CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.174222 mars 2006

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑huitième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1742e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 28 février 2006, à 10 heures

Présidence: M. de GOUTTES

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Neuvième à treizième rapports périodiques d’El Salvador (suite)

La séance est ouverte à 10 h 20.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRéSENTéS PAR LES États parties conformément à l’article 9 de la convention (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Neuvième à treizième rapports périodiques d’El Salvador (CERD/C/471/Add.1); liste des points à traiter par l’état partie (document sans cote distribué en séance, en espagnol seulement)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation salvadorienne reprend place à la table du Comité.

2.M. Meléndez (El Salvador) dit que les populations autochtones sont pleinement reconnues en El Salvador, mais de façon implicite car leur nombre n’a cessé de diminuer depuis l’époque de la colonisation, du fait qu’elles se sont dispersées sur l’ensemble du territoire, et se sont intégrées de façon homogène au reste de la population. De même les us et coutumes des autochtones ont été assimilés globalement par l’ensemble de la population.

3.Par rapport au reste de l’Amérique centrale, la population noire est pratiquement inexistante dans le pays. Cela tient en partie au fait qu’El Salvador, à l’époque de l’esclavage, n’a pas développé la culture de la banane pour laquelle d’autres pays ont fait venir des esclaves du continent africain, mais des cultures comme le café, le coton et la canne à sucre qui employaient une main‑d’œuvre paysanne. Une immigration noire est cependant apparue au cours des dernières années. Ces immigrés, qui travaillent principalement dans le secteur des services et dans les ports, optent généralement pour le maintien de leur nationalité d’origine.

4.Le soulèvement paysan de 1932 et le conflit interne qu’a connu le pays au cours des années 80 n’ont pas été dirigés contre les autochtones. D’après les historiens, le soulèvement de 1932 a été provoqué par l’appauvrissement et la détérioration de la situation économique de la population rurale, à la suite de la crise de 1929 aux états‑Unis qui fit chuter les cours du café, qui constituait à l’époque le principal produit d’exportation salvadorien. La situation a été aggravée par l’attitude idéologique et politique du gouvernement de l’époque à l’égard du mouvement paysan. En ce qui les concerne, les événements de 1980 ne visaient pas directement les populations autochtones, mais résultaient d’une crise politique et idéologique qui touchait tout le pays. Si de graves actes de violence ont été commis, la vérité des faits a été établie par une commission créée sous l’égide de l’ONU. Ce n’est pas telle ou telle partie de la population mais toute la société salvadorienne qui a été touchée, ce qui s’est soldé par un retard de 10 ans à rattraper à partir de la signature des Accords de paix en 1992.

5.Certains instruments internationaux, dont la Convention no 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux, n’ont pas été ratifiés par El Salvador du fait que certains de leurs principes ne sont pas compatibles avec la Constitution, qui devrait être modifiée afin qu’ils puissent être ratifiés. La question de la ratification de ces instruments est étudiée par la commission des lois de l’Assemblée nationale.

6.En ce qui concerne l’éducation prévue pour les migrants et en particulier les enfants, M. Meléndez indique qu’un mémorandum d’accord a été conclu entre El Salvador, le Nicaragua et le Guatemala en vue d’assurer la protection temporaire et la régularisation à l’échéance d’un an des migrants de ces pays qui sont en situation irrégulière dans le pays de destination et souhaitent y rester. Des textes d’application sont en cours d’élaboration en El Salvador pour la mise en œuvre de ces mémorandums d’accord.

7.M. MEJÍA TRABANINO(El Salvador) dit que l’incrimination de l’apartheid s’inscrit dans le cadre de la réforme du titre 19 du Code pénal, qui traite des crimes contre l’humanité. Le comité interinstitutions chargé de cette réforme procède actuellement à une refonte du projet de réforme pour tenir compte de recommandations et d’indications du Comité international de la Croix‑Rouge visant à le rendre conforme aux quatre Conventions de Genève et à leurs protocoles, ainsi qu’à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

8.M. meléndez(el Salvador) dit qu’il n’existe pas de statistiques séparées pour rendre compte de la situation des populations autochtones en El Salvador. D’après le profil des populations autochtones établi en 2001, on sait toutefois qu’elles représentent entre 10 et 12 % de la population totale. Pratiquement aucune politique publique n’est destinée spécifiquement à ces populations. Les politiques dans le domaine de la santé, de l’éducation, du logement ou de l’environnement ont un caractère global et s’adressent à la population dans son ensemble, sans restriction aucune. En ce qui concerne les droits politiques, les autochtones ont les mêmes possibilités que le reste de la population de participer à la vie politique et à la prise des décisions.

9.M. Meléndez affirme qu’il n’est pas exact, comme l’a laissé entendre un membre du Comité, qu’El Salvador n’accorde pas une grande importance à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Comme tout autre état, il est soumis au respect de ses obligations internationales. Les progrès accomplis dans le pays depuis les Accords de paix en matière de démocratie, de respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de lutte contre le racisme et la discrimination raciale témoignent au contraire de l’importance qu’il attache au respect des normes internationales.

10.Répondant à une question concernant le libre accès des populations autochtones à leurs lieux sacrés, M. Meléndez indique que conformément à la loi spéciale de protection du patrimoine culturel, c’est au Conseil national pour la culture et les arts (CONCULTURA) qu’il incombe de garder, protéger et diffuser les sites historiques et culturels de toute nature. Le Conseil a répondu favorablement à toutes les demandes d’accès à des sites sacrés qui lui ont été soumises par des groupes autochtones qui souhaitaient y pratiquer leur religion.

11.M. MEJÍA TRABANINO(El Salvador) cite comme exemple de décisions de la Cour suprême de justice qui ont fait jurisprudence en ce qui concerne les principes d’égalité, de non‑discrimination et d’égalité de la part du législateur, un arrêt du 19 janvier 1999 dans lequel la Cour a estimé que «[d]ans l’ordre juridique salvadorien, la garantie du contenu essentiel des droits constitutionnels est opposable par le titulaire de ces droits non seulement devant le législateur mais à tous les responsables de l’application des lois, ceux‑ci étant soumis non pas seulement à la loi mais également à la Constitution, conformément aux articles 86, 172, 185 et 235 de la Constitution. Il est ainsi affirmé que la soumission de tous les responsables de l’application des lois à la règle de droit, loin de s’entendre comme une simple soumission à la loi, signifie une soumission à la Constitution». En outre, l’article 292 du Code pénal dispose que «[t]out fonctionnaire ou agent de l’autorité publique qui, au motif de la nationalité, de la race, du sexe, de la religion ou de toute autre condition d’une personne, dénie à celle‑ci un quelconque droit individuel reconnu par la Constitution de la République encourt une peine de trois ans d’emprisonnement et la suspension de sa charge ou de ses fonctions officielles».

12.S’agissant des recours offerts aux victimes de discrimination, M. Mejía Trabanino précise que, aux termes de la loi salvadorienne, toute personne se trouvant sur le territoire de l’état salvadorien peut utiliser l’un des recours prévus par la loi afin de garantir l’exercice de ses droits fondamentaux. Dans les conditions prévues par la loi, elle a de plus la possibilité d’engager une procédure d’amparo pour porter à la connaissance de la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice une violation présumée de ses droits fondamentaux par un fonctionnaire, une autorité ou un organisme publics, afin d’obtenir le rétablissement de l’exercice de ses droits.

13.M. CALI TZAY note que, d’après les informations fournies au Comité à la séance précédente, il y a en El Salvador un certain nombre d’autochtones qui ne parlent que leur langue. Ces personnes pourraient avoir besoin d’un traducteur pour certaines démarches. M. Cali Tzay souhaiterait savoir à cet égard si le droit à l’usage de la langue maternelle est protégé par la Constitution. Il souhaiterait également savoir s’il existe des principes constitutionnels relatifs à la liberté de culte et dans quels lieux sont pratiqués les cultes religieux. M. Cali Tzay souhaiterait savoir en outre si une autorisation est également nécessaire pour pratiquer des cultes dans les églises catholiques datant de l’époque coloniale, qui présentent souvent une grande richesse architecturale.

14.M. meléndez(el Salvador) dit que la liberté de culte est garantie par la Constitution. La pratique religieuse, qui ne nécessite pas d’autorisation particulière, n’est soumise à aucune restriction. La langue officielle d’El Salvador est l’espagnol et M. Meléndez croit savoir que la Constitution ne mentionne pas les langues autochtones, ce qui n’empêche que certaines mesures ont été prises pour promouvoir la langue nahuatl. Les accords de paix de 1992 ont marqué un tournant dans le sens d’une plus grande liberté, notamment dans l’expression culturelle, mais il n’existe aucune politique d’aide particulière dans le domaine linguistique.

15.Mmejaime de araujo(El Salvador) indique que toutes les langues autochtones qui existaient en El Salvador sont éteintes à l’exception du nahuatl, qui est encore parlé par 250 familles tout au plus, qui se servent de l’espagnol comme langue de communication.

16.Mme DAH souhaiterait recevoir des indications supplémentaires sur les dispositions qui permettraient de réviser la Constitution, malgré la difficulté d’une telle entreprise, afin d’y inclure certaines dispositions que l’on peut estimer importantes.

17.M. AMIR se demande si les populations autochtones ont diminué par suite d’avoir quitté le pays, en raison d’un déclin démographique et culturel, ou comme cela semble être le cas, à cause de leur intégration définitive dans la population. Il souhaiterait savoir si cela signifie qu’il n’y a plus de minorités en El Salvador.

18.M. ABOUL‑NASR aurait souhaité que la délégation salvadorienne parle davantage des questions foncières, étant donné la place particulière du lien à la terre dans l’identité des populations autochtones. Il souhaiterait savoir si l’état partie reconnaît les populations autochtones en tant que telles et reconnaît tous leurs droits, notamment en ce qui concerne l’utilisation des langues. Il souhaiterait également savoir si, lorsqu’une personne ne connaît pas l’espagnol, l’État paie un interprète pour l’aider. Il souhaiterait en outre recevoir des précisions sur le sens du mot «apartheid» dans la loi salvadorienne.

19.M. PILLAI s’étonne de certaines des explications données par la délégation à propos des langues et des cultures autochtones, qui semblent contredire les informations figurant dans le rapport de l’état partie. Il est indiqué par exemple au paragraphe 151 du rapport que, selon l’article 62 de la Constitution, les langues autochtones parlées sur le territoire national font partie du patrimoine culturel et sont préservées, diffusées et respectées; ou encore au paragraphe 152, que le Conseil national pour la culture et les arts (CONCULTURA) œuvre en faveur de la reconnaissance des peuples et des organisations autochtones salvadoriennes et les aide à sauvegarder et à faire connaître leur culture.

20.M. EWOMSAN demande si la disparition des langues autochtones est liée à une situation de fait ou est le résultat d’une politique assimilationniste délibérée.

21.M. MELÉNDEZ (El Salvador) explique que la propriété foncière en El Salvador est régie par des lois, qu’il existe un registre foncier et que les paysans comme les autochtones ont le droit, comme tout un chacun, d’acquérir des terres et de détenir des titres de propriété, aux conditions fixées par la loi. Au cours des années 80, les terres des haciendas ont été confisquées aux grands propriétaires terriens pour être redistribuées aux agriculteurs − parmi lesquels des autochtones − organisés en coopératives. Cette réforme agraire n’a toutefois pas eu les effets escomptés, les nouvelles grandes entreprises agricoles ayant périclité et revendu leurs terres à leurs propriétaires d’origine. On a donc assisté à un retour à la concentration des propriétés. Actuellement, le Gouvernement déploie néanmoins des efforts pour que les personnes victimes de catastrophes naturelles, notamment de tremblements de terre et d’ouragans, possèdent un petit lopin de terre pour subsister.

22.Le représentant d’El Salvador indique par ailleurs que les règles relatives à la révision de la Constitution sont prévues par la Constitution elle‑même, qui stipule, en son article 148, que tout amendement doit avoir été adopté à la majorité plus une voix de la totalité des députés à l’Assemblée législative. Dans la pratique, il s’agit d’un processus long et difficile, s’étendant en moyenne sur deux législatures. Les dernières modifications qui ont été apportées à la norme suprême concernaient des questions de politique nationale à caractère prioritaire (organisation de l’armée et des partis politiques) dans le contexte du processus de paix consécutif aux Accords de paix de 1992. Aujourd’hui, même si ces sujets sont à l’étude, les modifications constitutionnelles qu’appellerait la ratification de divers instruments internationaux ne suscitent pas un consensus.

23.S’agissant de la composition ethnique de la population, la délégation réaffirme que contrairement aux autres pays d’Amérique centrale qui ont tous une façade atlantique, El Salvador ne compte pas de Noirs. Même l’équipe nationale de football ne compte pas un seul joueur d’origine africaine.

24.Mme DAH (Rapporteur pour El Salvador) fait remarquer que les membres du Comité se montrent insistants sur la question de la présence ou non d’une communauté noire dans l’État partie parce qu’ils ne peuvent se satisfaire de justifications absurdes. Elle aimerait connaître les critères d’appréciation utilisés pour identifier une personne comme appartenant à un peuple autochtone.

25.M. LINDGREN ALVES invite la délégation à prêter davantage attention aux incohérences et aux contradictions qui émaillent le rapport de son pays, notamment concernant la question de la protection des populations et des langues autochtones. Il a du mal à concevoir que deux pays qui se jouxtent comme El Salvador et le Guatemala, dont le rapport a été examiné la veille, puissent avoir des réalités ethniques, démographiques et linguistiques aussi contrastées. Pour sa part, le Guatemala reconnaît désormais qu’il est inconcevable d’envisager le développement sans la reconnaissance et la participation active des autochtones.

26.M. MELÉNDEZ (El Salvador) dit qu’El Salvador est un pays de métissage où il n’y a pas de différence marquée entre les Blancs et les Indiens, mais où certaines traditions, coutumes et techniques artisanales du passé subsistent au sein de petits groupes épars. Force est néanmoins de constater que la population autochtone diminue en nombre depuis l’époque coloniale et qu’aujourd’hui, les communautés autochtones, qui représentent quelque 10 % de la population salvadorienne contre quelque 60 % au Guatemala, sont dispersées sur l’ensemble du territoire et se fondent dans la société; elles ont perdu la plupart de leurs traits caractéristiques, comme la langue et le costume traditionnel.

27.Mme DE ARAUJO (El Salvador) précise que les communautés autochtones qui peuplaient le territoire correspondant à l’actuel El Salvador avant la période coloniale ont toutes disparu pour des raisons naturelles et que les seuls groupes ethniques qui ont survécu depuis l’arrivée des conquistadores espagnols sont les Lencas, les Nahua‑Pipil et les Cacaoperas. Aujourd’hui, à la suite d’un processus intensif d’assimilation culturelle, la population salvadorienne est éminemment métissée et les minorités ethniques sont difficiles à distinguer. Aucun Salvadorien ne peut se targuer de ne pas avoir de sang autochtone.

28.M. MELÉNDEZ (El Salvador) dit que la disparition des langues autochtones ne procède aucunement d’une politique délibérée; elle est le fruit d’une intégration de fait et d’un phénomène d’acculturation naturel. Aujourd’hui, les langues autres que l’espagnol sont en voie d’extinction, à l’exception du nahuatl, encore que cette langue ne soit utilisée que dans les relations à l’intérieur du petit groupe de personnes qui la parlent. En vertu de l’article 62 de la Constitution, qui stipule que les langues autochtones parlées sur le territoire national font partie du patrimoine culturel et sont préservées, diffusées et respectées, le Gouvernement a mis sur pied divers programmes, dont le projet de préservation du nahuatl, qui visent à revitaliser la langue, à renforcer la capacité d’enseignement, à élaborer des matériels didactiques adaptés et à revaloriser la culture autochtone. Ainsi, des cours de nahuatl sont dispensés dans 16 écoles primaires, du 1er au 6e niveau, principalement dans le département de Sonsonate, ce qui a permis à 1 300 enfants de recevoir une instruction dans cette langue entre 1990 et 1992. Les programmes scolaires font également désormais une large place au multiculturalisme et au respect de l’identité et du patrimoine linguistiques et culturels.

29.En ce qui concerne la situation scolaire des enfants migrants en El Salvador, la délégation donne au Comité l’assurance que les écoles de la zone orientale du pays accueillent des élèves venus du Honduras et du Nicaragua dans les mêmes conditions que les enfants salvadoriens et qu’aucun cas de discrimination n’a été signalé à ce jour. Elle rappelle que la Constitution reconnaît l’égalité de tous devant la loi et le droit de chacun de jouir des droits civils sans aucune distinction de nationalité, de race, de sexe ou de religion. En outre, en vertu de l’article 58, aucun établissement d’enseignement ne peut refuser d’admettre des élèves en raison de la nature de l’union de leurs parents ni pour des raisons tenant à des différences sociales, religieuses, raciales ou politiques. Des sanctions, telles que la suspension sans solde de l’enseignant en cause, sont prévues par la loi et sont bien connues du corps enseignant, des élèves et des parents, qui administrent parfois les établissements scolaires en zone rurale.

30.Au nombre des progrès réalisés par El Salvador dans le domaine des droits de l’homme, M. Meléndez mentionne la création du Bureau du Procureur à la défense des droits de l’homme, qui constitue le ministère public avec la Fiscalía general de la República et le Procureur général de la République, conformément aux Accords de paix de 1992. Cette instance permanente, indépendante et dotée d’une personnalité juridique propre et de l’autonomie administrative est chargée de la promotion, de la protection et de l’éducation en matière de droits de l’homme et de la formation des fonctionnaires publics et des membres de la société civile. Les enseignants sont notamment sensibilisés aux droits de l’homme en général, aux droits de l’enfant en particulier et à la culture de la paix dès le stade initial de leur formation et dans le cadre de la formation continue.

31.Répondant aux questions concernant les mesures de discrimination positive prises par le Gouvernement salvadorien en faveur des femmes et des fillettes et les initiatives lancées en matière d’alphabétisation, M. Meléndez indique que l’Institut salvadorien pour la promotion de la femme (ISDEMU), créé en 1996, a pour mission d’exécuter et d’évaluer la politique nationale en faveur de la femme et de veiller à son application, favorisant ainsi la promotion de la femme salvadorienne. En particulier, l’Institut élabore des stratégies de lutte contre les discriminations touchant les femmes et les fillettes. En outre, une campagne de promotion de l’éducation a été organisée par le Ministère de l’éducation afin de lutter contre la discrimination contre les fillettes dans le système scolaire, en particulier les fillettes autochtones. Des efforts sont déployés afin de permettre aux adolescentes enceintes de poursuivre leur cursus scolaire et d’éliminer les pratiques sexistes dans les établissements scolaires. Enfin, quant aux campagnes d’alphabétisation, l’orateur souligne que 52 % des bénéficiaires des programmes publics d’alphabétisation sont des femmes, pour la plupart des autochtones des départements de Sonsonate et San Salvador.

32.Concernant les groupes marginalisés et vulnérables, M. Meléndez indique qu’un conseil national chargé des personnes handicapées a été créé afin d’assurer la mise en œuvre de la politique nationale en faveur de cette catégorie de personnes. Les handicapés eux‑mêmes ont voix au chapitre au sein de cet organe de la même manière que les représentants des pouvoirs publics et du secteur privé qui en sont membres. De façon générale, les associations d’handicapés participent aux débats et à l’élaboration de tous les nouveaux programmes et lois les concernant.

33.Le représentant d’El Salvador dit que tout un ensemble de textes garantit les droits des handicapés, dont la loi sur l’égalité des chances, la politique nationale en faveur des handicapés et le plan d’action s’y rapportant, ainsi que la directive sur l’intégration des handicapés dans le marché du travail. En application d’un plan présidentiel en faveur des handicapés, il est prévu de créer en 2006 une école mixte, qui sera aménagée pour recevoir les élèves handicapés à côté des autres écoliers, et qui servira de modèle pour l’ouverture d’autres écoles de ce type. En outre, 50 commissions interdisciplinaires ont été créées pour prendre en charge les personnes handicapées, notamment les sourds. De 2003 à 2006, des cours d’apprentissage de la langue des signes ont été organisés et 500 personnes y ont participé.

34.S’agissant des personnes vivant avec le VIH/sida, M. Meléndez signale qu’une loi sur la prévention et le contrôle de l’infection par le VIH/sida a été adoptée en 2001 afin de prévenir la propagation du virus, d’établir les obligations des personnes porteuses du VIH et de garantir les droits sociaux et économiques de ces dernières. Divers programmes de sensibilisation ont été lancés afin de mieux informer la population sur le mode de propagation du VIH et les moyens de se protéger. En 2000, un plan global de lutte contre le VIH/sida a été lancé et divers textes normatifs ont été élaborés concernant les personnes vivant avec le VIH/sida. À partir de 2001, plusieurs hôpitaux du pays se sont mis à recourir aux thérapies antirétrovirales et les personnes séropositives ont commencé à être prises en charge par des équipes multidisciplinaires. En 2002, le programme de décentralisation des thérapies antirétrovirales a été lancé et, en 2006, 16 hôpitaux situés dans différentes régions du pays offraient une prise en charge intégrale des personnes vivant avec le VIH/sida.

35.S’agissant des enfants, M. Meléndez dit que l’Institut salvadorien pour le développement global de l’enfant et de l’adolescent (ISNA) n’a pas élaboré d’études portant spécifiquement sur la question de la discrimination contre les enfants. L’Institut s’occupe des enfants victimes notamment de mauvais traitements et d’exploitation, des jeunes toxicomanes et des mineurs en conflit avec la loi. En 2005, d’après ses statistiques 4 911 enfants avaient été victimes de violations de leurs droits. Sur ce chiffre, 13,1 % étaient des enfants des rues, 6,5 % des enfants abandonnés et 4,7 % des victimes de violences sexuelles. Une grande partie de ces enfants faisaient l’objet d’une discrimination sociale.

36.M. CALI TZAY prie la délégation salvadorienne d’indiquer selon quels critères une personne est considérée comme autochtone et par qui ces critères sont fixés. Par ailleurs, il souhaiterait savoir quelles sont les dispositions constitutionnelles qui empêchent l’adhésion d’El Salvador à la Convention no 169 de l’Organisation internationale du Travail (OIT).

37.M. AVTONOMOV demande à la délégation salvadorienne d’indiquer si les formes traditionnelles d’organisation communautaire et le droit coutumier des peuples autochtones sont reconnus, en particulier si les différends entre autochtones peuvent être résolus par des procédures fondées sur la coutume. Enfin, il voudrait savoir si des formes traditionnelles d’utilisation des terres autochtones subsistent parallèlement aux coopératives.

38.M. PILLAI signale que des organisations de la société civile et des groupes de défense des intérêts des communautés autochtones ont fait part au Comité de leurs préoccupations concernant le fait que le Gouvernement salvadorien a signé l’accord de libre‑échange entre les États‑Unis et les pays de l’Amérique centrale et la République dominicaine, qui est susceptible d’entraîner une intensification de l’exploitation des ressources naturelles et, partant, d’affecter considérablement les peuples autochtones vivant dans l’État partie. Il prie la délégation salvadorienne d’indiquer si le Gouvernement salvadorien a tenu compte des incidences possibles de cet accord sur les peuples autochtones.

39.M. KJAERUM prie la délégation salvadorienne d’indiquer si des organisations non gouvernementales ont participé à l’élaboration du rapport de l’État partie. En outre, il souhaiterait de plus amples précisions sur les travaux du Médiateur pour les droits de l’homme et voudrait en particulier savoir s’il a fait des études portant sur la situation des travailleurs migrants.

40.Évoquant le massacre en 1983 de 16 civils appartenant à une association de défense des intérêts des peuples autochtones par des membres des forces armées salvadoriennes, M. Kjaerum aimerait savoir si l’État partie a donné suite aux recommandations formulées par la Commission interaméricaine des droits de l’homme visant à ce qu’une enquête soit ouverte sur cette affaire.

41.M. AMIR, soulignant l’importance qu’a eue la civilisation maya pour les sociétés et la culture occidentales et, de manière générale, pour l’ensemble du monde moderne, prie la délégation salvadorienne d’indiquer si le Ministère de la culture dispose de fonds permettant de soutenir les travaux de recherche menés sur cette civilisation et de préserver la culture des peuples autochtones d’El Salvador, dont les Mayas sont justement les ancêtres.

42.Mme JAIME DE ARAUJO (El Salvador) précise, à l’intention de M. Amir, que le peuple maya a quitté le pays bien avant l’arrivée des colons, probablement à la suite d’une éruption volcanique, et qu’il ne subsiste qu’une seule trace de cette civilisation, le site archéologique de Joya de Serén. Les peuples autochtones qui vivent actuellement dans le pays sont les peuples nahua‑pipil, lenca et cacaopera.

43.Pour ce qui est des critères définitoires de l’appartenance à un peuple autochtone, Mme Jaime de Araujo explique que, pour des raisons historiques, l’appartenance ethnique des individus est bien moins facile à déterminer en El Salvador que dans un pays comme le Guatemala, où les peuples autochtones ont conservé leur culture et leur langue, entre autres, et revendiquent leur appartenance à leur communauté. D’après un document établi à la suite d’une enquête menée pendant près de trois ans par la Banque mondiale en collaboration avec des associations autochtones, les critères suivants ont été cités par les personnes interrogées: leurs origines familiales, leurs racines indiennes, le fait d’être dépositaires de traditions et de coutumes, leurs caractéristiques physiques et la conscience d’être indiens. Ainsi, en El Salvador, sont autochtones ceux qui se définissent comme tels. Cependant, si le seul critère à prendre en compte était l’apparence physique, l’on pourrait dire que les Salvadoriens sont tous des autochtones.

44.L’oratrice ajoute que près de 30 organisations autochtones œuvrent pour la reconnaissance de la culture et des droits des peuples autochtones en El Salvador. Comme la langue nahuatl est en voie de disparition et que seuls 250 adultes la parlent couramment, un programme de revitalisation de cette langue a été élaboré et est exécuté au sein des communautés qui désirent en bénéficier.

45.Enfin, Mme Jaime de Araujo indique que le droit coutumier est appliqué par l’«Alcaldía del Común», sorte de mairie autochtone, et par les conseils des sages des communautés autochtones.

46.M. MELÉNDEZ (El Salvador) dit que son pays n’a pas ratifié la Convention no 169 de l’Organisation internationale du Travail relative aux peuples indigènes et tribaux car le Département juridique du Ministère des affaires étrangères a estimé que l’article 10 de la Convention était contraire au principe de l’égalité juridique consacré dans la Constitution et que les articles 14 et 17 étaient incompatibles avec les articles 2, 11 et 22 de la Constitution relatifs au droit à la propriété. Il est difficile de savoir si les peuples autochtones ont pu faire valoir leurs droits spécifiques dans le cadre de la signature de l’accord de libre‑échange avec les États‑Unis car la plupart des négociations se sont tenues à l’échelon sous‑régional avec d’autres pays d’Amérique centrale. Toutefois, les autorités salvadoriennes ont consulté plusieurs associations de la société civile, y compris autochtones.

47.Le Procureur aux droits de l’homme jouit d’une totale indépendance pour connaître de toutes les questions relatives à la protection et à la promotion des droits de l’homme. Depuis la signature des Accords de paix, en 1992, des progrès notables ont été réalisés dans le domaine des droits de l’homme. Si la guerre civile a fait des milliers de victimes dans les années 80 et si de graves violations des droits de l’homme ont été commises au cours de cette période, toutes les composantes de la population et tous les mouvements politiques ont souhaité qu’une politique de réconciliation nationale et une loi d’amnistie générale soient adoptées. Avec le concours de l’Organisation des Nations Unies, une commission a été mise en place pour faire la lumière sur les événements survenus pendant la guerre civile et comprendre les causes du conflit. Cela étant, les autorités salvadoriennes ont choisi de tourner la page et ne souhaitent pas ressasser les questions liées aux massacres perpétrés pendant le conflit civil.

48.M. Meléndez dit que les autorités salvadoriennes sont parfaitement conscientes de la contribution apportée par la civilisation maya en El Salvador et que tout est mis en œuvre pour préserver et protéger l’héritage maya dans l’intérêt des générations futures. Il fait toutefois observer que, contrairement à ses voisins, El Salvador compte par exemple très peu de vestiges de la culture maya.

49.Le PRÉSIDENT, s’exprimant à titre personnel, appelle l’attention de la délégation sur la recommandation générale XXXI du Comité sur la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale, qui traite précisément de l’adaptation nécessaire de la justice pénale à la situation particulière des peuples autochtones.

50.M. THORNBERRY souligne que la notion d’égalité n’impose pas l’uniformité de traitement, ce qui signifie qu’il est possible d’accorder un traitement préférentiel à tel ou tel groupe tout en s’employant à promouvoir l’égalité entre tous les citoyens. Il regrette à cet égard que l’État partie n’ait pas ratifié la Convention no 169 de l’OIT au motif qu’il refusait d’accorder un traitement spécial aux peuples autochtones. Il fait observer que les organes internationaux relatifs aux droits de l’homme n’ont jamais condamné la pratique d’assimilation des groupes autochtones et que l’assimilation présente beaucoup d’intérêt si elle se fait avec la volonté des groupes concernés.

51.M. AMIR, notant que l’État partie a subi de nombreuses catastrophes naturelles, aimerait savoir quels moyens ont été mis en œuvre par les autorités pour protéger en particulier les peuples autochtones qui vivent dans des zones rurales particulièrement vulnérables.

52.Mme DAH (Rapporteur pour El Salvador) se félicite de la qualité des échanges entre la délégation salvadorienne et le Comité. Elle note que les réponses fournies par la délégation ont permis de lever un certain nombre de contradictions figurant dans le rapport à l’examen. Elle apprécie par ailleurs la volonté clairement exprimée par l’État partie d’assurer ses obligations découlant de la Convention. Tout en tenant compte du fait qu’El Salvador est un petit pays en développement qui se relève d’une longue guerre civile, le Comité engage l’État partie à envisager de prendre en compte toutes les composantes de sa population dans sa Constitution ou ses lois secondaires, à ratifier la Convention no 169 de l’OIT et à renforcer le processus de paix en reconnaissant sa responsabilité dans les massacres et en accordant une réparation morale et matérielle aux ayants droit.

53.M. MELÉNDEZ (El Salvador) dit que les autorités salvadoriennes n’ont jamais adopté de politique spécifique en faveur de tel ou tel groupe car elles pensaient que cela pouvait avoir des effets discriminatoires. Cela étant, aucune politique générale n’a été mise en œuvre contre la volonté d’un groupe quelconque de la société. El Salvador, qui a récemment subi deux tremblements de terre et des cyclones, dispose d’un système national de protection pour toutes les victimes de catastrophe naturelle, indépendamment de leur appartenance ou non à un groupe autochtone. Dans ce domaine encore, l’État partie préfère adopter une approche globale plutôt que spécifique en faveur de tel ou tel groupe.

54.En conclusion, M. Meléndez dit que son pays a conscience qu’il lui reste encore beaucoup à faire pour lutter contre la discrimination raciale, mais il rappelle que cela ne fait pas très longtemps qu’El Salvador est sorti d’une véritable situation de crise. La publication en 2001 d’un document décrivant les principales caractéristiques des peuples autochtones en El Salvador (El perfil de los pueblos indígenas en El Salvador) marque un grand pas en avant et vise à corriger les erreurs du passé en reconnaissant l’existence et l’importance de ces peuples. Enfin, le représentant dit qu’il ne manquera pas de transmettre aux autorités salvadoriennes compétentes les observations et suggestions formulées par les membres du Comité.

55.Le PRÉSIDENT déclare que le Comité a ainsi achevé l’examen des neuvième à treizième rapports périodiques d’El Salvador.

56. La délégation salvadorienne se retire.

La séance est levée à 13 h 5.

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