NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.170915 août 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1709e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le vendredi 5 août 2005, à 15 heures

Président: M. YUTZIS

puis: M. PILLAI

puis: M. YUTZIS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Huitième à seizième rapports périodiques de la Barbade

PROCÉDURE DE SUIVI

Papouasie‑Nouvelle‑Guinée

République démocratique populaire lao

La séance est ouverte à 15 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Huitième à seizième rapports périodiques de la Barbade (CERD/C/452/Add.5; HRI/CORE/1/Add.65/Rev.1)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation barbadienne prend place à la table du Comité.

2.M. CLARKE (Barbade), dit que le Gouvernement et les générations successives de la Barbade n’ont jamais cessé d’œuvrer pour vaincre l’intolérance qui a longtemps caractérisé la vie nationale de son pays. Aujourd’hui, la réputation de pays respectueux des droits de l’homme est l’un des plus précieux atouts de la Barbade, résultat d’une démarche consciente qui a visé à développer une culture de la démocratie, à bâtir des institutions justes et efficaces et à donner aux citoyens les moyens de réaliser pleinement leurs potentialités économiques et créatives.

3.Depuis la présentation du septième rapport périodique de la Barbade en 1988, le Gouvernement a poursuivi ses efforts en considérant que le meilleur moyen de repousser le fléau de la discrimination raciale était de bâtir une société vraiment cohérente reposant sur le développement humain et social, la prospérité économique, la démocratie et l’état de droit. Le 5 juillet 2005, un projet de plan stratégique national pour la période 2005-2025 a été présenté au Parlement. Le premier objectif de ce plan comprend la promotion de la cohésion sociale et d’un sentiment d’identité commun entre toutes les races, toutes les couches sociales et toutes les générations.

4.Si après l’indépendance de 1966, les solides progrès économiques et sociaux du pays se sont inscrits dans un contexte postcolonial marqué par la séparation fréquente des communautés dans la vie et au travail, le Gouvernement et le peuple barbadiens sont aujourd’hui prêts à engager une transformation culturelle à l’échelle de toute la société pour que la Barbade avance dans le nouveau siècle en étant une société pleinement développée. Bien que contraint par des ressources humaines et matérielles limitées, cette transformation essentielle pour l’avenir de la nation est une priorité constante du Gouvernement barbadien.

5.M. WilsoN (Barbade), répondant aux questions d’ordre général adressées à la Barbade par le Comité dans une liste de points à traiter, dit que le Comité constitutionnel, présidé par l’Attorney général, examine actuellement une disposition traitant de la discrimination raciale en général et dans ses formes particulières, afin de protéger les individus contre les actes de discrimination commis par des particuliers. Les résultats de ces travaux n’ont pas encore été rendus publics.

6.S’agissant du remplacement du Comité judiciaire du Conseil privé par la Cour de justice de la Caraïbe en tant que juridiction de dernier ressort, M. Wilson dit que la Barbade a modifié sa Constitution (art. 79B à 79I) et adopté une loi donnant effet à l’Accord instituant la Cour de justice de la Caraïbe, signé le 14 février 2001 à Bridgetown. La Cour est compétente, notamment, pour statuer sur les affaires dont elle est saisie par les tribunaux nationaux des Parties contractantes ou par les Parties elles-mêmes et sur les recours présentés par les particuliers conformément à la loi relative à la Cour de justice de la Caraïbe, et pour rendre des avis concernant l’interprétation et l’application du Traité révisé de Chaguaramas instituant la Communauté des Caraïbes, y compris le marché commun et l’économie de la CARICOM. Les juges et le personnel de la Cour sont nommés par une commission régionale. La Cour est composée d’un président et d’au moins neuf juges. Elle est financée par un fonds indépendant destiné à la préserver de toute ingérence politique. Elle siège à la Trinité‑et‑Tobago mais aussi, si les circonstances le justifient, sur le territoire de toute autre Partie contractante.

7.Par contre, la Barbade n’a pas créé d’institution nationale des droits de l’homme conformément aux Principes de Paris mais plusieurs organes assument des responsabilités spécifiques se rapportant aux obligations internationales dans le domaine des droits de l’homme. Le Ministère des affaires étrangères conseille le Cabinet des ministres et lui fait des recommandations sur les questions relatives aux droits de l’homme; les questions judiciaires et les recours relèvent du Ministère de la justice; le Ministère des affaires étrangères, le Ministère de l’éducation et le Service de l’information de l’état collaborent pour assurer la diffusion de l’information et l’éducation relatives aux droits de l’homme. Le Gouvernement barbadien est conscient qu’il importe de créer une institution nationale des droits de l’homme, mais il manque encore de moyens pour le faire. Il continuera de veiller à ce que les mécanismes existants fonctionnent le mieux possible.

8.Concernant la définition légale de la discrimination raciale, M. Wilson affirme qu’une telle mesure devrait être adoptée dans le cadre du débat en cours sur la législation envisagée pour lutter contre la discrimination.

9.Pour ce qui est des questions concernant l’article 2, s’agissant de la conformité du droit interne aux dispositions et principes de la Convention, M. BELLE (Barbade) dit que le Gouvernement barbadien estime que les concepts fondamentaux de la Convention s’accordent avec les dispositions de la Constitution barbadienne, notamment son chapitre III (Charte des droits). La seule lacune, qui concerne la protection de l’individu contre des actes de discrimination raciale venant de particuliers ou d’entités privées, devrait trouver solution prochainement par l’adoption d’une législation interdisant la discrimination. Cette législation s’imposerait aux particuliers de la même manière que la Constitution s’impose à l’État eu égard à la protection des individus contre la discrimination raciale. En outre, elle donnera effet à l’article 4 b) de la Convention visant à interdire les organisations qui incitent à la discrimination raciale et qui l’encouragent.

10.Mme BEND (Barbade), en ce qui concerne l’application des dispositions de l’article 5 de la Convention tendant à garantir l’égalité de chacun devant la loi, notamment dans l’exercice des droits civils et politiques, dit que la Barbade applique le principe du suffrage universel dès l’âge de 18 ans et que tout citoyen barbadien qui remplit les critères de résidence dans le pays peut être élu au Parlement. S’agissant de la participation à la fonction publique, la Constitution prévoit que les nominations et les révocations dans la fonction publique ne peuvent être influencées par des considérations de race, de couleur ou d’origine nationale ou ethnique. Les droits civils individuels sont protégés par les dispositions énoncées au chapitre III de la Constitution barbadienne.

11.Pour ce qui est d’étendre l’éducation gratuite à tous les enfants outre ceux qui ont la citoyenneté barbadienne ou sont résidents permanents, Mme Bend dit qu’il n’y a pas eu d’évolution à ce sujet car le coût d’une telle mesure serait trop élevé pour l’économie du pays. La question de l’éducation pourrait être abordée au cours des discussions prévues entre la Barbade et les autres pays de la Caraïbe, qui porteront notamment sur la fourniture régionale de services sociaux, dans le cadre du marché unique et de l’économie de la CARICOM.

12.Concernant la représentation des minorités au Parlement et leur participation aux affaires publiques, la représentante indique que la Chambre des députés ne compte actuellement aucun représentant de minorité et que trois membres de la minorité blanche siègent au Sénat. Les minorités représentent 2,1 % des agents de la fonction publique. Les données les plus récentes sur la représentation des minorités dans la vie économique sont celles du recensement de 1990, qui montrent que la part relative des minorités dans les tranches de revenus supérieures est souvent plus élevée que celle des Noirs ou de l’ensemble de la population, ce qui tend à prouver, comme il est affirmé au paragraphe 166 du rapport, que les groupes minoritaires sont souvent privilégiés plutôt que défavorisés dans la société barbadienne.

13.La Barbade adhère au principe de non-discrimination s’agissant des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille et sa Constitution garantit la protection des droits fondamentaux de toutes les personnes résidant dans le pays indépendamment de leur statut. Les contraintes de présentation de rapports et autres liées au respect des obligations découlant des instruments internationaux, pour des pays comme la Barbade, ne permettent pas pour le moment à son gouvernement d’adhérer à la Convention relative aux travailleurs migrants, même si cela n’exclut nullement la possibilité qu’il y adhère à l’avenir.

14.En ce qui concerne la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, la question de l’adhésion à cette convention a fait l’objet de consultations approfondies qui ont duré deux ans et ont débouché sur un document directeur définissant une politique nationale sur les réfugiés et recommandant l’adhésion à la Convention, qui devrait être présenté au Cabinet des ministres pour approbation avant la fin de l’année.

15.M. BELLE (Barbade), concernant les mesures prises pour garantir à chacun la possibilité d’obtenir des tribunaux une réparation juste et adéquate pour tout dommage subi du fait de la discrimination ainsi que les services sociaux et thérapeutiques visant à faciliter la réadaptation des victimes, notamment les victimes de la discrimination raciale, dit que le programme de soutien aux victimes en place depuis 1995 n’est ouvert actuellement qu’aux victimes de crimes violents. Ce programme, qui comprend un soutien psychologique et une assistance judiciaire aux victimes, a été utilisé pour 298 cas en 2002. Le Gouvernement a l’intention de le réviser à une date encore indéterminée, dans le but d’accroître considérablement l’assistance offerte aux victimes. Dans le cadre du projet de plan national pour la justice, la paix et la sécurité, il est prévu d’élargir la gamme des services d’assistance psychologique offerts aux victimes et de revoir la législation pour donner aux tribunaux les moyens d’obliger les délinquants à dédommager les victimes autant que possible.

16.Le Comité pour la réconciliation nationale n’envisage pas pour le moment de créer une commission permanente ayant des compétences quasi judiciaires, pour connaître des violations des droits de l’homme, notamment des violations liées à la discrimination raciale. Il a été considéré qu’il existait déjà un certain nombre de services, de départements et d’initiatives de l’état qui sont chargés de garantir des conditions de vie équitables pour tous.

17.M. WILSON (Barbade) dit que la Haute Cour n’a été saisie d’aucune affaire de discrimination raciale depuis 1994. Une condamnation pour incitation à la haine raciale a cependant été prononcée en 2004 par un tribunal d’instance. Il est possible que l’absence de cas résulte de ce que les victimes ignorent leurs droits. Aussi, nombre de personnes ne se décident pas à agir si elles ne sont pas concernées directement ou agressées physiquement. La plupart des individus préfèrent riposter personnellement en cas d’agression verbale plutôt que de porter l’affaire devant la justice.

18.Rien n’indique toutefois que cette absence de cas soit l’effet d’un manque de confiance dans la police ou d’un manque d’attention ou de réceptivité de la police aux cas de discrimination raciale. La police barbadienne a toujours fait preuve de professionnalisme et d’intégrité dans le traitement des plaintes qu’elle reçoit. Il n’y a pas eu non plus de plaintes contre la police elle-même au titre de la loi de 2004 sur l’Inspection générale des services de police. Dans l’éventualité d’une plainte, la correspondance de l’Inspection générale est transmise au Service de la responsabilité professionnelle qui mène une enquête approfondie et si la plainte apparaît légitime, transmet le dossier pour décision au bureau du Procureur général.

19.Mme BEND (Barbade) dit que le médiateur/ombudsman est chargé d’enquêter sur les allégations dénonçant des mesures administratives irrégulières, arbitraires ou injustifiées et de faire rapport à ce sujet. En vertu de l’article 6 1) de la loi sur l’ombudsman, ce dernier ne peut enquêter sans plainte écrite, à moins que lui‑même ou la Chambre des députés jugent souhaitable d’ouvrir une enquête dans l’intérêt général. Le médiateur peut refuser d’enquêter ou suspendre une enquête s’il estime que la plainte est futile, frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi ou si d’autres recours judiciaires s’offrent au plaignant. Aux fins de son enquête, le médiateur peut interroger tout fonctionnaire, ministre ou individu concerné, y compris le plaignant. En vertu de l’article 13 de la loi, le médiateur communique son rapport au plaignant et justifie sa décision de ne pas enquêter ou d’enquêter partiellement. Que le médiateur enquête de sa propre initiative ou sur décision du Parlement, son rapport est soumis au Parlement. Il est compétent pour connaître des plaintes de discrimination raciale, ses attributions étant limitées car il ne peut connaître que des plaintes intentées contre l’État et ne peut offrir de réparation au plaignant . Il se contente d’établir un rapport dans lequel il établit ou non l’existence d’une injustice. L’État n’est toutefois pas tenu de répondre à ce rapport.

20.Concernant les questions se rapportant à l’application de l’article 7 de la Convention, Mme Bend dit que le Gouvernement barbadien n’a pas pour pratique de communiquer ses rapports officiels à la société civile avant qu’ils n’aient été examinés par le Gouvernement. Plusieurs universitaires ont participé à l’élaboration du rapport à l’examen et vérifié qu’il rendait fidèlement compte de la situation de la Barbade en ce qui concerne le racisme et la discrimination raciale. En outre, la Commission des affaires panafricaines a étudié de manière critique le projet de rapport et proposé des modifications en se faisant l’écho des préoccupations exprimées par les organisations de la société civile.

21.S’il n’existe pas de programme spécifique sur les dispositions de la Convention pour les agents de police, le centre de formation de la police propose des cours sur les droits de l’homme, y compris sur la discrimination raciale. Le Département de l’immigration n’organise aucun programme de sensibilisation à la discrimination raciale. Toutefois, il traite des questions relatives aux droits de l’homme et au traitement des personnes en général dans le cadre de son programme de formation continue.

22.La Convention n’a fait l’objet d’aucune activité de diffusion ces dernières années. Le Ministère des affaires étrangères et du commerce extérieur a inscrit dans son programme de travail pour 2005‑2006 une question concernant la coordination d’un programme de sensibilisation aux droits de l’homme. Les détails du programme restent encore à définir mais il visera principalement à informer l’opinion publique des dispositions de la Convention et des recours qui s’offrent aux victimes de discrimination raciale.

23.M. BELLE (Barbade) dit, à propos du programme pilote mentionné au paragraphe 120 du rapport, que les élèves du primaire et du secondaire suivent un enseignement concernant le patrimoine africain et la citoyenneté dans le cadre de leur programme d’études sociales. La question de la citoyenneté est un élément clef du nouveau programme révisé d’études sociales. L’éducation à la vie familiale est une matière qui est enseignée dans toutes les classes du primaire et dans le premier degré du secondaire. La Barbade participe actuellement à la mise en place d’un projet pilote sur la santé et la vie familiale en collaboration avec le secrétariat de la Communauté des Caraïbes et l’UNICEF. Ce projet triennal sera lancé en septembre 2005 dans les établissements secondaires. L’étude de l’espagnol fait partie intégrante du programme des écoles primaires. Dix‑neuf enseignants hispanophones ayant des liens étroits avec la Barbade vont d’école en école pour faciliter l’apprentissage de la langue. Le programme vise également à sensibiliser les élèves à la culture des pays hispanophones, à promouvoir la diversité et à les préparer à vivre dans une société multilingue.

24.M. Belle indique que le centre des études multiethniques n’a toujours pas été réouvert. Enfin, il indique que la Barbade étudiera la question de la levée de sa réserve à l’article 4 de la Convention dans le cadre de ses travaux sur le projet de loi tendant à interdire la discrimination.

25.M. THORNBERRY (Rapporteur pour la Barbade) se félicite de la reprise du dialogue entre le Comité et l’État partie et remercie la délégation d’avoir répondu de manière détaillée à la liste des points à traiter. Il souligne que dans son rapport périodique comme dans ses réponses, la Barbade décrit avec beaucoup de franchise et de réalisme la situation raciale dans le pays et fait preuve d’un esprit critique louable face à «l’incapacité du pays d’éliminer le racisme», qui est surtout due à «l’inadaptation des moyens utilisés et à la psychologie de tous les acteurs concernés» (par. 7 du rapport). M. Thornberry s’étonne toutefois de la division classique qui est faite tout au long du rapport entre les Blancs et les Noirs et se demande si l’État partie n’aurait pas pu procéder à une classification raciale un peu plus subtile. Parmi les autres points négatifs, il relève qu’aucune référence n’est faite dans le rapport aux droits économiques, sociaux et culturels et demande si ces droits sont consacrés par la Constitution barbadienne. Par ailleurs, il souhaite obtenir un complément d’information sur les attributions de la Commission des affaires panafricaines, sur la nature des activités des organisations non gouvernementales qui, d’après la délégation, ont participé à l’élaboration du rapport à l’examen et sur les résultats des travaux de la Commission instituée en 1998 dans le but de réviser certaines dispositions de la Constitution. Il voudrait également savoir si la Barbade est un pays d’émigration ou d’immigration car le rapport donne des informations contradictoires sur la question. Il souhaite en outre connaître dans les grandes lignes les propositions formulées par la Barbade dans le document officieux qu’elle a présenté à la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée (document évoqué dans la note de bas de page 2). Parmi les points positifs les plus notables, M. Thornberry retient le niveau de vie et le taux d’alphabétisation élevés des Barbadiens par rapport aux autres habitants de la Caraïbe, ce qui signifie que l’ensemble de la population est à même de tirer le meilleur parti des programmes d’éducation dans le domaine des droits de l’homme.

26.M. VALENCIA RODRÍGUEZ note au paragraphe 76 du rapport que les instruments internationaux ne peuvent généralement pas être invoqués directement devant les tribunaux et demande si cela est le cas pour la Convention. Il relève par ailleurs que si la Barbade a adhéré à la plupart des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, elle n’est toujours pas partie à la Convention contre la torture.

27.M. Valencia Rodríguez demande si l’ombudsman est compétent pour connaître des plaintes de discrimination raciale. Il note avec satisfaction qu’un grand nombre d’ONG opèrent à la Barbade et demande si certaines s’occupent tout particulièrement de la lutte contre la discrimination raciale. À cet égard, il voudrait savoir si le Congrès contre le racisme à la Barbade (par. 88 du rapport), qui était chargé de coordonner la participation des ONG de la Barbade à la Conférence de Durban, a entrepris d’autres travaux après la tenue de la Conférence.

28.S’agissant de l’article 4 de la Convention, M. Valencia Rodríguez souligne que l’article 33 de la loi sur l’ordre public ne traite que de l’incitation à la haine raciale et ne satisfait pas aux exigences énoncées à l’alinéa b de l’article 4. Il demande par conséquent à l’État partie d’indiquer s’il envisage d’adopter une loi afin de mieux s’acquitter de ses obligations en la matière. En ce qui concerne l’article 5 de la Convention, M. Valencia Rodríguez se félicite que l’État partie ait créé un système indépendant d’enquête sur les plaintes contre la police, mais voudrait savoir si des plaintes pour mauvais traitement ou violation des droits de l’homme ont été effectivement déposées. D’une manière générale, il aurait souhaité plus de renseignements sur l’application des divers droits énoncés à l’article 5 de la Convention. Il note que les renseignements fournis par la Barbade au sujet de l’article 6 sont également laconiques et demande donc un complément d’information.

29.M. de GOUTTES trouve particulièrement intéressante la première partie du rapport périodique de la Barbade qui contient une analyse remarquable du contexte historique dans lequel s’inscrit la discrimination raciale à la Barbade. Le fait qu’une peur démesurée existe des deux côtés de la fracture sociale (par. 17.1), que l’obsession de l’endogamie persiste chez les Barbadiens blancs (par. 17.4) et que les autorités elles-mêmes considèrent qu’il existe à la Barbade un type de racisme spécifique qu’on peut qualifier de cryptoracisme occulte, insidieux, inconscient, subtil et invisible (par. 18), atteste de la profondeur des stéréotypes dans le pays. En revanche, M. de Gouttes a relevé plusieurs éléments très positifs, comme le niveau de vie remarquable du pays, où le revenu par habitant est le plus élevé de la Caraïbe, et le taux d’alphabétisation est de 98 %.

30.M. de Gouttes souligne en outre que la loi sur l’ordre public (par. 123), qui se borne à incriminer la publication ou la diffusion d’écrits de caractère menaçant, injurieux ou insultants et/ou qui visent à l’incitation à la haine ou puissent être raisonnablement interprétés comme propres à inciter la haine, ne répond sans doute pas entièrement aux exigences de l’article 4 de la Convention. En outre, il s’interroge sur le point de savoir si, comme cela est indiqué au paragraphe 123 1) b, cette législation ne s’applique effectivement qu’aux «groupes de population de la Barbade», ce qui signifierait que les groupes extérieurs au pays seraient exclus du champ d’application de la loi, ou s’il y a un problème de traduction en français.

31.M. de Gouttes demande également à la délégation barbadienne d’indiquer quelles seront les principales orientations de la législation envisagée pour protéger les personnes contre les actes discriminatoires commis par les particuliers et les entités (par. 117) et de préciser la suite qui a été donnée au projet de création de la commission permanente chargée de garder à l’examen et de suivre les progrès réalisés vers l’élimination de la discrimination (par. 188). Il souhaite également avoir des informations plus précises sur les travaux effectués par le Comité pour la réconciliation nationale (par. 187).

32.M. de Gouttes relève qu’au cours des 20 années récentes, la Haute Cour n’a été saisie d’aucune affaire ayant la discrimination raciale comme principal motif (par. 180) même si dans un certain nombre de cas, la discrimination raciale constituait un aspect secondaire de l’affaire. Compte tenu du racisme structurel et endémique à la Barbade, l’absence de données judiciaires sur les actes de racisme est surprenante et il serait utile d’en connaître les raisons.

33.M. de Gouttes lit au paragraphe 85 du rapport que, en vertu de la loi sur l’ombudsman, le médiateur est chargé d’enquêter sur les allégations dénonçant des mesures administratives irrégulières, arbitraires ou injustifiées. Il souhaite savoir si le médiateur peut aussi intervenir dans les cas de discrimination raciale.

34.M. AVTONOMOV se félicite de la reprise du dialogue entre le Comité et l’État partie. Il est frappé par le ton très autocritique du rapport, chose assez inhabituelle, car la plupart du temps les États affirment que le racisme n’existe pas sur leur territoire. Il pense que c’est l’un des meilleurs rapports reçus par le Comité et que les conclusions finales du Comité le concernant devraient en tenir compte.

35. Relevant qu’en 2000, la Chambre d’assemblée et le Sénat ont adopté une résolution tenant compte des recommandations et propositions de la Commission de révision constitutionnelle (par. 111), M. Avtonomov souhaite savoir comment cinq ans plus tard, ces propositions ont été concrétisées. Il souhaite également obtenir davantage de précisions sur les travaux effectués par le Comité pour la réconciliation nationale, créé en 1999 pour faciliter le processus consultatif sur la situation des relations raciales dans le pays (par. 112).

36.M. AMIR souligne avec satisfaction que c’est la première fois que le rapport périodique d’un État partie contient un chapitre répondant aux questions du Comité. Par contre, il est choqué de constater que la mainmise des Blancs sur les postes de rang supérieur des entreprises privées est demeurée pour l’essentiel intacte (par. 11), que les Barbadiens blancs ont toujours une obsession de l’endogamie (par. 18), et que récemment encore, plusieurs clubs étaient réservés aux Blancs. Il est également consterné d’apprendre que ce pays est à l’origine d’un type spécifique de racisme, occulte, insidieux, inconscient, subtil et invisible. Il convient de féliciter les autorités de la Barbade d’avoir eu la franchise, la force et l’honnêteté de le reconnaître.

37.M. Amir dit que le pays a visiblement déployé de nombreux efforts pour remédier à cette situation et créer une société multiraciale harmonieuse. Il souhaite cependant savoir comment les Barbadiens vivent le racisme mentalement et intellectuellement et si l’enseignement des sciences sociales porte également sur les séquelles traumatiques de l’esclavage et l’existence d’un cryptoracisme résiduel.

38.M. KJAERUM qualifie le rapport périodique de la Barbade de très stimulant. Il estime que même s’il est difficile de modifier le cours de l’histoire, le passé influe toujours sur le présent et qu’il faut en analyser les spécificités pour améliorer l’avenir. Il demande à la délégation de préciser la nature des relations actuelles entre la Barbade et le Royaume-Uni et d’indiquer si ces relations peuvent expliquer en partie la ségrégation des communautés.

39.M. Kjaerum rappelle que la question de l’octroi de réparations aux victimes de l’esclavage et de leur indemnisation a largement été évoquée lors de la Conférence mondiale contre le racisme, tenue à Durban en 2001. Il se demande si, en l’espèce, la réconciliation qui constitue un des éléments du processus de construction nationale, ne devrait pas être abordée en tant que réconciliation avec une histoire commune.

40.Le membre du Comité relève également que le médiateur ne peut enquêter que sur les allégations dénonçant des mesures administratives irrégulières alors que bien souvent, la discrimination est le fait d’individus agissant à titre privé. M. Kjaerum demande donc si, en l’absence d’institution nationale des droits de l’homme, les autorités barbadiennes envisagent de modifier le mandat du médiateur afin de lui permettre de protéger tous les droits de l’homme, tant dans le domaine public que privé.

41.M. PILLAI juge le rapport de la Barbade unique en raison de sa sincérité. Il estime que si la volonté politique est nécessaire pour lutter contre l’existence de sociétés raciales hétérogènes et certaines formes visibles ou non de racisme, d’autres mesures, telles que l’encouragement des activités sportives, peuvent aussi constituer un puissant moyen d’intégration des communautés.

42.S’agissant de l’éducation, M. Pillai dit qu’il ressort des statistiques figurant dans le tableau 6 du rapport que dans toutes les minorités vivant à la Barbade, le pourcentage de personnes ayant suivi un enseignement supérieur est plus élevé que celui de la population noire: 38 % des Blancs interrogés ont étudié à l’université, de même que 36,9 % des Arabes, 22,4 % des Indiens, 34,8 % des Chinois et 26,9 % des Métis, alors que ce pourcentage n’est que de 15,7 % pour les Noirs. Il souhaite obtenir des renseignements supplémentaires sur les initiatives prises pour promouvoir les études universitaires ou supérieures parmi les Noirs.

43.M. Pillai note que les statistiques démographiques de la Barbade montrent que son taux de croissance démographique est quasiment nul puisqu’il était de 0,3 % en 2002 (par. 31). Selon certaines sources, cette situation serait due à la politique de planification familiale et au fort taux d’émigration. Il demande à la délégation de donner au Comité davantage d’informations statistiques sur le profil des candidats au départ et de préciser les conséquences de ce phénomène sur la structure déjà hétérogène de la population.

44.M. TANG juge le rapport périodique de la Barbade excellent, notamment pour son analyse de la sociologie des relations raciales aujourd’hui et des spécificités historiques et culturelles nationales. Les autorités se sont visiblement résolument attaquées au problème du racisme endémique dans l’île, mais il constate avec préoccupation que la ségrégation raciale persiste dans de nombreux domaines. Apparemment, il existe des commissions auxquelles seuls les Noirs peuvent participer et d’autres où seuls les Blancs sont admis. En outre, peu de Blancs font partie du Gouvernement barbadien.

45.M. Tang dit que la question se pose donc de savoir quelle race est aujourd’hui le plus en butte à la discrimination dans cet État partie, car si auparavant la discrimination contre les Noirs était le fait des esclavagistes, il semble que la situation se soit inversée aujourd’hui. Il demande donc à la délégation barbadienne d’indiquer les mesures qui ont été prises pour permettre à tous les groupes de population de se faire entendre et d’être représentés dans les organes de l’État.

46.M. Tang souhaite également connaître les moyens dont dispose le médiateur, qui est chargé d’enquêter sur les cas de discrimination commis par l’administration pour contraindre les organismes publics à réagir en cas de refus. Il demande à la délégation de fournir au Comité des exemples concrets d’affaires traitées par le médiateur.

47.M. LINDGREN ALVES se félicite du rapport, en particulier de son introduction qui contient des analyses anthropologiques très intéressantes. Il est toutefois surpris de lire au paragraphe 6 du rapport que le racisme à la Barbade est décrit comme étant «institutionnalisé» et se demande si le terme adéquat ne serait pas plutôt «structurel».

48.M. Lindgren Alves note que lors de la Conférence mondiale contre le racisme, l’État partie a défendu l’idée d’octroyer des réparations aux niveaux national et international aux victimes de la traite transatlantique des esclaves et à leurs descendants dont les réclamations étaient fondées moralement et juridiquement (par. 121 du rapport). Il voudrait savoir, s’agissant de la question délicate des réparations à l’échelon national, qui devrait indemniser qui à la Barbade. En outre, rappelant qu’à la réunion internationale de suivi de la Conférence mondiale contre le racisme organisée en 2002 à la Barbade par des organisations non gouvernementales (par. 117), les représentants avaient décidé que les non-Noirs ne pourraient pas participer à cette réunion (par. 116) − décision souvent citée par la suite comme exemple des effets pervers de la Conférence de Durban −, M. Lindgren Alves souligne que cet incident malheureux a toutefois eu des effets positifs puisque le Gouvernement barbadien a ensuite décidé d’adopter une législation réprimant les actes discriminatoires commis par des particuliers et des entités privées. Enfin, M. Lindgren Alves voudrait savoir pourquoi, dans l’intitulé de cette réunion, l’orthographe «Afrikan» a été choisie et s’il faut y voir un lien avec l’Afrique du Sud.

49.M. HERNDL estime comme M. Thornberry et M. de Gouttes que le paragraphe b) de l’article 33 de la loi sur l’ordre public (par. 123 du rapport) est trop restrictif puisqu’il interdit l’utilisation de termes insultants propres à être interprétés comme de l’incitation à la haine raciale contre une partie de la population seulement. L’article 4 de la Convention a en effet une portée plus large car il vise tout propos insultant à l’égard de quelque groupe de population que ce soit. M. Herndl souhaite que l’État partie réexamine cette disposition de son droit interne à la lumière de ces observations.

50.S’agissant de la réserve à l’article 4 de la Convention formulée par la Barbade au moment de son adhésion à cet instrument, M. Herndl note qu’à l’instar d’autres ex-colonies britanniques, la Barbade a suivi l’exemple de l’ancienne puissance coloniale, laquelle a formulé une telle réserve au motif qu’elle souhaitait préserver la liberté d’expression. L’article 4 de la Convention pose certes le problème du juste équilibre à trouver entre la liberté d’expression et l’interdiction de certains propos mais, s’agissant de l’incitation à la haine raciale, M. Herndl estime indispensable de limiter la liberté d’expression. Ainsi, compte tenu des obligations énoncées à l’article 4 de la Convention et du fait que la Barbade est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont l’article 20 prévoit l’interdiction de tout appel à la haine raciale, et considérant que la réserve à l’article 4 est un vestige de l’ère coloniale, M. Herndl souhaiterait que l’État partie envisage de la retirer.

51.M. TREVOR CLARK (Barbade), répondant à la remarque de M. Pillai sur le rôle du cricket, reconnaît que dans les anciennes colonies britanniques le sport, celui‑là en particulier, peut effectivement être un moyen de rapprocher les peuples. Il en veut pour preuve les matches admirables de cricket organisés entre l’Inde et le Pakistan. Par ailleurs, il est impressionné par la profondeur des analyses et des remarques des membres du Comité et les remercie de leurs propos élogieux concernant le rapport.

52.Le PRÉSIDENT remercie la délégation barbadienne et l’invite à revenir à la séance suivante afin de répondre aux questions du Comité.

PROCÉDURE DE SUIVI (point 7 de l’ordre du jour) (suite)

53.Le PRÉSIDENT invite M. Amir à rendre compte des entretiens qu’il a eus à New York avec les Ambassadeurs de la Papouasie-Nouvelle-Guinée et de la République démocratique populaire lao, pays dont les rapports sont très en retard et dont la situation est examinée par le Comité dans le cadre de la question du suivi.

Papouasie‑Nouvelle‑Guinée

54.M. AMIR dit qu’en ce qui concerne la Papouasie-Nouvelle-Guinée, il s’est appuyé sur l’examen effectué par Mme Dah lors de la session précédente (CERD/C/SR.1695) de la situation dans cet État partie et sur une lettre adressée par le Président du Comité à l’Ambassadeur de la Papouasie‑Nouvelle‑Guinée à New York. À l’occasion d’une visite dans cette ville, il y a rencontré le Chargé d’affaires de l’ambassade de la Papouasie‑Nouvelle‑Guinée, qui a accusé réception de la lettre du Comité et indiqué que l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité étaient saisis de la question des droits de l’homme à Bougainville sans indiquer quel avait été le résultat de leurs délibérations. Il a en outre indiqué que la situation politique dans son pays s’améliorait et que des élections législatives seraient organisées en 2005 afin de former un nouveau gouvernement. S’agissant du retard dans la présentation des rapports périodiques de son pays au Comité, il a estimé qu’une assistance technique du Haut-Commissariat aux droits de l’homme serait souhaitable car son gouvernement manquait de ressources pour les établir. Aussi a‑t‑il suggéré qu’un représentant de la Papouasie‑Nouvelle‑Guinée vienne en faire la demande à Genève lors d’une des sessions du Comité. N’ayant toujours pas reçu de nouvelles à ce sujet, M. Amir propose que le Président du Comité adresse à la Mission de la Papouasie‑Nouvelle‑Guinée une lettre dans laquelle il se féliciterait de la reprise du dialogue et s’enquerrait de la date prévue pour la visite à Genève d’un représentant du Gouvernement de ce pays.

République populaire démocratique lao

55.En ce qui concerne la République démocratique populaire lao, M. Amir indique qu’il a également rencontré l’Ambassadeur de ce pays à New York afin d’aborder avec lui la question des trois hommes appartenant à la minorité hmong qui se trouvent en détention et de savoir si le Gouvernement laotien serait disposé à les libérer. L’Ambassadeur a indiqué que les trois intéressés n’étaient que des criminels au service de la communauté hmong aux États‑Unis d’Amérique dont l’objectif était de déstabiliser le régime en place. Il était hors de question de les libérer car la communauté hmong de l’étranger interpréterait un tel geste comme un signe d’affaiblissement du régime actuel, ce qui encouragerait ses agissements. Ces arguments sont également exposés dans une lettre adressée par la Mission de la République démocratique populaire lao au Président du Comité, dont l’Ambassadeur a remis une copie à M. Amir.

56.Par ailleurs, l’Ambassadeur s’est félicité de l’entretien qu’il a jugé fort instructif et a indiqué à M. Amir, à l’intention du Comité, qu’il appuierait personnellement toute initiative du Comité tendant à inviter le Gouvernement laotien à envoyer un représentant à Genève pour des entretiens avec lui.

La séance est levée à 18 h 5.

-----