Nations Unies

CERD/C/SR.2157

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

12 mars 2012

Original: français

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Quatre-vingtième session

Compte rendu analytique de la 2157 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 5 mars 2012, à 15 heures

Président: M. Avtonomov

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Seizième à dix-huitième rapports périodiques de l ’ Italie (suite)

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Seizième à dix-huitième rapports périodiques de l’Italie (CERD/C/ITA/16-18, CERD/C/ITA/Q/16-18) (suite)

1.Sur l ’ invitation du Président, la délégation italienne reprend place à la table du Comité.

2.M. Brasioli (Italie) dit que son pays a tiré des enseignements du récent arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Hirsi Jamaa et autres c. Italie, dans laquelle l’Italie a été reconnue coupable de violation du principe de non-refoulement, et qu’il est fermement résolu à prendre des mesures législatives pour donner effet aux principes réaffirmés dans cette décision afin d’éviter que de tels cas ne se reproduisent. Le Premier Ministre italien s’est rendu en Libye pour y rencontrer les nouveaux dirigeants et jeter les bases d’une coopération accrue dans le domaine de la lutte contre l’immigration clandestine, tout en veillant à la protection des droits fondamentaux des migrants. Dans la déclaration dite de Tripoli, les autorités italiennes et libyennes se sont engagées à respecter les principes de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme et à assurer la sauvegarde des droits des migrants qui transitent par la Méditerranée. L’Italie entend proposer sa coopération aux autorités libyennes pour renforcer le contrôle aux frontières. L’Italie souhaite aussi élargir sa coopération avec les autres pays de l’Union européenne touchés par le phénomène migratoire. Elle coopère activement avec des organisations internationales, notamment l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), pour remédier aux problèmes posés par l’afflux de migrants, trouver des solutions d’accueil et lutter contre la traite des êtres humains.

3.M. Bottino(Italie) dit que l’Italie sait qu’il lui faut élaborer un arsenal législatif propre à favoriser l’intégration des personnes issues de l’immigration, qui constituent 8 % de sa population, en allant au-delà des mesures humanitaires et sécuritaires qui ont été prises en urgence pour faire face à l’afflux de migrants ces dernières années. Afin de trouver un juste équilibre entre protection des droits des étrangers et préservation de la sécurité nationale, l’Italie s’est dotée d’un Ministère de la coopération internationale et de l’intégration. M. Bottino cite un arrêt de la Cour constitutionnelle de 2010 déclarant inconstitutionnel l’article 61-11 bis du Code pénal, qui prévoyait que le simple fait qu’un délit a été commis par une personne en situation irrégulière constituait une circonstance aggravante. La Cour a jugé que cette disposition allait à l’encontre du principe de l’égalité de tous devant la loi consacré par l’article 3 de la Constitution. La loi no 205 du 25 juin 1993 (dite loi de Mancino), qui dispose que la motivation raciale d’une infraction est une circonstance aggravante, a été appliquée dans un arrêt du 14 avril 2011 concernant l’affaire dite «de Castelvolturno», dans laquelle une organisation mafieuse a été reconnue coupable du meurtre de six immigrés africains. La justice a reconnu que ces meurtres avaient clairement été motivés par l’origine ethnique des victimes.

4.Deux affaires de discours racistes impliquant des personnalités publiques ont récemment marqué l’Italie, à savoir les affaires d’incitation à la haine raciale mettant en cause MM. Tosi et Gentilini (voir les paragraphes 38 et 39 du rapport), dont l’une des deux est toujours en instance. Plus récemment, un ancien député a été condamné pour avoir publié en 2010 sur Facebook des propos racistes à l’égard des gens du voyage. Les juges s’attachent à défendre les principes relatifs aux droits de l’homme consacrés par la Charte européenne des droits fondamentaux. Ainsi, en août 2011, le tribunal de Trieste a considéré discriminatoire une loi régionale subordonnant l’octroi d’un logement social à une durée de séjour de dix ans sur le territoire italien. En outre, la Cour constitutionnelle a reconnu en 2010 l’inconstitutionnalité d’un décret de 1998 qui prévoyait une peine de prison maximale de cinq ans pour les étrangers en situation irrégulière n’ayant pas donné suite à une injonction de quitter le territoire. Force est de constater que l’Italie tend à dépénaliser la clandestinité, comme le prouve l’adoption de la loi no 129/2011, qui transpose en droit interne les dispositions de la Directive 2004/38/CE relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. Cette loi privilégie le rapatriement volontaire, les mesures d’accompagnement sous contrainte restant exceptionnelles, et limite le placement des personnes en situation irrégulière dans des centres d’identification.

5.Pour favoriser l’intégration des immigrés de deuxième génération, l’État a entamé une réflexion sur la reconnaissance éventuelle de la nationalité italienne aux enfants de moins de 18 ans nés en Italie de parents étrangers, en vertu du principe du droit du sol. Cette question délicate n’a pas encore été tranchée, car il s’agit d’éviter les abus tout en respectant les droits de l’enfant. M. Bottino explique que la législation en matière de migration appliquée dans les régions autonomes est soumise à un contrôle constitutionnel en vue d’en garantir la conformité avec la politique et la législation migratoires de l’État, toute disposition non conforme étant susceptible de recours devant la Cour constitutionnelle. Bien que l’Italie se soit dotée de nombreuses lois en matière de lutte contre la discrimination, un projet de loi portant modification de la loi no 654 de 1975 relative à la discrimination raciale et ethnique en vue d’inclure l’orientation sexuelle dans les motifs interdits de discrimination est à l’examen. Il est également question de modifier l’article 61 du Code pénal en vue d’y introduire une circonstance aggravante en cas de crime de haine motivé par l’orientation sexuelle d’une personne, non susceptible d’être contrebalancée par une circonstance atténuante. La loi no 482/1999 relative à la protection des minorités linguistiques sera remplacée par une législation novatrice tenant compte des nouvelles réalités technologiques, conformément à la Convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité et à son Protocole additionnel, ratifiés par l’Italie en 2011. La cybercriminalité transcendant les frontières, la lutte contre la diffusion d’idées racistes par Internet mérite la plus grande attention et suppose de renforcer la coopération entre les services de police judiciaire européens. Un décret législatif de 2003 a modifié la loi Mancino en y introduisant l’obligation pour les fournisseurs d’accès à Internet d’informer les services de police de toute activité illicite, le but étant de pouvoir faire fermer les sites qui incitent à la haine raciale.

6.M. Falco (Italie) dit que la transposition de la Directive 2004/38/CE dans le droit interne ne va pas entraîner la suppression immédiate des centres d’accueil pour migrants et demandeurs d’asile, mais qu’il s’agira d’éviter autant que possible les expulsions. Depuis 2012, les personnes en attente d’une décision de l’administration pouvant fournir les garanties nécessaires ont d’ores et déjà le droit de demeurer sur le territoire italien, en application d’une mesure de substitution à la privation de liberté. Suite aux observations de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) concernant des comportements discriminatoires de l’administration, une mesure administrative visant à assouplir les conditions d’octroi de titres de séjour a été adoptée. Désormais, les étrangers titulaires d’un titre de séjour n’auront à s’acquitter des frais afférents au renouvellement de leur titre de séjour que tous les quatre ans, et non plus tous les deux ans comme auparavant. Cette mesure devrait favoriser le regroupement familial et l’obtention d’un permis de travail, tout en allégeant les formalités administratives, aussi bien pour les intéressés que pour les services administratifs et la police.

7.La crise a eu des effets importants sur la lutte contre la discrimination car les ressources font défaut dans tous les secteurs et des coupes budgétaires vont certainement affecter certaines prestations sociales dont bénéficient les migrants. En revanche, certaines régions où les problèmes d’immigration sont plus aigus, notamment dans le sud du pays, bénéficieront de fonds accrus du Fonds européen d’intégration. Il est prévu d’allouer 20 millions d’euros aux communes de quatre régions du sud du pays afin d’augmenter le nombre de structures d’accueil pour les migrants et d’améliorer les prestations sociales qui leur sont destinées.

8.M. Monnanni (Italie) dit que le Bureau national de lutte contre la discrimination raciale (UNAR) ne disparaîtra pas lorsque la commission nationale indépendante des droits de l’homme sera créée, mais qu’il travaillera en étroite coopération avec cette institution, comme le prévoient les Principes de Paris. Il indique que les activités de l’UNAR se sont développées considérablement au cours des trois dernières années et que le nombre de plaintes pour discrimination est passé de 373 à 1 000 en 2011. L’UNAR n’attend pas que des plaintes lui soient soumises mais prend souvent l’initiative de surveiller les médias et les réseaux sociaux pour ce qui est par exemple des propos racistes et de l’incitation à la haine raciale, et intervient pour mettre un terme à ces pratiques. Entre 2009 et 2011, la proportion de plaintes et de témoignages liés à la discrimination est passée de 10 % à 21 %. La plupart émanaient d’Italiens, surtout de jeunes, qui ont aujourd’hui davantage conscience de l’utilité de dénoncer les cas de discrimination car le Bureau a mis l’accent sur la sensibilisation des jeunes à l’école et l’université. M. Monnanni reconnaît que l’UNAR ne peut fournir une aide directe aux victimes de discrimination mais il existe d’autres instruments efficaces pour cela. En matière d’égalité de traitement, l’UNAR s’est attaqué aux actes de discrimination commis par des organes de l’administration et est intervenu à plusieurs reprises pour trouver des solutions avec l’aide de son service juridique. L’UNAR a mené des actions relatives à la liberté de religion et est intervenu contre des décisions discriminatoires ayant empêché des musulmans d’acquérir des locaux pour en faire des lieux de culte. L’UNAR sera chargé de suivre la mise en œuvre de la stratégie en faveur des Roms adoptée par le Conseil des ministres en février 2012. Le premier engagement du Gouvernement est de parvenir à faire adopter un projet de loi reconnaissant les minorités rom et sinti comme minorités nationales. Il s’est aussi engagé à réaffecter les fonds alloués au règlement des problèmes urgents vers des actions en faveur des communautés rom et sinti. Il a enfin prévu de créer un groupe de travail composé de représentants des communautés rom et sinti ainsi qu’un forum des communautés rom et sinti qui servira d’organe de représentation.

9.M. Vulpiani (Italie) dit que l’UNAR travaille depuis de nombreuses années en étroite collaboration avec des associations de Roms et de Sintis et prévoit de créer un département spécifique qui s’occupera de cette collaboration. Les Roms sont probablement les personnes les plus susceptibles d’être victimes de discrimination et, pour lutter contre leur stigmatisation, l’UNAR prévoit notamment de sensibiliser les journalistes à ce problème sur l’ensemble du territoire national. La stratégie de l’UNAR en faveur des Roms repose sur les trois piliers que sont le travail, la santé et le logement. L’Italie est très préoccupée par la forte baisse du taux de scolarisation des enfants roms dans le secondaire et le supérieur. L’objectif, pour ce qui est de l’enseignement supérieur, est de former des étudiants roms et sintis qui puissent aider les autorités italiennes à faciliter l’intégration de ces deux communautés dans la société. L’UNAR continuera de combattre l’abandon scolaire et d’améliorer l’accès des enfants défavorisés aux vaccins et à la médecine préventive, car le taux de mortalité infantile est encore trop élevé dans certaines régions. Les mesures prises par le passé dans le domaine du logement des Roms étaient des mesures d’urgence qui, dans les faits, favorisaient leur ségrégation et entravaient leur intégration sociale. L’Italie entend donc mettre un terme à cette politique d’établissement de campements roms en trouvant des solutions de logement qui respectent les droits et les besoins des familles. Toutefois, de nombreux Roms et Sintis souhaitant encore vivre dans des campements, il est prévu de maintenir des petits campements qui garantiront le maintien de l’unité familiale tout en empêchant la ségrégation.

10.M. Monnanni (Italie) dit que l’UNAR a consulté près de 200 associations régionales et communales afin d’évaluer ses activités et de définir des nouvelles priorités d’action. Ces consultations ont mis en évidence le besoin d’intensifier les activités locales en renforçant les réseaux de lutte contre la discrimination que l’UNAR a commencé à constituer, et de développer les initiatives menées dans les écoles. Selon 52 % des associations, l’UNAR a gagné en efficacité.

11.M. Brasioli (Italie) dit que le Comité interministériel des droits de l’homme a mené des initiatives de sensibilisation et de formation aux droits de l’homme, notamment avec l’appui du milieu universitaire. En mars 2011, il a organisé une conférence réunissant les présidents des facultés de sciences politiques de toutes les universités d’Italie afin d’examiner la question de l’enseignement des droits de l’homme à l’université. Il a également organisé une série de rencontres dans des universités romaines sur le thème «Les droits de l’homme, de la théorie à la pratique», avec la participation d’étudiants, de professeurs, de hauts fonctionnaires et de représentants d’ONG et de la société civile en général.

12.M. Ottaviano (Italie) dit que la formation aux droits de l’homme du personnel pénitentiaire est assurée par le Bureau national de lutte contre la discrimination raciale (UNAR) et l’Institut supérieur des études pénitentiaires. Neuf centres ont été mis en place dans le pays pour dispenser aux nouvelles recrues des cours théoriques et pratiques et assurer la formation continue du personnel déjà en poste. Ces cours ont pour objet de mettre l’accent sur les particularités des différentes cultures et ethnies dont sont issus les détenus et de faciliter ainsi les échanges en milieu carcéral. Des cours sont en outre dispensés sur l’islamophobie ainsi que sur la religion et la civilisation musulmanes, afin de prévenir toute discrimination, même involontaire, de la part des agents pénitentiaires. Les cadres moyens et supérieurs de la police et des établissements pénitentiaires sont eux aussi sensibilisés aux droits qu’ont les détenus d’être traités dans des conditions d’égalité, indépendamment de la race ou de la religion. Au total, plusieurs milliers de fonctionnaires ont bénéficié d’une formation au cours des deux dernières années, y compris dans le cadre d’activités menées au niveau régional par le Collège européen de la police (CEPOL). Les médiateurs culturels jouent eux aussi un rôle primordial en ce qu’ils font le lien entre les détenus étrangers et les institutions italiennes. Répondant à M. Calí Tzay au sujet de la jeune prostituée nigériane battue en prison et prise en photo alors qu’elle était dévêtue et contusionnée, M. Ottaviano indique que le Directeur de l’établissement pénitentiaire concerné a présenté sa démission, qui a été acceptée, et qu’une procédure pénale est en cours.

13.M. Monnanni (Italie) dit que de nombreuses manifestations sont organisées dans le cadre de la campagne de lutte contre les discriminations menée par l’UNAR, dont une initiative novatrice qui consistera à distribuer gratuitement, en mars 2012, des dépliants d’information et des sacs plastiques portant un slogan contre le racisme dans quelque 1 200 supermarchés implantés dans tout le pays.

14.M. Diaconu demande s’il ne serait pas souhaitable de mettre en place un mécanisme de dialogue entre l’État et les collectivités locales pour éviter qu’une instance locale n’adopte une loi contraire à la législation nationale en matière de migration ou à un instrument international et que cette loi ne fasse l’objet d’un recours devant la Cour constitutionnelle, souvent très long. Il est urgent que l’Italie parvienne à mettre fin aux préjugés contre les Roms et les migrants qui aboutissent parfois à des situations très graves, comme l’incendie récent d’un camp de Roms à titre de représailles suite à des rumeurs infondées concernant une jeune fille violée par un membre de cette communauté.

15.M. Vulpiani (Italie) dit que les recours formés devant la Cour constitutionnelle pour résoudre les différends entre les organes de l’État ne sont pas aussi longs que ceux que formeraient des particuliers. De plus, l’État a compétence exclusive dans un certain nombre de domaines, comme l’immigration, ce qui évite les conflits de normes. Les projets de lois régionales potentiellement discriminatoires sont souvent portés à l’attention de l’UNAR avant même qu’ils ne soient examinés par les instances législatives compétentes et, en pareil cas, l’UNAR émet un avis juridique négatif pour interrompre le processus législatif. C’est notamment ce qu’il s’est passé pour le projet de loi présenté en Vénétie en 2011 qui visait à ouvrir l’accès à certaines prestations sociales aux seules personnes séjournant dans la région depuis au moins dix ans, ce qui était discriminatoire à l’égard à la fois des migrants et des Italiens venus s’installer récemment dans la région pour des raisons professionnelles par exemple. Suite à l’avis négatif de l’UNAR, le projet de loi a été retiré. Au deuxième semestre de 2010, l’UNAR a dénoncé plusieurs situations qu’il jugeait discriminatoires en matière d’accès à des services et à des logements sociaux ainsi que les tracasseries administratives auxquelles étaient soumis les étrangers, et en a fait part aux instances de toutes les préfectures, régions et localités du pays.

16.M. Monnanni (Italie) convient que les préjugés doivent être combattus avec force et indique que, dans le cas de l’incendie du camp de Roms à Turin, le Ministre de la coopération et de l’intégration s’est rendu immédiatement sur les lieux pour exprimer sa solidarité. Trop souvent en effet, l’opinion a tendance à tirer des conclusions hâtives sur un groupe de population à partir du comportement délictueux de l’un de ses membres. Une campagne de sensibilisation est actuellement mise en œuvre dans les transports en commun et des brochures sur l’histoire des Roms et des Sintis sont distribuées dans les écoles.

17.M. de Gouttes demande quelle est la durée maximale de la détention administrative des migrants sans papiers et des demandeurs d’asile, quelles sont les mesures prévues pour améliorer les conditions de vie dans les centres de rétention comme celui de Lampedusa (où, selon des ONG, les personnes retenues seraient victimes de mauvais traitements), si l’aide judiciaire offerte aux demandeurs d’asile et aux clandestins varie réellement en fonction des barreaux et des régions et, enfin, si l’État partie veille à assurer un traitement humain aux mineurs sans papiers retenus avec leurs parents. Enfin, M. de Gouttes invite l’État partie à fournir dans son prochain rapport périodique un complément d’information sur la loi portant interdiction du port du foulard ainsi que des statistiques complètes sur le nombre de plaintes déposées, de procédures engagées et de peines prononcées pour racisme.

18.M. Monnanni (Italie) dit que le projet de loi sur le port du foulard, présenté par un seul parlementaire, en est au point mort. Le port du foulard est toujours autorisé et ne peut être interdit sur décision d’une autorité locale. L’UNAR est intervenu dans certaines communes du nord pour éviter que ne soient installés des panneaux interdisant le port de la burqa. Les agressions à caractère raciste ont constitué 5,8 % des actes délictueux en 2011, contre 6,5 % en 2010. Ne disposant pas de statistiques plus précises sur la question, M. Monnanni s’engage à fournir au Comité un complément d’information écrit à ce sujet.

19.M. Vulpiani (Italie) dit que la détention administrative ne peut se prolonger au-delà de dix-huit mois. Il rappelle qu’au printemps dernier, l’Italie a fait face à un afflux massif de réfugiés en provenance d’Afrique du Nord, à qui elle a fourni des services d’aide judiciaire gratuite, des repas quotidiens et une allocation de 5 euros par jour. Ces personnes avaient en outre le droit de correspondre avec leur famille à l’étranger et de recevoir des visites.

20.M. Bottino (Italie) dit qu’une des premières mesures du nouveau Gouvernement a été d’ouvrir les centres de rétention aux médias. Il n’est pas en mesure de répondre aux questions sur la situation des mineurs retenus avec leurs parents mais assure le Comité qu’il lui fera tenir ces informations ultérieurement.

21.M.  Murillo Martínez demande où en est l’adoption du projet de loi visant à reconnaître les minorités rom et sinti et les gens du voyage en tant que minorités nationales. Il aimerait savoir si les organisations de la société civile ont mené des enquêtes afin de déterminer l’ampleur du racisme dans le pays et, si tel est le cas, quelles ont été leurs constatations. Enfin, il demande si des mesures ont été prises pour supprimer les bases de données sur les Roms qui avaient été constituées en 2008.

22.M. Monnanni (Italie) indique que l’une des priorités de la stratégie en faveur des Roms adoptée en février 2012 est de faire adopter un projet de loi octroyant le statut de minorité nationale aux Roms et aux Sintis. Un comité de rédaction composé de représentants des divers ministères concernés, dont le Ministère de la justice et le Ministère de l’intérieur, sera créé et le projet devrait pouvoir être finalisé avant la fin de 2013. Les informations collectées en 2008 dans le cadre du recensement des Roms et des Sintis ont été détruites et il n’existe donc plus de base de données spécifiques sur ces communautés. En 2011, l’UNAR a affecté 250 000 euros à la création du centre de recherche sur la discrimination fondée sur l’appartenance ethnique ou raciale. Celui-ci a mis au point des indicateurs qui permettront de mesurer l’ampleur du phénomène de la discrimination raciale aux niveaux local et national. Les résultats de ces travaux seront disponibles avant la fin de 2013.

23.M. Thornberry demande si l’État partie pourrait faire en sorte que le système éducatif s’ouvre aux gens du voyage, notamment en recrutant des enseignants disposés à travailler là où vivent ces communautés et à les suivre dans leurs déplacements. Il aimerait savoir si les enfants roms bénéficient d’un enseignement interculturel et si les communautés roms participent à l’élaboration des programmes scolaires. Enfin, il demande ce que font concrètement les pouvoirs publics pour lutter contre la banalisation des discours racistes et des préjugés, dont une part croissante de la population semble considérer qu’ils sont acceptables.

24.M. Vulpiani (Italie) dit que la politique appliquée dans les années 1960 en matière d’éducation des enfants roms consistait à envoyer des enseignants travailler dans ces communautés. Or, l’on a constaté que cette stratégie contribuait à accentuer la marginalisation de ces enfants. C’est pourquoi, dans un souci d’intégration, les politiques prévoient désormais que les enfants roms doivent être scolarisés dans des écoles ordinaires. Dans le cadre du programme de formation de médiateurs lancé par le Conseil de l’Europe à la suite de l’adoption, le 20 octobre 2010, de la Déclaration de Strasbourg, plusieurs médiateurs linguistiques et culturels ont été formés. Les collectivités locales disposent ainsi désormais d’une liste de médiateurs agréés auxquels elles peuvent faire appel en cas de besoin.

25.M. Amir (Rapporteur pour l’Italie) demande si l’État partie envisage de lever sa réserve à l’article 4 de la Convention.

26.M. Saidou, lisant au paragraphe 79 du rapport que l’UNAR décerne un prix récompensant les entreprises qui ont de bonnes pratiques en matière d’intégration des minorités, demande si l’État partie veille à ce que les grandes entreprises italiennes respectent les dispositions de la Convention, y compris dans leurs filiales étrangères.

27.M me  Crickley demande quand l’État partie pense pouvoir mettre en place une institution nationale des droits de l’homme et lancer son nouveau plan national de lutte contre toutes les formes de discrimination raciale et quelles activités il prévoit de mener en 2012 afin de mettre en œuvre la stratégie en faveur des Roms. Elle demande si un calendrier a été établi pour l’évacuation et la démolition des campements de Roms et si les enfants qui vivent actuellement dans ces camps sont scolarisés dans des écoles ordinaires. Enfin, elle note avec préoccupation qu’en raison des pouvoirs discrétionnaires dévolus aux autorités locales en matière d’octroi de la nationalité et des retards importants accumulés dans l’examen des demandes de naturalisation, les migrants continuent d’être victimes de discrimination. La délégation est invitée à formuler des observations sur cette question.

28.M. Vázquez demande si l’État partie a l’intention de modifier sa législation pénale afin d’y introduire une disposition érigeant la motivation raciste d’une infraction en circonstance aggravante, y compris dans les cas où elle se conjugue avec d’autres motifs.

29.M. Brasioli (Italie) dit qu’il transmettra aux autorités compétentes la demande du Rapporteur concernant la levée des réserves à l’article 4 de la Convention. S’agissant de la création d’une institution nationale des droits de l’homme, la délégation a bon espoir que cet organe puisse être créé avant la fin de la législature actuelle, soit fin 2013.

30.M. Monnanni (Italie) indique qu’une charte relative à l’égalité des chances sur le lieu de travail visant notamment à garantir l’égalité de traitement indépendamment de la race ou de l’appartenance ethnique a été adoptée. Au 31 décembre 2011, 112 entreprises comptant au total 6 000 employés l’avaient signée. Le plan national de lutte contre toutes les formes de discrimination raciale devrait pouvoir être lancé dès septembre 2012 et un bilan de l’application de la stratégie en faveur des Roms et des Sintis sera effectué le 31 décembre 2012.

31.M. Bottino (Italie) dit que le Ministre de la coopération et de l’intégration s’est engagé à réduire de moitié la durée d’obtention du permis de séjour et à faire doubler la durée de ce permis afin de remédier à la précarité professionnelle dans laquelle se trouvent les migrants. Enfin, tout en reconnaissant que le Code pénal devrait être complété par une disposition faisant de la motivation raciale une circonstance aggravante, M. Bottino souligne qu’il n’est pas toujours facile de déterminer ce qui a poussé l’auteur à agir et que certaines infractions qui, à première vue, ont un caractère raciste, peuvent avoir d’autres motivations. Ainsi, dans l’affaire des six travailleurs clandestins d’origine africaine qui ont été abattus en Campanie en 2008, la réelle motivation des auteurs était de troubler l’ordre public et de terroriser la population.

L a séance est levée à 18 heures.