NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l'élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/SR.1542

24 février 2003

Original : FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante et unième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1542e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le vendredi 16 août 2002, à 15 heures

Président : M. DIACONU

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Cinquième rapport périodique de l’Estonie

QUESTIONS D’ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES (suite)

_______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 15 h 15.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Cinquième rapport périodique de l’Estonie (CERD/C/373/Add.2, HRI/CORE/1/Add.50/Rev.1)

Sur l’invitation du Président, la délégation estonienne prend place à la table du Comité.

Mme KALJURAND (Estonie) dit que l’Estonie a soumis le projet de cinquième rapport périodique aux trois principales ONG du pays qui s’occupent des droits de l’homme mais qu’une seule a formulé des observations qui ont été dûment prises en compte lors de l’élaboration de la version finale. Cette ONG, l’Institut des droits de l’homme, a notamment regretté que les rapports soumis aux organes conventionnels ne soient disponibles qu’en anglais. Le Gouvernement s’est donc engagé à traduire les rapports suivants en estonien. D’une manière générale, tous les rapports présentés aux organes conventionnels de l’ONU ainsi que les observations formulées par ceux–ci sont publiés sur le site web du Ministère des affaires étrangères. Cette pratique s’inscrit dans le cadre de l’application de la nouvelle loi de 2001 sur l’information, en vertu de laquelle tout individu doit avoir librement accès aux informations publiques. Cette loi dispose aussi qu’il faut accorder le même traitement aux nationaux et non nationaux pour ce qui est de l’accès aux documents officiels.

Mme Kaljurand informe les membres du Comité qu’un séminaire sur le thème de l’élimination de la discrimination se tiendra le 26 septembre 2002 à Tallinn. Son objectif est de faire connaître à la population, et en particulier aux représentants des minorités, les mesures prises dans les domaines de l’intégration des minorités et de l’élimination de la discrimination raciale. Elle signale également au Comité que le Ministère des affaires étrangères élabore le projet de déclaration prévu à l’article 14 de la Convention, lequel sera soumis dans les meilleurs délais au Gouvernement pour adoption.

Le Gouvernement estonien a poursuivi la mise en œuvre du programme d’intégration dans la société estonienne 2000‑2007, qui est axé sur les priorités suivantes : intégration linguistique aux fins d’une meilleure communication, intégration politico–juridique et intégration socioéconomique. S’agissant toujours des questions d’intégration, trois changements majeurs se sont produits depuis que le cinquième rapport périodique a été soumis. Premièrement, le 26 mars 2002, le Parlement a modifié la loi sur l’enseignement secondaire, qui disposait qu’à compter de 2007 l’enseignement se ferait uniquement en estonien dans le secondaire. Désormais, c’est aux gouvernements locaux et aux autorités scolaires de choisir la langue dans laquelle l’enseignement est dispensé. Deuxièmement, au début de 2002, le processus de naturalisation a été considérablement simplifié pour les jeunes étrangers qui terminent leurs études secondaires. Ils n’ont plus besoin de passer un examen supplémentaire s’ils ont réussi l’examen d’instruction civique et peuvent ainsi plus rapidement solliciter la nationalité estonienne. Troisièmement, le Gouvernement a aussi simplifié les épreuves de l’examen que les étrangers doivent passer pour obtenir la nationalité estonienne.

Mme Kaljurand présente ensuite un certain nombre de réformes importantes menées récemment en Estonie. Le 8 juillet 2002, le Parlement a modifié la loi sur les étrangers et en particulier les dispositions touchant aux quotas d’immigration. En vertu de cet amendement, qui entrera en vigueur le 1er octobre 2002, ne sont pas visés par les quotas d’immigration le conjoint, les enfants et les parents d’un citoyen estonien ou d’un étranger résident en Estonie au bénéfice d’un permis de séjour. Le nouveau Code pénal, qui entrera en vigueur le 1er septembre 2002, renforce considérablement le contrôle interne dans les organismes publics et érige en infractions pénales l’incitation à la haine raciale et la violation du principe d’égalité.

Enfin, Mme Kaljurand signale que, conformément à la Déclaration des ministres de l’éducation du Conseil de l’Europe, l’Estonie a décrété qu’une journée de commémoration de l’Holocauste et de prévention des crimes contre l’humanité serait célébrée chaque année le 27 janvier dans toutes les écoles du pays.

M. KJAERUM (Rapporteur pour l’Estonie) dit que le rapport de l’Estonie (CERD/C/373/Add.2) est détaillé et complet mais qu’il aurait souhaité davantage d’éléments d’analyse concernant les problèmes auxquels doit faire face le Gouvernement estonien. Il se félicite que l’Estonie ait ratifié un grand nombre de conventions régionales et internationales mais déplore qu’elle n’ait pas encore ratifié la Convention de 1961 relative à la réduction des cas d’apatridie, la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de l’UNESCO concernant la lutte contre la discrimination dans l’enseignement. Le programme d’intégration dans la société estonienne 2000‑2007 et la Fondation pour l’intégration témoignent de la volonté de l’Estonie de promouvoir une société multiculturelle dans laquelle chacun ait sa place. Toutefois, M. Kjaerum souhaiterait obtenir plus d’informations sur la participation des minorités à la mise en œuvre du programme et aux activités de la Fondation pour l’intégration. Il fait en outre observer que le programme d’intégration a un champ d’application limité dans la mesure où il ne s’applique qu’aux membres de minorités nationales qui ont la citoyenneté estonienne. A cet égard, il rappelle que dans ses précédentes conclusions concernant le quatrième rapport périodique de l’Estonie (CERD/C/304/Add.98, par. 9), le Comité s’est déclaré préoccupé par le fait que la définition des minorités nationales ne s’applique qu’aux citoyens estoniens.

En ce qui concerne la question des apatrides, M. Kjaerum note avec préoccupation qu’il ressort du rapport qu’en 2001, 64 % des détenteurs d’un permis de séjour en règle étaient apatrides. Ceux‑ci représentent 12 % de la population et leur nombre ne semble guère diminuer au fil des ans. En outre, il semble que seulement 3 000 à 4 000 individus acquièrent chaque année la nationalité estonienne alors qu’ils sont 11 000 à avoir passé avec succès en 2000 le test de langue préalable à l’acquisition de la nationalité. Il serait bon que la délégation explique pourquoi 7 à 8 000 des personnes qui ont réussi ce test ne demandent pas ou ne reçoivent pas ensuite la nationalité estonienne. Se heurtent‑elles à d’autres problèmes ou manquent‑elles de motivation et, si tel est le cas, pourquoi? On comprend mal aussi pourquoi la citoyenneté ne peut être accordée au conjoint et aux enfants d’anciens militaires.

M. Kjaerum se félicite que la loi sur les étrangers ait été amendée en 2000 et 2002 afin d’élargir l’éventail de personnes n’entrant pas dans le quota d’immigration et que la Cour suprême ait rendu des décisions allant dans le même sens. Il aimerait savoir si ces décisions ont conduit à des changements dans la pratique et s’il est envisagé de modifier à nouveau la loi en conséquence. Il demande à la délégation de fournir des statistiques sur le quota d’immigration dans son ensemble et notamment d’indiquer le nombre de demandes de regroupement familial, combien de ces demandes sont acceptées et combien sont rejetées et les raisons principales pour lesquelles elles sont rejetées.

S’agissant de l’intégration dans la société, le Comité juge essentiel que les minorités participent au processus de prise de décisions aux niveaux local, régional et national. Il se félicite donc que les étrangers aient le droit de prendre part à l’élection des organes locaux. Il faut en outre signaler que la loi sur les élections du Riigikogu (Parlement) et la loi sur l’élection des conseils des collectivités locales ont été amendées afin de supprimer l’obligation pour les candidats de parler l’estonien. Ces amendements signifient‑ils que l’Estonie envisage de lever l’interdiction pour les candidats issus des minorités de faire campagne dans leur langue vernaculaire? Pour ce qui est de la langue de travail des organes politiques, les gouvernements locaux peuvent demander l’autorisation de conduire leurs travaux dans telle ou telle langue locale. Or, dans plusieurs cas, ces demandes ont été rejetées et le Comité souhaiterait que la délégation lui fournisse des précisions à ce sujet. Enfin, M. Kjaerum demande s’il est prévu de lever l’interdiction faite aux non‑ressortissants de devenir membres de partis politiques et pourquoi peu de ressources ont été allouées au sous‑programme «compétence sociale», ainsi qu’il ressort du tableau 1.

Passant à la question des droits économiques, sociaux et culturels énoncés dans l’article 5 de la Convention, M. Kjaerum rappelle l’importance des données statistiques sur l’exercice effectif de ces droits, non seulement parce qu’elles permettent de mesurer l’impact réel des programmes d’intégration, mais aussi parce qu’elles contribuent souvent à mettre en évidence l’existence de possibles barrières discriminatoires au sein d’une société. Ainsi, pour ce qui est du droit au travail et du libre choix de l’emploi en Estonie, il convient de noter que bien que la législation estonienne garantisse le principe de non‑discrimination, dans les faits, le taux de chômage chez les ressortissants non estoniens est deux fois plus élevé que chez les Estoniens; l’écart de revenu entre les Estoniens et les étrangers aurait également tendance à augmenter. Le rapport fait état de nouvelles initiatives pour remédier à ce problème et M. Kjaerum aimerait savoir en quoi elles consistent exactement. Il demande par ailleurs si le projet de loi sur l’égalité prévoira la possibilité pour des particuliers de porter officiellement plainte pour discrimination dans l’emploi. S’agissant du système de santé en Estonie, la question qui se pose est celle de savoir dans quelle mesure l’accès à celui‑ci dépend de la situation financière ou juridique d’un individu. La situation des femmes membres de minorités étant préoccupante à cet égard, il serait souhaitable que l’État partie fournisse davantage d’informations sur ce point.

Évoquant la question de la langue qui constitue l’un des facteurs clés d’intégration en Estonie, M. Kjaerum note qu’en vertu de la loi linguistique, telle qu’amendée en 1999 puis en 2000, tout employeur est tenu d’exiger un certain niveau de compétence linguistique de ses employés, ceux–ci devant confirmer leur aptitude linguistique pour conserver leur emploi. Il aimerait savoir combien de personnes ont été licenciées en vertu de cette législation et dans quels secteurs et s’il existe des procédures de recours aisément accessibles aux personnes qui estiment avoir été licenciées sans motifs valables sur la base de cette loi. D’autre part, quel est exactement le niveau linguistique requis pour exercer une fonction dans l’administration publique et pourquoi l’Etat intervient‑il en la matière dans le secteur privé?

M. Kjaerum se félicite par ailleurs de l’élaboration d’un projet de loi sur l’égalité, lequel prévoit la création d’un conseil spécifique chargé de surveiller et d’analyser l’application des principes d’égalité. Il demande toutefois à la délégation d’indiquer si cet organe fonctionnera en tant que commission nationale, conformément à la Recommandation générale XVII du Comité relative à la création d’organismes nationaux permettant de faciliter l’application de la Convention, ou bien s’il s’agira d’un autre type d’organe qui ne sera pas compétent pour recevoir et examiner des plaintes individuelles.

Enfin, M. Kjaerum se dit heureux d’apprendre par l’intermédiaire de la délégation estonienne que les autorités envisagent la possibilité de faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention et de reconnaître ainsi la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications individuelles.

M. THIAM se félicite que l’Estonie ait tenu compte dans son cinquième rapport des préoccupations exprimées par le Comité lors de l’examen du précédent rapport, et y donne notamment de nombreuses informations sur la primauté des dispositions de la Convention par rapport aux lois estoniennes. Il apprécie tout particulièrement le fait que l’article 15 de la Constitution estonienne offre de larges possibilités d’invocation de la Convention devant les juridictions estoniennes et que l’article 9 du Code de procédure pénale estonien permette aux justiciables de faire exercer un contrôle de constitutionnalité tant par voie d’action que par voie d’exception.

M. Thiam se félicite en outre que le facteur linguistique ne soit plus un obstacle à l’exercice des droits de l’homme, et qu’il ne constitue plus une condition insurmontable pour l’acquisition de la nationalité estonienne. Il demande toutefois à la délégation de préciser si le projet de loi sur la nationalité, en cours d’examen au Parlement, exclura les citoyens binationaux de la procédure de naturalisation et s’il leur sera demandé de renoncer à leur nationalité antérieure. L’Estonie envisage‑t‑elle par ailleurs d’octroyer la nationalité aux personnes nées sur son territoire?

S’agissant des réfugiés, M. Thiam souhaiterait que la délégation estonienne indique combien de réfugiés sont recensés dans le pays; quelle est la procédure suivie en matière d’expulsion de migrants en situation irrégulière et dans quelles conditions ces expulsions sont effectuées. Il relève par ailleurs que l’Estonie compte un nombre très important d’apatrides, qui ne varie pas, et aimerait connaître la cause de cette stagnation.

M. Thiam note en outre que le nombre d’affaires jugées ayant trait à des infractions raciales est nettement inférieur au nombre de poursuites engagées pour de tels actes. Il serait bon que la délégation estonienne explique les raisons de cette disparité et indique l’issue réservée aux cas de ce type qui n’ont pas été soumis à la justice.

En l’absence de données précises, il est difficile d’évaluer le succès des réformes engagées dans les domaines de l’éducation, de l’emploi et du logement et de mesurer concrètement le respect du principe de l’égalité de tous devant la loi, en particulier en ce qui concerne les femmes et les enfants appartenant aux minorités et les immigrés. Des informations supplémentaires sur ces questions seraient très utiles.

M. VALENCIA RODRIGUEZ se félicite de la création de la Fondation pour l’intégration des non‑ressortissants estoniens et de la Commission chargée de traiter les questions relatives à l’intégration des minorités ethniques dans la société estonienne mais souhaiterait obtenir des précisions quant à la composition de ces organes et savoir si des membres des minorités y sont représentés. Il prend note également avec satisfaction de l’adoption d’actes législatifs par le Parlement estonien pour rendre effectives les dispositions de la Constitution relatives à l’interdiction de la discrimination, mais aimerait savoir comment ces lois sont appliquées dans la pratique. La création d’un réseau d’autorités diverses chargées de repérer et d’analyser les cas de discrimination est également une mesure très positive mais la délégation pourrait peut‑être préciser si des membres de groupes ethniques minoritaires y participent.

M. Valencia Rodriguez souhaiterait également que la délégation indique si et comment, de son point de vue, le droit accordé aux ressortissants étrangers de participer aux élections locales a contribué de manière générale à l’intégration des immigrés. Il note par ailleurs qu’en vertu de la loi sur la protection sociale, les autorités des collectivités locales sont tenues de mettre un logement à la disposition des personnes ou des familles qui sont dans l’incapacité d’en obtenir un et s’interroge sur le point de savoir si une aide analogue est fournie aux familles des groupes minoritaires en situation marginale.

Tout en jugeant positives les mesures prises pour sanctionner les actes de racisme commis par des skinheads, M. Valencia Rodriguez aimerait savoir si des procédures ont été mises en place pour indemniser de façon satisfaisante les victimes des actes de racisme mentionnés au paragraphe 81 du rapport, et si le Chancelier de justice a été saisi de plaintes pour discrimination.

M. THORNBERRY relève que, selon le paragraphe 83 du rapport, il n’y a pas de ségrégation raciale ni d’apartheid en Estonie et attire l’attention de la délégation estonienne sur le sens donné par le Comité à ces deux notions. Il rappelle en effet que dans sa Recommandation générale XIX, le Comité a notamment précisé qu’une situation de ségrégation raciale peut être le résultat de différences établies entre certains groupes sociaux sur le plan du logement et de la santé qui peuvent se traduire par un certain ostracisme et une forme de discrimination à l’égard de certaines personnes dans laquelle les motifs raciaux se combinent à d’autres motifs. L’État partie devrait étudier plus avant cette recommandation.

M. Thornberry note qu’en vertu du Code pénal estonien, l’adhésion à une organisation criminelle est passible de trois à huit ans d’emprisonnement mais se demande si les actes de discrimination raciale constituent également des infractions pénales en Estonie. En outre, il aimerait savoir ce que signifie exactement «l’interdiction d’adhésion à une association dont l’objectif est de se livrer à des activités dirigées contre la souveraineté de la République», établie par l’article 235 du nouveau Code pénal. Cette interdiction vise‑t‑elle les propos tenus dans le cadre d’une organisation et, le cas échéant, quel type de discours pourrait être sanctionné en vertu de cet article?

M. Thornberry constate en outre que parmi les conditions d’acquisition de la nationalité estonienne énoncées à l’article 2 de la loi sur la citoyenneté figure celle d’«être loyal envers l’État estonien» et se demande comment dans les faits cette loyauté est appréciée et quels actes ou quels propos pourraient constituer un manque de loyauté. Enfin, la loi sur les étrangers fixe un quota annuel d’immigration qui ne s’applique pas aux citoyens de l’Union européenne, des États‑Unis, de la Norvège, de l’Islande, de la Suisse et du Japon et il aimerait savoir pourquoi et quel est le lien entre ces pays.

M. AMIR se félicite que les étrangers aient le droit de prendre part au vote pour l’élection du conseil de l’administration locale mais s’interroge sur le fait qu’à la différence des citoyens estoniens, ces mêmes étrangers doivent obtenir l’autorisation du Gouvernement pour accéder à la propriété foncière.

S’agissant de l’article 132 du Code pénal, qui met en évidence le lien entre la liberté de la presse et la diffamation, M. Amir constate avec satisfaction une normalisation de la relation entre la liberté de la presse et la déontologie puisque la presse peut être poursuivie pénalement pour atteinte à la dignité du chef de l’État.

M. Amir demande par ailleurs quelle est la politique nationale de l’Estonie en matière de mariage avec des étrangers, notamment du point de vue de leur droit à l’héritage et à la succession. Plus précisément, il aimerait savoir quel est le droit qui s’applique dans le cadre d’un mariage contracté entre deux personnes dont l’une est de confession musulmane et quel est le droit à l’héritage des enfants nés de ce mariage. Il s’interroge également sur les raisons pour lesquelles le mariage est interdit entre des parents adoptifs et des enfants adoptés ou entre des enfants adoptés par la même personne.

À propos du droit à la liberté d’opinion et d’expression, M. Amir aimerait savoir si l’article 45 de la Constitution vaut aussi pour les partis politiques. À cet égard, il demande s’il existe au niveau du Parlement estonien, des procédures visant à empêcher ou interdire la liberté d’expression d’un parti politique, notamment si celle‑ci va dans le sens de l’incitation à la haine raciale.

M. Amir se réjouit par ailleurs qu’il soit fait état dans le rapport périodique présenté par l’État partie de la possibilité pour les personnes de présenter des requêtes écrites et orales (par. 424 du rapport) se référant ensuite aux divers projets des associations culturelles nationales, des groupes artistiques et des écoles du dimanche, mentionnés au paragraphe 437 du rapport, qui bénéficient d’un appui du Gouvernement estonien, il demande s’il existe des mosquées et des associations culturelles musulmanes dans le pays.

Enfin, M. Amir ne comprend pas pourquoi à la fin de 2001, l’affaire de discrimination raciale relatée au paragraphe 448 du rapport était toujours en instance alors que la presse s’en est largement fait l’écho et a dénoncé des faits que le Code pénal condamne. Est‑ce pour des raisons de fond ou de procédure?

M. RESHETOV se félicite de la poursuite du dialogue entre le Comité et la République d’Estonie, voisin septentrional de la Fédération de Russie, et espère que le caractère périodique de ce dialogue permettra de supprimer certains des problèmes relatifs aux droits de l’homme qui se posent dans l’État partie

M. Reshetov s’étonne en premier lieu que le rapport présenté par l’Estonie ne soit pas disponible en langue russe; en effet, un tiers de la population totale du pays étant russophone, le russe serait un excellent vecteur d’information. Cela dit, il apprécie que le Gouvernement estonien tienne compte des recommandations formulées par le Comité et s’efforce de les appliquer et soit de plus en plus conscient, ainsi qu’il ressort du rapport, du caractère multiculturel du pays. À cet égard, il met en garde le Gouvernement estonien contre toute application discriminatoire de la procédure simplifiée d’acquisition de la nationalité estonienne, notamment en ce qui concerne les conditions linguistiques exigées par la loi.

Se référant ensuite au programme de surveillance établi en octobre par un organisme privé, l’Institut de la société ouverte, en vue de l’entrée de dix pays, dont l’Estonie, dans l’Union européenne et qui aurait mis en évidence de graves problèmes concernant la situation des minorités nationales, en particulier de la minorité russophone en Lettonie et en Estonie, M. Reshtov s’étonne que dans les pays baltes, les membres des minorités nationales ne jouissent pas des mêmes droits que le reste de la population pour ce qui est du droit d’utiliser la langue russe dans les écoles, et du droit de participer à la vie politique, et en matière d’accès à la naturalisation et à l’emploi, ce qui renforce leur exclusion sociale. Tout en soulignant les quelques effets positifs du programme en question dans les pays candidats sur les droits de l’homme et la politique d’immigration, il dénonce l’attitude souvent discriminatoire des dirigeants politiques de l’État partie. Ainsi, seuls les ressortissants estoniens ont le droit de prendre part à l’élection du Parlement ou d’appartenir à des partis politiques, et de choisir librement leur emploi et leur lieu de travail. M. Reshetov aimerait savoir s’il est vrai que, le russe étant toujours considéré en Estonie comme une langue étrangère, les détenus n’ont pas la possibilité de porter plainte pour mauvais traitements, par exemple, dans leur langue maternelle.

S’agissant de la question de la naturalisation, M. Reshetov s’inquiète de ce qu’une grande partie de la population de l’Estonie se retrouve en situation illégale du fait des difficultés à obtenir la nationalité estonienne en raison des quotas annuels fixés et des conditions à satisfaire. Étant donné que la Convention condamne la discrimination fondée sur l’origine, il déplore que le versement de certaines indemnités dépende du statut du demandeur (citoyen estonien, étranger au bénéfice d’un permis de résidence permanente ou étranger sans permis de résidence permanente) et que la législation estonienne admette l’existence de doubles normes juridiques pour les étrangers selon qu’ils sont originaires de Russie ou de l’Union européenne ou du Japon.

En conclusion, M. Reshetov regrette la persistance d’un certain blocage psychologique vis‑à‑vis des russophones d’Estonie auxquels on reproche encore d’être venus s’installer dans le pays à une période donnée de l’Histoire. Il reconnaît cependant que le rapport fait état de progrès indéniables dans la diminution des préjugés fondés sur certaines considérations idéologiques et historiques et dans l’amélioration du respect des droits de l’homme.

M. BOSSUYT déplore que les nombreuses personnes d’origine russe que compte aujourd’hui l’Estonie et qui sont venues s’installer dans le pays alors que le pays appartenait encore à l’Union soviétique aient fait l’objet, après l’indépendance de la République, de réactions hostiles mais il note avec satisfaction que le Gouvernement estonien a récemment intensifié ses efforts pour faciliter leur intégration, notamment linguistique, qu’il envisage de supprimer l’obligation linguistique énoncée dans la loi sur l’élection des conseils des collectivités locales et qu’il a assoupli sa politique en matière d’acquisition de la nationalité ainsi que sa politique d’immigration vis‑à‑vis des conjoints étrangers de ressortissants estoniens.

M. Bossuyt demande par ailleurs à la délégation estonienne des éclaircissements sur le projet visant à transformer à l’horizon 2007 les écoles où sont enseignées des langues autres que l’estonien en écoles de langue estonienne. Il voudrait savoir notamment combien d’écoles sont concernées, combien d’élèves suivent ces cours et quelles sont ces langues d’enseignement.

M. PILLAI se félicite que des procédures de consultation aient été engagées avec les ONG par le Gouvernement estonien en vue de l’élaboration des rapports périodiques.

En ce qui concerne le rôle des médias estoniens, il est à noter que selon la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, ils ont moins tendance à exacerber les préjugés à l’encontre des populations étrangères vivant dans le pays. M. Pillai demande à cet égard si le Gouvernement envisage d’assouplir ses restrictions concernant la diffusion de programmes radiotélévisés en langues étrangères non sous‑titrés en estonien et s’il a tenu compte des recommandations de la Commission susmentionnée au sujet de la diffusion télévisuelle de programmes d’intérêt commun en langues estonienne et russe. Il souhaiterait aussi avoir de plus amples informations sur l’éventuelle adoption d’un code de conduite volontaire par les journalistes.

Enfin, M. Pillai, comme M. Kjaerum, invite l’État partie à réfléchir à la possibilité de se doter d’une institution nationale des droits de l’homme pour lutter plus efficacement contre la discrimination raciale.

Le PRÉSIDENT remercie les membres du Comité de leur intervention et demande à la délégation estonienne si elle souhaite d’ores et déjà répondre aux questions des experts.

Mme KALJURAND (Estonie) remercie, au nom de sa délégation, le Rapporteur pour le pays ainsi que tous les autres membres du Comité de leur examen détaillé du rapport, de leurs nombreuses questions et surtout de leur attitude très constructive. Elle indique que compte tenu du nombre de sujets abordés, la délégation estonienne attendra la séance suivante pour répondre aux questions qui lui ont été adressées.

La séance est suspendue à 17 h 15; elle est reprise à 17 h 25.

QUESTIONS D’ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES (point 2 de l’ordre du jour) (suite)

Le PRÉSIDENT invite M. Valencia Rodriguez à présenter le document intitulé Questions d’organisation intéressant le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD/C/61/Misc. 4), dont il est l’auteur et à exposer les raisons pour lesquelles il suggère de modifier les méthodes de travail du Comité en ajoutant à la documentation mise à sa disposition des analyses par pays des États parties dont il prévoit d’examiner les rapports à chaque session.

M. VALENCIA RODRIGUEZ explique que ces analyses par pays mettraient à jour ou compléteraient les documents de base et les informations fournies par l’État partie sur les questions visées par la Convention ou comporteraient des renseignements concernant la suite donnée aux recommandations du Comité ainsi qu’à la Déclaration et au Programme d’action de la Conférence mondiale de Durban.

M. BOSSUYT se dit tout à fait favorable à l’adoption de cette proposition, dans la mesure où elle ne constituerait pas une charge de travail démesurée pour le secrétariat.

Le PRÉSIDENT, s’exprimant en sa qualité de membre du Comité, se demande où le secrétariat pourrait puiser des informations sur «la suite donnée aux recommandations du Comité ainsi qu’à la Déclaration et au Programme d’action de la Conférence mondiale de Durban». Selon lui, il ne serait pas judicieux de s’adresser aux ONG pour obtenir ces informations.

À l’issue d’un échange de vues auxquels participent M. PILLAI, M. HERNDL, M. VALENCIA RODRIGUEZ, M. KJAERUM, M. SHAHI, M. SICILIANOS, M. AMIR, M. RESHETOV, M. THIAM et M. TANG, le PRÉSIDENT propose que M. Valencia Rodriguez précise dans le document à l’examen que les analyses par pays devront constituer une mise à jour des documents de base présentés par les États parties, sous la forme d’une compilation d’informations objectives et concrètes sur les questions qui intéressent le Comité. Elles contiendront notamment les données pertinentes issues des travaux d’autres organes conventionnels de l’ONU, de la Commission des droits de l’homme, de la Sous‑Commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme et des organes régionaux intergouvernementaux, ainsi que les décisions pertinentes de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité.

Il en est ainsi décidé.

La séance est levée à 18 heures.

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