Nations Unies

CERD/C/SR.2141

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

5 mars 2012

Original: français

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Quatre-vingtième session

Compte rendu analytique de la 2141 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 22 février 2012, à 15 heures

Président: M. Avtonomov

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Dix-neuvième et vingtième rapports périodiques du Canada

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Dix-neuvième et vingtième rapports périodiques du Canada ( CERD/C/CAN/19-20; CERD/C/CAN/Q/19-20; HRI/CORE/1/Add.91)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation canadienne prend place à la table du Comité.

2.M me Tapley (Canada) dit que le Canada est un pays multiculturel et multiethnique où plus de 200 origines ethniques sont représentées. Plus d’un million de personnes se sont identifiées comme autochtones et plus de 5 millions comme appartenant à une minorité ethnique lors du recensement de 2006. Les trois groupes minoritaires les plus importants sont les Asiatiques du Sud, les Chinois et les Noirs. La Constitution garantit à tous l’égale protection de la loi sans distinction de race, de couleur ou d’origine ethnique. Chaque année, le Canada reçoit environ 250 000 résidents permanents et plus de 200 000 travailleurs temporaires et étudiants étrangers. Il accueille depuis toujours de nombreux ressortissants privés de leurs libertés fondamentales dans leur pays d’origine. Son système d’asile est reconnu mondialement pour son équité et sa générosité, même si des problèmes se posent: les périodes d’attente pour les décisions sont longues et l’arriéré de dossiers est important. En 2013, le pays devrait accueillir quelque 14 500 réfugiés. En 2010, le Canada a décidé d’améliorer le système d’asile en adoptant la loi sur les mesures de réforme équitables concernant les réfugiés. En 2011, il a décidé de renforcer les réformes pour accroître l’intégrité du système d’asile et faire face au problème de la traite des êtres humains. Le Canada est un modèle d’intégration et près de 85 % des nouveaux arrivants acquièrent par la suite la nationalité canadienne. Le pays valorise les traditions des nouveaux citoyens mais insiste pour qu’ils respectent les valeurs fondamentales canadiennes. Chaque année, le Canada consacre 900 millions de dollars à la prestation de services, qui visent à aider les immigrés et les réfugiés à participer pleinement à la vie de la société canadienne. Des partenariats sont mis en place aux niveaux municipal, provincial et fédéral pour répondre aux besoins des nouveaux arrivants dans les domaines de l’emploi, du logement et de la scolarisation.

3.En matière d’emploi, le Canada veille à ce que les nouveaux arrivants puissent exercer leurs droits fondamentaux. Le Gouvernement reconnaît que les immigrés ont plus de mal que les Canadiens à trouver un emploi et a entrepris de remédier à cette situation par le biais du Cadre pancanadien d’évaluation et de reconnaissance des qualifications professionnelles acquises à l’étranger dont l’objectif est de veiller à ce que la formation, les compétences et l’expérience professionnelle des immigrés soient reconnues. La loi fédérale sur l’équité en matière d’emploi vise à lever les obstacles rencontrés en matière d’emploi par quatre groupes cibles: les femmes, les autochtones, les personnes handicapées et les minorités dites «visibles» qui, ensemble, forment au moins 60 % de la main-d’œuvre canadienne. Mme Tapley précise à cet égard que l’expression «minorités visibles» est propre à la loi sur l’équité en matière d’emploi et désigne les groupes spécifiques bénéficiant de mesures spéciales pour avoir accès au marché de d’emploi. Elle rappelle que dans ses observations finales de 2007, le Comité s’était alarmé de l’emploi de cette expression mais après examen de la question, le Gouvernement canadien estime que cet emploi est justifié en l’espèce.

4.Mme Tapley dit que les lois fédérales, provinciales et territoriales canadiennes interdisent la discrimination fondée sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur ou d’autres motifs et que tous les Canadiens bénéficient d’un accès à la justice grâce à une gamme complète d’initiatives, de programmes et de mesures spéciales, tels que l’aide juridictionnelle, civile et pénale, les programmes spéciaux d’aide juridique à l’intention des autochtones et le financement par l’État de services d’avocat. La représentante rappelle que les Premières nations, les Inuits et les Métis font partie intégrante de l’histoire du Canada même si l’État a parfois eu des relations houleuses avec les peuples autochtones. Une série de politiques publiques néfastes et mal conçues ont ébranlé la confiance des autochtones mais le Canada a décidé d’y remédier en prenant plusieurs mesures, notamment l’abrogation de la loi empêchant les Indiens enregistrés de voter aux élections fédérales. En juin 2008, le Premier Ministre a présenté les excuses du Gouvernement canadien aux anciens élèves placés dans des pensionnats indiens et à leur famille. Les victimes ont par la suite été indemnisées et une Commission de témoignage et de réconciliation a été établie. En août 2010, le Gouvernement a présenté des excuses aux Inuits pour les avoir déplacés, dans les années 1950, dans le Grand Nord. Il s’agit là encore d’un chapitre noir dans l’histoire du Canada mais le pays est déterminé à reconstruire sa relation avec les Inuits. Le Canada a approuvé la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones en novembre 2010. En juin 2011, le Gouvernement canadien et l’Assemblée des Premières nations ont annoncé la mise en œuvre d’unplan d’action commun Canada-Premières nations visant à améliorer la prospérité à long terme des Premières nations. En janvier 2012, des représentants de la Couronne et des Premières nations ont examiné les moyens de faire participer les peuples autochtones davantage à la vie sociale et économique et d’améliorer les conditions de vie des communautés ethniques. Pour suivre les progrès réalisés en la matière, le Canada et l’Assemblée des Premières nations ont décidé de publier un rapport intérimaire avant la fin de l’année et de prendre des mesures immédiates pour lever les obstacles que rencontrent les Premières nations en matière de gouvernance, procéder au règlement des revendications territoriales et accélérer les réformes éducatives. Le Gouvernement canadien alloue plus de 10 milliards de dollars chaque année aux programmes que 34 ministères et organismes fédéraux mènent en faveur des peuples autochtones dans les domaines économique, de l’éducation, de la santé, du logement, du travail et de la gouvernance.

5.Le Gouvernement canadien est convaincu que la participation accrue au marché de l’emploi et à l’économie canadienne est fondamentale pour remédier aux problèmes socioéconomiques que rencontrent de nombreux autochtones, en particulier les jeunes, et pour favoriser la prospérité économique du pays. Le Canada reconnaît que le nombre élevé d’enfants autochtones actuellement placés en institution est préoccupant et œuvre avec les Première nations et des partenaires provinciaux pour que les services de protection sociale des enfants vivant dans des réserves s’inspirent d’une approche axée sur la prévention.

6.Le Canada continue de soutenir les revendications territoriales des autochtones et de conclure des accords d’autonomie avec les communautés autochtones pour leur permettre de mieux gérer leurs affaires. À ce jour, 25 accords de ce type ont été négociés avec 96 communautés. En outre, le Gouvernement canadien participe aux négociations concernant 60 revendications territoriales. En janvier 2012, le Gouvernement a indiqué que des avancées avaient été enregistrées en matière d’administration des terres des Premières nations. L’ajout de 18 communautés au régime de gestion des terres des Premières nations signifie que désormais, plus de 50 d’entre elles jouissent d’une meilleure autonomie et d’une plus grande liberté dans la gestion des terres situées dans les réserves.

7.Mme Tapley dit que la loi canadienne sur les droits de la personne a été modifiée pour habiliter la Commission des droits de la personne à recevoir des plaintes relatives à des questions relevant de la loi sur les Indiens. Entrée en vigueur en 2011, la loi sur l’équité entre les sexes relativement à l’inscription au registre des Indiens donne le droit aux descendants d’une femme ayant perdu son statut de femme des Premières nations après avoir épousé un homme non indien de s’inscrire au registre des Indiens, ce qui concerne environ 45 000 personnes. Le projet de loi sur les foyers familiaux dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux devrait permettre de combler les lacunes législatives dans ce domaine pour les personnes vivant dans les réserves, surtout les femmes et les enfants. Le projet de loi sur les élections et le projet de loi sur la transparence des opérations financières visent à renforcer les institutions démocratiques et à accroître la transparence en ce qui concerne l’élection des chefs des Premières nations.

8.M. Kemal (Rapporteur pour le Canada) lit dans le rapport à l’examen qu’un grand nombre de tableaux statistiques sont consultables sur un site Web de l’État mais fait remarquer qu’il est difficile d’accéder à Internet dans certaines régions et que des statistiques devraient être incluses dans le prochain rapport. Il se félicite que l’État partie ait fourni des informations très détaillées au sujet des mécanismes interprovinciaux d’échanges d’informations sur les lois et politiques relatives à la lutte contre le racisme. Il invite la délégation canadienne à revenir sur la question de l’emploi de l’expression «minorités visibles» et fait remarquer que l’Experte indépendante sur les questions relatives aux minorités a indiqué, après sa mission au Canada en 2009, que certaines minorités canadiennes, notamment les personnes d’ascendance africaine, estimaient que l’expression «minorités visibles» constituait un déni de leur identité.

9.Répondant à une recommandation du Comité ayant trait au profilage racial, l’État partie a indiqué qu’il ne souhaitait pas modifier la loi antiterroriste pour y inclure une clause expresse contre la discrimination, que sa législation sur la sécurité n’était pas discriminatoire et qu’il ne pratiquait pas le profilage racial. M. Kemal constate toutefois que d’après des ONG, les personnes issues des Premières nations et les personnes d’ascendance africaine seraient victimes de profilage racial et de discrimination, notamment dans le système judiciaire, et demande à la délégation de donner un avis sur la question. Notant que la question des effets discriminatoires de la loi sur les Indiens sur les droits des femmes et des enfants autochtones en matière de mariage, de choix du conjoint, de possession de biens et d’héritage n’aurait, selon des représentants autochtones, pas encore été réglée, il demande à la délégation de lui fournir des renseignements à ce sujet. Il note que le rapport ne contient aucune information sur la recommandation faite par le Comité d’empêcher les sociétés transnationales immatriculées au Canada d’opérer d’une manière préjudiciable à l’exercice de leurs droits par les peuples autochtones dans des territoires situés hors du Canada, et demande quelles mesures ont été prises pour empêcher des sociétés telles que Goldcorp et Barrick Gold de mener des activités sur des terres tribales sans avoir obtenu l’accord des peuples autochtones concernés.

10.S’agissant de la prévention de la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système judiciaire pénal, ainsi que de la discrimination contre les non‑ressortissants, le Rapporteur note que l’État partie a adopté des mesures pour combattre toute approche discriminatoire de l’application des lois par les forces de l’ordre et demande si ces mesures sont effectivement appliquées et si elles ont permis d’atteindre les objectifs visés. Il se dit préoccupé par le taux élevé d’autochtones détenus, par exemple dans la province de Saskatchewan, où 70 à 80 % des détenus sont autochtones. De même, la population afro-canadienne ne représente que 2,5 % de la population du pays, alors qu’elle constitue 10 % de la population carcérale. Il demande quelles sont les causes de cette surreprésentation et quelles sont les alternatives à l’emprisonnement mises en place par l’État partie. Il demande si l’État partie a prévu un financement suffisant pour le programme de lutte contre la violence sexuelle et sexiste et si ce programme est efficace. Il insiste sur la nécessité d’accroître le nombre de refuges pour les victimes de cette violence et de renforcer les programmes de formation et de sensibilisation à l’intention des forces de l’ordre.

11.M. Kemal est préoccupé par les coupures budgétaires opérées dans le secteur de l’assistance aux autochtones, alors même que certains peuples autochtones connaissent de graves problèmes d’accès à l’eau potable, de logement, d’éducation et de protection sociale. Le Canada a investi plus de 2,5 milliards de dollars dans l’amélioration de la qualité de l’eau, mais plus de la moitié des systèmes d’eau potable dans les réserves autochtones présentent des risques pour la santé. S’agissant des négociations qui ont lieu entre le Gouvernement fédéral et les communautés autochtones, nombre de communautés prétendent que les traités conclus ne sont pas respectés. Il demande des précisions à ce sujet, notamment sur les moyens dont disposent les communautés pour faire valoir leurs droits devant les tribunaux. En conclusion, il constate que le plus grand défi auquel le Canada doit faire face est de combler l’écart qui se creuse entre les nantis et les démunis, parmi lesquels on compte de nombreux autochtones et membres de «minorités visibles».

12.M. Murillo Martí nez fait remarquer que le document de base concernant le Canada date de 1998 et qu’il devrait dont être actualisé. Rappelant que l’on célèbre en 2012 le bicentenaire de l’arrivée au Canada des personnes d’ascendance africaine, il demande à la délégation de revenir sur cette page de l’histoire, sur la participation des personnes d’ascendance africaine aux manifestations du bicentenaire et sur les mesures politiques et budgétaires prises par le Gouvernement à cette occasion. Il demande à la délégation de préciser quels sont les groupes qui appartiennent à la catégorie des «minorités visibles». Préoccupé par le nombre disproportionné de personnes d’ascendance africaine dans le système carcéral, il demande si l’État partie dispose de chiffres à ce sujet, s’il a analysé les causes de ce phénomène et si le profilage racial pourrait être une de ces causes, comme l’ont affirmé certaines ONG.

13.M. Murillo Martínez demande un complément d’information sur l’éventuelle abrogation ou modification de l’article 13 de la loi canadienne sur les droits de la personne. Il faudrait en outre indiquer quelle part du budget est allouée à la formation et à la sensibilisation des juges et des procureurs aux problèmes des personnes d’ascendance africaine. En outre, les informations faisant état d’enfants immigrés séparés de leurs parents, suite à l’expulsion de ces derniers vers leur pays d’origine, appellent un complément d’information. Enfin, l’expert demande si l’État partie a envisagé d’instaurer des mécanismes d’autorégulation ou d’élaborer un code de conduite concernant les entreprises multinationales, dont les activités peuvent porter atteinte aux droits des peuples autochtones et autres groupes vulnérables.

14.M. Amir, souhaite en savoir plus sur l’article 35 1) de la loi sur les Indiens. Il croit comprendre que l’État estime être le détenteur légal des terres occupées par les autochtones et s’arroge le droit de les exproprier si l’intérêt général le justifie. Il aimerait savoir sur quel fondement juridique repose cet état de fait, car il semblerait que les droits constitutionnels reconnus aux nations indiennes ne soient pas réellement reflétés dans les traités relatifs à la jouissance des territoires autochtones. Il engage l’État partie à renforcer les droits des autochtones sur les terres qui leur appartiennent légitimement, afin de ne pas compromettre leur souveraineté territoriale.

15.M. Diaconu rend hommageau multiculturalisme canadien, mais souligne qu’il existe une discrimination structurelle historique à l’égard des peuples autochtones, à laquelle il est urgent de remédier en prenant des mesures correctives plus poussées. La question de la jouissance de leurs terres par les autochtones pose également un problème car les «droits issus de traités» définis à l’article 35 de la Loi constitutionnelle sur les droits des peuples autochtones peuvent être contournés par les gouverneurs locaux. L’État partie ne doit ménager aucun effort pour renforcer la protection des peuples autochtones et favoriser le dialogue avec ses représentants. Il estime que le Gouvernement fédéral doit s’impliquer davantage dans la gestion des affaires des provinces pour veiller à ce que celles-ci respectent les droits des populations autochtones, en prenant les mesures législatives et administratives nécessaires.

16.M. Diaconu note avec préoccupation que les enfants des familles autochtones pauvres sont parfois retirés de la garde de leurs parents et placés en institution, et invite l’État partie à renoncer à cette pratique au profit d’autres mesures, éducatives notamment, et à donner aux familles les moyens financiers nécessaires pour scolariser leurs enfants. Il demande pourquoi le Canada ne souhaite pas recevoir le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones et le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée. Il aimerait que la délégation explique pourquoi le statut de réfugié est désormais refusé aux Roms. Il demande en outre si l’éducation bilingue est assurée dans des langues des populations allophones et en quoi consistent précisément les mesures spéciales accordées aux minorités visibles. Il aimerait savoir ce qu’il faut entendre par l’incitation à la haine […] «susceptible d’entraîner une violation de la paix et la fomentation volontaire de la haine» (par. 81 du rapport) et par l’expression «fait de communiquer de façon itérative» (art. 13 de la loi sur les droits de la personne).

17.Faisant référence au paragraphe 90 du rapport, l’expert demande pourquoi l’intention coupable (mens rea) d’une personne participant aux activités d’une organisation raciste doit être prouvée dans la mesure où les objectifs mêmes de l’organisation sont condamnables. Enfin, sachant que le Canada a promu l’adoption de la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, M. Diaconu estime que l’État partie devrait mieux protéger les ressources génétiques et les savoirs traditionnels des peuples autochtones face aux sociétés multinationales, tout en tenant compte des exigences du Protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation relatif à la Convention sur la diversité biologique.

18.M. Thornberry,rappelant que le Canada a appuyé l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, demande s’il a élaboré un plan d’action visant à donner effet aux droits qui y sont reconnus et si la déclaration pourrait servir de fondement à une décision de justice. Il demande si l’État partie a mis en place un mécanisme de contrôle visant à garantir le respect des droits des peuples autochtones consacrés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle sur les droits des peuples autochtones. Il demande si l’État partie a tenu compte dans ses stratégies de réduction de la pauvreté de la corrélation évidente entre la pauvreté des peuples autochtones et la dépossession de leurs terres ancestrales et la perte de leur culture. Il se félicite que le Gouvernement canadien ait renoncé à l’approche «reddition, cession et abandon» en matière de titres fonciers autochtones, au profit de méthodes plus respectueuses, mais constate que la situation reste préoccupante, comme l’illustre l’exemple de la Colombie britannique, où la conclusion d’un accord final dans le cadre de la politique sur les revendications globales est subordonnée à l’abandon par les peuples autochtones de leurs droits fonciers. Il aimerait des commentaires à ce sujet. Il s’inquiète des effets que l’accord de libre-échange conclu entre le Canada et la Colombie dans le secteur minier pourrait avoir sur les peuples autochtones et invite la délégation à apporter un complément d’information à ce sujet.

19.M. Thornberry aimerait avoir l’avis de la délégation sur les raisons du fort taux d’abandon scolaire et de déscolarisation des Afro-Canadiens et demande davantage de renseignements sur la création d’une école afro-centrique (Afrocentric school) à Toronto, destinée à accueillir les élèves Noirs en difficulté scolaire. Selon certaines sources, une telle mesure serait révélatrice d’un dysfonctionnement du système scolaire classique. Par ailleurs, il demande s’il est vrai que les femmes musulmanes doivent désormais retirer leur niqab lors de lacérémonie d’assermentation pour l’obtention de la nationalité canadienne. Enfin, il aimerait des informations actualisées sur la modification de l’article 13 de la loi canadienne sur les droits de la personne, en particulier sur la définition de la «haine» et du «mépris» (par. 85 du rapport).

20.M me Crickleyconstate qu’un nombre élevé de femmes amérindiennes se trouvent en prison et aimerait avoir des précisions sur la nature des délits commis et la durée des peines, notamment par rapport à la situation des autres femmes détenues. Elle demande également si le Gouvernement canadien aide les communautés autochtones qui cherchent à ce que justice soit faite dans les affaires concernant des assassinats ou des disparitions de femmes appartenant à leur communauté. Mme Crickley est préoccupée par la situation des travailleuses migrantes et des travailleuses appartenant à des minorités et demande si le Canada envisage de ratifier la Convention no 189 de l’OIT sur les travailleurs et travailleuses domestiques.

21.S’agissant des enfants amérindiens ou autochtones qui ont été retirés à leur famille et donnés à l’adoption, elle demande quelles sont les mesures prises par le Canada pour que la situation ne se reproduise pas à l’avenir. Elle s’inquiète des propos discriminatoires tenus par des personnalités politiques à l’égard des Roms et aimerait savoir s’ils ont eu une incidence sur les procédures d’asile engagées par les membres de cette communauté. Elle demande quand le prochain plan d’action contre le racisme sera mis en œuvre, le précédent ayant pris fin en 2010. Elle estime que l’expression «minorités visibles» ne permet pas d’établir de distinction entre les communautés et que certaines minorités, comme les personnes d’ascendance africaine, qui se heurtent à une forme de discrimination particulière, doivent faire l’objet de mesures spécifiques.

22.M. Calí T zay évoque le phénomène caché de discrimination par omission qui s’exerce à l’encontre des femmes, des autochtones et d’autres groupes. Il se dit très surpris par le refus systématique du Canada de reconnaître les droits des peuples autochtones à l’Assemblée générale des Nations Unies, mais se réjouit qu’il ait adopté la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Il est également préoccupé par la situation inégalitaire des peuples autochtones au Canada, qui occuperaient la soixante-sixième place de l’indice du développement humain s’ils étaient classés à part, alors que le Canada se trouve à la sixième place. Si la législation canadienne a une incidence sur les droits des peuples autochtones, ces derniers ne participent apparemment pas à son élaboration. À cet égard, M. Calí Tzay aimerait obtenir des précisions sur la loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux, la législation relative aux femmes et la législation relative aux droits fonciers et à l’eau, pour lesquelles les peuples autochtones n’ont pas été consultés. Les représentants des Premières nations affirment que le Gouvernement ne négocie pas avec eux mais leur impose un processus unilatéral, notamment lorsqu’il s’agit de la reconnaissance des droits fonciers ou de l’autodétermination. L’expert voudrait connaître les effets de l’action de la Commission de vérité et de réconciliation sur la société canadienne et souligne que l’État canadien ne doit pas seulement demander pardon, mais prévoir aussi des réparations d’ordre économique, psychologique et social pour les victimes et les générations suivantes, qui souffrent des conséquences de la politique menée.

23.M. Saidou constate, à la lecture du rapport, que de nombreuses initiatives ont été prises en faveur des femmes autochtones et des femmes d’origine africaine, mais estime qu’elles sont éparses et ne s’inscrivent pas dans un programme fédéral qui permettrait d’uniformiser toutes les actions menées pour atténuer la discrimination à leur égard. Il aimerait connaître les mesures législatives ou administratives prises par le Canada pour obliger les entreprises canadiennes et surtout leurs succursales à l’étranger à respecter les droits de l’homme, parmi lesquels le droit à l’environnement, les droits sociaux et économiques et les droits de leurs employés.

24.M. Saidou constate que presque toutes les provinces proposent des programmes de formation à l’intention des agents chargés de l’application de la loi et demande si le contenu de ces programmes est le même pour tous. Il se félicite de l’existence au Canada de différentes juridictions qui s’occupent des droits de la personne, mais demande si cela retire des prérogatives à la Commission nationale des droits de l’homme. Il voudrait enfin savoir si le Canada envisage de faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention reconnaissant la compétence du Comité pour recevoir et examiner des plaintes individuelles.

25.M. Vá zquez estime que les excuses présentées par le Gouvernement canadien aux communautés victimes des politiques menées par le passé ne le dispense pas de verser des compensations financières. S’agissant des doléances des communautés amérindiennes et autochtones, l’expert demande si l’une des solutions proposées par les Premières nations, à savoir la création d’une commission nationale des traités chargée de régler les différends fonciers entre les communautés autochtones et le Gouvernement canadien, ne serait pas une solution envisageable. Il demande davantage de précisions sur le tribunal des revendications particulières qui a été créé par une loi de 2007, et voudrait savoir si ce tribunal pourrait servir de modèle à la Commission des traités évoquée précédemment. La réforme prochaine de la loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés suscite des préoccupations et M. Vázquez aimerait des précisions sur la liste des pays d’origine sûrs qu’il est prévu d’établir et qui pourrait donner lieu à de nombreuses formes de discrimination. Par ailleurs, la réforme permettrait de poursuivre en justice les clandestins à leur arrivée, alors que certains d’entre eux sont des réfugiés qui doivent être protégés.

26.M. Kut aimerait connaître les difficultés auxquelles se heurtent les autorités canadiennes dans l’application des traités, compte tenu du caractère fédéral du pays, ainsi que les outils permettant de les surmonter. Il demande si un mécanisme correctif dans le système judiciaire canadien permet aux communautés autochtones et à l’État de se retrouver sur le même plan devant la justice. S’agissant de la réforme de la loi sur les réfugiés, l’expert demande ce qui est prévu pour s’assurer que les nouvelles dispositions n’aboutissent pas à une discrimination pure et simple.

27.M. Lindgren Alves évoquant les nombreuses plaintes dont les ONG se sont fait l’écho, demande si, de l’avis de la délégation, le multiculturalisme a été une arme importante contre la discrimination ou si les résultats auraient été les mêmes si le pays avait adopté une politique d’intégration.

La séance est levée à 18 heures.