Nations Unies

CERD/C/SR.2209

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

6 mai 2013

Français

Original: anglais

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Quatre-vingt - deux ième session

Compte rendu analytique de la 2209 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 13 février 2013, à 15 heures

Président: M. Avtonomov

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements soumis par les États parties en application de l’article 9 de la Convention

Quinzième à dix-neuvième rapports périodiques de l ’ Algérie

La séance est ouverte à 15  heures.

Examen des rapports, observations et renseignements soumis par les États parties en application de l’article 9 de la Convention

Quinzième à dix-neuvième rapports périodiques de l ’ Algérie (CERD/C/DZA/15‑19; CERD/C/DZA/Q/15‑19; HRI/CORE/1/Add.127)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation algérienne prend place à la table du Comité.

2.M. Delmi (Algérie) tient à rendre hommage au rôle que joue le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale dans la promotion de l’égalité quelle que soit l’origine des personnes. Il dit que son pays fut parmi les premiers signataires de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et assure le Comité de la coopération sans réserve de sa délégation.

3.Nonobstant le retard regrettable pris dans la présentation de ses rapports, l’Algérie attache une importance fondamentale à la promotion et à la protection des droits de l’homme et a d’ailleurs adhéré à la plupart des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et qui continuera de s’acquitter de ses obligations internationales. Ladélégation algérienne est heureuse de revenir sur les efforts que fait le Gouvernement algérien pour assurer lamise en œuvre de la Convention dont le Comité contrôle l’application.

4.Tous les départements ministériels concernés ont contribué à l’élaboration du rapport à l’examen et diverses institutions de la société civile, notamment la Commission nationale consultative de la promotion et de la protection des droits de l’homme et le Haut‑Commissariat à l’Amazighité et à la promotion de la langue amazighe ont été consultées, ainsi que les médias et les réseaux sociaux.

5.Le Gouvernement algérien respecte les principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et ceux inspirant les organisations régionales, qui sont les fondements de sa politique nationale, en particulier pour ce qui concerne l’apartheid et la discrimination raciale. Il s’efforce de promouvoir un ordre international plus juste par la réalisation du droit au développement et a adhéré à tous les instruments internationaux proscrivant la discrimination et l’apartheid.

6.L’Algérie étant un pays multiculturel depuis des millénaires, différentes religions ont pu y coexister depuis le VIIe siècle et l’avènement de l’islam, religion porteuse de valeurs de tolérance et de solidarité affirmant l’unicité de l’origine de l’espèce humaine. Ces valeurs ont été mises à mal pendant la période coloniale. Le système discriminatoire mis en place pendant cette période a été aboli au lendemain de l’indépendance, en 1962. La Constitution stipule que l’islam est la religion officielle de l’État et l’arabe sa langue officielle. Elle reconnaît le tamazight comme une langue nationale et considère que les substrats amazighs, africains et méditerranéens sont des éléments de l’identité algérienne. Le principe de non-discrimination est consacré dans la Constitution et d’autres lois. Toutes les formes de discrimination sont interdites par les articles 27 et 42 de la Constitution et par le Code pénal, le Code de procédure pénale, la loi organique relative aux partis politiques, le Code électoral et divers autres codes spécifiques qui consacrent le principe cardinal d’égalité et sont donc conformes à la Convention.

7.L’égalité devant la loi s’applique de la même manière, sans restrictions aux ressortissants, aux non-ressortissants et aux travailleurs migrants, qui ont tous accès aux soins de santé dans des conditions d’égalité. Tous les enfants ont accès sur un plan d’égalité à l’éducation sans discrimination et bénéficient, par conséquent, de l’égalité des chances. À l’exception des droits politiques, liés à la nationalité, tous les autres droits sont étendus aux non-ressortissants qui sont en situation légale sur le territoire algérien.

8.Toute discrimination est proscrite par la loi et la société algérienne condamne toute forme de discrimination raciale ou religieuse. Les juridictions algériennes n’ont reçu aucune plainte pour discrimination raciale. Plusieurs institutions sont chargées d’assurer la conformité des lois nationales avec les engagements internationaux de l’Algérie, principalement la Cour suprême, le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel.

9.Grâce à l’amendement apporté au Code de la nationalité algérienne en 2005 tous les enfants, indépendamment de leur pays de naissance, peuvent acquérir la nationalité algérienne par leur père ou leur mère; par ailleurs, les étrangers peuvent être naturalisés dans certaines conditions.

10.L’article 36 de la Constitution consacre l’inviolabilité de la liberté de conscience et de religion. Toutes les religions sont traitées sur un plan d’égalité et peuvent être pratiquées conformément à la loi. Toutes les activités religieuses peuvent être pratiquées moyennant des autorisations délivrées par les autorités administratives et religieuses compétentes. Les groupes religieux non musulmans organisent de nombreuses activités et les organisations religieuses reçoivent des aides financières de l’État y compris pour l’entretien et la rénovation de lieux de culte. En outre, les principales fêtes des religions monothéistes sont reconnues depuis 1963. L’ordonnance no 06‑03 du 28 février 2006, qui fixe les modalités d’exercice des cultes autres que l’islam, est venue renforcer le principe constitutionnel et reflète la profonde volonté de tolérance religieuse des autorités.

11.L’Algérie a toujours été une terre d’accueil des réfugiés qui traite les nationaux et les étrangers sur un pied d’égalité sans aucune discrimination, conformément à la Constitution. Les étrangers qui se trouvent sur son sol sont protégés par les lois et règlements. Les réfugiés bénéficient du droit d’asile consacré dans la Constitution (art. 67 à 69). Des avancées significatives au profit des étrangers ont été faites à cet égard: depuis 2008, par exemple, ils bénéficient de certaines dérogations relatives à l’entrée sur le territoire, conformément aux conventions internationales ratifiées par l’Algérie. En outre, un service des apatrides et des réfugiés a été créé au sein du Ministère des affaires étrangères et le Croissant‑Rouge algérien a été désigné pour prendre en charge les besoins des réfugiés.

12.L’Algérie est partie à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille depuis 2004. Tous les travailleurs migrants, y compris ceux qui sont en situation irrégulière, bénéficient de cette protection. En outre, en tant que membre de l’Organisation mondiale de la Santé et de l’Organisation internationale du Travail, l’Algérie s’efforce de garantir les droits fondamentaux de tous les individus, en particulier le droit des travailleurs migrants à la santé et à la prise en charge sanitaire et au respect de la dignité. Ces travailleurs migrants ont accès gratuitement aux soins d’urgence et aux soins préventifs et leurs enfants peuvent bénéficier pleinement de l’éducation en vertu de la loi de 2008 sur l’éducation. Toutes les possibilités de formation professionnelle sont ouvertes aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille.

13.En outre, l’Algérie a ratifié la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et les protocoles qui s’y rapportent, notamment le Protocole additionnel relatif à la traite des personnes. L’Algérie n’épargne aucun effort pour concourir au développement du continent africain et collabore avec les autres pays membres de l’Union africaine sur la question des menaces contre la sécurité des citoyens africains et pour combattre la traite des êtres humains par le biais de la coopération bilatérale avec les pays voisins.

14.Le Président de la République a créé la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme composée de 44 membres et fondée sur le principe de pluralisme, pour qu’elle surveille et évalue la situation des droits de l’homme. La Commission est une institution indépendante chargée d’enquêter sur les violations des droits de l’homme, de sensibiliser la population aux droits de l’homme et de formuler des avis sur d’éventuelles améliorations de la législation nationale.

15.Le Haut‑Commissariat à l’Amazighité et à la promotion de la langue amazighe, rattaché à la présidence de la République, a été créé en 1995 pour promouvoir la culture amazighe. Le Haut‑Commissariat a mis en œuvre activement un programme de travail annuel comprenant des réunions scientifiques relatives à l’identité, à la langue et à la culture amazighes et a publié de nombreux ouvrages en langue amazighe. Cette langue est enseignée dans tous les cycles de l’enseignement en Algérie chaque fois que le besoin en est exprimé et lorsque les conditions sont réunies, conformément à la législation adoptée en 2008. Le tamazight a été intégré dans le cursus scolaire national et possède ses propres programmes et manuels; il est évalué au même titre que les autres disciplines. En outre, il est enseigné dans trois départements universitaires. De nombreuses stations de radio locales émettent en tamazight sur l’ensemble du territoire algérien, ainsi qu’une chaîne de télévision. Le Haut‑Commissariat organise des rencontres de chercheurs et d’experts portant sur l’amazighité dans toutes ses dimensions. Depuis 2001, il organise chaque année un Salon du livre et du multimédia amazigh et contribue activement à promouvoir le Jour de l’An amazigh.

16.Pour conclure, M. Delmi assure le Comité que sa délégation s’attachera non seulement à prendre note de toutes ses recommandations mais aussi à leur donner suite.

17.M. Saidou (Rapporteur pour le pays) dit qu’en dépit de l’important retard avec lequel les rapports périodiques de l’Algérie ont été soumis en un seul document, le Comité prend note avec satisfaction de la volonté de cet État partie de renouer le dialogue avec lui.

18.L’Algérie, pays le plus vaste de l’Afrique, du monde arabe et du bassin méditerranéen partage ses frontières territoriales avec la Tunisie, la Libye, le Niger, le Mali, la Mauritanie, le Sahara occidental et le Maroc. En 2012, sa population comptait plus de 37 millions d’habitants et était composée principalement de Berbères et d’Arabes, sachant qu’il est difficile de définir avec précision sa composition ethnique étant donné que ces deux groupes se sont mélangés tout au long de l’histoire. Environ 99 % de la population sont des musulmans. L’Algérie a accédé à l’indépendance en 1962, après cent trente-deux années de colonisation. Elle est membre de l’Organisation des Nations Unies, du Mouvement des pays non alignés, de l’Union africaine et de la Ligue des États arabes et, depuis l’indépendance, est également membre de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole. Elle a adhéré à l’Union du Maghreb arabe en février 1999 et à l’Union pour la Méditerranée en 2008. Elle a un riche passé historique et a hérité d’une culture diverse façonnée par des influences arabes, africaines, européennes et méditerranéennes. L’arabe est la langue officielle et le tamazight une langue nationale. L’islam et les identités arabe et amazighe sont des composantes essentielles de l’identité algérienne.

19.Le Comité accueille avec satisfaction les rapports périodiques de l’Algérie présentés en un seul document qui contient des informations sur les principales mesures que le Gouvernement algérien a prises pour combattre la discrimination raciale et mettre en œuvre les recommandations formulées en 2001 à son intention. Il note avec satisfaction que le rapport a été établi conformément à ses principes directeurs et demande des informations supplémentaires sur les principales ONG qui ont participé à sa rédaction.

20.S’agissant des paragraphes 42 et 43 du rapport, M. Saidou dit que le fait de collecter des renseignements fondés sur l’appartenance ethnique pourrait certes être considéré comme un facteur de division, mais que l’action visant à combattre la discrimination raciale serait plus facile si l’on connaissait le nombre des personnes susceptibles d’être traitées de manière moins favorable. L’État partie devrait en conséquence envisager d’adopter des méthodes qui correspondent à sa volonté de combattre la discrimination et fournir au Comité des renseignements sur la composition ethnique de sa population, comme celui-ci le lui a demandé en 2001.

21.Le Comité note que des mesures constitutionnelles et législatives ont été prises en vue de combattre la discrimination et se félicite de ce que l’Algérie ait coopéré avec les titulaires de mandat et les procédures spéciales de l’ONU et ait facilité les visites des rapporteurs spéciaux.

22.Le Comité accueille avec satisfaction la création de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme et voudrait recevoir des informations supplémentaires sur les mesures que le Gouvernement a prises en vue de faire en sorte que la Commission obtienne de nouveau le statut «A» et reçoive des fonds. L’Algérie ayant manifestement fait des efforts importants pour modifier sa législation nationale afin de lutter contre la discrimination, il serait utile de savoir si un plan d’action national de lutte contre la discrimination raciale a été élaboré à la lumière de la recommandation générale no 33 (2009) du Comité, qui a pris en considération le document final de la Conférence d’examen de Durban tenue en 2009.

23.Il convient de souligner les différentes mesures que le Gouvernement algérien a prises pour lutter contre le racisme et la xénophobie et promouvoir l’égalité des chances en faveur de tous les Algériens, de même l’article 132 de la Constitution qui prévoit la supériorité des conventions internationales ratifiées par l’Algérie sur le droit interne et les amendements qui ont été apportés en 2001 au Code pénal en vue d’alourdir les peines prévues pour les infractions ayant des connotations raciales. Il convient également de souligner la reconnaissance du tamazight comme langue nationale lors de la révision constitutionnelle de 2002. Le Comité se félicite du rôle que l’Algérie joue dans la promotion de la dignité humaine et la lutte contre l’oppression en Afrique.

24.Étant donné les paragraphes 70 à 75 du rapport, le Comité aimerait savoir si les termes de l’article premier de la Convention sont repris dans un texte de loi interne relatif à la discrimination raciale.

25.S’agissant de l’article 2, le Comité a noté que le principe de l’égalité des citoyens devant la loi est consacré dans l’article 29 de la Constitution et que l’une des fonctions du Conseil constitutionnel est de censurer les violations de l’égalité et de veiller à ce que les lois applicables aux étrangers soient conformes à la Constitution et aux conventions internationales ratifiées par l’Algérie. En outre, le Comité a noté que tous les Algériens et les étrangers jouissent des mêmes droits, à l’exception des droits politiques. Le Comité prend note avec satisfaction de toutes les mesures législatives et institutionnelles qui ont été adoptées pour lutter contre la discrimination raciale; il souhaite néanmoins savoir si les dispositions pertinentes sont largement connues.

26.S’agissant de l’article3, il est dit dans le rapport que le racisme et la discrimination raciale sont étrangers à la société algérienne. Toutefois, le racisme peut être le résultat d’actes non intentionnels de particuliers ou se rapporter aux disparités de revenus entre différents groupes sociaux susceptibles d’avoir des incidences sur certains citoyens enraison de leur origine ethnique, considération pertinente à la lumière de l’histoire del’Algérie. Toutefois, des mesures doivent être prises dans l’intérêt des générations futures. Les citoyens algériens sont-ils conscients de la lutte menée par leurs parents et leurs grands-parents?

27.À propos de l’article 4, l’État partie affirme dans le rapport qu’il rejette toute doctrine fondée sur l’infériorité ou la supériorité raciales. Toutefois, étant donné les liens étroits entre la race et la religion, le Comité aimerait savoir quelles mesures il a prises pour empêcher les conflits religieux en Algérie.

28.S’agissant de l’article 5 a), l’État partie a indiqué au paragraphe 95 du rapport que l’égalité devant la loi ne souffre d’aucune restriction, et a indiqué au paragraphe 98 que la discrimination qui prévalait à l’égard des étrangers a été levée par voie légale. Toutefois, le Comité voudrait obtenir des informations supplémentaires au sujet des allégations formulées par quelques ONG selon lesquelles certaines catégories de personnes, notamment les migrants provenant d’Afrique subsaharienne ne jouissent pas de l’égalité de traitement devant les tribunaux.

29.En rapport avec l’article 5 b) de la Convention, le rapport indique que toute violation de l’intégrité physique de toute personne vivant en Algérie, y compris celles qui se trouvent en situation irrégulière, est interdite par la Constitution et la législation nationale et que des peines très sévères sont prévues pour les auteurs de telles infractions. Au cours du processus d’examen périodique universel, plusieurs rapporteurs spéciaux de l’ONU et plusieurs ONG ont néanmoins signalé des incidents au cours desquels des forces de sécurité et de défense avaient en toute impunité usé de violence à l’encontre de certaines personnes au motif de leur nationalité. Le rapporteur demande des informations supplémentaires sur l’aide que les victimes de tels actes de violence, en particulier celles qui se trouvent en situation irrégulière, peuvent obtenir des autorités.

30.S’agissant de l’article 5 d) iv) de la Convention, M. Saidou demande si un Algérien deconfession chrétienne peut épouser une Algérienne de confession musulmane et si de tels mariages ont effectivement lieu.

31.Le Gouvernement algérien a fait des efforts louables pour promouvoir la culture, notamment le Haut-Commissariat à l’Amazighité. Le Comité souhaite obtenir des informations supplémentaires sur les fonds dont dispose le Haut-Commissariat.

32.Le Comité souhaite recevoir des statistiques sur l’accès des travailleurs migrants au logement, aux soins de santé, à la sécurité sociale et aux services sociaux fournis. L’État partie devrait aussi lui fournir des informations sur les plaintes qui ont été déposées pour discrimination raciale. L’affirmation figurant dans le rapport périodique, selon laquelle aucune plainte de cette nature n’a été déposée auprès des tribunaux algériens n’est pas forcément un signe positif car elle pourrait simplement signifier que les victimes sont mal informées de leurs droits ou qu’elles craignent de subir des représailles si elles portent plainte, ou encore qu’elles ne font pas confiance à la police ou que les autorités ne traitent pas la question du racisme aussi sérieusement qu’il le faudrait.

33.Le Gouvernement devrait faire traduire la Convention dans toutes les langues parlées en Algérie et la diffuser partout dans le pays. Le Comité aimerait savoir si le contenu delaConvention a été incorporé dans les programmes nationaux d’enseignement.

34.M. Ewomsan dit qu’il faut d’abord reconnaître le problème de la discrimination raciale avant de s’y attaquer. À propos de l’affirmation de l’État partie selon laquelle «le racisme et la discrimination raciale sont étrangers à la société algérienne», il demande pourquoi l’État partie s’est donné la peine de créer le Haut-Commissariat à l’Amazighité et de reconnaître le tamazight comme une langue nationale. Il aimerait recevoir davantage d’informations détaillées sur les efforts qui ont été faits pour lutter contre la marginalisation des Amazighs et sur les mesures qui ont été adoptées pour les autoriser à utiliser des prénoms amazighs.

35.M. Huang Yong’an accueille avec satisfaction les progrès faits par l’État partie depuis 2001 dans le domaine des droits de l’homme, notamment en introduisant un enseignement des droits de l’homme dans les écoles et en créant le Haut-Commissariat à l’Amazighité. Des questions relatives aux travailleurs migrants, aux réfugiés et aux demandeurs d’asile n’ont pas encore été examinées. L’État partie devrait en outre mettre à jour son document de base.

36.M. Diaconu dit que l’État partie devrait s’efforcer de collecter des statistiques ventilées sur la population, qui faciliteraient la planification des politiques. Il voudrait savoir quel est le pourcentage des Amazighs dans la population. Selon des sources officieuses, les Amazighs représentent un tiers de la population; il se demande si la délégation pourrait confirmer cette information. L’Union africaine considère les Amazighs comme un peuple autochtone; il aimerait savoir ce que la délégation en pense. Il demande de quels droits jouissent ces personnes.

37.Le Comité aimerait savoir combien de Sahraouis, dont la plupart sont des réfugiés, vivent en Algérie et s’ils y séjournent légalement ou sont considérés comme des personnes en situation irrégulière. Il aimerait ensuite recevoir des informations supplémentaires sur les réfugiés qui se trouvent dans le sud du pays.

38.Selon les informations dont dispose le Comité, 2,15 % seulement des Amazighs suivent un enseignement en langue maternelle. La délégation peut-elle commenter cette affirmation? Il voudrait connaître la procédure à utiliser pour demander que le tamazight soit enseigné dans les écoles. Existe-t-il des associations amazighes qui soient en mesure de faire pression sur les autorités en rapport avec des questions relatives à la culture et à la langue amazighes?

39.M. Diaconu estime que l’État partie devrait incorporer une définition de la discrimination raciale dans son droit interne et doute que la disposition du Code pénal relative à la diffamation reflète de façon satisfaisante les prescriptions de l’article 4 de la Convention.

40.Notant que l’État partie a beaucoup souffert d’actes de terrorisme mais que cela ne saurait justifier des violations des droits de l’homme, il demande s’il est possible qu’aucun acte de discrimination raciale n’ait été commis au cours et à la suite des violences qui ont touché la Kabylie en 2001, 2004 et 2008. Il semblerait que des membres des forces de sécurité aient commis de tels actes à l’encontre de la population locale en 2001, mais qu’aucun d’eux n’ait été poursuivi par la justice. Il aimerait savoir si les habitants des parties de la Kabylie qui ont subi des actes délibérés de déforestation exécutés à titre de mesures de lutte contre le terrorisme ont reçu des dédommagements.

41.M. Diaconu demande s’il est exact que les travailleurs migrants vivant dans le sud du pays en situation irrégulière ont difficilement accès aux services de santé et d’éducation et si l’État partie compte donner suite aux recommandations formulées au cours de l’Examen périodique universel, l’invitant à améliorer l’égalité d’accès à ces services.

42.M. Calí Tzay dit qu’il aimerait savoir si les mauvais traitements apparemment infligés aux Sahraouis vivant sur le territoire de l’État partie procèdent d’une politique délibérée du Gouvernement ou s’ils résultent de décisions locales. Il juge préoccupant le fait que les femmes algériennes mariées à des personnes originaires de l’Afrique subsaharienne ne puissent pas transmettre leur nationalité à leurs enfants. D’après les informations dont le Comité dispose, les personnes provenant d’Afrique subsaharienne subissent de fréquentes perquisitions de leur domicile et d’autres formes de harcèlement. L’État partie envisage-t-il d’élever le tamazight au statut de langue officielle?

43.M. de Gouttes dit que le Comité accueille avec satisfaction la déclaration faite par l’État partie conformément à l’article 14 de la Convention. Un certain nombre de recommandations que le Comité a adressées à l’État partie dans ses observations finales, en 2001 (CERD/C/304/Add.113), n’ont toujours pas été mises en œuvre. L’État partie devrait en conséquence fournir au Comité des statistiques ventilées sur la population et intégrer dans son Code pénal une disposition conforme à l’article 4 de la Convention.

44.M. de Gouttes aimerait savoir où en est le projet de loi tendant à assurer pleinement la conformité de la Commission nationale consultative de la promotion et de la protection des droits de l’homme avec les Principes de Paris. Il estime nécessaire de renforcer le rôle du Haut-Commissariat à l’Amazighité. Enfin, il demande quelles mesures ont été prises pour protéger les réfugiés et les demandeurs d’asile, en particulier ceux provenant du Mali et de Libye.

45.M. Lindgren Alves ne partage pas l’opinion d’autres membres du Comité concernant la nécessité de collecter des statistiques. L’essentiel étant que l’État partie prenne des mesures concrètes pour reconnaître à la culture amazighe un statut approprié, il ressort du rapport périodique que des progrès, grâce notamment à de nombreuses évolutions législatives, ont été faits à cet égard. L’intervenant aimerait que le Gouvernement de l’État partie joue un rôle plus actif dans la lutte contre les problèmes largement répandus d’inceste et de viol. Il demande si l’Algérie est un État laïc. Comme il semblerait que l’islam soit la religion officielle du pays, il aimerait savoir s’il faut être musulman pour être citoyen.

46.M. Kemal dit que le Comité considère, à la lumière de son expérience, qu’aucun pays n’est entièrement exempt de discrimination raciale. Les victimes de la discrimination raciale ne portent pas toujours plainte par crainte d’éventuels ennuis avec les autorités. Ilimporte certainement de maintenir l’unité nationale mais la collecte de statistiques serait un progrès initial vers l’élimination des inégalités régionales. M. Kemal aimerait savoir combien de réfugiés provenant d’Afrique subsaharienne se trouvent sur le territoire de l’État partie et comment ils y sont traités. Il souhaite également savoir dans quelles conditions les travailleurs migrants en situation régulière employés dans l’industrie pétrolière vivent et travaillent, et comment les travailleurs migrants en situation irrégulière sont traités.

47.M. Murillo Martínez demande des précisions sur la répartition territoriale de la population amazighe et en particulier quelle part des terres productives elle occupe. Il souhaite également savoir dans quelle mesure la composition ethnique de la population se reflète dans la participation à la vie politique et dans les organes de prise de décisions. Il demande si la Commission nationale consultative de la promotion et de la protection des droits de l’homme a fait des enquêtes nationales en vue d’évaluer la manière dont la population perçoit le problème de la discrimination raciale. Il aimerait en outre recevoir des informations supplémentaires sur la portée et le retentissement de la Journée de la libération de l’Afrique.

48.M me Dah félicite l’État partie pour ses fortes traditions diplomatiques et le travail de sa mission à Genève. Même si le rapport marque un tournant dans la présentation de ses rapports périodiques après une interruption de dix ans, l’État partie devrait s’attacher à mettre en œuvre sans attendre les recommandations du Comité car il semblerait que certaines observations finales devront être de nouveau formulées.

49.Mme Dah aimerait savoir combien de femmes siègent dans les deux chambres du Parlement, s’il existe un système de quotas ou s’il est envisagé d’en adopter un. Notant que le tiers des membres du Sénat sont nommés par le Président, elle pense que ce système de nominations pourrait offrir un point de départ idéal vers l’égalité.

50.Mme Dah regrette que le représentant de la Commission nationale consultative de la promotion et de la protection des droits de l’homme ne soit pas en mesure de participer officiellement au débat avec l’État partie comme le prévoit le règlement intérieur du Comité. Elle espère que le projet de loi à l’examen permettra à la Commission de retrouver le statut «A» d’accréditation et qu’elle disposera des ressources financières et humaines et de l’indépendance nécessaires pour s’acquitter de sa tâche efficacement.

51.M. Vázquez dit que quoique le Comité prenne note avec satisfaction du fait que l’Algérie a ratifié la plupart des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et que ces derniers sont applicables directement dans son droit interne, il juge préoccupante la mesure dans laquelle les minorités exercent effectivement les droits garantis par la loi.

52.Notant que, conformément à la Constitution, l’arabe est une langue nationale et officielle de l’État tandis que le tamazight n’est qu’une langue nationale, il aimerait connaître les différences pratiques entre une langue officielle et une langue nationale. Il demande à la délégation de faire des commentaires sur les efforts qui sont faits pour développer l’enseignement en tamazight qui n’est pour le moment dispensé qu’à un très faible pourcentage d’enfants algériens. Il aimerait en outre en savoir davantage sur la chaîne de télévision amazighe, dont la plus grande partie des programmes serait diffusée en arabe plutôt qu’en tamazight, ainsi que sur la réticence des agents de l’État à enregistrer les noms en tamazight.

53.M. Vázquez juge préoccupant que les Amazighs soient découragés de porter des vêtements et des bijoux traditionnels exprimant leur identité ethnique, que ceux qui le font attirent la suspicion et qu’il soit interdit de brandir des drapeaux locaux lors des manifestations sportives.

54.Il aimerait recevoir des explications supplémentaires sur la destruction par le feu de forêts dont certaines populations tiraient leur subsistance. Il aimerait savoir si les causes en ont été élucidées et si des dédommagements ont été octroyés.

55.Il demande à la délégation de faire des commentaires sur la situation des réfugiés subsahariens. En particulier, il juge préoccupant que leur droit de recourir à la justice pâtisse de l’absence de services de traduction et d’interprétation dans leur langue et que des enfants subsahariens ont été apparemment placés en détention.

56.Même s’il comprend que la réticence de l’État partie à collecter les données que le Comité juge importantes est un héritage de la période coloniale pendant laquelle l’attribution de diverses identités ethniques avait été utilisée pour opprimer et diviser la population, il voudrait savoir si d’autres moyens de recueillir des statistiques ont été envisagés. Le Comité souligne l’importance de recourir à l’auto-identification et à une méthode plutôt incitative que coercitive, qui ne soulèverait pas les problèmes qui préoccupent le Gouvernement.

57.Notant que l’Algérie a approuvé la Déclaration des Nations Unies concernant les droits des peuples autochtones, il demande si l’État partie considère les groupes ethniques amazighs comme des peuples autochtones au sens de la Déclaration.

58.S’agissant de l’incitation à la discrimination et à la haine raciale, M. Vázquez note que la disposition du Code pénal tendant à assurer la mise en œuvre de l’article 4 de la Convention («toute diffamation commise envers une ou plusieurs personnes qui appartiennent à un groupe ethnique ou philosophique, ou à une religion déterminée est punie d’un emprisonnement») est libellée en termes plus généraux que ce qui est envisagé dans la Convention et que la notion d’injure (diffamation) est différente du concept d’incitation à la haine ou de l’affirmation d’une supériorité raciale. Il aimerait savoir si la loi exige que l’injure soit fondée sur l’appartenance ethnique de la personne injuriée. Comme il est préoccupant qu’une loi formulée en termes trop généraux puisse être utilisée d’une manière défavorable aux minorités ainsi qu’aux ONG et aux défenseurs des droits de l’homme, l’orateur aimerait recevoir des informations détaillées sur la manière dont cette disposition est interprétée.

59.M. Vázquez aimerait en outre en savoir davantage sur la situation des ONG qui reçoivent des fonds de l’étranger et sur leur reconnaissance.

60.M. Kut dit que les mécanismes officiels et les politiques institutionnelles de lutte contre toutes les formes de discrimination étant présentés sommairement dans le rapport de l’État partie, le Comité aimerait connaître des exemples concrets de la manière dont ils sont utilisés pour lutter contre la discrimination dans la vie quotidienne des Algériens.

61.Notant que la Commission nationale consultative de la promotion et de la protection des droits de l’homme est chargée d’enquêter sur toute violation des droits de l’homme qui a été constatée ou signalée à la police et de prendre des mesures appropriées, il demande des exemples précis des mesures qui ont été prises. Les autorités algériennes sont-elles satisfaites du fonctionnement de la Commission? Il aimerait savoir comment le fait que la Commission est fondée sur le principe de pluralisme sociologique et institutionnel influe sur son fonctionnement.

62.M. Kut demande des précisions supplémentaires sur l’application du Code de la nationalité dans le cas des mariages mixtes.

63.Le Président, s’exprimant en tant que membre du Comité, voudrait avoir des informations supplémentaires sur le Code de la nationalité et demande si la double nationalité est autorisée.

64.M. Delmi (Algérie) dit que le Gouvernement algérien est conscient des insuffisances du rapport de son pays et il espère que les observations et recommandations des membres du Comité l’aideront à veiller à ce que la législation de l’Algérie soit conforme aux engagements qu’elle a contractés en ratifiant la Convention.

65.Un certain nombre de facteurs contribuent à promouvoir la non-discrimination en Algérie, en particulier le principe d’égalité entre tous les peuples qui est un élément fondamental de l’islam. En outre, le fait que l’Algérie a connu de nombreuses invasions au cours de son histoire entraîne qu’une grande partie de la population ne connaît pas ses origines ethniques. L’Algérie s’attache toujours aux facteurs propres à unir plutôt qu’à diviser les personnes et le Gouvernement algérien traite les questions ethniques avec la plus grande prudence. Aucune inscription concernant l’origine ethnique ou la religion des personnes n’est portée sur les registres d’état civil et, une fois acquise la nationalité algérienne, l’origine des intéressés n’est plus mentionnée.

66.S’agissant de la question des réfugiés, M. Delmi dit que comme les Algériens avaient eux-mêmes trouvé asile dans d’autres pays au cours de la période coloniale, ils comprennent la situation des nombreux réfugiés qui se trouvent dans leur pays. Étant à la fois un pays d’asile et de transit, l’Algérie doit coopérer avec des pays d’origine et des pays de destination.

67.Le Gouvernement et la Commission nationale consultative collaborent en vue de satisfaire aux critères fixés dans les Principes de Paris et faire en sorte que le statut «A» de la Commission soit rétabli.

68.M. Akretche (Algérie) dit que son pays a ratifié la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et le Protocole qui s’y rapporte, instruments qui sont pleinement appliqués dans le pays. L’Office algérien des réfugiés et des apatrides examine les demandes d’asile et collabore étroitement avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à Alger. Toute décision de rejeter une demande est susceptible d’appel.

69.Les réfugiés provenant du Sahara oriental ont reçu aide et assistance en Algérie et leurs enfants bénéficient de certains programmes d’éducation. Récemment, il s’est produit un afflux de réfugiés provenant du Mali, à la suite de la dégradation de la situation dans ce pays. Les autorités algériennes ont pris des mesures non seulement pour sécuriser les frontières contre les attaques terroristes mais aussi pour faciliter l’entrée de Maliens fuyant les violences. Un représentant du HCR a évalué positivement un camp où de nombreux réfugiés maliens sont hébergés, notamment les conditions de logement, la nourriture, les soins médicaux et l’éducation.

70.Des réfugiés fuyant les violences en Syrie ont également été accueillis en Algérie en raison des bonnes relations existant entre les deux pays et le fait que les Syriens n’ont pas besoin d’un visa pour entrer en Algérie. Les autorités ont rapidement créé des centres d’accueil dans lesquels sont fournis tous les services de base, notamment les soins médicaux, la nourriture, le logement et l’éducation, en coopération avec le Croissant-Rouge algérien. Les réfugiés syriens ne sont pas tenus de se rendre dans ces centres et nombre d’entre eux préfèrent habiter chez des parents ou des amis car l’Algérie a une importante population syrienne. Ils sont en situation tout à fait régulière aux yeux des autorités.

71.La majorité des migrants en situation irrégulière sont des personnes qui essaient de se rendre en Europe. Cependant, étant donné les restrictions relatives à l’entrée dans l’Union européenne et les possibilités d’emploi offertes en Algérie, le voyage de nombre d’entre eux s’arrête dans l’État partie. Des efforts sont faits pour lutter contre l’immigration illégale conformément aux conventions internationales pertinentes et au principe de la dignité humaine.

La séance est levée à 18 heures.