Nations Unies

CERD/C/SR.2219

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

16 juillet 2013

Français

Original: anglais

Comité pour l’éliminati on de la discrimination raciale

Quatre-vingt-deuxième session

Compte rendu analytique de la 2219 e  séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 20 février 2013, à 15 heures

Président (e):M. Avtonomov

Puis:M. Lahiri (Vice-Président)

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements soumis par les États parties en application de l’article 9 de la Convention (suite)

Quinzième à dix-neuvième rapports périodiques de Maurice

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports, observations et renseignements soumis par les États parties en application de l’article 9 de la Convention (suite)

Quinzième à dix-neuvième rapports périodiques de Maurice (CERD/C/MUS/15-19; CERD/C/MUS/Q/15-19; HRI/CORE/MUS/2008)

Sur l’invitation du Président, la délégation mauricienne prend place à la table du Comité.

M.  Lahiri ( Vice-Président ) prend la présidence.

M.  Varma (Maurice) dit que son gouvernement a malheureusement été contraint de soumettre les quinzième à dix-neuvième rapports périodiques avec du retard, en raison du grand nombre de rapports qui lui ont été demandés par d’autres organes conventionnels des Nations Unies et de sa participation à la procédure de l’Examen périodique universel. M. Varma assure au Comité que son gouvernement attache une grande importance aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention.

La Constitution garantit à tous les Mauriciens le droit à une protection égale sans discrimination fondée sur la race, la caste, le lieu d’origine, l’opinion politique, la couleur, la conviction ou le sexe. En outre, plusieurs autres dispositions légales protègent les droits énoncés dans la Constitution, et le Gouvernement a mis en place toute une gamme de politiques et de programmes également conçus pour leur défense. En particulier, la Commission de l’égalité des chances a été créée en avril 2012 dans le but de superviser la mise en œuvre de la loi relative à l’égalité des chances, qui définit comme discrimination directe ou indirecte tout traitement défavorable en raison du statut social, notamment de la caste, des origines ethniques, de la couleur, des convictions, du lieu d’origine ou de la race. Bien qu’aucun système de caste ne soit officiellement reconnu à Maurice, des préjugés fondés sur la caste se sont ancrés dans les esprits lors des premières diasporas et subsistent chez les personnes d’un certain âge.

Le Gouvernement a chargé expressément la Commission de l’égalité des chances d’œuvrer pour l’élimination de la discrimination fondée sur la caste. La Commission examine les plaintes dont elle est saisie et enquête proprio motu sur des cas où des actes de discrimination ont pu ou peuvent être commis. Début 2013, elle publiera à l’intention de tous les employeurs des secteurs public et privé des directives et un code de conduite pour l’égalité des chances, rendus obligatoires en application des dispositions de la loi. La Commission tente de résoudre les affaires au moyen de la conciliation. En cas d’échec, elle peut, avec le consentement du plaignant, porter l’affaire devant le Tribunal de l’égalité des chances, qui peut émettre des ordonnances et directives ainsi qu’accorder des indemnités compensatoires. La Commission peut également demander au Tribunal de prendre des mesures de protection si les circonstances nécessitent une intervention urgente afin d’éviter toute aggravation des préjudices subis par les parties lésées. La non-application des ordonnances ou des directives du Tribunal est passible de sanctions pénales, soit une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison et une amende pouvant s’élever jusqu’à 100 000 roupies.

La loi sur la protection des droits de l’homme a été révisée pour harmoniser la législation nationale avec le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, ce qui a nécessité la mise en place d’un mécanisme national de prévention au sein de la Commission nationale des droits de l’homme. La révision prévoit également la création au sein de la Commission d’une division d’examen des plaintes chargée d’enquêter sur les plaintes déposées contre des policiers pour des raisons autres que la corruption ou le blanchiment d’argent. Cette division peut enquêter sur des cas de décès survenus durant une garde à vue ou suite à une intervention de police, et prodiguer des conseils sur les moyens de combattre les pratiques répréhensibles des fonctionnaires de police dans l’exercice de leurs fonctions.

La révision de la loi a également permis d’élargir le mandat de la Commission afin qu’elle puisse soumettre au Gouvernement des opinions, recommandations, propositions et rapports sur tout sujet ayant trait à la promotion et la défense des droits de l’homme. La Commission est aussi responsable de l’harmonisation entre la législation nationale, les pratiques et les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme dont Maurice est partie, ainsi que de leur bonne application. La Commission est pleinement conforme aux Principes de Paris.

D’autres révisions législatives ont permis d’augmenter sensiblement la participation des femmes à la vie politique des villes et villages, d’élargir l’accès à l’assistance juridique à une plus grande partie de la population dans le besoin et d’améliorer l’accès à l’emploi pour les personnes handicapées. Maurice est depuis toujours fière de sa société multiraciale, multiethnique et multiculturelle et s’emploie à conjuguer cohésion et pluralisme, considérant unité et diversité comme les piliers de la prospérité et du progrès.

La mise en application du Plan national d’action pour les droits de l’homme 2012‑2020 est supervisée par le Comité de surveillance des droits de l’homme, composé de représentants d’ONG, de ministères, de départements, d’institutions nationales des droits de l’homme et du secteur privé. Le Gouvernement prépare une base de données des institutions des droits de l’homme et des indicateurs de résultat afin de pouvoir évaluer les progrès réalisés par rapport à des objectifs clairs.

Des programmes de sensibilisation et de formation aux droits de l’homme sont menés dans les centres de jeunesse et les centres d’aide aux citoyens, à l’intention des fonctionnaires, des jeunes, des ONG et du grand public. Les droits de l’homme, notamment les dispositions de la Convention, font partie intégrante de l’entraînement de la police et des forces armées. Des programmes télévisuels traitant des droits de l’homme sont diffusés en vue de renforcer la culture des droits de l’homme dans la société et pour informer chacun des groupes visés sur ses droits. Un portail Internet a été créé en décembre 2012 afin de promouvoir la stratégie des droits de l’homme au Gouvernement aux niveaux national et international. Ce portail fait également office d’outil pour le rapprochement des décideurs, des formateurs, des étudiants, des institutions nationales des droits de l’homme et des ONG.

La communauté créole n’est pas victime de discrimination et jouit des mêmes droits économiques, sociaux et culturels que les autres communautés. Des projets spécifiques sont mis en place pour s’attaquer au problème de la pauvreté dans toutes les communautés. La langue créole est ainsi enseignée à l’école, il existe une chaîne de télévision en langue créole et une association de locuteurs créoles s’emploie à préserver et à promouvoir le créole en tant que langue ancestrale. Le Ministère de l’intégration sociale et de l’autonomisation économique a été créé en 2010 afin de lutter contre la pauvreté. D’après ses estimations, près de 40 000 personnes toutes religions confondues vivent sous le seuil de pauvreté. Des programmes ont été mis en place pour venir en aide aux familles dans le besoin: ils se composent d’une aide sociale, de logements spéciaux, de programmes de développement à l’intention des familles et des enfants ainsi que de la distribution de matériel scolaire.

La Commission justice et vérité a été créée en 2009 afin d’étudier l’esclavage et le travail sous contrat à l’époque coloniale et de déterminer les mesures appropriées pour les descendants d’esclaves et de travailleurs sous contrat. En novembre 2011, la Commission a soumis un rapport à l’Assemblée nationale, qui avait créé un comité interministériel à haut niveau pour examiner les recommandations de ladite commission. Bien que la mise en œuvre de toutes les recommandations nécessite un budget démesuré, 19 d’entre elles ont déjà été adoptées et le reste est encore à l’étude.

M. Varma rappelle que le Gouvernement a écrit au Comité suite à l’adoption des observations finales concernant les dix-huitième à vingtième rapports périodiques du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (CERD/C/GBR/CO/18-20) pour faire valoir que si Maurice a la souveraineté sur l’archipel des Chagos, y compris sur Diego Garcia, elle n’a pu exercer ses droits sur ce territoire en raison du contrôle exercé de fait par le Royaume-Uni. Avant son indépendance en 1968, Maurice a vu son territoire amputer de l’archipel des Chagos de manière illégale; la plupart des Mauriciens y résidant (Chagossiens) ont par la suite été expulsés de force vers Maurice. Le Gouvernement mauricien ne cesse d’exiger la restitution sans délai ni conditions de l’archipel des Chagos et soutient le droit des Chagossiens de retourner sur l’archipel conformément au droit international, notamment la Convention. Néanmoins, le Gouvernement britannique continue d’agir en violation des articles 2 et 5 de la Convention en empêchant ceux-ci de le faire ainsi qu’en barrant l’accès au territoire à d’autres citoyens mauriciens. Ledit Gouvernement a décliné l’invitation du Gouvernement mauricien à engager des négociations au sens de l’article 22 de la Convention. Le Gouvernement mauricien a pris des mesures spéciales dans le but d’améliorer la situation des Chagossiens, parmi lesquelles l’allocation de terrains pour la construction de logements et la création du Fonds social pour les Chagossiens.

En réponse aux recommandations antérieures du Comité (CERD/C/304/Add.106), le Gouvernement envisage toujours de faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention, mais il estime que des mesures de sauvegarde appropriées existent déjà dans le pays pour garantir l’obtention de réparations. En ce qui concerne la non-ratification des amendements au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, M. Varma rappelle que Maurice continue de pâtir de la crise économique mondiale et verse des contributions à plusieurs organismes régionaux et internationaux. Le Gouvernement considère que la collecte de données statistiques sur la composition ethnique de la société mauricienne serait source de dissensions pouvant porter atteinte à l’union nationale.

M me January - Bardill(Rapporteuse pour Maurice) accueille favorablement la reprise du dialogue avec l’État partie et félicite le Gouvernement pour son respect des directives du Comité lors de l’établissement de son rapport périodique. Elle souhaiterait des informations actualisées sur les progrès réalisés par le Gouvernement s’agissant de promouvoir un sentiment d’union et d’identité nationales ainsi que d’empêcher qu’un seul groupe de population exerce une domination dans la société pluraliste de l’État partie. Consciente que cette société est un mélange ethnique complexe, Mme January-Bardill est néanmoins préoccupée par les informations selon lesquelles la couleur, les croyances et la langue continueraient de diviser la population. À cet égard, elle demande des explications sur le sens précis des termes «communauté» et «groupe social».

La Rapporteuse se réjouit que la Constitution garantisse l’égalité et la protection contre la discrimination et salue l’entrée en vigueur de la loi sur l’égalité des chances ainsi que des dispositifs mis en place pour son application. Le Comité apprécierait que les prochains rapports mentionnent des exemples précis de mise en œuvre et de résultats de cette loi et contiennent des informations sur les institutions qui l’appuient ainsi que sur leur influence sur les groupes sociaux. La Rapporteuse note que des centres culturels sont créés pour permettre aux Mauriciens de toutes confessions de participer à des activités religieuses et culturelles de leur choix et de favoriser l’harmonie et le respect mutuel. Relevant que l’amalgame est souvent fait entre culture et religion, Mme January-Bardill souligne la nécessité pour les communautés de s’abstenir d’utiliser la culture et la religion comme des moyens d’exclusion ou de discrimination envers les non-croyants ou non-membres. Elle demande instamment au Gouvernement de rester attentif aux effets spécifiques des lois sur l’adoption, le mariage et le divorce, car elles semblent parfois compromettre le principe de l’égalité de traitement, par exemple lorsque des membres de certaines castes ou religions se voient interdire l’accès à des temples.

La Rapporteuse espère que les lois relatives au Fonds du patrimoine national et au Fonds pour le Centre culturel mauricien ainsi que la mise en place d’unions linguistiques et la création de fonds pour promouvoir et protéger le patrimoine culturel permettent non seulement de sauvegarder ce dernier, mais aussi de contribuer à la cohésion sociale. Elle salue les efforts déployés pour rendre l’éducation accessible à tous les groupes culturels et religieux et se félicite de l’utilisation des langues locales, dont le créole, à l’école. Elle souhaite savoir si le créole a le statut de langue officielle. Il est encourageant de constater que le Gouvernement a pris des mesures pour empêcher les écoles publiques catholiques de traiter les élèves non catholiques de manière discriminatoire.

Le Comité apprécierait de voir figurer dans le prochain rapport de l’État partie des informations sur les progrès qui ont été faits dans l’application des recommandations du comité interministériel chargé d’examiner le rapport de la Commission vérité et justice. La Rapporteuse encourage vivement l’État partie à inviter la Commission à étudier la distinction entre la discrimination relevant de la sphère publique et celle relevant de la sphère privée. Prenant acte des infractions relatives aux actes de discrimination énumérées dans le Code pénal, Mme January-Bardill demande des renseignements supplémentaires sur l’application du Code dans les cas de discrimination.

Notant avec satisfaction l’adoption de la loi de 2001 relative aux technologies de l’information et de la communication, qui pénalise le recours aux technologies de l’information et de la communication pour diffuser des messages injurieux ou indécents, la Rapporteuse demande des informations sur son application. En ce qui concerne le plan directeur national pour l’égalité entre hommes et femmes, le Comité félicite le Gouvernement d’avoir reconnu sa Recommandation générale no 25 concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale et le prie de ne ménager aucun effort pour s’assurer que les femmes issues de communautés marginalisées, par exemple les Créoles et Chagossiennes, aient l’égalité des chances dans la vie politique, économique, sociale et culturelle. Des données ventilées seraient précieuses à cet égard. Le Comité prend note des observations finales de 2011 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, notamment celle concernant l’adoption de politiques et de mesures législatives concrètes pour accélérer l’éradication de la discrimination à l’égard des femmes en matière d’emploi.

Concernant l’article 5 de la Convention, le Comité accueille positivement le projet de loi en cours de finalisation ainsi que l’élargissement des pouvoirs de la Commission nationale des droits de l’homme visant à renforcer la protection contre la violence, notamment celle émanant de la police. Le Comité reconnaît l’importance de la sensibilisation de la police aux droits de l’homme et exhorte le Gouvernement à faire davantage connaître la Convention aux agents de la fonction publique. Il serait intéressant pour le Comité d’être informé des poursuites judiciaires qui auraient été engagées contre des agents de police ayant outrepassé leurs pouvoirs, ainsi que l’issue de ces procès.

Pour ce qui est des droits politiques, la Rapporteuse demande des explications plus détaillées sur la méthode employée pour segmenter la population et les raisons de ce choix, car seuls trois groupes sont nommés explicitement dans le rapport, les autres étant désignés par l’expression «population générale». Mme January-Bardill demande pourquoi les Créoles, qui représentent plus de 25 % de la population, ne sont pas indiqués comme formant un groupe à part entière.

La Rapporteuse relève avec intérêt la notion d’octroi de subventions aux institutions religieuses; elle espère que cette pratique pourra être pérennisée et qu’il sera possible d’en tirer des leçons. Le Comité salue l’adoption de la loi sur les relations de travail, de la loi sur les droits en matière d’emploi, de la loi sur la discrimination sexuelle, ainsi que des règlements relatifs à la rémunération. Il serait utile de fournir des renseignements sur les effets de cette législation dans les prochains rapports. Le Comité presse l’État partie d’adhérer à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, car selon les rapports reçus, les travailleurs migrants continuent d’être confrontés à des conditions de vie et de travail très difficiles et ne bénéficient que d’une protection légale très limitée, voire inexistante. Ces rapports signalent notamment des horaires de travail harassants, des salaires inférieurs au minimum légal et des conditions de vie exécrables. La Commission nationale des droits de l’homme a aussi préconisé la mise en place d’un cadre légal adéquat pour protéger les droits des travailleurs migrants.

S’agissant de l’article 7 de la Convention, le Comité souhaiterait que la législation promeuve davantage la compréhension et l’harmonie entre les différentes communautés. À cet égard, il souligne que la segmentation de la société et l’approche assimilationniste vis-à-vis des différences de statut social peuvent constituer des obstacles. Le fait de ventiler la population par groupes n’a en lui-même rien de négatif à condition de se fixer pour objectif l’égalité réelle plutôt que l’égalité formelle, et de considérer la différence comme un état de fait et non comme un problème. Le Comité estime qu’il existe une hiérarchie des groupes de population à Maurice, les groupes d’origine indienne et européenne jouissant du plus haut statut social alors que les Créoles et les Chagossiens se situent en bas de l’échelle. Il en est fait mention dans le rapport de la Commission justice et vérité. L’utilisation de recensements ventilant les groupes sociaux afin d’évaluer leur niveau de vie et leur degré d’accès aux droits n’est pas négative en elle-même et ne doit pas être un facteur de division. Selon les rapports, les Chagossiens occupent toujours une place marginale dans la société mauricienne; ils sont exclus socialement et vivent dans une profonde pauvreté. Le niveau d’illettrisme dans cette communauté est très élevé; les conditions de vie des Chagossiens sont déplorables et leur taux de chômage reste supérieur à la moyenne. Le Comité se réjouit donc que des mesures soient adoptées pour remédier à cette situation. Il regrette que le conflit avec le Royaume-Uni concernant l’archipel des Chagos demeure irrésolu.

La situation de Maurice s’est nettement améliorée. Il est clair que d’importants efforts ont été consentis pour traiter des questions difficiles. La Rapporteuse encourage l’État partie à poursuivre son action dans la même direction et à se pencher davantage sur les profondes différences inhérentes à la société mauricienne.

M. Murillo Martínez  indique qu’il a soulevé la question de la communauté chagossienne lorsque le Comité a examiné le rapport du Royaume-Uni. Il souhaite savoir combien de personnes ont été expulsées des îles Chagos selon les statistiques de l’État partie. Il s’enquiert du nombre de Chagossiens désormais installés à Maurice et du nombre de personnes relogées au Royaume-Uni. Il souhaiterait connaître les détails du processus de réinstallation au Royaume-Uni et serait particulièrement intéressé par une analyse de l’origine ethnique de ces personnes. Alors que l’État partie incrimine le Royaume-Uni pour la situation des îles Chagos, certains Chagossiens estiment que la responsabilité du Gouvernement mauricien est également en cause dans cette affaire. M. Murillo Martínez apprécierait de savoir si la Commission justice et vérité travaille également sur le sujet et si elle a pu établir des préconisations en la matière. Il demande à la délégation de présenter les actions judiciaires ou autres initiées par le Gouvernement mauricien pour permettre le retour des Chagossiens sur leurs territoires.

Il demande si l’État partie a organisé des activités en lien avec l’Année internationale des personnes d’ascendance africaine. Il souhaite aussi connaître les raisons pour lesquelles le Gouvernement a pris la décision de mettre sur pied la Commission justice et vérité, et s’enquiert des principales recommandations et conclusions de cette commission, en particulier s’agissant des Créoles. Il apprécierait d’obtenir des éléments d’information sur la représentation de la population créole au sein des organes de décision de l’État partie.

M. de Gouttes salue la création de la Commission de l’égalité des chances et du Tribunal de l’égalité des chances, le renforcement de la Commission nationale des droits de l’homme, le plan d’action national 2012-2020, la promotion renforcée de la langue créole, et l’établissement de la Commission justice et vérité. Le Comité a aussi pris note de la situation difficile des Chagossiens et de l’obligation du Gouvernement de protéger les droits de cette communauté.

Il réclame de plus amples détails sur les écoles confessionnelles qui bénéficient de subventions publiques et se voient obligées d’accepter des élèves d’autres confessions. Il apprécierait également d’obtenir des explications sur la restriction drastique du domaine de compétences de la Commission nationale des droits de l’homme et souhaiterait des précisions sur la restructuration prévue de la Commission. S’agissant des dispositions du Code pénal quant aux infractions relatives à la discrimination, il remarque que seul l’article 282 du Code concerne l’incitation à la haine raciale et demande des explications à la délégation sur ce sujet. Il souhaite aussi connaître le détail des plaintes déposées, procédures engagées et condamnations prononcées pour incitation à la haine raciale en vertu de cet article. Il apprécierait d’obtenir des renseignements complémentaires sur l’intégration de l’éducation aux droits de l’homme à tous les niveaux du système éducatif. Il demande à la délégation de s’exprimer sur la mort du chanteur créole Joseph Reginald Topize et le phénomène du «malaise créole». Il souhaiterait enfin de plus amples informations sur le système de responsabilité sociale des entreprises dans l’État partie.

M.  Lindgren Alves souhaiterait connaître la décision finale rendue dans l’affaire portée devant le Comité des droits de l’homme par un groupe de personnes contestant l’exigence constitutionnelle pour les candidats aux élections de déclarer leur communauté d’appartenance. Il fallait faire preuve de prudence avec les données ventilées. Si la population de Maurice dans son ensemble est satisfaite de ne pas être interrogée sur son appartenance communautaire comme lors des recensements réalisés dans le pays depuis 1990, le Comité ne devrait pas suggérer à l’État partie de modifier sa procédure. Cependant, la situation serait problématique si la population voulait le contraire. M. Lindgren Alves serait particulièrement intéressé par des éléments d’information sur le point de vue de la population créole, incluse dans la «population générale».

Il souhaiterait savoir si le mariage civil existe à Maurice et si les mariages entre individus de confessions différentes sont reconnus par la loi. Il demande aussi à la délégation des explications sur la notion de «discrimination par victimisation», laquelle est prohibée par la loi relative à l’égalité des chances.

M.  Kut comprend la préoccupation de l’État partie quant au fait que la collecte de données ventilées par groupes ethniques risque d’être un facteur de division sociale; il constate pourtant que le rapport contient des informations extrêmement détaillées sur la composition ethnique, linguistique et religieuse de la population mauricienne. Il se demande donc où réside le problème. Il note que Maurice dispose d’institutions assez développées en matière de protection des droits de l’homme, dont une Commission nationale des droits de l’homme, un médiateur et divers programmes. Il demande des précisions sur leur fonctionnement dans la pratique. Par exemple, il serait intéressant de savoir quels groupes en particulier sont visés par le plan national d’action pour les doits de l’homme, et quels groupes sont considérés comme vulnérables au sein de la société mauricienne.

M. Diaconu demande si la législation mauricienne couvre aussi bien les actes discriminatoires commis par des individus à l’encontre d’autres individus que ceux commis par l’État. Au sujet de l’article 4 de la Convention, il note que le Code pénal ne semble porter que sur l’incitation à la haine raciale et n’érige pas en infraction la diffusion d’idées fondées sur la supériorité raciale ou la violence à caractère raciste. Il souhaiterait savoir si, selon l’État partie, les dispositions en vigueur peuvent s’appliquer à d’autres actes racistes ne relevant pas de l’incitation à la haine raciale.

Notant que la Commission nationale des droits de l’homme n’est pas habilitée à enquêter sur le droit à la protection contre la discrimination, il se félicite de l’instauration de la nouvelle Commission de l’égalité des chances, qui est compétente pour connaître de tous les actes de discrimination directe ou indirecte. Il demande à la délégation de fournir des informations détaillées sur la représentation des quatre groupes de population à l’Assemblée nationale. Il souhaiterait également connaître les mesures que le Gouvernement prévoit de prendre suite aux constatations adoptées par le Comité des droits de l’homme sur l’affaire relative à la participation aux élections.

Par ailleurs, il demande à l’État partie quelles langues sont utilisées à l’école. Le Gouvernement mauricien doit prendre des mesures pour garantir un niveau de vie décent aux communautés créoles. En ce qui concerne le différend relatif à l’archipel des Chagos, qui oppose l’État partie au Royaume-Uni, il estime qu’en cas d’échec des négociations, Maurice pourrait envisager de déposer plainte contre le Royaume-Uni auprès du Comité pour violation de la Convention.

M.  Saidou dit que le fait que la composition de la Commission nationale des droits de l’homme soit modifiée tous les quatre ans est une source de préoccupations. Pour permettre à la Commission de travailler efficacement, il est en effet nécessaire d’allonger la durée du mandat de ses membres. En outre, il demande quelles mesures sont prises pour mettre fin aux vestiges de la conscience de castes, profondément ancrée dans la société.

SelonM. Vázquez, l’absence de données ventilées sur la communauté créole, groupe le plus défavorisé du pays, est une source d’inquiétude majeure pour le Comité. Sans ces données, il est en effet difficile d’identifier les problèmes et de prendre des mesures adéquates pour y remédier. L’inclusion des Créoles dans la catégorie dénommée «population générale» revient à mélanger les groupes sociaux les plus pauvres et les plus aisés du pays, dénuant les statistiques sur la population générale de quasiment tout intérêt pour le Comité. On observe une certaine frustration chez les Créoles, qui estiment que leur communauté et leur culture sont ignorées par les autorités. À Maurice, la réussite individuelle sur le plan économique et social dépend largement de la réussite dans un système éducatif extrêmement compétitif. Les groupes de population les plus pauvres n’ont pas les moyens de suivre les cours particuliers que la plupart des élèves nécessitent pour entrer à l’université. Sans les mesures spéciales visant à les aider à sortir du cycle de la pauvreté, les Créoles demeureraient donc défavorisés.

M.  Kemal fait observer que le fossé entre les Créoles et d’autres groupes de population continue de se creuser, et ce, malgré l’économie toujours plus dynamique de l’État partie. Le fait de ne pas recueillir des données statistiques sur l’origine ethnique des membres de diverses communautés pourrait entraver les efforts déployés pour éliminer la discrimination raciale. Il demande si des programmes ont été mis en œuvre en vue d’apporter un soutien financier aux groupes les plus pauvres de la société et de permettre ainsi à leurs membres d’accéder à l’enseignement supérieur. Il souhaiterait également savoir si l’une des communautés est plus représentée que les autres dans la population carcérale. Enfin, il demande instamment à l’État partie de soumettre ses rapports périodiques avec plus de régularité.

Le Président dit qu’un rectificatif du paragraphe 192 du rapport périodique de l’État partie a été publié.

M me Fong Weng - Poorun (Maurice) dit que le Gouvernement a décidé, en 1982, de mettre un terme au recueil de données statistiques ventilées sur les quatre communautés car celles-ci ont été définies par l’administration coloniale avant l’indépendance en 1968. Cette division arbitraire, en particulier la définition de la «population générale», était contestée et constituait un facteur potentiel de division. Le critère qui fonde à présent le recueil de données est l’identité religieuse. Les politiques actuellement mises en œuvre pour les différentes communautés sont avant tout axées sur la promotion de leur culture. L’État partie poursuit ses efforts en vue de consolider l’identité nationale du pays, sans quoi son développement économique et social pourrait être compromis. En 2012, un programme d’éducation civique a ainsi été introduit dans les écoles afin d’inculquer le sens de l’identité nationale et de l’unité aux élèves.

Reconnaissant que le système éducatif de l’État partie peut sembler élitiste, elle indique que des mesures ont été prises afin d’aider les élèves issus de milieux défavorisés, qui ne comprennent pas seulement les communautés créoles. Plus globalement, le Gouvernement met en œuvre des politiques destinées à éliminer la pauvreté, à construire des logements publics pour les nécessiteux et à offrir d’autres services à la population. Dans certaines écoles, les élèves les plus démunis reçoivent des repas et des uniformes gratuits et les enseignants donnent des cours de soutien à ceux qui n’ont pas les moyens de suivre des cours particuliers. Pour permettre aux élèves venant d’un milieu défavorisé d’entrer à l’université, dans leur pays ou à l’étranger, des bourses sur critères sociaux ont été mises en place. En 2013, 18 bourses de ce type ont été octroyées. Un programme de lutte contre la pauvreté financé par l’Union européenne a également été mis en œuvre pour former les pauvres à l’entrepreneuriat.

Le Gouvernement envisage d’organiser un référendum national sur une réforme du système électoral qui mettrait fin à l’obligation des candidats de déclarer la communauté à laquelle ils appartiennent pour pouvoir se présenter. Certains candidats ont parfois refusé de se plier à cette règle et exercé un recours devant la Commission nationale des droits de l’homme, révélant ainsi le caractère épineux de la question. Les rapports sur la réforme du système électoral remis récemment par trois experts ont rencontré une forte hostilité de la population.

M.  Calí Tzay demande si l’État partie essaye d’affaiblir la diversité culturelle de Maurice au nom de la promotion d’une identité nationale unique. Il estime par ailleurs que les explications de la délégation concernant la réforme du système électoral sont confuses.

M me Fong Weng - Poorun (Maurice) affirme que la diversité culturelle est au contraire encouragée dans l’État partie par la mise en place d’associations linguistiques et de centres culturels. Le projet de réforme du système électoral vise à mettre fin à un facteur potentiel de friction sur la scène politique. En outre, les mariages intercommunautaires sont courants dans l’État partie et l’inscription à l’école ne fait l’objet d’aucune restriction due à la communauté.

La séance est levée à 17 h 55.