NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.188722 septembre 2008

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante-treizième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1887e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 6 août 2008, à 10 heures

Présidente: Mme DAH

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Seizième à dix‑huitième rapports périodiques de l’Allemagne(suite)

La séance est ouverte à 10 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Seizième à dix-huitième rapports périodiques de l’Allemagne (CERD/C/DEU/18; HRI/CORE/1/Add.75/Rev.1; liste des points à traiter, document sans cote distribué en séance, en anglais seulement)

1. Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation allemande reprend place à la table du Comité.

2.MmeWITTLING-VOGEL (Allemagne) dit que son pays est parfaitement conscient que l’extrémisme de droite n’est pas un phénomène marginal et qu’il réfléchit à la possibilité de faire figurer le terme «racisme» dans la législation. L’Allemagne ne recueille pas encore de statistiques sur les délits et les crimes à caractère raciste, mais entend mettre en place un cadre qui permettra de recenser tous les actes de cette nature, notamment ceux fondés sur des thèses d’extrême droite.

3.La police recueille des statistiques ventilées par types de délits, comme ceux survenus sur le lieu de travail ou avec coups et blessures, mais pas sur les peines prononcées contre des policiers s’étant rendus coupables de délits racistes dans l’exercice de leurs fonctions.

4.MmeWittling‑Vogel dit que les statistiques concernant les délits commis dans les nouveaux Länder ont par mégarde été omises dans le rapport à l’examen, mais qu’elles seront communiquées au Comité très prochainement. Elle précise que les données statistiques sont recueillies par des systèmes de collecte distincts selon qu’il s’agit des Länder de l’Est ou de l’Ouest.

5.Bien que l’Allemagne fasse la distinction, à des fins statistiques, entre les citoyens et les non‑citoyens, elle a délibérément choisi de ne pas recueillir les données selon l’origine nationale ou ethnique, espérant ainsi éviter que des groupes de population donnés ne soient stigmatisés. La question se pose toutefois de savoir si la collecte de telles données ne permettrait pas d’avoir une idée plus précise de la situation et de déterminer quels groupes sont les plus visés par les crimes de nature raciste et ceux qui en commettent le plus grand nombre. Cette question est à l’examen, mais le Commissaire fédéral chargé de la protection des données se déclare toujours très préoccupé lorsqu’il est envisagé de collecter des données de ce type.

6.Même si elle n’a pas nommé un médiateur exclusivement chargé des droits de l’homme ou chargé un bureau de centraliser les plaintes en la matière, l’Allemagne s’est dotée d’un système de protection auquel peuvent recourir les personnes qui jugent que leurs droits fondamentaux ont été bafoués, reposant notamment sur le bureau de lutte contre la discrimination, le Commissaire à l’intégration et aux migrations, le Commissaire chargé de la protection des données, ou encore le Bureau du Médiateur.

7.Le Commissaire chargé des rapatriés s’occupe des ressortissants allemands rentrés de pays étrangers comme la Russie, tandis que le Commissaire chargé des migrants s’occupe des non‑citoyens, originaires pour la plupart de la Turquie ou de l’ex-République socialiste fédérative de Yougoslavie.

8.L’Allemagne a signé le Protocole 12 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales adoptée par le Conseil de l’Europe mais attend, pour la ratifier, une décision de la Cour européenne de justice qui devrait établir si ledit protocole interdit d’établir une distinction, dans la législation nationale, entre ressortissants et non‑ressortissants, ce que font certaines lois nationales.

9.Mme Wittling-Vogel dit que, bien que les questions religieuses n’entrent pas dans le cadre du mandat du Comité, l’Allemagne a fait figurer dans le rapport des informations sur les traités conclus entre le Gouvernement fédéral et/ou les Länder et les communautés juives, estimant que la question de l’antisémitisme était suffisamment importante pour que de tels renseignements ne soient pas jugés superflus. Elle ajoute que l’État a conclu un concordat avec l’Église catholique romaine, et que certains Länder ont conclu des traités avec l’Église protestante.

10.M. RAUTENBERG (Allemagne) dit que le taux de crimes et délits commis par des extrémistes de droite et l’incidence de la propagande raciste sont effectivement plus élevés dans les nouveaux Länder et qu’à cet égard, la situation est particulièrement préoccupante. Il explique ce phénomène par la résurgence, dès 1989, de mouvements nationalistes et d’extrême droite qui avaient été étouffés sous le régime communiste, et par le fait que les jeunes de ces Länder, désœuvrés et livrés à eux-mêmes à la chute du mur après des années de totalitarisme, ont rapidement adhéré aux thèses extrémistes rendant les étrangers responsables de tous leurs maux. En tant que Procureur de l’État fédéré de Brandebourg, il a systématiquement enregistré tous les actes de violence commis par des extrémistes de droite, en grande majorité perpétrés par de jeunes gens de sexe masculin. Il précise que les autorités judiciaires réagissent désormais rapidement lorsqu’elles ont connaissance qu’un acte de violence a été commis contre un étranger, ce qui n’était pas le cas par le passé, mais il estime néanmoins que la crainte des poursuites ne suffira pas à endiguer le phénomène. Aussi une alliance a-t-elle été créée en 1997 pour lutter contre la violence et l’extrémisme de droite et des activités ont‑elles été mises en œuvre pour changer les mentalités. Il souligne que la situation économique dans les cinq nouveaux Länder est moins favorable que dans le reste du pays et donc que les perspectives de vie meilleure ne se sont pas concrétisées.

11.M. SEITZ (Allemagne) dit que, le Gouvernement allemand a mis sur pied la Conférence permanente allemande sur l’islam dans le but d’instaurer un dialogue durable entre l’État et la communauté musulmane et de favoriser l’intégration sociale de cette population. Il regrette toutefois que l’État n’ait pas pour interlocuteur un représentant unique de la communauté musulmane.

12.La Conférence sur l’islam a mis en place divers groupes de travail dont les travaux ont abouti à plusieurs recommandations, parmi lesquelles figurent celles d’enseigner les principes de l’islam dans les écoles, de construire des mosquées ou encore d’appeler l’attention des médias sur l’interdiction de diffuser des préjugés sur l’islam. Les débats ont abouti également à la conclusion qu’il était crucial de repérer les mouvements radicaux d’extrême droite aussi rapidement que possible afin de pouvoir contrer leur propagande.

13.L’Internet, moyen facile de diffuser des thèses extrémistes, a aussi été au centre des débats. Des centaines de sites Web tendancieux ont d’ailleurs été répertoriés et nombre d’entre eux interdits. Grâce à l’action commune des autorités allemandes, des prestataires de services Internet et des unités spéciales de la police, il a été possible de combattre l’action des organisations d’extrême droite sur Internet. L’opération a donc été couronnée de succès au niveau national, ce qui n’est malheureusement pas le cas au niveau international, l’Allemagne n’ayant aucun moyen de recours contre les sites hébergés à l’étranger. Une initiative de la police criminelle fédérale à laquelle participent une quinzaine de pays devrait toutefois permettre de faire avancer la situation à cet égard.

14.Le plan national d’action contre le racisme n’a pas pour objectif de dresser une liste exhaustive de mesures à prendre dans ce domaine mais plutôt de jeter les bases d’une stratégie reposant notamment sur la prévention du racisme, par le biais de valeurs telles que la tolérance, indispensable à la coexistence des communautés et à la paix sociale. Les parties prenantes n’ont pas toutes adhéré au plan proposé, mais il s’agit là d’un processus en cours, auquel des modifications peuvent encore être apportées.

15.M. KLUMP (Allemagne) dit que le plan national d’action contre le racisme a d’ailleurs été récemment modifié pour tenir compte des critiques formulées par des organisations non gouvernementales (ONG), qui sont étroitement associées à son élaboration. Comme il n’a pas encore été approuvé par le Gouvernement, il n’est pas encore possible de dévoiler précisément l’intégralité de ses dispositions. Cela étant entendu, le plan a pour vocation de renforcer le respect des droits de l’homme et de combattre la discrimination et la violence en mettant notamment l’accent sur la prévention. Une fois approuvé, il sera communiqué au Haut‑Commissariat aux droits de l’homme puis mis en ligne sur Internet afin que chacun puisse en prendre connaissance.

16.M. LAHIRI, prenant acte des explications fournies par la délégation concernant les réticences des autorités allemandes à l’égard de la collecte de données ventilées par groupe ou minorité ethnique, fait toutefois observer que l’État partie devrait disposer de statistiques désagrégées par origine ethnique pour être en mesure de détecter toute discrimination structurelle à l’encontre d’un groupe de la population en particulier et, partant, de reconnaître la nécessité d’adopter des mesures spéciales en faveur du groupe concerné. M. Lahiri juge donc préoccupante l’affirmation de la délégation allemande selon laquelle certaines minorités nationales vivant en Allemagne n’auraient pas besoin d’être protégées en tant que groupe car leurs membres seraient déjà protégés individuellement par la loi, lorsque l’on sait que certains groupes de population comme les travailleurs migrants originaires de Turquie sont défavorisés dans l’accès à certains services, dont la santé et l’éducation. Des mesures spéciales devraient donc être prises afin de corriger les inégalités dont ces personnes sont victimes. À ce propos, M. Lahiri souhaiterait savoir si le système juridique allemand comporte des obstacles empêchant l’État partie de prendre des mesures spéciales en faveur des groupes de population non reconnus en tant que minorités.

17.M. SICILIANOS, faisant observer que l’Allemagne est l’un des rares pays à avoir donné suite à la Déclaration et au Programme d’action de Durban en élaborant un plan national d’action contre le racisme, espère que ce document sera adopté prochainement et que l’État partie y inclura des mesures spéciales en faveur de certaines minorités vivant en Allemagne, en particulier les Roms.

18.Par ailleurs, M. Sicilianos souligne l’importance que revêt pour l’État partie le projet de loi en cours d’élaboration qui a pour objet d’ériger la motivation raciste d’un acte en circonstance aggravante. En effet, les dispositions en vigueur sont vagues et leur application dépend de leur interprétation par les tribunaux nationaux, laquelle peut fluctuer avec le temps. Étant donné le caractère permanent et obligatoire d’une loi, les juridictions seront tenues d’appliquer les nouvelles dispositions, ce qui signifie que la prise en compte des motivations racistes d’un acte ne sera plus tributaire de l’interprétation des juges.

19.Notant avec satisfaction que, d’après les réponses de la délégation, le Bureau chargé de la lutte contre la discrimination est habilité à soumettre des propositions de loi, M. Sicilianos regrette toutefois que cet organe ne présente de rapports que tous les quatre ans et demande si cette périodicité ne pourrait pas être ramenée à deux ans.

20.En ce qui concerne la réponse de la délégation concernant la charge de la preuve, M. Sicilianos fait observer qu’en règle générale, les lois spécifiques adoptées par les États membres de l’Union européenne afin de transposer des directives communautaires dans leur droit interne sont rarement appliquées par les juridictions nationales parce que celles‑ci n’en ont pas connaissance. Les nouvelles dispositions relatives à la charge de la preuve devraient donc être incorporées directement dans le Code de procédure civile, faute de quoi elles risquent de rester lettre morte. D’ailleurs, si la délégation n’a pu citer aucun cas de sa jurisprudence dans ce domaine, c’est probablement parce que les juges allemands ignorent l’existence de ces dispositions.

21.Dans sa décision concernant la communication no 38/2006, intitulée Zentralrat Deutscher Sinti und Roma et consorts c. Allemagne (CERD/C/72/D/38/2006), qu’il a examinée au cours de sa soixante‑douzième session, le Comité n’a pas constaté de violation. Il a toutefois insisté sur le caractère discriminatoire, insultant et diffamatoire des commentaires qu’avait faits le fonctionnaire de police contre lequel les auteurs de la communication avaient porté plainte, ainsi que sur la portée particulière qu’avaient eu de tels propos du fait qu’ils émanaient d’un responsable de l’application des lois (CERD/C/72/D/38/2006, par. 9). Ce faisant, le Comité a demandé implicitement à l’État partie de veiller à ce que de tels incidents ne se reproduisent pas. En conséquence, M. Sicilianos prie la délégation de fournir au Comité des renseignements écrits sur les mesures prises par les autorités compétentes afin d’informer tous les membres des forces de l’ordre que les propos de ce type sont inacceptables.

22.M. DIACONU note que l’Allemagne, comme d’autres pays de l’Europe de l’Ouest, ne reconnaît qu’un nombre très limité de minorités ethniques et que seules ont ce statut les plus petites, soit celles comptant moins de 100 000 membres. Cette situation contraste avec celle qui prévaut dans les pays d’Europe de l’Est, où un grand nombre de minorités sont reconnues quel que soit le nombre de leurs membres. Or, la taille des minorités n’est pas immuable et peut changer radicalement selon l’évolution démographique. En outre, si l’État ne reconnaît pas une minorité nationale ou ethnique en tant que telle, il se prive de la possibilité de connaître son point de vue sur les difficultés qu’elle rencontre en tant que groupe.

23.Les réponses de la délégation allemande montrent que l’État partie continue de considérer les musulmans comme une minorité. Il utilise donc la religion et non l’origine ethnique comme critère. Or, on trouve parmi les musulmans vivant en Allemagne des personnes qui, à part la religion, n’ont aucun point commun et qui ne sont pas assimilables aux Arabes, comme les Turcs et les musulmans de Bosnie. Les Turcs étant très fortement représentés en Allemagne, en particulier à Berlin, M. Diaconu ne comprend pas pourquoi l’État partie ne les reconnaît toujours pas comme une minorité à part entière.

24.Se félicitant de ce que la politique allemande d’intégration, dont fait partie le plan national d’intégration, n’ait pas pour objectif l’assimilation des étrangers, l’expert souligne que l’Allemagne doit faire tout son possible pour protéger la langue et la culture des intéressés. Cela exige notamment l’enseignement de la langue maternelle des communautés concernées, parallèlement à l’enseignement de l’allemand, qui est également indispensable. Il est intéressant de constater que dans le Land de Rhénanie‑Palatinat, la Constitution dispose que les minorités ethniques et linguistiques doivent être respectées. Ainsi, les Länder, de par leur autonomie, peuvent adopter des dispositions offrant aux minorités une protection plus étendue que celle prévue au plan fédéral. Il serait souhaitable que d’autres Länder suivent cet exemple encourageant.

25.La délégation allemande ayant affirmé que l’objectif du Code pénal était de préserver la paix, M. Diaconu voudrait savoir si, pour l’État partie, le maintien de l’ordre public est prioritaire sur la protection des communautés et des individus. Il estime pour sa part que l’ordre de priorité devrait être l’inverse. Enfin, les manifestations organisées par des communautés revendiquant la reconnaissance de leur identité culturelle et les manifestations de groupuscules extrémistes et racistes ne sauraient être traitées de manière identique. Les dispositions de la législation interne réprimant l’incitation à l’agitation publique devraient donc être modifiées à la lumière de l’article 4 de la Convention.

26.M. de GOUTTES note avec satisfaction l’exhaustivité, la précision et la qualité des réponses de la délégation et la volonté manifeste de l’État partie de lutter contre le racisme. En outre, il prend acte des explications fournies par le Procureur général du Brandebourg, sur les causes possibles de la recrudescence des actes à caractère xénophobe et raciste depuis la chute du mur de Berlin. C’est probablement à travers la sensibilisation de la population et l’enseignement des valeurs de tolérance dans les établissements scolaires que les mentalités pourront évoluer. À cet égard, les organisations de la société civile et les organisations religieuses pourraient avoir un rôle essentiel à jouer.

27.Par ailleurs, M. de Gouttes appelle l’attention de la délégation sur le fait que le renversement de la charge de la preuve ne peut exister qu’en matière civile car, au pénal, en vertu du principe de la présomption d’innocence, la charge de la preuve ne saurait incomber au suspect. À ce propos, il voudrait savoir si la législation de l’État partie autorise le «testing» − méthode dont le but est de démontrer l’existence d’une pratique discriminatoire fondée sur la race ou l’origine ethnique, notamment à l’entrée d’établissements publics tels que les discothèques.

28.M. PETER relève que, d’après les explications fournies par la délégation au sujet de l’indemnisation des victimes, la loi sur l’indemnisation des victimes d’actes de violence est clairement discriminatoire car elle établit des distinctions entre les étrangers en fonction de la durée de leur séjour en Allemagne. Or, le montant de l’indemnisation devrait dépendre de la gravité de l’infraction et non du statut de la victime. L’État partie pourrait‑il envisager de modifier ladite loi afin que toutes les victimes d’actes de violence soient traitées sur un pied d’égalité?

29.Par ailleurs, M. Peter relève que la législation allemande comporte des dispositions autorisant le recours à la médiation entre la victime et l’auteur d’une infraction pénale (Täter ‑Opfer ‑ Ausgleich). Il souhaiterait savoir si ce mode de règlement des litiges pourrait être utilisé dans des affaires de racisme, dans des cas où l’auteur de l’infraction est un membre de la police ou encore lorsque la victime est un migrant − c’est‑à‑dire une personne particulièrement vulnérable.

30.M. MENGEL (Allemagne) dit que le plan national d’intégration s’applique aux migrants qui ne sont pas nés ou dont les parents ne sont pas nés en Allemagne, soit environ 20 % de la population immigrée. Le plan est fondé sur la notion d’intégration plutôt que d’assimilation, ce qui signifie que les migrants ne sont pas les seuls à faire des efforts pour s’adapter au pays d’accueil, ce dernier ayant aussi un rôle actif à jouer dans l’insertion des nouveaux arrivants. Bien qu’il n’ait été adopté qu’en juillet 2007, le plan fera l’objet d’un rapport intérimaire d’évaluation, qui devrait être publié en novembre 2008. En ce qui concerne la procédure de naturalisation, les candidats devront répondre, à compter du 1er septembre 2008, à un questionnaire, qui comprendra au total 310 questions mais seulement 33 questions posées de façon aléatoire. Les candidats devront répondre correctement à 17 questions, ce qui ne devrait pas leur poser de grandes difficultés. Il est prévu une préparation d’une soixantaine d’heures pour permettre aux candidats à la naturalisation de réussir aisément le test.

31.Des restrictions de mouvement s’appliquent effectivement aux demandeurs d’asile. En effet, tant qu’une décision n’a pas été prise sur leur statut, ils ne doivent pas quitter le district dans lequel ils ont déposé leur demande, sauf en cas d’urgence. Ces restrictions sont levées dès que le statut de réfugié a été accordé. Il convient de noter que dans 80 % des cas, les décisions sont prises en moins de trois mois, même si des efforts restent à faire pour accélérer encore les procédures d’octroi de l’asile. Les organisations et groupes d’extrême droite font l’objet d’une étroite surveillance par les pouvoirs publics et peuvent être interdits ou dissous. Leur interdiction implique forcément le gel de leurs avoirs. En cas de délit à motivation raciste, les membres des organisations sont tenus individuellement responsables. Pour ce qui est des stages d’intégration qui se trouvent au cœur du dispositif d’intégration mis en place par la nouvelle loi sur l’immigration, ils semblent donner d’excellents résultats et le Gouvernement fédéral leur a consacré pas moins de 150 millions d’euros en 2005. Le rapport intérimaire qui sera présenté en novembre 2008 à la suite de l’évaluation du plan national d’intégration abordera la question de l’efficacité des stages. L’Allemagne applique la Directive de l’Union européenne sur le retour des personnes en situation irrégulière, ce qui signifie que les délais de rétention sont dûment respectés, de même que toutes les garanties de protection.

32.MmeRYBERG (Allemagne) dit que l’intégration est le seul moyen de préserver l’identité et les racines culturelles des migrants. En Allemagne, l’intégration est considérée comme une chance pour les migrants. Dans le cadre de son plan d’intégration, l’Allemagne met l’accent sur l’apprentissage de l’allemand dès le plus jeune âge, car nombre de migrants éprouvent des difficultés à le parler, ce qui ralentit leur intégration économique et sociale. Des études ont montré que 15 % des élèves d’origine étrangère n’utilisent l’allemand qu’à l’école. Cette situation explique que la priorité ne soit pas accordée à l’instruction dans la langue maternelle mais plutôt à l’enseignement de l’allemand. Les jeunes migrants peuvent toutefois suivre les cours organisés dans leur langue maternelle par les différents services consulaires de leur pays.

33.La question du port du voile par les enseignantes musulmanes a suscité des débats houleux en Allemagne. Aucune solution uniforme n’a été trouvée à ce jour à l’échelon fédéral et les Länder sont libres d’adopter leur propre règlement sur la question. Il convient de noter que le port du voile est autorisé pendant la formation des enseignantes musulmanes. De même, il n’existe aucune restriction concernant le port du voile par les élèves musulmanes. Mme Ryberg explique que la présence d’un grand nombre d’enfants d’immigrants dans les classes spécialisées est liée au fait que ceux‑ci ont souvent des difficultés scolaires, qui ne sont pas uniquement dues à leur mauvaise maîtrise de la langue allemande. La décision de placer un enfant dans une classe spécialisée est prise par le personnel enseignant, en étroite collaboration avec les parents.

34.La scolarisation des enfants demandeurs d’asile est obligatoire dans tous les Länder. La délégation ne dispose d’aucune information concernant les allégations selon lesquelles les enfants demandeurs d’asile plus âgés auraient des difficultés à s’inscrire à l’école du fait de leur âge.

35.M. BEHRENS (Allemagne) dit que son pays est très attaché à la liberté d’expression et de la presse et qu’il n’est procédé à aucun contrôle préliminaire avant la publication d’un article ou la diffusion d’information sur Internet. L’article 130 du Code pénal, qui réprime l’infraction d’incitation à l’agitation publique, y compris l’incitation à la haine raciale, est un bon moyen de lutte contre la propagande xénophobe et la propagande d’extrême droite. Tout individu ou groupe qui s’estime victime de propos racistes ou discriminatoires peut saisir le Conseil allemand de la presse, institution qui jouit d’un grand prestige dans le pays et publie des avertissements qui ont un effet fort dissuasif.

36.M. BORNMANN (Allemagne) dit que les délits à motivation raciste sont visés par l’article 130 du Code pénal qui réprime l’incitation à la haine raciale et protège évidemment tous les étrangers, réfugiés et demandeurs d’asile. Par ailleurs, l’article 86 du Code pénal punit la diffusion de moyens de propagande par des organisations anticonstitutionnelles, notamment celles liées au passé nazi de l’Allemagne. Le Bundestag est actuellement saisi d’un projet de loi visant à faire de la motivation raciste une circonstance aggravante même si le pouvoir exécutif a longtemps jugé inutile de faire adopter une loi à cet effet dans la mesure où les juridictions nationales considèrent déjà la motivation raciste comme une circonstance aggravante. Les victimes de racisme peuvent obtenir réparation au titre de la loi sur l’indemnisation des victimes, qui prévoit le versement d’indemnités pécuniaires aux victimes lorsque l’État n’a pas été capable de les protéger. La loi s’applique uniquement aux citoyens allemands, aux ressortissants de l’Union européenne et aux ressortissants de pays qui ont conclu un accord de réciprocité avec l’Allemagne, à savoir les États‑Unis d’Amérique et le Canada. Le montant des indemnisations est le même pour les Allemands et les étrangers, ces derniers devant avoir résidé pendant plus de trois ans sur le territoire pour pouvoir y prétendre, faute de quoi leur indemnisation est réduite. La loi ne prévoit pas l’indemnisation des touristes et des visiteurs. Compte tenu de l’augmentation des délits à motivation raciste, un fonds spécial a été créé en 2000 pour indemniser les victimes. Ainsi, en 2007, 122 demandes ont été adressées au Fonds et 82 victimes ont perçu des indemnités d’un montant allant de 200 à 20 000 euros.

37.M. KLUMP (Allemagne) dit que son pays attache une grande importance à la mise en œuvre effective de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, et participe activement aux préparatifs de la Conférence d’examen de Durban. Depuis la première réunion du Comité préparatoire à Genève en août 2007, l’Allemagne a eu des contacts étroits avec les ONG qui s’occupent des questions liées au racisme et à la xénophobie dans le pays. D’une manière générale, elle n’épargne aucun effort pour favoriser au maximum la participation des ONG aux préparatifs de la Conférence d’examen de Durban.

38.Mme KOEPPEN (Allemagne) dit que le Bureau fédéral de lutte contre la discrimination peut effectuer des études indépendantes sur le thème de la discrimination, du racisme et de la xénophobie et formuler des propositions, y compris législatives, en la matière. Le bureau soumet un rapport aux autorités compétentes tous les quatre ans. Parmi ses activités les plus récentes, le bureau a entrepris d’appuyer les efforts déployés par les médias pour mieux refléter la diversité ethnique du pays. Il s’emploie également à sensibiliser les différents ministères compétents à la question du manque de données et de statistiques fondées sur la race. Cette initiative permettra peut‑être d’améliorer la situation même s’il n’appartient pas au bureau de se prononcer sur l’utilité ou non de recueillir de telles données. Enfin, Mme Koeppen confirme qu’il existe une disposition prévoyant le renversement de la charge de la preuve lorsque la partie lésée ne peut fournir la preuve d’une pratique discriminatoire.

39.M. AMIR se demande si le pouvoir législatif allemand n’a pas un rôle très important à jouer dans l’encadrement juridique de la lutte contre le racisme et la xénophobie. Estimant que la réappropriation d’événements douloureux survenus dans le passé contribue très souvent à modifier en profondeur les comportements des individus, il souhaite obtenir des informations sur le contenu des programmes d’histoire enseignés dans les écoles, les collèges et les universités, et en particulier savoir si les enfants et jeunes allemands connaissent le chapitre hitlérien de leur histoire.

40.M. LINDGREN ALVES se félicite que le Gouvernement fédéral ait pris l’initiative d’organiser une Conférence permanente sur l’islam avec les représentants de la communauté islamique dans le but d’améliorer l’intégration religieuse et sociale de la population musulmane en Allemagne et de prévenir l’islamisme violent. Il accueille également avec satisfaction les explications apportées par la délégation allemande sur les raisons de la recrudescence des mouvements d’extrême droite dans l’ex-République démocratique allemande.

41.M. Lindgren Alves comprend les raisons pour lesquelles l’Allemagne refuse de ventiler les données statistiques selon la race ou l’appartenance ethnique mais estime que les autorités devraient trouver un autre moyen de recenser et protéger les groupes de personnes particulièrement défavorisés, et notamment les personnes d’ascendance africaine vivant en Allemagne qui, selon les ONG, seraient les principales victimes d’agressions et d’actes de discrimination raciale.

42.M. Lindgren Alves souhaite en outre savoir si les anciens membres des organisations extrémistes interdites font l’objet d’une surveillance policière particulière et si des mesures ont été prises pour les empêcher de diffuser leur idéologie par d’autres moyens, notamment via l’Internet.

43.MmeWITTLING-VOGEL (Allemagne) dit que le dialogue très riche et approfondi qui s’est engagé entre sa délégation et le Comité a permis à celle-ci de mieux mesurer l’importance que le Comité accorde à certaines questions. Ainsi, sa délégation comprend l’attention accordée par le Comité à l’amorce d’un dialogue avec les minorités qui rencontrent des problèmes spécifiques. Elle souligne à cet égard que le plan national pour l’intégration, créé en 2007, devrait contribuer à renforcer davantage ce dialogue et permettre la prise en compte des intérêts des étrangers et des migrants au niveau fédéral.

44.Mme Wittling-Vogel a également pris bonne note de l’importance que le Comité attache aux données statistiques ventilées selon la race et l’appartenance ethnique et dit qu’elle transmettra cette préoccupation aux autorités compétentes. De même, elle fera savoir au Ministère de la justice que le Comité considère que la motivation raciste d’un acte délictueux devrait constituer une circonstance aggravante. L’Allemagne veillera en outre à ce que son rapport périodique suivant contienne des informations sur le suivi des plaintes enregistrées par le Conseil central des Sintis et des Roms d’Allemagne.

45.Répondant aux observations de M. Amir, la déléguée dit que la législation ne suffit pas en tant que telle à faire régner la tolérance et à modifier les comportements car il appartient à la société civile tout entière de se mobiliser contre le racisme et la xénophobie et de diffuser les valeurs d’entente et de tolérance. Convaincues que la solution ne peut pas non plus être uniquement d’ordre répressif, les autorités allemandes s’efforcent de susciter un changement des mentalités grâce à la formation aux droits de l’homme et à l’instauration d’un dialogue à long terme avec les communautés. Répondant à la question de M. Lindgren Alves, la déléguée indique que les anciens membres des organisations et autres groupes d’extrême droite interdits ou dissous sont placés sous une surveillance policière régulière ayant notamment pour but de veiller à ce qu’ils ne créent pas des sites racistes sur l’Internet ou de nouvelles organisations politiques extrémistes.

46.M. THORNBERRY (Rapporteur pour l’Allemagne) se félicite de la qualité des réponses de la délégation allemande et des précisions qu’elle a apportées à un certain nombre de points précis. Il rappelle que si le Comité attache autant d’importance aux données statistiques ventilées selon la race et l’appartenance ethnique, c’est parce que celles-ci permettent de révéler l’existence d’une éventuelle discrimination structurelle et d’envisager l’adoption de mesures qui permettraient de l’éliminer. Il comprend que cette question reste délicate en Allemagne et prend bonne note de l’information selon laquelle le Gouvernement fédéral examine la possibilité de se munir de telles données dans un avenir proche.

47.Le Rapporteur se félicite des explications apportées par la délégation allemande au sujet de l’attrait qu’exercent les idéologies racistes sur les jeunes générations ainsi que des éclaircissements intéressants sur les notions d’intégration et d’assimilation des étrangers. Ladélégation allemande a également apporté des précisions très utiles sur la pratique du pays enmatière de droit pénal et l’incorporation dans le droit interne de la Directive européenne2000/43/CE sur le renversement du fardeau de la preuve dans les affaires relatives à des cas de discrimination raciale.

48.M. Thornberry estime que l’Allemagne a pris de nombreuses mesures pour lutter contre le racisme et la xénophobie et façonner une société dynamique éprise de tolérance et de paix. Il espère que le dialogue engagé avec l’État partie jouera un rôle dans la promotion de la compréhension de toutes les questions en jeu.

49.La PRÉSIDENTE se félicite du dialogue franc et très riche qui s’est instauré entre les membres du Comité et la délégation allemande. Elle indique que le Comité a achevé la première partie de l’examen des seizième à dix-huitième rapports périodiques de l’Allemagne.

50.La délégation allemande se retire.

La séance est levée à 13 heures.

-----