «d’écoles et d’internats ethniques» décrite au paragraphe 11 du rapport s’inscrit dans un projet global d’éducation interculturelle. Il voudrait connaître le budget alloué au plan de développement économique et social national adopté en 2006, censé favoriser les groupes ethniques peu nombreux habitant les zones montagneuses rurales. Enfin, étant donné que la plupart des habitants de l’État partie ne revendiquent pas leur appartenance à un groupe de population donné lors des recensements menés à l’échelle du pays, il serait intéressant de savoir si les résultats obtenus correspondent à la réalité démographique. Il serait aussi intéressant de savoir si le nombre de Hmongs est réellement passé de 400 000 à 100 000 membres depuis 1975 et, partant, si les groupes ethniques minoritaires risquent de diminuer progressivement, voire de s’éteindre, dans l’État partie. La délégation voudra bien indiquer si dans le cadre de sa politique de réinstallation des populations des régions montagneuses reculées dans des villages dotés d’infrastructures, l’État partie a consulté ou non au préalable les membres des groupes ethniques concernés.

17.M me Dah voudrait savoir si la société civile a participé à l’élaboration du rapport et si c’est dans un souci de placer tous les groupes ethniques sur un pied d’égalité que l’État partie n’a reconnu aucune minorité ethnique ni aucun peuple autochtone. Elle souhaiterait en outre savoir quel est le statut des non-ressortissants sur le territoire, et plus précisément s’il s’agit de travailleurs migrants, de demandeurs d’asile, de réfugiés ou d’étudiants. Notant que l’État partie a refusé certaines des recommandations qui lui ont été adressées à l’issue de l’Examen périodique universel au motif qu’il n’a pas les moyens de mettre en œuvre une politique des droits de l’homme conforme aux attentes de la communauté internationale, l’experte fait observer que l’État partie a réalisé des progrès considérables sur les plans économique, social et politique et n’épargne aucun effort pour maintenir un équilibre entre modernisation et tradition, ce qui suppose de faire des choix difficiles parfois. Elle regrette qu’en matière de droit de propriété et de succession, les hommes de certaines ethnies continuent d’être favorisés (par. 59) et demande à la délégation de s’exprimer sur ce point.

18.Mme Dah juge insuffisantes les informations fournies au paragraphe 29 du rapport concernant l’application de l’article 3 de la Convention, étant donné qu’elles ne dressent pas le bilan de la situation dans les divers secteurs où s’exerce le plus souvent la ségrégation, comme le logement. Elle voudrait savoir qui paie les interprètes chargés d’assister les membres de groupes ethniques devant les tribunaux et ce qu’il en est de l’aide juridictionnelle dans l’État partie. Notant avec satisfaction que l’Assemblée nationale est présidée par une femme, l’experte voudrait connaître le nombre d’ambassadrices, de magistrates et de femmes occupant des postes d’officiers dans l’armée. Enfin, elle aimerait savoir ce que sont les «établissements de type non scolaire» mentionnés au paragraphe 85 du rapport.

19.M. Vázquez note que, selon la délégation, les informations reçues par le Comité au sujet des persécutions dont serait victime la minorité hmong étaient dénuées de fondement et visaient à ternir l’image de la République démocratique populaire lao, et voudrait savoir si l’État partie serait disposé à autoriser les organes de protection et de promotion des droits de l’homme de l’ONU à se rendre dans les régions où des membres de la minorité hmong ont trouvé refuge, comme le Comité le lui a recommandé dans ses précédentes observations finales (CERD/C/LAO/CO/15), et s’il envisage d’adresser une invitation permanente aux titulaires de mandat au titre des procédures spéciales afin de donner suite aux recommandations formulées par le Conseil des droits de l’homme à l’issue de l’Examen périodique universel (A/HRC/15/5).

20.M me Crickley demande quelles initiatives ont été prises par l’État partie pour que les mesures spéciales adoptées en faveur des minorités ethniques, notamment l’ouverture d’internats accueillant des enfants appartenant à ces minorités, soient suivies d’effets véritablement positifs et ne conduisent pas à l’assimilation de ces enfants. Elle aimerait savoir si, dans le cadre de l’application de la politique de réinstallation des minorités, les pouvoirs publics ont tenu compte du lien que les communautés concernées entretenaient avec leur lieu d’origine ainsi que de leurs traditions et de leurs croyances, et si le consentement libre et éclairé des intéressés a été préalablement recueilli. Mme Crickley voudrait savoir quelles mesures ont été prises pour lutter contre la discrimination à l’égard des femmes appartenant à une minorité ethnique et pour améliorer leur situation en général. Enfin, il serait intéressant de savoir quelles stratégies l’État partie a adoptées pour intensifier sa collaboration avec les ONG et faire en sorte que même celles dont il désapprouve les prises de position puissent faire entendre leur voix.

21.M. Thornberry souhaiterait de plus amples informations sur le fonctionnement des internats destinés aux enfants appartenant à une minorité ethnique, en particulier les programmes scolaires, les langues dans lesquelles les cours sont dispensés et les compétences du personnel enseignant. Il demande si la diversité ethnique de la population lao se retrouve dans son système éducatif, si l’apport des minorités ethniques est reconnu et valorisé dans l’enseignement et si les minorités ethniques participent à l’élaboration des programmes scolaires. Des précisions seraient utiles sur la façon dont l’histoire nationale, passée et récente, est enseignée. M. Thornberry demande pourquoi l’État partie a adopté une politique de sédentarisation des minorités ethniques nomades et si le consentement des minorités concernées a été préalablement obtenu.

22.M. Kemal voudrait savoir si, depuis le recensement de 2005, les minorités ethniques qui comptaient moins de 1 000 personnes ont vu leur nombre de membres augmenter ou diminuer. Il demande si, au lieu de réinstaller ces minorités dans d’autres régions, le Gouvernement ne pourrait pas les laisser continuer à vivre dans leurs villages et mettre en place des infrastructures pour développer le tourisme dans les régions concernées, ce qui pourrait avoir des retombées bénéfiques non seulement sur la situation des minorités elles-mêmes mais aussi sur l’économie du pays dans son ensemble. Enfin, la délégation voudra bien indiquer comment l’article 66 du Code pénal sur les infractions portant atteinte à la solidarité du peuple est appliqué par les tribunaux et donner son opinion sur le point de savoir si cet article ne risque pas d’être utilisé pour décourager les revendications des minorités ethniques.

23.M. Huang Yong’an rappelle qu’en 2009, le Comité a été saisi d’informations faisant état de violations de la Convention perpétrées contre des Hmongs, à la suite de quoi il a adressé à l’État partie une lettre l’invitant à réagir à ces allégations, ce qu’il a fait l’année suivante. Or, en août 2010, le Comité a adressé une nouvelle lettre à l’État partie afin d’obtenir des renseignements complémentaires, mais celui-ci n’y a pas encore répondu (voir A/64/18, par. 22, et A/65/18, par. 19). Tout en prenant acte des affirmations de la délégation selon lesquelles les allégations susmentionnées sont dénuées de fondement, l’expert prie la délégation de fournir des explications sur la position de l’État partie.

24.M. Amir se félicite de la reprise du dialogue avec l’État partie et souligne que le meilleur moyen pour un pays de contester le bien-fondé d’allégations qu’il estime mensongères est de maintenir le dialogue avec le Comité. Il suggère que le Gouvernement lao invite des experts de l’UNESCO et d’autres organismes des Nations Unies à effectuer une visite dans le pays afin d’examiner la situation des minorités avec objectivité.

La séance est levée à 18 heures.