NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale sur l'élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/SR.1500

27 juin 2002

Original : FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixantième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1500e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 7 mars 2002, à 10 heures

Président : M. DIACONU

SOMMAIRE

ENGAGEMENT SOLENNEL DES MEMBRES NOUVELLEMENT ÉLUS DU COMITÉ, CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 14 DU RÈGLEMENT INTÉRIEUR (suite)

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Quatrième et cinquième rapports périodiques de la Croatie (suite)

QUESTIONS D’ORGANISATION ET MÉTHODES DE TRAVAIL (suite)

Projet de proposition concernant le contrôle des mesures de lutte contre le terrorisme

_____________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 10 h 10.

ENGAGEMENT SOLENNEL DES MEMBRES NOUVELLEMENT ÉLUS DU COMITÉ, CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 14 DU RÈGLEMENT INTÉRIEUR

1.Le PRÉSIDENT souhaite la bienvenue à M. Kjaerum, membre nouvellement élu du Comité.

2.Conformément à l'article 14 du règlement intérieur, M. KJAERUM, prend l’engagement solennel ci-après :

« Je déclare solennellement que j’exercerai mes devoirs et attributions de membre du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale en tout honneur et dévouement, en pleine et parfaite impartialité et en toute conscience. »

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Quatrième et cinquième rapports périodiques de la Croatie (CERD/C/290/Add.1; CERD/C/373/Add.1; HRI/CORE/1/Add.32/Rev.1) (suite)

3. Sur l’invitation du Président, la délégation croate reprend place à la table du Comité.

4.Mme KARAJKOVIČ (Croatie) déclare que la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale a été incorporée à l’ordre juridique interne de son pays, au même titre que les instruments internationaux signés et ratifiés par la Croatie et entrés en vigueur dans le pays, et qu’elle l’emporte sur le droit interne.

5.En mai 2000, le Code de procédure pénale a été révisé de manière à mettre certaines de ses dispositions en conformité avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Par ailleurs, le Tribunal constitutionnel a abrogé certaines dispositions de la loi sur la défense et a rendu en décembre 2000 plusieurs décisions visant à permettre la mise en oeuvre directe la Convention.

6.Mme Karajkovič signale que, par suite d'un problème de traduction, les paragraphes 67 et 68 du rapport de la Croatie (CERD/C/373/Add.1) font référence à des « minorités ethniques et nationales » et à des « minorités nationales », et non à des « minorités nationales autochtones », termes utilisés dans la Constitution croate. La Croatie entend par « minorités nationales autochtones » les groupes minoritaires qui sont établis de longue date sur le territoire croate et qui ont les mêmes traditions que la population majoritaire. Les Italiens de l’Istrie, les Hongrois, établis depuis longtemps en Slavonie, et les Serbes, qui sont depuis 1991 un groupe minoritaire, entrent notamment dans cette catégorie.

7.Répondant à la question de savoir pourquoi l'expression « Musulmans Bosniaques » est employée dans le tableau figurant dans le rapport (par. 201), la représentante explique que le terme « Musulman » désignait, dans la Constitution de 1974, les membres d’une minorité religieuse nationale. Lors du démantèlement de l’ex-Yougoslavie, la majorité des musulmans qui vivaient en Bosnie-Herzégovine ayant commencé à se définir comme Bosniaques, la Croatie a reconnu cette appellation, tout en sachant que tous les musulmans ne sont pas des Bosniaques.

8.Mme Karajkovič reconnaît que le présent rapport traite trop succinctement la question de l’application de l'article 4 de la Convention et assure le Comité que le prochain rapport périodique de la Croatie sera plus complet sur ce point. Elle précise toutefois que le Code pénal contient plusieurs articles qui érigent en infraction pénale la discrimination raciale et l’incitation à la haine nationale, raciale ou religieuse, notamment les articles 6, 106, 119, 174 et 199.

9.S’agissant de la coopération entre la Croatie et le Tribunal pénal international de La Haye, Mme Karajkovič dit que le Parlement croate a adopté, le 14 avril 2000, une déclaration par laquelle il a manifesté la volonté du pays de coopérer activement avec le Tribunal pour poursuivre les auteurs de crimes de guerre, quelle que soit leur nationalité. Le ministère public a ordonné plusieurs exhumations en Croatie et tous les documents détenus par la Croatie concernant les événements qui se sont produits durant la guerre ont été archivés et mis à la disposition du Tribunal. La Croatie a demandé l’assistance du Tribunal pour la préparation de documents et des représentants de la Croatie et du Tribunal se rencontrent régulièrement dans le but d’éclaircir toutes les questions controversées.

10.Mme Karajkovič ajoute que la délégation croate n’est pas en mesure de transmettre au Comité le texte des lois récentes concernant la minorité rom, car celles-ci n’ont pas encore été traduites. La Croatie s’engage à les faire parvenir au Comité dès qu’elles auront été traduites

11.Mme LENARDIC (Croatie), évoquant la question des rapatriés et des personnes déplacées, indique que Le Gouvernement a adopté en 1998, le Programme de retour et d’hébergement des personnes déplacées et des réfugiés. Elle souligne que Le Gouvernement croate garantit le droit au retour pour tous, sans condition de réciprocité et quelle que soit la nationalité des postulants. C’est là une précision très importante, puisque la Croatie est le premier pays de la région à avoir créé des conditions favorables au retour sans conditions préalables. Les minorités ont commencé de retourner en Croatie, principalement les réfugiés croates et bosniaques, et des programmes spécifiques d’aide à la reconstruction des logements ont été menés pour faciliter ce processus.

12.De manière générale, la Croatie entend par personnes déplacées celles qui ont quitté leur lieu de résidence pour s’établir dans une autre partie du pays. Entrent dans cette catégorie, essentiellement les Croates mais aussi les Serbes qui ont été déplacés à l’intérieur de la région du Danube croate. Les réfugiés sont les personnes qui ont fui des pays voisins pour se réfugier en Croatie. Les rapatriés sont celles qui sont revenues vivre dans leur région d’origine. Toutes ces personnes peuvent bénéficier d’une aide gouvernementale, notamment pour la reconstruction des logements.

13.Au début de la guerre, vers 1991, la Croatie comptait 260 000 personnes déplacées et 400 000 réfugiés. En 1997, lorsque le retour en provenance et à destination de la région du Danube croate a commencé, on dénombrait 140 000 personnes déplacées et 160 000 réfugiés. En janvier 2002, la Croatie comptait 20 000 personnes déplacées et 20 000 réfugiés. 40 0000 personnes dépendent donc toujours de l’aide de l’État, notamment financière et alimentaire. Au cours de ces dernières années, on a assisté à une baisse importante du nombre des bénéficiaires de l’aide de l’État, 42 000 personnes ayant réintégré leur foyer. Le problème du rapatriement de personnes ne constitue donc plus un problème politique, mais essentiellement un problème économique, le coût mensuel de l’aide au logement et de l’application du Programme de retour étant de 3 millions d’euros. En 2002, 4 500 logements privés ont été restitués à leurs propriétaires et 5 000 sont actuellement inhabités.

14.La Croatie s’est, de plus, dotée de plusieurs lois qui protègent les réfugiés, les rapatriés et les personnes déplacées, et leur garantissent, indépendamment des modalités et de la date de leur retour, des droits égaux en matière de reconstruction et de droits sociaux. Le Gouvernement a pris la décision d’achever, à titre prioritaire, le processus de rapatriement avant la fin de 2002.

15.Le Gouvernement croate dresse actuellement la liste de tous les logements appartenant à l’État à l’échelle du pays en vue de trouver une solution au problème de l’hébergement des personnes qui souhaitent rester en Croatie mais n’y possèdent pas de logement, ou des personnes parties en Serbie ou dans une république voisine mais titulaires d’un droit d’occupation sur un logement situé en Croatie. Pour améliorer la situation dans le secteur du logement, Le Gouvernement a lancé un vaste programme de reconstruction des habitations détruites pendant la guerre. Il a reçu 39 000 demandes de reconstruction, dont 60 % émanent de personnes réfugiées à l’étranger, principalement en Yougoslavie.

16.La Croatie a en outre adopté en 1998 le Programme de retour et d’hébergement des personnes déplacées et des réfugiés, qui définit la méthode à utiliser pour permettre à toutes les personnes de réintégrer leur foyer, ainsi que la procédure à mettre en oeuvre pour que les propriétaires puissent rentrer en possession de leurs immeubles qui ont été ou sont encore utilisés pour héberger provisoirement des réfugiés et des personnes déplacées. Mais pour mener à bien sa tâche, Le Gouvernement croate doit faire reconstruire 20 000 maisons détruites et restituer encore 10 000 habitations, opération qui coûtera environ 18 millions d’euros.

17.Mme Lenardič indique ensuite qu’aucune indemnisation n’a été versée pour les dommages matériels causés par le conflit. Elle admet toutefois que certaines personnes ont été favorisées dans le traitement des demandes de restitution de biens. Elle précise à cet égard que la nationalité n’influe pourtant en rien sur la suite donnée à ces demandes et ne conditionne pas non plus le retour des personnes déplacées, des rapatriés ou des réfugiés. La loi sur le statut des personnes déplacées et des réfugiés octroie en effet les mêmes droits à tous les groupes de réfugiés, quelles que soient les modalités de leur retour et leur origine ethnique.

18.M. KATIČ (Croatie) indique qu’en vertu de la loi sur la circulation et la résidence des étrangers, l’exercice du droit de circuler librement sur le territoire de la République de Croatie, ainsi que le droit d’entrer dans le pays et de le quitter, peuvent être limités exceptionnellement aux fins de la protection de l’ordre public, ou de la santé, des droits et des libertés d’autrui.

19.En matière de nationalité, il rappelle que les ressortissants de l’ancienne République fédérative socialiste de Yougoslavie jouissaient à la fois de la citoyenneté yougoslave et de celle de leur république de résidence, qu’elle soit croate, slovène, serbe, macédonienne ou autre. Au moment de la proclamation de la République de Croatie, tous les citoyens de l’ex-République socialiste de Croatie ont automatiquement acquis la citoyenneté croate, quelle que soit leur origine ethnique. En outre, tous les ressortissants d’une autre république qui résidaient en Croatie au moment du démantèlement de la Yougoslavie ont reçu le statut de résidents permanents. Toutefois, en raison du conflit, nombre d’entre eux ont fui le pays, ce qui a d’ailleurs amené le Ministère de l’intérieur à annuler le permis de résidence permanente de 42 000 personnes qui avaient quitté le pays pour une durée dépassant la limite légale. Le Gouvernement est toutefois prêt à faciliter l’entrée et l’établissement en Croatie des personnes qui souhaitent y retourner. À cette fin, il a adopté en avril 2000 un décret en vertu duquel les personnes concernées peuvent, sur simple présentation d’un dossier justifiant leur absence prolongée, demander le renouvellement de leur statut de résident permanent. Les personnes dont la demande aboutit jouissent de droits identiques à ceux qu’ils auraient eu s’ils n’avaient jamais quitté le pays.

20.Le délai nécessaire à l’obtention de la citoyenneté croate est de cinq ans, mais l'article 8 de la loi sur la citoyenneté prévoit que certaines catégories d’étrangers peuvent l’obtenir plus rapidement. Il s’agit des personnes nées sur le territoire croate, des personnes qui ont acquis une autre nationalité par filiation, des personnes qui ont épousé un citoyen ou une citoyenne croate et ont un casier judiciaire vierge en Croatie, des Croates de l’étranger et de leurs descendants, des étrangers dont l’entrée sur le territoire présente un intérêt pour la Croatie (scientifiques, universitaires ou artistes), et, enfin, des membres de la nation croate résidant à l’étranger, étant entendu que ces derniers n’ont pas besoin de renoncer à l’autre nationalité.

21.En vertu de l'article 30 de la loi sur la citoyenneté, les Roms qui résidaient dans l’ancienne République socialiste de Croatie au moment du démembrement de l’ex-Yougoslavie ont obtenu la nationalité au même titre que les autres résidents de cette république. Les Roms ayant la nationalité de l’un des pays issus de ce démembrement doivent faire une demande de naturalisation pour obtenir la nationalité croate. Plusieurs facteurs propres à leur style de vie compliquent le processus de naturalisation : les Roms n’ont généralement ni un certificat de résidence officiel, ni des documents d’identité, et ils ne se marient pas selon la loi croate, ce qui les empêche d’acquérir la citoyenneté par cette voie et de la transmettre à leurs descendants. Enfin, ils ne savent ni parler ni écrire le croate, conditions requises pour l’octroi de la citoyenneté aux termes de la loi sur la nationalité (art. 8, par. 1 a).

22.Mme BOGDANOVIC (Croatie) indique que les relations de travail sont régies par le Code du travail, qui définit un certain nombre de normes minimales, comme le salaire minimum, en vue de protéger les droits des travailleurs.

23.Le Service croate de l’emploi, organisme chargé de centraliser les données relatives à l’emploi, ne dispose pas de statistiques sur les demandeurs d’emploi ventilées par origine ethnique. Quoi qu’il en soit, ce sont les compétences, et non l’origine ethnique du chômeur, qui sont prises en considération lors d’un entretien d’embauche. En outre, le taux de chômage actuel, qui est proche de 15 %, rend la recherche d’un emploi difficile pour tous, qu’ils soient Croates de souche ou membres d’une minorité nationale.

24.Mme Bogdanovic dit que les ressortissants des pays issus du démembrement de l’ex-Yougoslavie possédant un permis de travail sont souvent prêts à travailler pour un salaire inférieur à celui des nationaux pour un travail égal, et que leur rémunération est de toute façon supérieure à celle qu’ils recevraient dans leur pays d’origine. Mais il n’y aurait pas selon elle de discrimination, car un contrat de travail est un accord conclu entre un employeur et un employé, qui en acceptent l’un comme l’autre les termes.

25.Mme ZEMAN (Croatie) dit que les conditions d’embauche et d’emploi dans le secteur de la santé sont les mêmes pour les citoyens croates et les étrangers. Le seul problème qui se pose aux étrangers est celui du permis de travail, qui est évidemment indispensable. De nombreux étrangers travaillent dans les hôpitaux en tant que médecins : ou bien ils ont fait leurs études de médecine en Croatie et obtenu les mêmes diplômes que les étudiants croates, ou bien ils ont fourni la preuve qu’ils avaient obtenu des diplômes équivalents dans leur pays d’origine. En tout état de cause, les médecins étrangers doivent passer et réussir les examens correspondants en Croatie pour exercer une spécialité. Pour ce qui est des Roms, le Ministère de la santé a réalisé une étude qui montre qu’ils sont surtout installés dans les comitats du nord et du nord‑ouest, qui sont les plus développés et principalement urbains. D’après certaines estimations, la Croatie compterait 6 600 Roms.

26.Mme MAKARUHA (Croatie) souligne que tous les membres des minorités peuvent exercer leur droit à une éducation de base, car l’enseignement est organisé en trois branches : a) un enseignement dispensé dans la langue de la minorité, b) un enseignement bilingue, et c) un enseignement en croate comprenant des cours réservés à l’apprentissage et à la promotion de la langue et de la culture de la minorité concernée. Il convient de noter que chaque élève, quelle que soit son origine, peut choisir le type d’enseignement qui lui convient. Ainsi, en Istrie, des élèves croates ont choisi de suivre un enseignement bilingue.

27.La scolarisation des Roms pose un problème majeur étant donné leur mode de vie bien particulier. Il est difficile de connaître le nombre exact d’élèves roms car ils ont tendance à ne pas aller à l’école toute l’année. Le taux d’absentéisme est très élevé au printemps et en été. Soucieuse d’intégrer ces enfants dans le système scolaire selon une approche adaptée à chaque cas, la Croatie organise des écoles d’été qui dispensent un enseignement dans les trois principaux dialectes parlés par les Roms. Quelque 150 élèves roms suivent chaque année les cours de ces écoles. Par ailleurs, les écoles maternelles offrent aux enfants roms la possibilité d’apprendre le croate en un an, juste avant d’entrer dans le primaire.

28.Mme Makaruha reconnaît qu’il existe un comté dans lequel des classes sont exclusivement réservées aux Roms. Cependant, le but recherché n’est en aucun cas de marginaliser les élèves roms, mais de leur enseigner le croate dont ils ne connaissent pas un mot. En ce qui concerne les enseignants, seuls quatre d’entre eux sont des Roms. Le Service des communautés ou minorités ethniques et nationales tente de remédier à cette situation en mettant en œuvre un programme spécial de formation pédagogique, mais ses moyens financiers sont limités.

29.Mme Makaruha évoque plusieurs projets qui visent à promouvoir les droits de l’homme, parmi lesquels figurent le projet de promotion du multiculturalisme en tant que fondement de la paix et de la tolérance, le projet d’éducation à l’économie aux fins du renforcement des institutions démocratiques et le projet de promotion de la démocratie. Dans ce domaine, la Croatie bénéficie de l’aide du Conseil de l’Europe et de plusieurs organisations non gouvernementales des États‑Unis d’Amérique. S’agissant des programmes et des manuels scolaires, en particulier ceux qui concernent l’histoire, Mme Makaruha indique qu’une révision est en cours en vue de dispenser un enseignement moderne et scientifique, c’est‑à‑dire fondé sur des faits avérés et objectifs. En attendant l’entrée en vigueur des nouveaux programmes, les différentes communautés du pays sont convenues de suspendre l’enseignement de l’histoire de la période 1990‑1995.

30.Mme KARAJKOVIČ (Croatie), dit que conformément à la Constitution et à la législation croates, notamment la loi sur les associations, les groupes ou associations susceptibles de se livrer à des activités à caractère raciste et discriminatoire sont interdits. La loi sur l'emploi officiel de la langue et de l'écriture des minorités, adoptée en mai 2000, définit expressément les conditions dans lesquelles les minorités peuvent utiliser leur langue officiellement. Ainsi, lorsqu'un groupe minoritaire à l'échelon national est majoritaire dans une ville, il a le droit d'utiliser officiellement sa langue dans cette ville. Au niveau du comitat, une langue peut être utilisée officiellement si l'une de ses villes l'utilise officiellement. S'agissant du rôle du médiateur (ombudsman), ce personnage n'a certes pas mandat pour entreprendre des enquêtes mais l'influence considérable qu'il exerce, notamment auprès des médias, et le respect qu'il inspire, lui permettent d'appeler l'attention sur tel ou tel problème.

31.M. SOčANAC (Croatie), dit que le Bureau des droits de l'homme mis en place en 2000 a notamment été chargé de publier et de diffuser les recommandations du Comité. S'agissant du suivi de la Conférence mondiale contre le racisme de Durban, le Bureau, en collaboration avec les ministères compétents, élaborera prochainement un plan national d'action visant à mettre en œuvre les conclusions et recommandations de la Conférence. Par ailleurs, le Comité national qui remplacera le Groupe de travail chargé d'assurer les préparatifs de la Conférence aura pour mandat de suivre la situation en ce qui concerne la discrimination et un groupe de lutte contre la discrimination sera institué pour réexaminer la législation croate concernant la discrimination raciale.

32.M. de GOUTTES remercie la délégation de ses réponses, qui ont été particulièrement précises. Deux points de détail restent cependant à éclaircir : premièrement, la question de la composition de la Commission du logement chargée de reloger les personnes déplacées et, deuxièmement, celle de savoir si les propriétaires trouvant leur logement occupé à leur retour peuvent obtenir du Procureur une ordonnance d’expulsion. Dans l’affirmative, cela s’est‑il déjà effectivement produit ?

33.Le PRÉSIDENT, s’exprimant en sa qualité d’expert, est conscient que la terminologie employée pour désigner les minorités diffère entre les instruments internationaux, car il est question de « minorités ethniques, religieuses ou linguistiques » dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de « minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques » dans la déclaration de 1992 sur les minorités et de « minorités nationales » dans les documents du Conseil de l’Europe. Cependant, la préoccupation du Comité est les États n’emploient pas une terminologie restrictive pour exclure quelque groupe que ce soit de la protection garantie par les instruments internationaux, ni pour établir une discrimination entre tel ou tel groupe minoritaire, par exemple en le qualifiant de « groupe autochtone » ou de « minorité nationale ».

34.M. LINDGREN ALVES aimerait savoir si les Bosniaques sont représentés au Parlement.

35.Mme KARAJKOVIĆ (Croatie) répond qu’aucun Bosniaque ne siège actuellement au Parlement, mais que cela pourrait être le cas après les prochaines élections. Elle indique à ce propos que la loi électorale est en cours de remaniement.

36.Mme LENARDIĆ (Croatie) dit que les commissions du logement sont constituées à l’échelle des comitats et composées de représentants des autorités locales. C’est parce qu’elles rencontrent de sérieux problèmes avec les rapatriés que ces commissions seront remplacées par des organismes placés sous la tutelle du Ministère des travaux publics, de la reconstruction et du logement. À l’heure actuelle, le ministère public est saisi d’environ 35 affaires d’occupation provisoire de propriétés privées. Un certain nombre d’expulsions ont eu lieu mais, la délégation n’étant pas en mesure de donner des données complètes, les renseignements sur ces affaires seront envoyés au Comité par écrit.

37.M. THORNBERRY (Rapporteur pour la Croatie) est fermement convaincu que le recensement envisagé sera très utile et aidera beaucoup Le Gouvernement croate à mieux connaître les déplacements massifs de population intervenus ces dernières années et à régler des problèmes tels que ceux liés à la représentativité dans les organes de l’État ou à la discrimination à l’égard des Roms. Le prochain rapport périodique de l’État partie devrait donc être en grande partie influencé par les résultats de ce recensement. Il serait également bon qu’il fournisse au Comité des renseignements plus détaillés sur la façon dont les dispositions légales sont appliquées effectivement et sur leurs résultats concrets. Il devrait fournir également davantage de renseignements statistiques, notamment des données ventilées sur les Roms. À cet égard, quoique le système éducatif croate paraisse globalement en conformité avec la Convention, M. Thornberry pense que l’existence de classes séparées pour les Roms est préoccupante et que la Croatie devrait tenir compte à cet égard de la recommandation générale N° XXVII du Comité concernant la discrimination à l’égard des Roms. Il se félicite de la réussite du projet pilote éducatif mené dans la région du Danube et espère voir ce genre d’initiative se généraliser.

38.M. Thornberry estime qu’il ressort du dialogue avec la délégation croate que malgré des difficultés économiques, notamment un taux de chômage élevé, Le Gouvernement fait de grands efforts pour mener à bien le Programme de retour, y compris en finançant des projets de reconstruction très coûteux. Il a également la volonté de réviser la législation et compte élaborer enfin la loi sur les minorités nationales, si longtemps attendue. L’arriéré judiciaire étant important, mais pas insurmontable, l’État partie pourrait peut‑être prendre exemple sur le Royaume‑Uni, qui a réussi à régler un problème similaire en relativement peu de temps, en créant une commission spéciale à cette fin, la Criminal Cases Review Commission.

39.M. Thornberry dit que le Comité prendra bonne note de l’intention de l’État partie de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention. Enfin, il souscrit aux observations du Président sur la terminologie utilisée pour désigner les différents groupes minoritaires, et appelle la Croatie à se référer à cet égard à la recommandation générale No XXIV du Comité, relative à l'article premier de la Convention.

40.Mme KARAJKOVIĆ (Croatie) remercie M. Thornberry et l’ensemble des membres du Comité de leurs remarques et recommandations, qui seront un bon point de départ pour le sixième rapport périodique de la Croatie. Dans l’intervalle, et dans le cadre de ses efforts pour surmonter les obstacles qu’il rencontre, Le Gouvernement croate maintiendra un dialogue continu avec le Comité.

La séance est suspendue à 12 h 30; elle est reprise à 12 h 40.

QUESTIONS D’ORGANISATION ET MÉTHODES DE TRAVAIL (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Projet de proposition du Comité concernant le contrôle des mesures de lutte contre le terrorisme (CERD/C/60/Misc.22/Rev.1)

41.Le PRÉSIDENT invite les membres à examiner le texte du projet de proposition susmentionné élaboré par un groupe de rédaction composé de M. Thornberry, M. Fall et M. Sicilianos (CERD/C/60/Misc.22/Rev.1, document distribué en séance, en anglais seulement). La proposition a pour but de donner suite à la demande adressée par la Haut‑Commissaire aux droits de l’homme à tous les organes conventionnels.

42.M. THORNBERRY précise que le projet est un compromis qui est le résultat d’une tentative de synthèse entre les opinions exprimées par les membres du groupe de rédaction et les contributions d’autres membres du Comité.

43.M. ABOUL‑NASR regrette que tous les membres du Comité n’aient pas été consultés avant la rédaction du projet. Il pense que les conditions de détention à la base de Guantanamo (Cuba), le bombardement de l’Afghanistan et les réactions contre les Arabes et les musulmans qui ont eu lieu dans pratiquement tous les pays du monde ont été tout aussi contraires à la Charte des Nations Unies que les attaques du 11 septembre 2001, et qu’il n’est pas logique que le Comité évoque exclusivement ces attaques en passant sous silence les réactions qui les ont suivies. En outre, l’affirmation selon laquelle les mesures de lutte contre le terrorisme seraient justifiées devrait faire référence de façon précise aux dispositions de la Charte des Nations Unies et aux règles relatives à l’état de droit sur lesquelles elle se fonde. Par souci de précision, il conviendrait également d’étoffer le dernier alinéa du projet de proposition, à l’effet notamment de préconiser la réalisation d’une étude sur les réactions dont les Arabes et les musulmans ont été victimes dans le cadre de la lutte contre le terrorisme qui a suivi les événements du 11 septembre.

44.M. AMIR estime lui aussi que la proposition du Comité devrait se référer à la Charte des Nations Unies, matrice de tous les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, de façon à insister sur le caractère mondial de ces instruments. Il recommande donc qu’au quatrième alinéa commençant par le mot « Underlines », le Comité souligne que les décisions internationales ou régionales de lutte contre le terrorisme devraient être fondées sur les dispositions de la Charte. En effet, il ne peut y avoir de décision sans morale internationale.

45.M. LINDGREN ALVES saisit cette occasion pour rappeler de nouveau sa position de principe : il désapprouve tant les bombardements de l’Afghanistan que l’emprisonnement de nombreux innocents dans de nombreux États, en particulier aux États‑Unis. Pour autant, le Comité n’est ni le Conseil de sécurité, ni l’Assemblée générale, mais un organe conventionnel. De ce fait, il devrait s’en tenir à son mandat en vertu de la Convention et adresser à ce titre des recommandations fortes à ceux qui prennent des décisions en matière de lutte contre le terrorisme. Cela dit, le projet lui paraît être en l’état un excellent compromis et il l’appuie sans réserve.

46.M. de GOUTTES juge le projet, qui est effectivement un texte de compromis, utile et souhaite qu’il soit adopté aussi tôt que possible, car la communauté internationale attend une réaction de la part du Comité. Le Comité contre la torture a d’ores et déjà réagi à la demande de la Haut‑Commissaire aux droits de l’homme, et d’autres organes conventionnels le feront sans nul doute très prochainement. Le dernier paragraphe lui semble particulièrement intéressant. Le suivi des législations nationales qui ont été adoptées ou vont l’être et leurs effets potentiellement discriminatoires est en effet un apport propre à ce Comité.

47.M. KJAERUM estime que le projet est équilibré. Néanmoins, il souhaiterait seulement que l’historique de l’élaboration des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme y soit rappelé brièvement, car il est important de souligner que lesdits instruments sont nés à la suite d’un conflit.

48.Mme JANUARY‑BARDILL estime également que le dernier paragraphe est des plus utiles, en ce qu’il affirme clairement le rôle du Comité dans le contrôle des effets potentiellement discriminatoires des législations adoptées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Elle craint toutefois qu’en se limitant à contrôler les législations, le Comité n’agisse pas contre les mesures discriminatoires qui pourraient être prises en l’absence de telles législations.

49.M. SHAHI pourrait en principe se rallier au consensus qui semble se dégager, mais il se demande si le Comité envisage réellement de contrôler des législations telles que celles du Royaume‑Uni ou des États‑Unis. Il n’est pas convaincu de l’utilité de raviver des controverses. De nombreuses questions se posent en effet sur lesquelles les opinions sont très tranchées et Comité n’a pas à se prononcer. Le Comité doit certes condamner les attaques terroristes du 11 septembre, et même, si possible, dans des termes plus forts que ceux qui figurent dans le texte actuel, mais il doit se concentrer sur ce point sans rouvrir des débats sur des questions connexes telles que celle de savoir si les personnes détenues à Guantanamo sont visées par la Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre ou doivent être jugées par des tribunaux militaires.

50.M. PILLAI fait valoir que le fait d’avoir des lois contre le racisme ne protège pas nécessairement de la discrimination raciale. Il aimerait donc que le dernier paragraphe vise non seulement les lois adoptées, mais aussi la façon dont ces lois sont appliquées.

51.Le PRÉSIDENT estime que la notion d’état de droit n’est pas encore très connue et que le Comité n’a pas à décider de ce qui est ou non contraire aux dispositions de la Charte des Nations Unies. Il ne comprend d’ailleurs pas pourquoi le Comité devrait se référer à cet instrument en la matière au lieu d’évoquer exclusivement la Convention. Il propose que le Groupe de rédaction révise le projet de proposition en tenant compte des observations qui ont été exprimées au cours du débat et soumette au Comité un projet de proposition révisé pour examen à une séance ultérieure de la session en cours.

La séance est levée à 13 h 5.