Nations Unies

CERD/C/SR.2104

Convention internationale surl’élimination de toutes les formesde discrimination raciale

Distr. générale

23 août 2011

Original: français

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Soixante-dix-neuvième session

Compte rendu analytique de la 2104e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 17 août 2011, à 15 heures

Président: M. Kemal

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Dix-neuvième à vingt et unième rapports périodiques de l’Ukraine

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

(CERD/C/UKR/19-21; CERD/C/UKR/Q/19-21; HRI/CORE/1/Add.63/Rev.1)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation ukrainienne prend place à la table du Comité.

2.M. Maimeskul (Ukraine) dit que son pays est une démocratie qui garantit l’égalité de tous les citoyens devant la loi, indépendamment de leur origine, religion ou langue maternelle. Les résultats du recensement national de 2001 indiquent que la population comprend 78 % d’Ukrainiens, 17 % de Russes et 9 groupes, qui comptent chacun plus de 100 000 personnes, à savoir les Bélarussiens, les Moldoves, les Tatars de Crimée, les Bulgares, les Hongrois, les Roumains, les Polonais, les Juifs et les Arméniens. En République autonome de Crimée, le Gouvernement doit résoudre des problèmes complexes concernant les Tatars de Crimée et d’autres groupes ethniques déportés en 1944 par le régime stalinien.

3.Se fondant sur une tradition de tolérance interethnique et interreligieuse, le Gouvernement a adopté une politique ethnique et linguistique différenciée selon les régions afin de garantir les droits de tous les habitants du pays. Le Ministère de la justice élabore un projet de loi-cadre portant interdiction de la discrimination, qui devrait protéger efficacement les citoyens contre toute discrimination fondée sur la race, la couleur, la religion, l’appartenance ethnique ou la langue. Une importance particulière est également accordée au droit à l’apprentissage des langues des minorités ethniques, qui est régi en Ukraine par la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. L’État finance la publication de manuels scolaires dans les langues des minorités ethniques ainsi que l’organisation de cours de langue et de culture ukrainienne pour faciliter l’intégration des membres des minorités. Ceux-ci peuvent étudier leur langue et leur culture dans des centres d’enseignement et écoles du dimanche. Le Gouvernement promeut la diversité culturelle en soutenant financièrement la publication de livres et de périodiques dans les langues minoritaires.

4.En 2009, le Gouvernement et les médias ont conclu un partenariat pour garantir la liberté de l’information et la protection de la morale, qui a contribué à prévenir l’incitation aux conflits interethniques et interreligieux. Ils sont convenus d’interdire la diffusion d’idées xénophobes et racistes ainsi que l’incitation à la violence pour des motifs ethniques ou religieux. Le dialogue entre l’État et les organisations de la société civile, en particulier les organisations des minorités ethniques, joue un rôle important dans le maintien d’un climat de tolérance interethnique. C’est à cette fin qu’ont été créés des organes nationaux tels que le Conseil présidentiel pour les questions de politique ethnique, le Conseil pour les affaires culturelles des minorités nationales et le Conseil de gestion des programmes éducatifs des organisations de la société civile. En 2010, on comptait pas moins de 1 458 organisations de minorités ethniques. Les administrations locales et les organisations de minorités nationales collaborent régulièrement pour trouver des solutions aux problèmes des minorités et lutter contre la xénophobie ou la discrimination fondée sur l’appartenance ethnique ou religieuse. Un plan de lutte contre le racisme et la xénophobie a été mis en œuvre dans la plupart des régions ukrainiennes.

5.Les infractions à caractère racial, ethnique ou religieux donnent systématiquement lieu à l’ouverture de poursuites pénales et des condamnations sont prononcées chaque année. Un programme de formation sur la lutte contre le racisme et la xénophobie a été mis en œuvre à l’intention du personnel du Ministère de l’intérieur. Le Gouvernement a aussi mené une campagne de sensibilisation à la prévention des comportements agressifs envers les étrangers et les minorités ethniques. Les cas isolés de vandalisme sur des sites religieux ont diminué depuis 2007. Créé en 2009, le Conseil des représentants des commissions religieuses et des centres musulmans d’Ukraine est notamment chargé de lutter contre le radicalisme dans les milieux musulmans et d’éviter les confrontations entre chrétiens et musulmans.

6.Entrée en vigueur en août 2011, la loi sur les réfugiés et les personnes ayant besoin d’une protection temporaire définit les critères de détermination du statut de réfugié et de personne ayant besoin d’une protection supplémentaire et est pleinement conforme à la Convention relative au statut des réfugiés et du protocole s’y rapportant. Il existe deux centres d’accueil temporaire pour le s réfugiés mais d’autres devraient ouvrir. Le Service national de l’emploi propose aux réfugiés une aide au placement et un service d’aide sociale.

7.La République autonome de Crimée s’efforce de garantir une représentation équitable des Tatars de Crimée dans la fonction publique et a mis en place un système d’appui à la formation et à la promotion des membres de cette communauté. Leur nombre n’a donc cessé d’augmenter dans les organes politiques et administratifs nationaux et locaux. La création de conditions propices au retour, à la réinstallation et à la réinsertion sociale des Tatars de Crimée, des Bulgares, des Arméniens, des Grecs et des Allemands anciennement déportés est pour les pouvoirs publics une priorité majeure. En 2006, le Conseil des ministres a approuvé la mise en œuvre d’un programme de réinstallation et de réinsertion des personnes anciennement déportées jusqu’en 2010.

8.MmeShpyniak (Ukraine) appelle l’attention du Comité sur deux modifications positives apportées à la loi sur les réfugiés et les personnes ayant besoin d’une protection temporaire afin d’autoriser le regroupement familial et de permettre aux enfants de réfugiés d’obtenir le même statut que leurs parents. L’Ukraine travaille en coopération étroite avec le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) pour ce qui est de l’accueil des réfugiés. Le Gouvernement envisage de loger les 1 500 à 2 000 demandeurs d’asile qui se présentent chaque année dans des zones rurales et a entrepris d’élaborer un programme d’intégration des réfugiés jusqu’en 2020 afin de protéger leurs droits, notamment en matière d’emploi et de logement.

9.Mme Shpyniak fait observer que le programme d’aide à la réintégration des Tatars de Crimée a permis de construire de nombreux logements et neuf écoles même si le processus de réintégration est loin d’être achevé. Des mesures ont été prises pour préserver la langue, la culture et les traditions de la minorité rom. Le Ministère de la culture finance l’organisation d’événements culturels roms et le Ministère de l’éducation et les administrations locales s’efforcent d’intégrer les enfants roms dans le système scolaire classique.

10.M. Yur’ev (Ukraine) dit que le projet de loi-cadre relative à la lutte contre la discrimination comprendra une définition de la discrimination directe et indirecte, établira des mesures de prévention, de lutte et de répression, déterminera les peines applicables et définira les obligations des organes chargés de lutter contre la discrimination. Le Ministère de la justice a achevé la mise au point de sa stratégie de lutte contre la discrimination, qui fixera les grandes lignes de la politique nationale en la matière et organisera la coordination entre les administrations nationales et locales, ainsi que la coopération de ces dernières avec les organisations non gouvernementales (ONG).

11.M. Tikhonov (Ukraine)explique que le Ministère de l’intérieur prend des mesures pratiques de lutte contre les actes de discrimination, de xénophobie et d’antisémitisme. Le nombre d’infractions graves contre des représentants de minorités nationales a augmenté entre 2006 et 2009 mais les autorités ont réagi à cette évolution dès 2007 en mettant en place une stratégie de prévention des infractions xénophobes et en recueillant des statistiques sur les infractions commises contre des ressortissants étrangers. Depuis 2004, 27 poursuites ont été engagées pour différentes infractions (crimes prémédités, voies de faits, profanations de sépultures, vandalisme sur monuments, diffusions de publications à caractère raciste, etc.) dont le caractère xénophobe ou raciste a été mis en lumière. En collaboration avec des experts américains, le Ministère de l’intérieur s’emploie à améliorer les techniques d’enquête sur les infractions commises contre des étrangers.

12.M. Thornberry (Rapporteur pour l’Ukraine)indique que l’Ukraine n’a pas encore ratifié la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, la Convention relative à l’apatridie, la Convention sur la réduction des cas d’apatridie et la Convention no169 de l’Organisation internationale du Travail relative aux peuples indigènes et tribaux. Le Rapporteur souhaite savoir si les organisations de la société civile ont été consultées lors de l’élaboration du rapport et si les garanties constitutionnelles d’égalité et de liberté s’appliquent aussi bien aux citoyens qu’aux non-ressortissants résidant en Ukraine.

13.Le Rapporteur demande des renseignements sur le Service du Ministère de l’intérieur chargé de mettre en œuvre une stratégie de lutte contre les délits correspondant à des motifs ethniques et sur la dissolution du Comité d’État pour les affaires ethniques et religieuses, dont la mission a été confiée au Ministère de la culture, et du Groupe de travail interministériel pour la lutte contre la xénophobie et l’intolérance ethnique et raciale. La délégation est aussi invitée à donner des informations actualisées sur les activités du Commissaire parlementaire pour les droits de l’homme concernant l’examen de plaintes. Se référant à l’article 3 de la Convention, le Rapporteur appelle l’attention de la délégation sur la recommandation générale no 29 du Comité, en particulier le fait que la ségrégation peut être le résultat non intentionnel d’actions de personnes privées et invite les États parties à contrôler toutes les tendances susceptibles de provoquer la ségrégation raciale et à décrire toute action de ce type dans leurs rapports périodiques.

14.Le Rapporteur souligne que l’Ukraine doit compléter sa législation pénale pour la rendre conforme à l’article 4 de la Convention. Il demande pourquoi l’article 161 du Code pénal, principale disposition dans le domaine de la lutte contre le racisme et l’intolérance, ne protège que les citoyens ukrainiens contre les différents types d’infractions visées. Il note aussi que l’article punit les atteintes à l’honneur national et demande des précisions à ce sujet. Enfin, il regrette que cette disposition pénale n’interdise pas la diffusion d’idées fondées sur la haine raciale et l’incitation à la discrimination raciale. Il souhaite aussi en savoir plus sur l’article 67 du Code pénal et demande si la motivation raciale ou religieuse d’une infraction constitue une circonstance aggravante. Il demande s’il est prévu de modifier le Code civil et les dispositions administratives concernant la publication de propos racistes dans la presse.

15.Le Rapporteur souhaite obtenir des informations sur les progrès réalisés pour aider les Tatars de Crimée anciennement déportés à recouvrer leurs droits et, notamment, à récupérer les biens et les terres confisqués. En réponse à l’argument des autorités selon lequel il n’existe aucune loi sur la restitution des terres, les Tatars affirment que le Code civil contient les dispositions nécessaires pour protéger leurs droits. Selon eux, d’autres groupes tels que les Karaites et les Krymchaks connaissent des problèmes analogues. Les Tatars évoquent des difficultés à étudier leur langue maternelle ou à trouver un emploi; ils sont la cible de propos haineux, leurs cimetières sont profanés et leur représentation politique reste faible. Pour le Rapporteur, l’établissement d’un statut de peuple autochtone permettrait de faire évoluer leur situation.

16.Le Rapporteur évoque des disparités importantes entre le recensement de la population de 2001, qui dénombre 40 000 Roms en Ukraine, et les données fournies par des ONG, qui en comptent dix fois plus. Selon certaines sources, il existerait des écoles «spécialisées» pour les enfants roms à Odessa. La délégation est invitée à revenir sur ces différents points. Le Rapporteur demande pourquoi dans les régions de Transcarpatie et d’Odessa, où les Roms sont fortement représentés, les enfants de cette communauté «sont suivis par le personnel de l’enseignement général de manière à assurer (…) leur adaptation sociale» (par. 244 du rapport). Il souhaite savoir si la promotion de la langue officielle ne s’est pas faite au détriment des autres langues et si la nouvelle politique linguistique adoptée en 2010 respecte effectivement la liberté de chacun de parler la langue de son choix.

17.Citant des sources faisant état de la pratique du profilage racial par la police à l’égard des étrangers et plus particulièrement des ressortissants non européens, M. Thornberry demande si des policiers ont été poursuivis pour avoir eu recours à cette pratique. Il souhaite savoir quelles mesures spécifiques sont envisagées pour combattre le racisme dans le sport, notamment en prévision du Championnat d’Europe de football que l’Ukraine doit accueillir en 2012.

18.M. Diaconu dit que, selon certaines sources d’information, des groupuscules extrémistes s’en prendraient de plus en plus fréquemment aux étrangers, en particulier non-européens, et demande quelles mesures l’État a prises partie pour protéger les non-ressortissants et veiller à ce que les auteurs d’actes xénophobes soient traduits en justice. L’expert souhaite savoir pourquoi le romani n’est pas utilisé comme langue d’enseignement dans les écoles accueillant des élèves roms, en particulier en Transcarpatie. Il demande aussi quel est le pourcentage d’enfants roms sans certificat de naissance ni papier d’identité.

19.M. Diaconu regrette que l’Ukraine refuse de considérer les Ruthènes comme une minorité nationale et invite l’État partie à reconsidérer sa position, compte tenu de l’importance en nombre de cette communauté et de ses spécificités linguistiques et culturelles.

20.M. Avtonomov s’inquiète de l’augmentation du nombre d’actes de vandalisme et de xénophobie commis par des organisations extrémistes dans l’État partie et souhaite savoir quelles mesures ont été prises pour sanctionner leurs auteurs et combattre la xénophobie et l’antisémitisme dans les médias et sur Internet. Il souhaite savoir pourquoi le Département des droits de l’homme du Ministère de l’intérieur, qui était chargé de dispenser une formation aux droits de l’homme aux forces de police, a été supprimé: est-ce dû à des restrictions budgétaires ou à des considérations politiques?

21.M. Avtonomov encourage l’État partie à prendre des mesures pour veiller à l’enregistrement des enfants réfugiés afin qu’ils ne soient pas privés de leurs droits sociaux, économiques et culturels, en particulier leur droit à l’éducation. Il souhaite savoir si l’Ukraine a donné effet aux recommandations de l’Organisation internationale du Travail (OIT) pour lutter contre la discrimination à l’égard des Roms en matière d’emploi. Il demande pourquoi l’État partie refuse de considérer les Ruthènes comme un groupe ethnique distinct.

22.M. de Gouttes, notant que l’Ukraine s’est soumise à l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme en mai 2008, souhaite savoir si le Gouvernement a infléchi sa position concernant deux recommandations qui avaient été rejetées à l’époque, à savoir la recommandation de créer un mécanisme indépendant de surveillance chargé d’enquêter sur les cas de torture et celle d’intégrer de façon systématique et continue une perspective sexospécifique dans le processus de suivi de l’Examen périodique universel.

23.M. de Gouttes demande des précisions sur le mandat et les attributions des nombreuses instances mises en place afin de mettre en œuvre une stratégie de lutte contre la discrimination raciale et ethnique. Il se félicite des nouvelles dispositions pénales relatives aux infractions motivées par l’intolérance raciale, ethnique ou religieuse, qui durcissent les peines applicables en la matière et espère qu’elles permettront d’incriminer tous les actes visés à l’article 4 de la Convention. L’expert se demande si le faible nombre de poursuites engagées pour actes de racisme n’est pas dû au fait que les victimes doivent avoir la nationalité ukrainienne et souhaite savoir si ce critère de nationalité est toujours appliqué. Enfin, il demande ce que l’État partie fait pour mettre un terme aux agressions que subissent parfois les rabbins et les étudiants juifs ainsi qu’à la profanation des mosquées et des cimetières musulmans.

24.M.Amir demande quelle protection les nouvelles dispositions législatives relatives à l’immigration et à l’asile offrent aux demandeurs d’asile et aux réfugiés, notamment sur le plan de l’accès aux soins de santé et à l’éducation. Il souhaite savoir si les demandeurs ont désormais l’assurance que leur dossier sera examiné aussi rapidement que possible et ce qu’il advient de ceux qui n’ont pas la chance d’obtenir une place en centre d’accueil. L’expert voudrait savoir s’il arrive que des Roms préfèrent ne pas s’identifier comme tels afin de mieux s’intégrer dans la société ukrainienne et si, dans les manuels scolaires d’histoire, il est fait référence à l’holocauste des Juifs et les Roms.

25.Mme Dah demande si le Gouvernement ukrainien envisage de contrer la prolifération des organisations néonazies en surveillant l’usage qu’elles font des moyens modernes de communication tels que les messages instantanés, les réseaux sociaux et les courriers électroniques. Elle souhaite connaître les mesures mises en place pour garantir le respect de l’article 7 de la Convention et demande si des formations aux droits de l’homme sont organisées dans tout le pays.

26.Le Président demande quelles mesures l’État partie prend, en cette Année internationale des personnes d’ascendance africaine, pour enrayer la violence dont sont victimes les membres des minorités dites visibles, notamment les Africains.

27.M. Calí Tzay demande des informations sur la situation des Tatars de Crimée − à qui la législation nationale reconnaît le statut de groupe ethnique mais pas de peuple autochtone − ainsi que sur l’éducation bilingue et interculturelle.

28.MmeCrickley aimerait savoir si l’État partie a mis en place des programmes de lutte contre la discrimination raciale et le racisme visant les jeunes et s’il prend des mesures pour combattre la double discrimination que subissent les femmes issues des minorités en raison de leur sexe et de leur origine ethnique.

29.M. Ewomsan s’interroge sur les véritables causes du racisme qui semble ancré dans la société ukrainienne et se demande si les camarades de promotion et les proches des nombreux Africains qui ont fait leurs études en Ukraine, comme cela se faisait du temps de l’ex-URSS, ne pourraient pas contribuer à changer cette situation.

30.M. Maimeskul (Ukraine) dit que la société ukrainienne est connue pour être tolérante, chaleureuse et ouverte, ce qui n’exclut malheureusement pas les manifestations isolées de racisme ou de discrimination raciale. Il assure les membres du Comité que son pays travaille à mettre un terme à ces phénomènes.

La séance est levée à 18 heures.