Nations Unies

CERD/C/SR.2169

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

15 août 2012

Original: français

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Quatre-vingt -un ième session

Compte rendu analytique de la 2169 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 7 août 2012, à 15 heures

Président:M. Avtonomov

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention

Vingt à vingt deuxième rapports périodiques de l ’ Équateur

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention

Vingt à vin gt- deuxième rapports périodiques de l ’ Équateur (CERD/C/ECU/20-22;CERD/C/ECU/Q/20-22; HRI/CORE/ECU/2009/Add.1)

1.Sur l ’ invitation du Président, la délégation équatorienne prend place à la table du Comité.

2.M me Espinosa (Équateur) dit que son pays, inspiré par les principes d’égalité et de justice sociale, procède à une profonde réforme politique en réaction aux excès du capitalisme qui ont conduit le monde à accorder plus d’importance à l’argent qu’à l’être humain. Les violations des droits de l’homme doivent être examinées en tenant compte de la crise financière mondiale et de ses conséquences sur l’emploi, la sécurité sociale, l’éducation et la santé. Convaincu que les droits fondamentaux de sa population ne peuvent être réalisés que dans le cadre d’une politique économique souveraine, l’Équateur refuse de se laisser influencer par les marchés et les institutions financières. Le Gouvernement a mis en place une politique de redistribution des richesses afin de permettre à tous ses citoyens de vivre dans la dignité, l’objectif principal étant d’édifier une société du «bien-vivre».

3.L’Équateur, partie à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale depuis 1966, n’a vraiment entrepris de combattre le racisme et la discrimination fondée sur l’origine ethnique ou la culture qu’à partir de 2007, date de la Révolution citoyenne. La nouvelle Constitution équatorienne, adoptée en 2008, intègre les revendications historiques des 14 nationalités et des 18 peuples équatoriens, et dispose que l’Équateur est un État de droit plurinational et interculturel dont l’ambition est l’intégration et l’interaction de tous les peuples et nationalités par la voie du dialogue, du respect mutuel et de l’égalité. La Constitution élève notamment les droits à l’eau, à l’alimentation, à l’éducation, au logement, au travail, à la santé et à la sécurité sociale au rang de droits suprêmes.

4.Dans le cadre de sa nouvelle politique sociale, l’Équateur a déployé des efforts sans précédent pour lutter contre la pauvreté, notamment en promouvant la croissance économique, qui a atteint 7,8 % en 2011. L’augmentation des dépenses publiques, de l’ordre de 13,8 % en 2010, a été rendue possible grâce à la reprise de l’extraction et de la vente de pétrole par l’État, à l’amélioration du recouvrement des impôts, à la réduction de l’évasion fiscale et à la mise en place d’un modèle de contributions progressif. Ces cinq dernières années, 1 million d’Équatoriens sont sortis de la pauvreté, le taux de pauvreté national global étant passé de 37,6 % à 28,6 %, ce qui a conduit la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) à placer l’Équateur au deuxième rang des pays de la région pour ce qui est de la réduction de la pauvreté dans son rapport intitulé «Panorama social de l’Amérique latine 2011». Le pouvoir d’achat global des familles a également augmenté. Les domestiques, dont beaucoup sont des femmes autochtones ou afro-équatoriennes, ont vu leur salaire mensuel augmenter de près de 400 % depuis 2006 pour atteindre 292 dollars américains. Le nombre de travailleurs affiliés à la sécurité sociale s’est accru de plus de 50 %, cette affiliation étant devenue obligatoire. Les indicateurs relatifs à la santé sont tous positifs grâce, notamment, au nombre de consultations médicales pratiquées chaque année qui est passé de 14 à 34 millions.

5.Pour lutter contre la discrimination, le Gouvernement a adopté en septembre 2009 le Plan plurinational de lutte contre la discrimination raciale et l’exclusion ethnique et culturelle, élaboré avec la participation de la société civile, et a informé les Afro‑Équatoriens, les autochtones et les Montubios des services, plans et programmes dont ils pouvaient bénéficier. En mettant ce plan en œuvre, l’Équateur donne effet aux recommandations figurant aux paragraphes 8 et 23 des précédentes observations finales du Comité (CERD/C/ECU/CO/19). En 2011, le Gouvernement a mené une deuxième enquête sur la discrimination et le racisme en Équateur, ce qui témoigne de sa détermination à éliminer toutes les formes de discrimination. Au total, 14 % des personnes interrogées, 34 % des autochtones, 29 % des Afro-Équatoriens et 19 % des Montubios ont affirmé avoir déjà été victimes de discrimination sur leur lieu de travail. Le Gouvernement, avec la participation des jeunes, des enfants et des femmes, a multiplié les initiatives visant à faire prendre conscience de la contribution essentielle des artistes autochtones et afro‑équatoriens à la culture du pays. Il a aussi organisé le concours Nelson Estupiñán Bass, qui donne l’occasion aux enfants de mettre leurs talents artistiques au service de la lutte contre le racisme.

6.En 2010, dans le cadre du VIIe recensement de la population et du VIe recensement du logement, on a intégré le critère de l’auto-identification et la Commission nationale de statistiques pour les peuples autochtones, afro-équatoriens et montubio (CONEPIA) de l’Institut national des statistiques et des recensements (INEC) a lancé une campagne en vue de promouvoir le droit à l’auto-identification. Il est ressorti du recensement que 7 % des Équatoriens appartiennent à des peuples autochtones, 7,4 % au peuple montubio et 7,2 % sont d’ascendance africaine. En 2010 et 2011, le Gouvernement a officiellement octroyé des terres à différents peuples et nationalités autochtones et à des Afro-Équatoriens. À cet égard, il convient de rappeler que les terres et territoires autochtones représentent un tiers du territoire de l’Équateur.

7.Le système éducatif bilingue compte désormais 150 000 étudiants et 10 256 enseignants issus des peuples ou nationalités autochtones. Le Gouvernement a mis en œuvre des programmes visant à garantir les droits des femmes autochtones et afro‑équatoriennes, notamment dans les domaines de l’éducation, de la culture, de la santé et du travail. Les écoles de la révolution agraire, par exemple, ont permis de former 26 601 personnes, dont 52 % sont des femmes autochtones.

8.Comme suite aux décisions de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, l’Équateur a élaboré la politique nationale des peuples en situation d’isolement volontaire, qui a permis de prendre des mesures en faveur des peuples Tagaeri-Taromenani. Le pays entend appliquer la décision adoptée le 25 juillet 2012 par la Commission interaméricaine des droits de l’homme, dans laquelle elle reconnaît le droit du peuple de Sarayaku à la consultationlibre, préalable et éclairée, ainsi que son droit d’obtenir réparation suite aux dégâts causés sur son territoire en 2003. Pour accroître leur représentation dans l’administration publique, le Ministère du travail a adopté en avril 2012 un système permettant d’accorder cinq points supplémentaires aux Afro-Équatoriens, autochtones et Montubios qui passent les concours de la fonction publique. L’Équateur a également décidé d’intégrer ces groupes dans le corps diplomatique, étant donné qu’ils n’en ont jamais fait partie dans le passé.

9.Pour améliorer l’accès des peuples et nationalités autochtones à l’enseignement supérieur, le Parlement équatorien a adopté une loi organique qui introduit un système de quotas dans l’enseignement supérieur et une loi organique sur l’éducation interculturelle qui accorde à ces groupes un accès préférentiel aux bourses et crédits étudiants. Les investissements publics dans le secteur éducatif sont passés de 2,5 % à 5,5 %, ce qui a permis de faire progresser le taux de scolarisation dans l’enseignement secondaire, qui est passé de 48 % en 2006 à 62 % en 2011. Le taux de scolarisation des autochtones et des Afro-Équatoriens dans le secondaire est quant à lui passé, respectivement, de 24,3 % en 2006 à 46,9 % en 2011 et de 44,2 % en 2006 à 58,5 % en 2011. En mai 2011, le Gouvernement équatorien a attribué des fréquences et des équipements de radio aux 14 nationalités équatoriennes autochtones pour leur permettre de faire vivre leurs cultures et leurs langues et d’exercer leur droit fondamental à l’information.

10.L’Équateur a lancé en 2011 un processus de réforme de la justice pour mieux réprimer les délits de racisme et de xénophobie. Il a soumis au Parlement un projet de code pénal qui élargit les catégories d’infractions liées à la haine raciale et les rend passibles de sanctions pénales clairement établies. L’Assemblée nationale est, par ailleurs, saisie de plusieurs projets de loi qui portent notamment sur les ressources hydriques et foncières, les droits collectifs des Afro-Équatoriens et des autochtones et la coopération entre la justice autochtone et la justice ordinaire. L’Équateur est le pays qui accueille le plus grand nombre de réfugiés du continent américain (56 000 réfugiés parfaitement intégrés au tissu socioéconomique vivent en Équateur) et il reçoit chaque mois 1 200 nouvelles requêtes.

11.M me  Espinosa reconnaît que son pays doit encore instaurer une culture du respect de la diversité, tant au niveau des médias que des pratiques citoyennes au quotidien. L’Équateur s’emploie à édifier un État plurinational et à promouvoir l’interculturalité, tant dans la sphère publique que privée, dans le plein respect de la diversité, de la promotion des droits de tous et de la coexistence harmonieuse entre tous les citoyens. La représentante réaffirme la détermination de son pays à respecter les obligations qu’il a contractées à l’égard de la communauté internationale et surtout de son peuple, en particulier des peuples qui ont été longtemps victimes d’injustice et de discrimination. L’Équateur est convaincu qu’il ne peut y avoir de véritables liberté, paix et justice sans élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

12.M.  Calí Tzay (Rapporteur pour l’Équateur) demande à la délégation de commenter les informations émanant de certaines organisations autochtones, qui affirment que des crédits budgétaires insuffisants sont alloués aux institutions de protection des droits des autochtones, en particulier au Conseil de développement des nationalités de l’Équateur (CODENPE) et au Fonds de développement des nationalités et peuples autochtones de l’Équateur (FODEPI) qui sont à l’origine du mouvement autochtone, et qu’en vertu d’un projet de loi organique soumis à l’Assemblée nationale, ces institutions risquent de disparaître. Au sujet de l’enseignement interculturel bilingue, il demande à la délégation d’expliquer la notion d’interculturalité bilingue et de donner des exemples concrets de cet enseignement. Il souhaite aussi savoir si des manuels ont été élaborés pour permettre d’assurer un enseignement interculturel bilingue.

13.Le Rapporteur constate, à la lecture du paragraphe 28 du rapport, que les Roms sont toujours considérés comme des étrangers dans l’État partie et rappelle à cet égard que le Comité s’était inquiété, dans ses précédentes observations finales, de l’absence de reconnaissance juridique du peuple rom en tant que groupe ethnique. Il souhaite savoir quelles mesures l’État partie a prises pour remédier à cette situation. Le Rapporteur demande des renseignements sur les Afro-Équatoriens qui auraient fait l’objet de lynchages dans des grandes villes du pays. Il souhaite savoir si la discrimination raciale a été érigée en infraction dans la législation ordinaire ou le Code pénal. Il demande si des affaires de discrimination ont été portées devant la justice et si des agents de la fonction publique ont été soupçonnés d’actes de discrimination raciale.

14.M. Calí Tzay souhaite par ailleurs connaître le nombre de réfugiés colombiens vivant sur le territoire de l’État partie et recevoir des informations sur leur situation. Il s’enquiert également des mesures prises pour sanctionner pénalement les actes et propos xénophobes et racistes envers les réfugiés. Enfin, il se déclare préoccupé par la situation des peuples et nationalités autochtones, compte tenu d’informations faisant état de condamnations d’autochtones qui avaient manifesté pacifiquement pour la défense des droits des autochtones.

15.M.  Diaconu lit dans le rapport à l’examen que 18 peuples et 14 nationalités autochtones vivent en Équateur et souhaite savoir ce qui différencie concrètement les peuples des nationalités autochtones et sur la base de quels critères une personne est considérée comme appartenant à l’un ou à l’autre. Il demande des renseignements supplémentaires sur les conseils des peuples et des nationalités, notamment sur le point de savoir s’ils bénéficient de subventions publiques et sur leurs fonctions.

16.M. Diaconu relève que la loi organique sur la communication, dont l’Assemblée nationale est saisie, contient une définition de la discrimination proche de celle figurant à l’article premier de la Convention et souhaite savoir si cette définition s’appliquera à tous les domaines de la vie publique, ou uniquement à la discrimination exercée par les acteurs intervenant dans le secteur de la communication. Il note que le Code pénal définit depuis 2009 les délits de haine raciale, conformément à l’alinéa a de l’article 4, mais souhaite savoir pour quels motifs les dispositions de l’alinéa b de ce même article, demandant à tous les États parties d’interdire les organisations et les activités de propagande qui incitent à la discrimination raciale, n’ont pas été incorporées en droit interne.

17.M. Diaconu demande à la délégation équatorienne de commenter les informations selon lesquelles les peuples autochtones ne seraient pas associés à la prise de décisions sur les questions qui les concernent et d’expliquer pourquoi l’exigence de consentement préalable, libre et éclairé des peuples et nationalités autochtones n’est pas toujours respecté, selon certaines sources, en particulier dans le cadre de projets d’exploitation des ressources naturelles. M. Diaconu prend note des compensations financières octroyées aux personnes lésées par des projets d’exploitation pétrolière mais dit que l’Équateur pourrait envisager d’offrir des compensations plus acceptables aux intéressés, par exemple leur proposer des terres appartenant à l’État sur lesquelles ils pourraient continuer à vivre selon leurs coutumes ancestrales. L’expert demande par ailleurs à la délégation de confirmer ou d’infirmer les informations selon lesquelles des manifestations pacifiques organisées par des autochtones pour contester le non-respect de leurs droits sociaux auraient été réprimées et des manifestants incarcérés pour sabotage et terrorisme. Il demande enfin à la délégation équatorienne de commenter le point de vue selon lequel l’enseignement interculturel bilingue serait de nature à gommer les spécificités culturelles et aurait des objectifs plus assimilationnistes qu’intégrationnistes.

18.M.  Lindgren Alves, notant avec satisfaction que l’État partie se définit comme un État plurinational, demande si les autochtones équatoriens ont le sentiment de faire partie intégrante de la nation et s’ils se reconnaissent dans les symboles de la patrie. Étant donné qu’environ un tiers du territoire national est composé de terres ancestrales habitées par des autochtones, il serait intéressant de savoir comment l’État partie procède lorsqu’il souhaite entreprendre des activités dans ces zones et s’il mène préalablement des négociations et conclut des accords avec les communautés concernées. La délégation voudra bien donner des explications sur le sens du terme «montubio» et indiquer si l’État partie a accepté d’accorder l’asile au responsable de WikiLeaks, Julian Assange, qui a trouvé temporairement refuge à son ambassade à Londres, où il a déposé une demande dans ce sens. Selon M. Lindgren Alves, cette affaire revêt une importance symbolique pour les droits de l’homme et l’Équateur devrait accéder à cette demande.

19.M.  Murillo Martínez invite la délégation à faire le bilan des efforts déployés à ce jour pour donner concrètement effet aux dispositions de la Constitution définissant l’Équateur comme un État plurinational, en particulier son article 57, qui consacre le droit des minorités victimes de discrimination raciale à des réparations collectives. Il prend acte avec satisfaction du décret n° 60 portant approbation du Plan plurinational de lutte contre la discrimination raciale et l’exclusion ethnique et culturelle, qui prévoit des mesures d’action positive, ainsi que des mesures visant à améliorer la représentation des minorités ethniques dans l’administration publique. Il note que 150 000 élèves ont bénéficié d’un enseignement interculturel dispensé par 10 000 professeurs et souhaite savoir comment ces enseignants ont été recrutés, quelles étaient les compétences requises et si cette politique sera appliquée à long terme. Relevant que l’article 57 de la Constitution prévoit l’obligation de recueillir préalablement le consentement éclairé des peuples autochtones avant le lancement d’un projet susceptible de les affecter, M. Murillo Martínez voudrait savoir combien de consultations menées à cette fin ont abouti à un accord et demande s’il est prévu d’élaborer un projet de loi sur cette question et si un cadre a été mis en place pour faciliter le dialogue entre les pouvoirs publics et les communautés concernées.

20.M. Murillo Martínez voudrait savoir si le droit coutumier des autochtones, des minorités d’ascendance africaine et des Montubios est reconnu dans la législation interne et s’il existe des tribunaux coutumiers. Il prie la délégation de fournir des statistiques sur les conséquences de la répartition du budget de l’État sur la situation des personnes appartenant à une minorité ethnique. Enfin, il demande si les autorités équatoriennes ont réalisé des études pour déterminer si la crise financière avait une incidence sur la xénophobie à l’égard des immigrés équatoriens vivant à l’étranger, notamment en Espagne.

21.M. Thornberry relève à la lecture du paragraphe 29 du rapport de l’État partie que les motifs de discrimination cités à l’article premier de la Constitution peuvent avoir un caractère permanent ou temporaire, ce qui confère à cette définition une portée plus vaste que celle figurant à l’article premier de la Convention. La délégation voudra bien expliquer ce choix du législateur équatorien et indiquer comment la définition de la discrimination figurant dans le projet de loi organique sur la communication pourrait être appliquée concrètement. D’après les études réalisées sur l’identité des Montubios, il s’agirait à l’origine d’une minorité composée d’agriculteurs qui, progressivement, se seraient considérés comme un groupe ethnique. La délégation est invitée à fournir des précisions à ce sujet ainsi que sur le rapport entre le terme «montubio» et la notion de métissage.

22.De plus amples informations seraient bienvenues sur le mécanisme de coordination prévu dans l’avant-projet de loi sur la coordination et la coopération entre la justice autochtone et la justice ordinaire et sur la façon dont les normes relatives aux droits de l’homme sont appliquées par ces deux systèmes de justice. La délégation voudra bien donner de plus amples renseignements sur la vidéo utilisée dans le cadre de la formation sur la justice autochtone dont il est fait mention au paragraphe 33 du rapport et sur la situation des peuples autochtones vivant dans la zone intangible des Tagaeri-Taromenani, en particulier sur la suite donnée aux recommandations de la Commission interaméricaine des droits de l’homme dont il est fait état dans le rapport (par. 40). M. Thornberry ne voit pas bien en quoi la possibilité prévue à l’article 60 de la Constitution de constituer des circonscriptions territoriales serait un moyen pour les peuples autochtones, afro-équatoriens et montubios de lutter contre les expulsions forcées et demande des éclaircissements sur ce point. Relevant qu’un chapitre du Code pénal est consacré au génocide et à l’ethnocide, il prie la délégation d’expliquer en quoi ces deux notions se distinguent, en précisant le sens du terme «ethnocide», et d’indiquer quelles mesures sont prises pour combattre ces phénomènes et qui en sont les victimes et les responsables.

23.M. de Gouttes voudrait savoir quelles organisations non gouvernementales (ONG) ont participé à l’élaboration du rapport. Relevant qu’en 2006, une loi sur les droits collectifs des peuples noirs ou afro-équatoriens a été adoptée, il demande ce que recouvre la notion de droits collectifs dans la législation de l’État partie. Il souhaiterait recevoir un complément d’information sur les mesures de lutte contre la marginalisation prises dans le cadre de l’application du Plan national de développement du peuple afro-équatorien. Notant qu’un avant-projet de loi de coordination et de coopération entre la justice autochtone et la justice ordinaire est à l’examen, il prie la délégation de fournir de plus amples détails sur les modalités de fonctionnement de la justice autochtone. Il aimerait savoir si le projet de Code pénal intégral, qui prévoit des dispositions érigeant la motivation raciste d’une infraction en circonstance aggravante, et le projet de loi organique sur la communication ont été adoptés. Enfin, la délégation voudra peut-être donner des renseignements sur la situation des réfugiés provenant de Colombie et sur les mesures prises par les autorités équatoriennes à la suite des violents affrontements qui ont éclaté entre manifestants et forces de sécurité lors d’une manifestation organisée en septembre 2009 à Macas (province de Morona-Santiago) par la Confederación de Nacionalidades Indígenas del Ecuador (CONAIE), au cours desquels un chef autochtone a été tué.

24.M. Kemal dit que dans une décision récente rendue dans l’affaire Pueblo indígena kichwa de Sarayaku vs. Ecuador, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a notamment conclu que l’État partie avait violé les droits de la communauté concernée car il avait lancé un projet d’exploitation pétrolière sans avoir préalablement recueilli le consentement éclairé des intéressés et que ses activités avaient eu de graves répercussions sur l’environnement, notamment les ressources en eau dont ces personnes dépendaient pour leur survie. Sachant que l’État partie prévoit de lancer d’autres projets de ce type dans des zones où vivent des autochtones en Amazonie équatorienne et que ceux-ci ont d’ores et déjà fait savoir qu’ils s’y opposaient, M. Kemal demande si des mesures ont été prises pour consulter ces communautés avant le lancement de ces projets.

25.M. Ewomsan demande quel rôle l’Équateur entend jouer dans le cadre de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine.

26.M. Lahiri dit que, malgré les progrès accomplis par l’Équateur dans la reconnaissance des droits des minorités, force est de constater que les autochtones, les Afro-Équatoriens et les métis, quasi absents de la vie politique, sont encore défavorisés en matière d’éducation, de santé et d’emploi. Il arrive encore que les autochtones ou les métis soient dépeints de manière négative dans les médias et soient victimes de mauvais traitements de la part de l’armée, en particulier dans les régions frontalières. M. Lahiri demande si l’État partie, qui dispose désormais de données statistiques ventilées, prévoit d’adopter des mesures spéciales pour remédier aux disparités socioéconomiques entre les différents groupes de population et lutter contre la pauvreté des populations vulnérables.

27.M me January- Bardill demande un complément d’information sur l’efficacité des mesures prises pour lutter contre la pauvreté des peuples autochtones, des Afro-Équatoriens et des femmes. Elle aimerait savoir quelles mesures d’action positive ont été prises, pour favoriser l’intégration dans la société et la participation active à la vie politique des peuples autochtones et afro-équatoriens. Enfin, elle se félicite des mesures prises pour indemniser les peuples autochtones ayant subi des préjudices occasionnés par les activités des industries extractives et salue l’adoption de la loi sur les mines, mais demande si l’État partie a envisagé d’adopter une stratégie à long terme qui permettrait de concilier les droits des peuples autochtones, la protection de l’environnement et le développement des activités extractives.

28.M. Saidou constate avec satisfaction que l’État partie se définit comme un État «plurinational et interculturel», mais s’étonne de la distinction faite au paragraphe 10 du rapport à l’examen entre, d’une part, les 18 peuples autochtones et les 14 nationalités que compte le pays et, de l’autre, les peuples afro-équatoriens et montubios. Il souhaiterait avoir des explications sur cette question. Il aimerait également savoir si le droit de ne pas être victime de discrimination figure au rang des priorités nationales, au même titre que les autres droits consacrés par la Constitution. Il rappelle qu’en 2009, le Sous-Comité d’accréditation du Comité international de coordination desinstitutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme avait demandé à l’État partie de modifier sa Constitution s’agissant des modalités de désignation de l’organe directeur de l’institution nationale des droits de l’homme. Il demande des précisions sur la désignation des membres dirigeants de cette institution et aimerait savoir si elle est dotée d’un service qui s’occupe spécialement des questions liées à la discrimination raciale. Enfin, il demande s’il est prévu dans le cadre du Plan plurinational de lutte contre la discrimination raciale et l’exclusion ethnique et culturelle de s’attaquer au problème de la discrimination dans le sport, en particulier le football.

29.M. V áz quez note que, selon un sondage effectué récemment en Équateur, les réfugiés colombiens inspirent encore de la méfiance à une majorité de la population équatorienne, et se disent toujours victimes de discrimination. Il demande ce que fait l’État partie pour lutter contre cette discrimination et faire évoluer les mentalités, et quelle suite a été donnée aux procédures judiciaires engagées par des demandeurs d’asile à l’encontre des autorités équatoriennes. Il voudrait savoir où en est l’adoption du projet de loi organique sur la communication, qui prévoit des sanctions administratives en cas de non-respect de ses dispositions (par. 103 du rapport). Le Comité estime qu’une telle mesure va au-delà des recommandations qu’il avait formulées dans ses dernières observations finales (CERD/C/ECU/CO/19) et est préoccupé par les risques (censure des médias, etc.) qui découleraient de son application. Il aimerait connaître l’avis de la délégation à ce sujet.

30.M. Amir, rappelant quel’industrie pétrolière est en plein essor et constitue le principal moteur de la croissance économique en Équateur, demande comment l’État partie envisage de concilier la protection des droits des peuples autochtones, notamment de leurs droits environnementaux et fonciers, avec l’expansion des activités extractives. Il demande également si l’État partie entend s’engager dans la voie des énergies vertes et lutter contre la destruction de l’environnement au profit des générations futures.

31.M me Crickley croit comprendre que le peuple rom ne jouit toujours pas d’une reconnaissance officielle dans l’État partie et aimerait un complément d’information à ce sujet. Elle demande également des précisions sur les mesures prises pour améliorer les conditions de travail des employés de maison, souvent issus des minorités ou de l’immigration, ainsi que pour leur accorder des titres de séjour leur permettant de résider légalement en Équateur. Enfin, elle aimerait savoir si l’État partie a consulté la société civile et les peuples autochtones lors de l’élaboration du Plan plurinational de lutte contre la discrimination raciale et l’exclusion ethnique et culturelle et s’il entend les faire participer activement à sa mise en œuvre.

32.M me Espinosa (Équateur) assure le Comité que son pays est fermement résolu à combattre toutes les formes de discrimination en adoptant des mesures sociales appropriées et en érigeant un cadre institutionnel et juridique propice à leur application. Depuis l’adoption de la nouvelle Constitution en 2008, l’Équateur a engagé un vaste processus de renforcement du cadre juridique afin de se doter des instruments nécessaires pour en appliquer les dispositions. Tous les droits consacrés par la Constitution ont valeur égale et il n’existe aucune hiérarchie entre eux, dans la mesure où ils sont interdépendants. L’Équateur, qui traverse une période de vastes changements politiques, s’efforce de construire une société égalitaire qui n’exclut personne. Pour ce faire, l’État compte mettre la priorité sur les investissements sociaux afin de réduire les écarts socioéconomiques entre les différents groupes de la population et combattre la discrimination sous toutes ses formes, afin de s’engager sur la voie d’un développement sans exclusive.

La séance est levée à 18 h 10.