NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.174022 mars 2006

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑huitième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1740e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le lundi 27 février 2006, à 10 heures

Présidence: M. de Gouttes

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Huitième à onzième rapports périodiques du Guatemala (suite)

La séance est ouverte à 10 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Huitième à onzième rapports périodiques du Guatemala (CERD/C/4/169/Add.1) (suite)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation guatémaltèque reprend place à la table du Comité.

2.M. CAJAS MEJÍA (Guatemala) dit que la Commission présidentielle contre la discrimination et le racisme à l’égard des peuples autochtones (CODISRA) est composée de cinq membres (trois Mayas, un Garifuna et un Xinca) qui représentent les trois principaux peuples autochtones du pays. Ses principales fonctions sont les suivantes: aider les organismes publics et privés à lutter efficacement contre la discrimination et le racisme à l’égard des peuples autochtones, élaborer des politiques publiques contre la discrimination et le racisme et garantir leur application, notamment par les institutions privées, faire la liaison entre les organisations autochtones et les organes de l’État chargés de combattre la discrimination et le racisme, tenir un registre des plaintes en matière de discrimination et les transmettre aux institutions compétentes, mener des campagnes de sensibilisation à la discrimination et élaborer les rapports que l’État guatémaltèque est tenu de présenter en vertu de ses obligations internationales. Le rapport à l’examen a donc été élaboré par la CODISRA, avec l’appui technique et financier du Haut‑Commissariat aux droits de l’homme. Tous les renseignements et statistiques qu’il contient ont été fournis par des organismes publics. Des consultations se sont tenues à l’échelon régional afin de tenir compte au maximum des vues des organisations autochtones.

3.Le fait que des autochtones ont été chargés d’élaborer le rapport à l’examen et de diriger la délégation témoigne clairement de la volonté politique du Gouvernement guatémaltèque de garantir la participation des autochtones au plus haut niveau politique.

4.M. Cajas Mejía dit que plusieurs députés autochtones avaient présenté un projet de loi sur la discrimination raciale mais qu’il a été décidé, à la demande de plusieurs associations, d’inclure dans le projet d’autres formes de discrimination fondées sur l’ethnie, la langue, la religion ou la situation économique. La mise en œuvre progressive de la loi permettra de dire s’il faut ou non adopter une loi spécifique pour ériger en infraction la discrimination raciale.

5.Le représentant du Guatemala indique que le projet de loi visant à reconnaître la compétence du Comité pour examiner des communications individuelles conformément à l’article 14 de la Convention est en seconde lecture devant le Congrès de la République. Il souligne que toutes les institutions nationales compétentes se sont déclarées favorables à ce que le Guatemala fasse ladite déclaration.

6.M. BOYD se félicite de la participation active de la société civile à l’élaboration du rapport et aux efforts déployés par l’État partie pour combattre la discrimination raciale. Il apprécie la franchise avec laquelle les autorités guatémaltèques évoquent les nombreux obstacles auxquels elles font face et les différentes mesures qu’elles devraient adopter pour les surmonter, mais il voudrait savoir quelles sont les deux ou trois priorités qui, de l’avis de la délégation, mériteraient toute l’attention des autorités au cours des cinq prochaines années.

7.M. PILLAI évoque le problème de la violation des droits fonciers des peuples autochtones et rapporte un certain nombre d’incidents au cours desquels des forces de l’ordre auraient eu recours à des actes extrêmement violents pour déposséder des familles autochtones de leurs terres. Des autochtones auraient même trouvé la mort lors de conflits. Il souhaite savoir comment l’État partie a réagi face à ces incidents et ce qu’il entend faire pour empêcher les forces de l’ordre de saper les efforts déployés à l’échelon national pour promouvoir les droits des peuples autochtones.

8.M. KJAERUM souhaite obtenir davantage d’informations sur les moyens dont dispose la Commission présidentielle contre la discrimination et le racisme à l’égard des peuples autochtones pour assurer le suivi des recommandations formulées par les instances internationales à l’intention du Guatemala.

9.M. AMIR aimerait savoir quelle est la place du droit coutumier dans l’ordre juridique interne, notamment en ce qui concerne les questions de propriété foncière.

10.M. CAJAS MEJÍA (Guatemala) dit que pour les prochaines années à venir, la Commission présidentielle contre la discrimination et le racisme à l’égard des peuples autochtones s’est fixé trois grandes priorités: l’adoption d’une politique publique transversale de lutte contre la discrimination, qui tienne compte des différents problèmes des peuples autochtones (inégalités sociales, pauvreté, mauvaise répartition des terres, exclusion séculaire des organes de décision); la mise en œuvre de campagnes d’information et de sensibilisation à la discrimination; et le renforcement des institutions autochtones de sorte qu’elles ne jouent plus un rôle symbolique mais plutôt un rôle central dans la lutte contre la discrimination raciale.

11.M. Cajas Mejía indique que le programme élaboré par la CODISRA a pour objectif de transformer les principes et les valeurs autochtones en un axe du développement socioéconomique du pays. La Commission a établi un plan stratégique d’action qui vise à éliminer, dès les 25 prochaines années, la discrimination et le rejet institutionnalisé des peuples autochtones.

12.M. ELLINGTON LAMBE (Guatemala) dit que la politique nationale de lutte contre la discrimination est la première priorité du Gouvernement. Il précise que la plupart des problèmes rencontrés dans le domaine de la propriété foncière sont dus au fait que les mesures prises par le Gouvernement pour régler des différends d’ordre foncier ne sont pas toujours compatibles avec des décisions de justice antérieures.

13.M. Ellington Lambe dit également que plusieurs indicateurs statistiques ont été élaborés afin de mesurer le degré d’application des programmes de lutte contre la discrimination et que la Constitution du Guatemala reconnaît les droits coutumiers des communautés autochtones.

14.M. ABOUL-NASR souhaite savoir si des organes de lutte contre la discrimination ont été établis et, le cas échéant, connaître leur mandat et leurs compétences. Il demande à la délégation guatémaltèque d’indiquer quelles mesures ont été prises par le Gouvernement en faveur des autochtones dépossédés de leurs terres et de préciser s’ils ont été indemnisés ou si leurs terres leur ont été restituées.

15.M. ELLINGTON LAMBE (Guatemala) indique que le Fonds agraire (par. 96) a été créé pour tenter de résoudre le problème des terres autochtones selon des procédures spécifiques fondées sur le dialogue et la négociation, et qu’il fonctionne comme un marché d’achat et de vente de parcelles agricoles. Cependant, étant donné les divers dysfonctionnements dénoncés, dont la surévaluation des biens fonciers proposés à la vente, le programme du Fonds agraire est actuellement en cours de modification.

16.L’intervenant explique que les nombreux problèmes liés à la propriété foncière autochtone sont aussi en grande partie dus aux décennies de conflits armés qui ont provoqué d’importants déplacements de populations. Les personnes qui ont fui les combats ont du même coup abandonné leurs terres, lesquelles ont été occupées et exploitées par d’autres. Il n’existe plus actuellement de cadastre fiable et la propriété de certains terrains est parfois revendiquée par cinq ou six personnes différentes. La Commission paritaire nationale des terres (par. 97), qui est composée de représentants des organisations autochtones et paysannes, du Gouvernement et des propriétaires terriens, a été chargée d’élaborer un projet de loi sur le cadastre national. Ce texte a été adopté par le Parlement en 2005. Le Gouvernement reconnaît que cette question est prioritaire car la dépossession des paysans et des autochtones les plonge dans la misère et le dénuement et a une incidence négative sur le développement des communautés. C’est pourquoi il estime que le règlement de la question des droits fonciers est vital pour venir à bout de la pauvreté, de la discrimination et de la marginalisation de ces communautés sur les plans social et politique.

17.M. KJAERUM appuie la stratégie de lutte du Guatemala contre la discrimination et le racisme à l’égard des peuples autochtones et juge qu’il est fondamental, pour en mesurer l’efficacité, de disposer d’éléments de référence et d’indicateurs spécifiques. Les indicateurs socioéconomiques sont très importants mais les conclusions et recommandations du Comité pourraient également être très utiles aux autorités en tant qu’indicateurs qualitatifs.

18.M. YUTZIS estime que la stratégie de lutte contre la discrimination et le racisme fixée pour les 25 années suivantes correspond certes à un objectif politique louable du Gouvernement guatémaltèque, mais qu’elle ne permet pas, malheureusement, de résoudre les problèmes quotidiens des communautés autochtones. Par ailleurs, il semble que le programme élaboré par le Fonds agraire contribue davantage au dénuement et à la dépossession des communautés autochtones guatémaltèques car, selon certaines informations, ce programme a établi des zones protégées et octroyé des concessions d’exploitation minière et forestière sans consultation préalable des populations vivant dans ces zones. M. Yutzis souhaite entendre le point de vue de la délégation guatémaltèque sur ces allégations et connaître les indicateurs que le Gouvernement a pris en considération pour affirmer que les programmes de lutte contre la discrimination à l’égard des peuples autochtones vont effectivement dans la bonne direction.

19.M. EWOMSAN est frappé par la franchise et l’approche autocritique du rapport périodique à l’examen. Il souhaite savoir si les communautés autochtones du Guatemala sont attachées à la terre en raison de valeurs culturelles et spirituelles ou si les terres ont, à leurs yeux, également une valeur marchande.

20.M. ELLINGTON LAMBE (Guatemala) répondant aux remarques de M. Kjaerum et de M. Yutzis dit que les recommandations du Comité ont été prises en considération pour définir les indicateurs statistiques et qu’elles servent de base pour évaluer la lutte contre la discrimination à l’égard des communautés autochtones.

21.M. YUTZIS aimerait savoir, à propos de la réorganisation du cadastre, quels sont les bénéficiaires de ce processus et quels sont les perdants. Des statistiques seraient particulièrement nécessaires à cet égard.

22.M. CAJAS MEJÍA (Guatemala), répondant à des questions posées à la séance précédente, dit que le suivi des recommandations du Comité est assuré par de nombreuses institutions publiques qui donnent des instructions appropriées aux autorités de police et administrations concernées. Il explique que les lois adoptées en application des Accords de paix tiennent pleinement compte des intérêts des populations autochtones. La loi relative au registre d’information sur le cadastre (décret législatif 41-2005 adopté le 15 juin 2005) vise à déterminer la situation réelle en matière de propriété et d’occupation des terres et à apporter une sécurité juridique quant à la possession des terres. La loi-cadre dérivée des Accords de paix transforme ces accords en engagements de l’état. Ces deux lois prévoient la création d’organes chargés de leur application, au sein desquels les autochtones sont représentés. En outre, en application des dispositions de la partie des Accords concernant la situation agraire, le Président de la République a lancé une réforme du système judiciaire visant à faciliter la résolution des litiges agraires.

23.M. Cajas Mejía précise que le registre de la propriété a un caractère général et qu’il n’existe pas de registre spécifique des biens immobiliers appartenant aux populations autochtones. L’article 66 de la Constitution reconnaît le mode d’organisation sociale particulier des communautés autochtones. Ce principe a été appliqué par des juges dans un certain nombre d’affaires de sorte qu’une jurisprudence se constitue peu à peu. De plus, les organisations autochtones et certains magistrats encouragent l’application du système judiciaire autochtone. Le 25 février 2005, la Cour suprême de justice a reconnu que ce processus relevait à part entière d’une politique de l’institution judiciaire.

24.En décembre 2005, la CODISRA avait reçu 75 plaintes, et 15 autres plaintes lui sont parvenues entre cette date et février 2006. Cette progression du nombre d’affaires de discrimination traitées est le fruit d’une politique d’information ambitieuse sur ce mécanisme et la politique de lutte contre la discrimination. Les affaires peuvent être transmises au ministère public ou dans certains cas à des instances administratives en vue de l’application de sanctions administratives. Dans d’autres cas, un dialogue est engagé afin de régler le problème par la concertation. La plupart de ces plaintes sont en cours d’examen. Deux affaires ont été jugées.

25.L’institut national de statistique est conscient des insuffisances du système statistique à l’égard des populations autochtones et a pris des mesures concrètes pour former des experts de cet organisme à l’élaboration d’indicateurs concernant les populations autochtones.

26.L’absence de politique de lutte contre la discrimination est précisément l’une des raisons pour lesquelles a été créée la CODISRA, qui travaille depuis deux ans, en concertation avec les populations autochtones, à l’élaboration d’une politique qui devrait être lancée officiellement en août 2006.

27.Une commission d’indemnisation des victimes du conflit interne au Guatemala a été créée pour aider les personnes touchées par le conflit. Elle verse des indemnités en espèces et finance des programmes de soins psychologiques et d’appui à des projets économiques. En outre, le Gouvernement a décidé de créer 300 postes de haut niveau dans les institutions publiques pour des spécialistes et des professeurs issus de la communauté autochtone. Le processus de recrutement devrait débuter en juin 2006.

28.Dans le domaine de l’éducation, un projet sur l’éducation bilingue interculturelle vise à réformer les programmes scolaires afin de mieux tenir compte de la culture, de la langue, de la spiritualité et des autres formes d’expression de l’identité culturelle des populations autochtones. Une commission présidentielle a lancé un programme visant à renforcer l’intégration des femmes rurales à la vie politique, économique et sociale du pays.

29.S’agissant des «quatre grands points sur lesquels aucune concession n’est faite aux autochtones» (par. 82 du rapport), M. Cajas Mejía explique que ce passage a été mal formulé. On a simplement voulu dire que le droit de pratiquer leur spiritualité, de parler leur langue en public, de porter le costume autochtone et de fréquenter les lieux publics, sont les quatre domaines où s’exerce le plus fortement la discrimination à l’égard des autochtones.

30.M. Cajas Mejía informe également les membres du Comité que l’octroi de concessions et de licences d’exploitation minières a été suspendu par décision du Président de la République jusqu’à l’expiration des autorisations délivrées par les gouvernements précédents.

31.M. YUTZIS note avec intérêt les mesures relatives à l’exploitation minière qui, croit‑il comprendre, ont pour effet de geler les réquisitions de terres pour l’octroi de concessions. Conscient qu’elles favorisent une plus grande protection des populations autochtones, M. Yutzis souhaiterait que l’état partie présente au Comité, sous deux ans, avant la présentation de son prochain rapport périodique, des données confirmant que ces mesures ont contribué effectivement à protéger les intérêts des autochtones.

32.M. Yutzis dispose d’informations selon lesquelles, à cause des restrictions applicables, les communautés autochtones ne peuvent acquérir que des émetteurs de radio à modulation de fréquence, ayant un rayon d’émission limité à un kilomètre, ce qui crée des problèmes de communication entre les communautés. Il souhaiterait obtenir des éclaircissements à ce sujet.

33.M. PILLAI souhaiterait recevoir des précisions supplémentaires sur la nature des 300 postes publics qu’il est prévu de réserver aux autochtones. Par ailleurs, compte tenu du déficit de représentation des communautés autochtones et des autres communautés défavorisées dans la vie économique et sociale du pays, il souhaiterait également connaître la position du Gouvernement guatémaltèque sur les mesures de discrimination positive envisagées au paragraphe 2 de l’article 2 de la Convention, et savoir quelles mesures il serait susceptible de prendre à ce titre, afin de mieux garantir aux populations concernées l’exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels.

34.M. JANUARY BARDILL se demande, à propos de la CODISRA, si cette institution qui ne dispose pas d’une autonomie réelle et d’un véritable pouvoir politique est en mesure d’assumer une responsabilité aussi lourde que la lutte contre le racisme dans le pays. Elle souhaiterait que la délégation guatémaltèque fasse des commentaires sur de possibles faiblesses structurelles de cette instance.

35.M. CAJAS MEJÍA (Guatemala) dit, à l’intention de M. Yutzis, que le problème des émetteurs radio est examiné depuis plusieurs années. L’opposition initiale farouche des sociétés radiophoniques privées à l’octroi d’autorisations pour des émetteurs communautaires a progressivement cédé la place à une attitude plus conciliante. Bien que le problème ne soit pas encore définitivement réglé, le nombre d’émetteurs a augmenté ces dernières années, et les radios communautaires se sont multipliées dans le pays.

36.M. Cajas Mejía explique, à l’intention de M. Pillai, que la création de 300 postes publics de niveau élevé pour les autochtones s’inscrit dans le cadre de la politique adoptée par le Gouvernement en faveur de cette population. Il a été reconnu au lendemain du cyclone Stan que les communautés autochtones avaient été les plus touchées à cause non seulement de cette catastrophe naturelle, mais aussi de discriminations dans l’accès aux services publics et à leur implantation dans des terres particulièrement exposées. La décision de nommer 300 autochtones à des postes élevés dans le cadre de la politique sociale du Gouvernement en faveur de cette population a été prise directement par le Président de la République. Un comité de sélection constitué de personnalités éminentes comme le prix Nobel de la paix Rigoberta Menchú a été chargé, de définir les postes en question avant juin 2006.

37.M. ELLINGTON LAMBE (Guatemala) dit que la CODISRA jouit d’une véritable autonomie fonctionnelle dans ses activités bien qu’étant rattachée à la présidence. Elle n’a connu aucune ingérence en trois ans d’existence sous les gouvernements actuel et précédent. Son budget a aussi augmenté, signe d’une efficacité certaine dans la façon dont elle s’acquitte de sa mission. Le fait qu’elle regroupe des membres de la société civile constitue une expérience nouvelle dans les relations entre les populations autochtones et le Gouvernement, qui permet de nombreux contacts avec la société civile et donne déjà de bons résultats.

38.M. AMIR se félicite de la documentation fournie qui a été distribuée aux membres du Comité par la délégation guatémaltèque (documents sans cote distribués en salle, en espagnol seulement) et constate, après l’avoir parcourue, qu’elle traduit une volonté réelle de l’État partie de lutter concrètement contre la discrimination raciale. En particulier, le plan stratégique 2005‑2025 de la CODISRA qui est décrit dans l’un des documents distribués témoigne de l’intention d’inscrire cette lutte dans la durée. Toutefois, étant donné que ce plan n’existe qu’en espagnol, M. Amir se demande comment il est rendu accessible aux principaux intéressés, à savoir les peuples autochtones, et s’il est présenté aux élèves des écoles primaires et secondaires.

39.Par ailleurs, relevant que les peuples autochtones sont les groupes les plus vulnérables face aux tremblements de terre, car ils construisent souvent leurs logements dans des zones à risque, M. Amir aimerait savoir si le Guatemala est placé sous surveillance sismologique et, le cas échéant, si les prévisions sismologiques sont prises en compte lors de la reconstruction de logements.

40.M. LINDGREN ALVES, rappelant les commentaires pessimistes qu’il a faits à la séance précédente, dit que les réponses fournies par la délégation guatémaltèque à la séance en cours l’amènent à réviser entièrement son jugement. En effet, il juge très encourageant que plusieurs affaires de discrimination raciale aient fait l’objet d’une procédure d’instruction, qu’un grand nombre de postes dans l’administration publique soit attribué à des autochtones et que des efforts importants aient été déployés dans le domaine de l’éducation.

41.M. THORNBERRY, notant, d’après les réponses de la délégation, qu’il n’existe pas au Guatemala de registre foncier distinct pour les terres autochtones, voudrait savoir si le registre foncier général fait une distinction suivant que le titulaire d’un droit foncier est un individu ou une communauté. Par ailleurs, il souhaiterait également savoir si les terres détenues par les communautés autochtones sont autant soumises aux pressions du marché que les autres types de propriété foncière. À cet égard, rappelant que la Convention no 169 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants dispose que les États parties ont l’obligation de respecter le lien spirituel particulier qu’entretiennent les peuples autochtones avec la terre, M. Thornberry suggère que des mesures soient prises au Guatemala afin d’instituer un régime foncier spécial permettant de protéger les droits de propriété des communautés autochtones.

42.M. ELLINGTON LAMBE (Guatemala) dit, à propos de la prévention des catastrophes naturelles, que l’Institut de sismologie, de vulcanologie, de météorologie et d’hydrologie (INSIVUMEH) du Guatemala a chargé un comité d’effectuer des recherches scientifiques à cette fin mais que, vu la vulnérabilité naturelle du pays, les séismes y sont très difficiles à prévoir. En outre, dans le processus en cours de reconstruction de logements, les risques de tremblements de terre sont pris en compte et les nouvelles constructions sont conçues en fonction de ces risques.

43.M. Ellington Lambe explique que certaines terres autochtones sont inscrites dans le registre foncier général au nom de communautés autochtones, mais en tant que propriétés foncières collectives appartenant à plusieurs membres de la communauté concernée, ce, à cause du fait que la personnalité juridique des communautés autochtones reste un sujet de controverse au Guatemala. De plus, l’influence des forces du marché sur la situation foncière des autochtones est indéniable: souvent, des autochtones endettés sont contraints de vendre leurs terres afin de rembourser leurs créanciers. Ces problèmes étant actuellement analysés dans le cadre du processus de redéfinition du rôle du Fonds agraire, M. Ellington Lambe espère qu’ils seront réglés en prenant en compte l’article 7 de la Convention et les dispositions de la Convention no 169 de l’OIT.

44.M. EWOMSAN, se référant à la question de l’accès des peuples autochtones dans leur langue aux documents officiels publiés en espagnol, demande à la délégation d’indiquer le degré d’alphabétisation de la population guatémaltèque.

45.M. YUTZIS souhaiterait savoir qui prend les décisions relatives aux stations de radio, en particulier s’il existe un organisme compétent en la matière. Par ailleurs, soulignant que la plupart des décisions et mesures qui doivent être prises pour lutter contre la discrimination raciale dépendent des pouvoirs publics, c’est-à-dire d’un ensemble d’acteurs très divers, il regrette que la délégation ne comprenne pas de représentants des ministères concernés et souhaite que, lors de l’examen du douzième rapport périodique, la délégation guatémaltèque comporte quelques fonctionnaires des organes publics concernés par l’application de la Convention. Enfin, il aimerait savoir comment les acteurs institutionnels qui jouent un rôle dans la lutte contre la discrimination raciale coordonnent leurs activités dans l’État partie.

46.M. CAJAS MEJÍA (Guatemala) indique qu’une institution est spécifiquement chargée de la question des langues autochtones dans son pays, l’Académie des langues mayas du Guatemala, qui traduit notamment les documents en espagnol dans les quatre principales langues autochtones du pays. Les documents distribués en séance au Comité ont été transmis à cette institution afin d’être traduits ainsi qu’à tous les ministères mais, d’ores et déjà, leur contenu a été présenté dans le cadre d’émissions de radio. À ce propos, il indique en outre que l’organe compétent pour l’attribution des fréquences radiophoniques est la surintendance des télécommunications ( Superintendencia de Telecommunicaciones).

47.S’agissant de la composition de la délégation guatémaltèque, M. Cajas Mejía admet que la présence en son sein de représentants des pouvoirs législatif et judiciaire aurait été souhaitable, mais il souligne que, même si la composition de la délégation n’est pas suffisamment diversifiée, cette dernière s’exprime néanmoins au nom de l’État et ne représente pas uniquement la CODISRA ni les peuples autochtones.

48.M. AVTONOMOV (Rapporteur pour le Guatemala), se félicitant du dialogue ouvert, franc et fructueux qui s’est établi entre la délégation guatémaltèque et les membres du Comité, note avec satisfaction que les mécanismes d’accès à la justice ont été renforcés dans l’État partie afin de lutter contre la discrimination et de défendre les droits fondamentaux des victimes d’actes racistes. Il souligne toutefois que la justice ne suffit pas à elle seule à garantir ces droits, raison pour laquelle des normes juridiques devraient être adoptées afin de mieux protéger les droits fonciers des autochtones. Par ailleurs, le Rapporteur espère que l’État partie répondra dans son douzième rapport périodique à toutes les questions qui lui ont été posées dans la liste des points à traiter. Enfin, il salue la volonté du Gouvernement guatémaltèque de respecter les engagements découlant des instruments internationaux auxquels le Guatemala est partie et de faire de ce pays une nation multiethnique et multiculturelle.

49.M. RAMIRO MARTÍNEZ (Guatemala) dit que le Gouvernement guatémaltèque tient à entretenir un dialogue franc avec tous les organes de suivi des traités et autres organes de l’Organisation des Nations Unies, et qu’il est disposé à accueillir en visite des membres des comités et des rapporteurs spéciaux qui souhaiteraient se faire sur place une idée de la situation, qui est très complexe et ne peut être bien comprise au cours d’un débat aussi bref. Malgré toutes les lacunes qui ont été signalées, la lutte contre la discrimination s’organise peu à peu au Guatemala, dans le cadre d’un processus à long terme dont les travaux de la CODISRA constituent un bon exemple.

50.Le PRÉSIDENT déclare que le Comité a ainsi achevé l’examen des huitième à onzième rapports périodiques du Guatemala.

51. La délégation guatémaltèque se retire.

La séance est levée à 13 h 5.

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