Nations Unies

CERD/C/SR.2170

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.générale

23janvier 2013

Français

Original: anglais

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Quatre-vingt-unième session

Compte rendu analytique de la 2 1 70 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 8 août 2012, à 10 heures

Président:M. Avtonomov

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements soumis par les États parties en application de l’article 9 de la Convention (suite)

Vingtième à vingt-deuxième rapports périodiques de l ’ Équateur (suite)

La séance est ouverte à 10 h 1 0 .

Examen des rapports, observations et renseignements soumis par les États parties en application de l’article 9 de la Convention (suite)

Vingtième à vingt-deuxième rapports périodiques de l’Équateur (suite) (CERD/C/ECU/20-22, CERD/C/ECU/Q/20-22)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation équatorienne reprend place à la table du Comité.

2. M me Cobo (Équateur) présente les recommandations formulées par le Bureau du défenseur du peuple suite aux mesures prises par l’Équateur pour donner effet aux observations finales adoptées par le Comité en 2008 (CERD/C/ECU/CO/19). Le Bureau du défenseur du peuple a recommandé au Gouvernement de prendre des mesures pour veiller à ce que le Plan national de développement de l’Équateur contienne des objectifs prenant en compte tous les différents groupes ethniques et culturels du pays. Il a de plus recommandé que le système de collecte de données utilisé lors du dernier recensement soit actualisé de manière à ce qu’y figurent des indicateurs sur les préjugés raciaux et les idées et pratiques discriminatoires. Le Bureau du défenseur du peuple considère également qu’il faut tenir compte du lien qui existe entre les différences ethniques et les inégalités économiques en tant qu’indicateur de développement, et que des données devront être recueillies sur tous les groupes ethniques du pays, y compris les Roms.

3. Sur le plan législatif, les autorités devraient accélérer les consultations menés auprès de la société civile, des institutions compétentes et de la classe politique concernant le projet de loi sur les droits collectifs des peuples noirs ou afro-équatoriens et l’avant-projet de loi organique sur les conseils nationaux de l’égalité. Ces instruments législatifs permettront d’élaborer un système global de promotion et de protection des droits grâce à leur intégration dans les politiques et programmes publics, moyennant les services pertinents fournis par les autorités locales et nationales. Le système de protection et de surveillance des droits devrait veiller à établir des liens appropriés entre l’administration de la justice et le Bureau du défenseur du peuple. De même, ce dernier demande instamment au Gouvernement de faire en sorte que l’avant-projet de loi de coordination et de coopération entre la justice autochtone et la justice ordinaire et le projet de code pénal intégral, qui contient des dispositions relatives à la discrimination et à la haine, fassent l’objet d’un débat aussi vaste que possible associant la société civile et les institutions concernées.

4. Des progrès notables ont été accomplis pour veiller à ce que les peuples autochtones donnent leur consentement éclairé aux projets d’exploitation des ressources naturelles se trouvant sur les territoires où ils vivent. Le Bureau du défenseur du peuple a demandé au Gouvernement d’élaborer une législation globale sur le droit de consultation et de participation, s’inspirant des critères établis par la Cour constitutionnelle le 18 mars 2010. En outre, la zone intangible des peuples Tagaeri-Taromenani devrait être élargie, conformément aux critères techniques, juridiques et administratifs formulés par les autorités compétentes, et les mesures de protection de ces communautés doivent être renforcées. La zone intangible et les communautés qui y vivent subissent des pressions de la part de particuliers qui veulent explorer les ressources pétrolières qui s’y trouvent ou exploiter leurs terres à des fins agricoles, mais aussi du fait de la croissance démographique. S’agissant des mesures à prendre pour mettre fin aux expulsions forcées, des critères spécifiques doivent être élaborés pour réglementer les circonscriptions territoriales, le critère rural n’étant pas un critère pertinent pour les Afro-Equatoriens dont les deux tiers vivent en zone urbaine. Des lois, des politiques et des systèmes de protection doivent être adoptés en faveur des communautés, nationalités et peuples qui ont été déplacés du fait de catastrophes naturelles et d’activités humaines.

5. Tout en se félicitant de la meilleure qualité des données recueillies en matière d’accès à l’éducation, qui sont désormais ventilées par groupe ethnique, Mme Cobo demande instamment aux autorités équatoriennes d’élaborer des indicateurs de base et de veiller à ce que les données relatives au logement portent aussi sur les services primaires. Environ 40 % des logements occupés par la communauté afro-équatorienne dans la province d’Esmeraldas sont surpeuplés et moins de 44 % des Afro-Equatoriens ont accès aux réseaux d’assainissement. La corrélation entre l’éducation, l’accès à l’emploi et le type d’emploi doit aussi être reconnue, étant donné que les groupes traditionnellement exclus de l’enseignement universitaire sont surreprésentés dans les types d’emplois apparentés à la servitude et dans le domaine de la sécurité et des services. Les autochtones, les Afro-Equatoriens et les Montubios accusent les plus forts taux d’analphabétisme du pays. Seuls 4,9 % des peuples autochtones, 9,2 % des Afro-Équatoriens et 6,8 % des Montubios suivent un enseignement supérieur, ce qui a un fort impact sur leurs perspectives d’emploi ultérieures. Les autorités doivent prendre des mesures pour garantir un accès plus équitable à l’éducation et à l’emploi. Le Gouvernement équatorien devrait également encourager la création de médias communautaires, gérés par des personnes appartenant à des communautés, des peuples ou des nationalités d’Équateur. Cela leur permettrait de promouvoir leur culture et leur patrimoine immatériel et de démocratiser également les organes d’information.

6. M.  Gallegos Chiriboga (Équateur), répondant aux questions posées par les membres du Comité à la séance antérieure, dit qu’il était nécessaire que la Constitution contienne une définition large de la discrimination parce que l’Équateur souffre de la multiplicité d’actes de racisme du fait du caractère multiculturel et plurinational de sa société. Il explique que plus d’un million d’Équatoriens ont quitté le pays en 1998, lors de la crise économique qui était d’une ampleur similaire à celle que connaissent aujourd’hui la Grèce et d’autres pays européens. De nombreux émigrés reviennent aujourd’hui dans le pays, fuyant la crise qui secoue l’Europe. L’Équateur est également un pays d’accueil pour de nombreux migrants originaires de Colombie, du Pérou et d’autres pays. Plus de 66 000 ressortissants colombiens ont immigré en Équateur et sont les bienvenus dans tout le pays. Bien que la coca ne soit pas cultivée en Équateur, le trafic de drogue représente un problème colossal pour le pays en raison des effets pervers induits par la forte demande des États-Unis d’Amérique et de l’Europe pour la cocaïne produite en Colombie et au Pérou. Le fardeau que représente pour l’Équateur l’arrivée mensuelle de quelque 1 200 à 1 500 nouveaux réfugiés colombiens ne s’allègera pas tant que l’on n’aura pas considérablement réduit la demande de drogues illicites.

7. Les efforts déployés par le Gouvernement équatorien pour ériger une société véritablement plurinationale méritent d’être pris en compte par la communauté internationale; les nombreux conflits religieux qui secouent le Moyen-Orient et d’autres régions du monde sont dus à l’absence de dialogue avec les minorités et les groupes ethniques et à la non- consultation de ces derniers.

8. Pour ce qui est de la promotion de la participation des peuples autochtones aux partis politiques, M. Gallegos Chiriboga souligne que son pays a ratifié en 1998 la Convention no 169 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant les peuples indigènes et tribaux, 1989. Malgré les difficultés engendrées par la crise économique, le Gouvernement équatorien a progressé dans la mise en œuvre des dispositions de cet instrument. Même s’il reste beaucoup à faire pour éliminer les inégalités et réduire encore la pauvreté, près d’un million d’Équatoriens sont sortis de la pauvreté au cours des quatre années antérieures. Le mouvement Pachakutik et la Confédération des nationalités indigènes de l’Équateur (CONAIE) font partie intégrante du paysage politique équatorien depuis de nombreuses années. Le mouvement Pachakutik est représenté depuis longtemps au Congrès et à l’Assemblée nationale. Ces organisations sont très expérimentées et ont été très efficaces dans la lutte menée afin que justice soit rendue aux communautés autochtones et afro-équatoriennes.

9. Le Gouvernement a présenté de nombreuses propositions de loi importantes, en particulier concernant les médias, l’eau et les droits fonciers, qui n’ont pu être adoptées après l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution en 2008. Le Comité peut être assuré que ces textes feront l’objet d’un débat démocratique animé et seront adoptés dès qu’un consensus sera possible.

10. M me Viveros Padilla (Équateur) dit qu’en vertu de la Constitution, les peuples et les nationalités jouissent des mêmes droits. Depuis la reconnaissance par le Gouvernement du droit à l’auto-identification, le nombre de peuples et de nationalités a augmenté. Les nationalités autochtones sont constituées des groupes qui préservent leur langue, leur culture, et leur territoire tandis que les peuples autochtones sont constitués de personnes qui vivent selon leurs traditions. L’Équateur compte, par exemple, 18 peuples de nationalité kichwa. Les peuples afro-équatoriens et montubios ont également été reconnus par la Constitution de 2008. Les tribus «non contactées» sont celles qui ont librement choisi de vivre en marge de la société et de demeurer en situation d’isolement volontaire. Ce sont des peuples nomades. Conformément aux mesures de protection requises par la Cour interaméricaine des droits de l’homme, le Gouvernement équatorien a réalisé une étude sur la mobilité de ces peuples et créé une zone intangible, dans laquelle l’exploitation des ressources naturelles est interdite. Les mesures de protection voulues ont été prises et évaluées par une équipe interministérielle.

11. La Constitution prévoit la création de conseils nationaux de l’égalité. Ces nouvelles entités institutionnelles permettront d’élargir le mandat et d’accroître le budget d’organes tels que le Conseil pour le développement des nationalités et des peuples de l’Équateur (CODENPE) et le Conseil pour le développement des Montubios des régions côtières (CODEPMOC). En vertu de la loi, les conseils nationaux de l’égalité doivent être composés paritairement de représentants de la société civile et de représentants du Gouvernement. L’avant-projet de loi organique sur les conseils nationaux de l’égalité a été soumis à l’Assemblée nationale le 30 mai 2012, avec la documentation fournie par les nationalités et peuples autochtones et afro-équatoriens.

12. Une enveloppe de 1,3 millions de dollars – soit 5 % du budget total de l’État – a été allouée en 2012 à la lutte contre la discrimination à l’égard des nationalités et peuples autochtones et afro-équatoriens. Le Conseil de développement afro-équatorien (CODAE) a élaboré un plan national de développement des Afro-Équatoriens qui a été soumis au Secrétariat national de la planification et du développement. Ce plan est une politique de développement humain en faveur des Afro-Équatoriens qui comprend tout un éventail de mesures concrètes de lutte contre la pauvreté, la marginalisation, l’exclusion et la discrimination dont ils sont victimes.

13. Même si le Gouvernement est favorable au projet de décennie des personnes d’ascendance africaine, il continuera de lutter en priorité contre la discrimination raciale et l’exclusion ethnique et culturelle et intègrera son plan de lutte contre le racisme dans le système de gestion axée sur les résultats. Des mesures sont actuellement prises pour surveiller les manifestations racistes dans les médias et une campagne de grande ampleur a été lancée pour sensibiliser la population à la lutte contre le racisme et promouvoir le caractère plurinational et interculturel de la société équatorienne. Le Gouvernement a également entrepris de renforcer l’Observatoire contre le racisme et les formes de discrimination envers les nationalités et les peuples autochtones et afro-équatoriens et s’emploie à bannir les expressions racistes dans les retransmissions d’événements sportifs nationaux et internationaux.

14. M me Vinueza (Équateur) dit qu’étant donné que la Convention fait partie intégrante de la législation équatorienne et que ses dispositions sont garanties par la Constitution, celles-ci sont directement applicables en droit interne. En outre, l’absence de législation spécifique en matière de discrimination raciale ne peut être invoquée pour justifier la violation des droits établis par la Constitution. De plus, le Code pénal prévoit que les délits de haine raciale ayant entraîné la mort emportent une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 16 ans. Les 323 plaintes pour discrimination raciale enregistrées depuis 2009 ont toutes fait l’objet d’enquêtes préliminaires et trois d’entre elles ont donné lieu à une inculpation. Aucune condamnation n’a cependant été prononcée à ce jour. Comme indiqué précédemment, le Gouvernement est conscient que l’absence de condamnation pour des infractions liées à des faits de discrimination raciale atteste de la nécessité d’une révision du Code pénal.

15. En ce qui concerne les garanties de protection des peuples autochtones contre l’exploitation et la commercialisation des ressources naturelles se trouvant sur leurs territoires, le Gouvernement déploie des efforts considérables pour consulter les peuples intéressés. Deux projets de loi portant sur cette question sont actuellement débattus par l’Assemblée nationale. En outre, des règlements régissant l’accès aux ressources génétiques ont été élaborés. En ce qui concerne le cas du peuple kichwa de Sarayaku, qui vit dans le centre de l’Équateur, Mme Vinueza indique que le Président équatorien a pleinement appuyé un arrêt récent de la Cour interaméricaine des droits de l’homme et assuré que l’État le respectera, y compris en ce qui concerne le paiement de l’indemnité accordée aux peuples concernés. Il n’y a pas en Équateur de déplacement forcé de personnes à des fins d’exploitation pétrolière ou d’autres activités minières et l’Équateur reconnaît le droit des peuples à leurs terres ancestrales.

16. La célèbre plainte intentée contre la compagnie pétrolière Texaco, qui a contaminé la forêt tropicale amazonienne et ses habitants – dont certains ont été atteints de cancer – en y déversant des déchets toxiques, a poussé le Gouvernement à élaborer un plan de protection sociale et environnementale de la population touchée. Étant donné que les personnes concernées ne pouvaient plus vivre dans les parties contaminées de la forêt, des mesures ont été prises pour réinstaller ceux qui le souhaitaient dans une zone voisine dans des logements fournis par l’État. Un secrétariat technique national a été créé pour gérer les indemnités que les compagnies pétrolières ont été condamnées à verser aux communautés lésées et promouvoir leur développement. Le Ministère du développement social a également offert une indemnisation à ces communautés et veillé à ce que des investissements infrastructurels adéquats soient réalisés, notamment pour créer des structures de soins et des établissements scolaires dignes de ce nom.

17. L’Équateur protège le droit de chacun à la protestation sociale à condition que celle-ci soit non-violente. Nul n’a été privé de liberté en Équateur pour acte de sabotage ou de terrorisme. Les autorités ont mené une enquête approfondie sur le décès de Bosco Wisuma survenu lors des manifestations de protestation de membres de la communauté autochtone shuar en 2009 que la police aurait réprimées en faisant un usage excessif de la force et ont constaté que la victime avait été tuée à l’aide d’un fusil de chasse, une arme fort répandue dans la communauté shuar. En outre, l’analyse médico-légale a révélé que la balle mortelle n’avait pas pu être tirée par les forces de police. Bien qu’une enquête ait été diligentée et que plusieurs manifestants aient été inculpés, aucune personne n’a été à ce jour incarcérée dans le cadre de cette affaire, qui est toujours en instance. Une autre affaire concerne M. Marco Guatemal, arrêté lors des violentes manifestations qui ont eu lieu dans la province d’Imbabura, qui a porté plainte pour mauvais traitements mais dont la plainte a été par la suite rejetée. De plus, M. Marco Guatemal n’a pas été incarcéré mais a bénéficié d’une libération conditionnelle et a finalement été disculpé par la justice.

18. M me Ortiz (Équateur) dit que le Gouvernement a pris des mesures d’action positive dans le cadre du Plan plurinational de lutte contre la discrimination raciale et l’exclusion ethnique et culturelle, qui gère les indemnisations accordées aux communautés ayant subi une exclusion ethnique et culturelle. Ce Plan met l’accent sur les domaines suivants: justice et législation; éducation, communication et information, pleine jouissance des droits, participation citoyenne et renforcement institutionnel. Mme Ortiz indique, en outre, que la Constitution consacre le droit à l’éducation interculturelle bilingue et que plusieurs initiatives ont été prises pour donner effet à ce droit, telle que la formation d’enseignants appartenant aux mêmes communautés ethniques que les élèves. Les enseignants peuvent ainsi donner aux élèves une vue globale sur leur communauté et reçoivent un enseignement sur l’histoire des nombreuses autres communautés présentes dans le pays afin de garantir l’interculturalité de l’éducation. S’agissant de la participation citoyenne et du renforcement institutionnel, Mme Ortiz dit que les groupes autochtones, montubios et afro-équatoriens ont participé à l’élaboration du Plan plurinational de lutte contre la discrimination raciale et l’exclusion ethnique et culturelle et veillent à sa mise en œuvre. Une Commission nationale afro-équatorienne a été établie en 2011 à cette fin. En outre, toutes les institutions publiques ont pour mission d’assurer le suivi, la coordination et la réalisation du Plan.

19. M me Moreira (Équateur), répondant à la question relative à la discrimination à l’égard des réfugiés, explique que la législation pertinente s’applique à tous, y compris aux étrangers, aux migrants et aux réfugiés, et réprime l’incitation à la haine ou la discrimination illicite, sans distinction aucune tenant à l’origine ethnique ou culturelle. Aucune affaire de discrimination visant des réfugiés n’a été portée en justice. Plusieurs mesures ont été prises pour protéger les demandeurs d’asile, y compris pour leur permettre d’avoir accès aux services bancaires moyennant la détention d’un compte courant, conformément au principe de non-discrimination. Le Gouvernement a mis au point des programmes d’éducation et de formation professionnelle à l’intention des réfugiés, qui sont libres d’accès et basés sur le mérite. Les enfants de réfugiés ont accès gratuitement au système d’enseignement, sans discrimination aucune. La gratuité des soins est également assurée dans les dispensaires et les hôpitaux publics du pays. Plus de 70 millions de dollars ont été alloués à ces services en 2010/2011. Même si les stéréotypes illicites véhiculés par les médias concernant les réfugiés sont sanctionnés, certains organes de presse ont tenté d’établir une corrélation entre les communautés étrangères, notamment les Colombiens, et la criminalité. Le Gouvernement a pourtant présenté des chiffres qui contredisent ces idées reçues et le Président a personnellement et publiquement réfuté l’existence d’un tel lien, ce qui témoigne de la volonté du pays, au plus haut sommet de l’État, de s’attaquer à ce problème. Mme Moreira rappelle que le rapport périodique de son pays traite de la question des Roms. La Constitution interdit l’expulsion de migrants, notamment des Roms. Ces derniers ont créé leur propre association, qui est reconnue par le Gouvernement. Celui-ci élabore actuellement des plans qui permettront de remédier aux problèmes auxquels la communauté rom est confrontée. L’on n’a enregistré aucun cas de discrimination raciale ou autre visant des membres de cette communauté.

20. Répondant aux questions relatives aux Montubios, Mme Moreira indique qu’il s’agit d’un groupe de personnes qui s’est défini comme tel qui vit dans la région subtropicale du pays. Les Montubios ont une identité culturelle commune et des coutumes ancestrales différentes des autres groupes de population. Le Gouvernement suit une politique souple en matière d’auto-identification des groupes ethniques.

21. Le paragraphe 4 du rapport de l’Équateur indique que la Constitution de la République de l’Équateur abandonne la classification habituelle des droits par catégories, et ce dans le but de consacrer l’universalité et la nature transversale de tous les droits de l’homme, sans établir de quelconque hiérarchie particulière entre les droits. Mme Moreira regrette que ce libellé ait pu prêter à confusion. Enfin, la Constitution reconnaît le droit imprescriptible, inaliénable et indivisible des peuples autochtones, afro-équatoriens et montubios aux terres ancestrales et prévoit qu’ils peuvent créer des circonscriptions territoriales.

22. M.  Calí Tzay (Rapporteur pour l’Équateur) observe que les données sociodémographiques présentées sous forme de pourcentages au paragraphe 13 du rapport de l’État partie sont incomplètes et se demande dans quelle catégorie les 6 % manquants de la population sont classés. Notant que l’article 171 de la Constitution établit clairement les compétences de la justice autochtone et de la justice ordinaire, il s’interroge sur le point de savoir si l’avant-projet de loi de coordination et de coopération entre la justice autochtone et la justice ordinaire, évoqué au paragraphe 31 du rapport périodique, vise à répondre aux problèmes de coordination entre ces deux types de justice ou à remédier aux problèmes liés à l’administration de la justice autochtone. Il souhaite savoir si des sages-femmes autochtones travaillent dans les services de maternité visés au paragraphe 75, si les pratiques culturelles telles que l’accouchement debout sont respectées et si les peuples autochtones peuvent utiliser leur propre langue dans les établissements de santé. Le Rapporteur est frappé que la délégation ait déclaré que le nombre de peuples autochtones avait augmenté et souhaite savoir comment un tel phénomène a pu se produire. Il note avec préoccupation que le rapport fait allusion aux peuples qui n’ont pas été contactés par le Gouvernement et qui sont désignés sous le terme de «tribus».

23. Le Rapporteur relève en outre que 13 plaintes seulement sur les 323 formées pour discrimination raciale depuis 2009 ont atteint le stade de l’enquête pénale et qu’aucune des personnes inculpées n’a à ce jour été condamnée. Étant donné que la délégation a elle-même reconnu la défaillance du système judiciaire, il prie la délégation équatorienne d’indiquer si des mesures ont été prises pour remédier à cette situation.

24. Le Rapporteur indique que selon des informations communiquées au Comité, des réfugiés colombiens auraient été menacés de lynchage et un homme aurait effectivement été lynché à Borbón, dans la province d’Esmeraldas. Il s’interroge sur les raisons de tels comportements xénophobes et demande si les autorités ont pris de quelconques mesures pour éviter que cela ne se reproduise.

25. M.  Gallegos Chiriboga (Équateur) regrette profondément l’incident de Borbón. Il reconnaît que selon les informations dont il dispose, les civils équatoriens qui vivent le long de la frontière avec la Colombie, mais aussi ceux qui vivent dans d’autres régions, redoutent tous l’arrivée de Colombiens surarmés.

26. S’agissant des peuples «non contactés», le représentant tient en premier lieu à souligner que le mot «tribu» n’a pas les mêmes connotations péjoratives en Équateur qu’aux États-Unis d’Amérique. Il approuve la décision des autorités équatoriennes de délimiter certaines zones du pays et de les affecter à l’usage des communautés qui ont volontairement choisi de vivre isolées de la société occidentale; cette décision atteste du respect de l’État à l’égard du choix de ces communautés. Il a ainsi été décidé d’interdire l’exploitation des réserves pétrolières qui se trouvent dans le sous-sol du Parc National Yasuní, une zone habitée par des communautés «non contactées». L’absence de contact avec ces communautés signifie qu’il n’existe pas de statistiques officielles à leur sujet. Cette question est à son sens fascinante d’un point de vue ethnographique, anthropologique et historique.

27. M me Vinueza (Équateur), répondant à la question relative aux données sociodémographiques citées au paragraphe 13 du rapport à l’examen, explique que le pourcentage de la catégorie «autres» a été omis parce qu’un grand nombre de personnes interrogées a été incapable de s’identifier à l’une ou l’autre des catégories proposées dans le recensement.

28. La Constitution équatorienne reconnaît aussi bien le système de justice ordinaire que le système de justice autochtone. Les domaines de compétence des tribunaux autochtones doivent être déterminés par la loi. Le projet de loi actuellement soumis à l’Assemblée nationale n’établit pas assez clairement les domaines de compétence de chacun. On ne sait pas, par exemple, comment les autorités judiciaires devraient traiter une affaire impliquant un délit commis par une personne non autochtone contre une communauté autochtone. Un autre problème est celui des procédures de recours devant être établies pour garantir le droit à une procédure régulière. Il s’agit notamment de savoir si le jugement rendu par un tribunal autochtone de première instance pourrait être attaqué devant une juridiction de droit commun ou devant une juridiction autochtone.

29. Des mesures énergiques ont été prises pour soutenir les services médicaux interculturels. Le Ministère de la santé s’efforce de garantir un traitement intégré de la drépanocytose, une pathologie qui touche les Afro-Équatoriens. Une action est menée pour faciliter la coordination entre les sages-femmes autochtones et les centres de santé situés à proximité de leurs communautés. Les soins de santé sont également dispensés dans les langues autochtones. On envisage d’entreprendre une évaluation des progrès accomplis à ce stade dans le cadre du système de sages-femmes interculturel. Des règlements ont été édictés et les fonctionnaires du Ministère de la santé sont sensibilisés à la dimension culturelle de l’accouchement en position verticale.

30. Bien que les Équatoriens «non contactés» soient extrêmement mobiles, une étude a été réalisée sur leurs itinéraires réguliers pour identifier, par exemple, les zones où ils chassent et celles où ils font halte. La zone intangible, dont les ressources ne peuvent être exploitées, a été limitée sur la base de cette étude.

31. L’incrimination des infractions fondées sur la haine est sujette à controverse parce que de nombreux juges considèrent que les dispositions pertinentes pénalisent l’intention plutôt que l’acte. Pour eux, les délits motivés par la haine sont des délits d’intention. C’est pourquoi une modification du Code pénal aux fins de clarification a été suggérée.

32. M me Viveros Padilla (Équateur) dit que le fait de permettre aux peuples de s’auto-identifier s’inspire de la Charte des Nations Unies, des instruments fondamentaux relatifs aux droits de l’homme et de plusieurs résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies. Le droit à l’auto-identification est le droit d’un groupe de personnes de décider de ses propres formes de gouvernance, d’œuvrer en vue de son progrès économique, social et culturel, et de s’organiser librement sans ingérence extérieure et conformément au principe d’égalité. En Équateur, les nationalités et les peuples autochtones se sont identifiés en se fondant sur des critères tels que, notamment, le territoire, la langue et la culture.

33. M me Moreira (Équateur) explique que l’expression «tribus des Tagaeri-Taromenani» figurant au paragraphe 38 du rapport à l’examen devrait être remplacée par les termes «peuples tagaeri-taromenani».

34. Mme Moreira indique que sa délégation va s’efforcer d’obtenir davantage d’informations au sujet de l’incident de Borbón dans la province d’Esmeraldas et les communiquera au Comité.

35. M.  Murillo Martínez accueille avec satisfaction les renseignements fournis par la délégation équatorienne au sujet des peuples en situation d’isolement volontaire, en particulier les peuples autochtones de la région amazonienne, mais juge préoccupantes les activités menées par certaines entreprises étrangères engagées dans la production d’hydrocarbures. Il aimerait savoir si le Gouvernement équatorien a l’intention d’élargir la zone intangible.

36. M. Murillo Martínez souhaite connaître la superficie de terres allouées aux personnes d’ascendance africaine à titre de réparation et savoir si celles-ci sont détenues collectivement.

37. Il y a lieu de se féliciter des progrès accomplis par l’État partie pour protéger les ressources phytogénétiques, qui sont d’une importance stratégique majeure pour les peuples autochtones et les personnes d’ascendance africaine.

38. Constatant que les travailleurs domestiques, qui sont souvent d’origine africaine ou autochtone, perçoivent, en général, un salaire inférieur au salaire minimum, l’expert souhaite savoir si l’Équateur envisage de ratifier la Convention no 189 de l’OIT sur le travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011.

39. M.  de Gouttes,constatant que le paragraphe 13 du rapport périodique de l’Équateur indique que 71,9 % des Équatoriens sont métis, souhaite obtenir des précisions sur la définition de ce terme et savoir s’il existe plusieurs catégories de métis. Il remarque que 7,4 % des Équatoriens sont montubios et qu’ils sont donc numériquement plus importants que les citoyens afro-équatoriens et autochtones. Malgré les précisions fournies par la délégation au sujet des Montubios, M. de Gouttes juge la définition de ce groupe encore imprécise. Il serait par exemple utile de savoir en quoi les coutumes ancestrales de ce groupe diffèrent de celles des peuples autochtones.

40.En ce qui concerne les domaines distincts de compétence des tribunaux autochtones et des tribunaux ordinaire M. de Gouttes croit comprendre que le projet de loi sur cette question est toujours débattu à l’Assemblée nationale et souhaite savoir quels domaines du droit relèvent actuellement de la juridiction des tribunaux autochtones.

41. M.  Espinosa Salas (Équateur) indique que, conformément à l’article 9 de la Constitution, les étrangers qui occupent un emploi en Équateur, y compris les travailleurs domestiques, jouissent des mêmes droits que les Équatoriens et sont égaux devant la loi. L’Équateur a en outre ratifié la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille en février 2002. Les personnes qui emploient des travailleurs domestiques sont tenues de financer leur couverture sociale. Le peuple équatorien a décidé, lors d’un référendum tenu en 2009, que les employeurs qui ne respectent pas cette obligation sont passibles d’amendes, voire de poursuites pénales. Le 16 mars 2010, le Ministère du travail a lancé une campagne de soutien aux travailleurs domestiques afin qu’ils jouissent de conditions de travail décentes qui a eu des retombées très positives. Le nombre de travailleurs domestiques affiliés au système de sécurité sociale a augmenté, passant de 36 941 en 2007 à 69 932 en 2012. M. Espinosa Salas dit que l’Équateur a l’intention de ratifier la Convention no 189 de l’OIT mais que les droits dont jouissent actuellement les travailleurs domestiques sont plus importants que ceux établis par la Convention.

42. Les Montubios sont des paysans qui vivent exclusivement dans les zones côtières. Ils se différencient des autres groupes de population par leurs traditions culturelles, leurs modes d’expression, leur costume et leur habitat.

43. M me Vinueza (Équateur) dit qu’aucun consensus ne s’est dégagé à ce jour sur les compétences respectives de la justice autochtone et de la justice ordinaire. L’on s’accorde généralement à considérer que la justice autochtone ne devrait pouvoir trancher que les litiges relevant du droit civil et que les affaires pénales devraient relever de la justice ordinaire.

44. Les autorités se fondent principalement sur l’auto-identification pour définir les métis. La plupart des Équatoriens se considèrent comme tels. Les programmes scolaires abordent la question de la conquête espagnole et traitent de l’interaction subséquente entre les colons et les autochtones. La plupart des Équatoriens considèrent qu’ils sont le fruit de ce métissage. Les métis ne se subdivisent pas en catégories, l’objectif premier étant de parvenir à l’unité dans la diversité.

45. La question des ressources génétiques exige la mise en œuvre de la résolution 3/91 de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture des Nations Unies (FAO) afin de prévenir l’appropriation illégitime des ressources de la biodiversité. Il y a quelques années, des médecins originaires des États-Unis sont venus en Équateur sous prétexte de contribuer aux soins de santé et en ont profité pour effectuer des prélèvements sanguins sur les membres d’une communauté. Le Bureau du défenseur du peuple a été informé de cet incident en 2011, après que les cellules et l’ADN des personnes prélevées ont été vendus par un institut. Il est primordial d’éviter que de telles pratiques ne se reproduisent.

46. La zone intangible a été délimitée en fonction des itinéraires empruntés par les peuples «non contactés». Un centre de surveillance géré par quatre ministères a été établi au sein de la zone. Des équipes y patrouillent pour s’assurer qu’aucune entreprise d’exploitation forestière ou pétrolière n’y pénètre. Compte tenu des résultats enregistrés à ce jour, l’élargissement de la zone désignée comme «intangible» n’est pas jugé nécessaire.

47. Mme Vinueza n’est pas en mesure de fournir d’informations sur la superficie des terres allouées aux Afro-Équatoriens. Un vaste programme d’enregistrement des titres est en cours mais les données ventilées par sexe ne sont pas encore disponibles.

48. L’article 257 de la Constitution prévoit l’établissement de circonscriptions territoriales, qui sont une priorité du Plan plurinational de lutte contre la discrimination raciale et l’exclusion ethnique et culturelle (2009-2012). Les circonscriptions territoriales des Afro-Équatoriens sont en voie de création, conformément à leurs droits collectifs. Les métis s’auto-identifient comme tels du fait de leurs spécificités culturelles et coutumières; en outre, le dernier recensement de la population contenait neuf catégories ethniques auxquelles les personnes interrogées pouvaient s’identifier.

49. M me Moreira (Équateur) dit que les Montubios ne sont pas un peuple ancestral ou autochtone, mais qu’ils sont plutôt le fruit d’un métissage. Ils diffèrent toutefois des métis du fait de leur culture, de leur langue et de leurs coutumes très différentes. Tous les groupes de population sont protégés par la Constitution.

50. M.  Vázquez craint que la définition très large de la notion de «contenu discriminatoire» et que les sanctions ou mesures disciplinaires énoncées dans le projet de loi relatif à la communication ne portent atteinte à la liberté d’expression et à la liberté de la presse et rappelle que le Comité considère que l’éducation et la sensibilisation sont des moyens plus efficaces de lutter contre la discrimination raciale.

51. M.  Amir demande ce que la délégation entend par «peuples autochtones non contactés» et plus particulièrement s’ils se déplacent à l’intérieur ou à l’extérieur du territoire qui leur est reconnu.

52. M.  Thornberry demande des explications additionnelles sur la distinction établie par l’État partie entre les qualificatifs «digne» et «décent», en particulier eu égard à l’emploi, et souhaite savoir qui est à même de dire si les conditions de travail sont dignes ou non. Il attire l’attention de la délégation équatorienne sur la Recommandation générale no 8 du Comité concernant l’interprétation et l’application des paragraphes 1 et 4 de l’article premier de la Convention qui indique que l’identification d’un individu comme appartenant à un groupe racial ou ethnique particulier doit être fondée sur la manière dont s’identifie lui-même l’individu concerné et recommande à l’État partie de s’en inspirer en matière d’auto-identification.

53. M.  Gallegos Chiriboga (Équateur) dit que les activités de sensibilisation incombent certes au Gouvernement mais qu’elles requièrent aussi le soutien de toute une série d’acteurs, y compris des organisations internationales. Un certain degré de réglementation est nécessaire pour empêcher les médias de véhiculer aux stéréotypes véhiculés par les médias, qui contribuent et perpétuent les comportements discriminatoires.

54. M me Moreira (Équateur) estime que la Constitution de 2008 est plutôt avant-gardiste puisqu’elle reconnaît les droits de la personne en parallèle des droits de l’environnement. La Constitution garantit à chacun le droit de se déplacer librement dans le pays et d’en sortir, droit qui s’applique à tous les individus et à toutes les communautés, y compris aux peuples autochtones non contactés. Les itinéraires réguliers de ces derniers ont été étudiés pour assurer leur protection et cartographier leur territoire.

55. M.  Espinosa Salas (Équateur) dit que le mot «décent» a une connotation morale en espagnol, qui permet de classer certains emplois comme indécents du fait du préjudice subi par ceux qui les exercent. L’Équateur préconise que les personnes qui effectuent des activités que certains pourraient considérer comme indécentes, comme dans l’industrie du sexe, soient respectées et autorisées à vivre dans la dignité, d’où le choix du qualificatif «digne» plutôt que «décent».

56. M.  Calí Tzay (Rapporteur pour l’Équateur) se félicite de l’esprit d’ouverture dont la délégation équatorienne a fait montre au cours du dialogue avec les membres du Comité mais souligne que certaines préoccupations demeurent, notamment le flou des compétences respectives du système de justice ordinaire et du système de justice autochtone, le statut des communautés roms, l’insensibilité des magistrats aux doléances des autochtones et des Afro-Équatoriens et l’absence d’information sur les poursuites engagées pour des faits de discrimination, en particulier ceux imputés à des agents de l’État.

57. M.  Gallegos Chiriboga (Équateur) remercie le Comité et dit que l’Équateur est déterminé à mener à bien le processus de démocratisation engagé et à atteindre l’objectif de paix sociale.

La séance est levée à 12 h 55.