NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.192527 janvier 2010

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante-quatorzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1925e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 3 mars 2009, à 10 heures

Président: Mme DAH

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial du Monténégro (suite)

La séance est ouverte à 10 h 20 .

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 5 de l’ordre du jour) (s uite)

Rapport initial du Monténégro (CERD/C/MNE/1; liste des points à traiter et réponses écrites, documents sans cote distribués en séance, en anglais seulement) (suite)

1. Sur l’invitation de la Présidente, la délégation monténégrine reprend place à la table du Comité.

2.M. MIHALEVIĆ (Monténégro) dit que l’accord bilatéral passé entre le Monténégro et les États-Unis d’Amérique au titre de l’article 98 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale a été conclu au moyen d’un échange de notes diplomatiques, ce qui signifie qu’il n’a été ni signé ni ratifié. L’accord peut être dénoncé par les parties, auquel cas il demeure en vigueur pendant un an à compter de la date à laquelle l’une des parties a notifié à l’autre son intention de le dénoncer. Ses dispositions prévoient que le Monténégro doit consulter les autorités des États‑Unis d’Amérique avant d’extrader un ressortissant de ce pays qui se trouverait sur le territoire monténégrin vers un autre État, et réciproquement. À ce jour, cet accord n’a jamais été appliqué concrètement. Le Monténégro est parfaitement conscient de ses implications et est tout à fait disposé à coopérer avec la Cour pénale internationale au cas où une affaire instruite par cette juridiction le concernerait. Si l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique ne parvenaient pas à s’entendre sur les problèmes soulevés par cet accord, le Monténégro envisagerait de revoir sa position à l’égard de cet instrument, compte tenu de son intention d’adhérer à l’Union européenne.

3.Malgré les années extrêmement difficiles qu’ont traversées tous les pays des Balkans après l’éclatement de l’ex-Yougoslavie, le Monténégro est parvenu à préserver la paix sur son territoire ainsi que la stabilité des relations entre les minorités ethniques et nationales. À l’instar d’autres pays de la région, il a entamé le processus d’adhésion à l’Union européenne et à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). En outre, il est membre de l’Initiative de coopération pour l’Europe du Sud-Est et il est partie à l’Accord de libre-échange de l’Europe centrale. Enfin, la délégation monténégrine souligne que les peuples de l’ouest des Balkans ont tiré les leçons du passé et que le Monténégro vit désormais en paix avec ses voisins.

4.MmeMIJUSKOVIĆ (Monténégro) dit que le Monténégro s’est montré disposé à venir en aide à toutes les personnes déplacées, accueillant aussi bien des réfugiés provenant des ex‑républiques yougoslaves, dont la Serbie, que du Kosovo. À l’époque du conflit au Kosovo, en 1998 et 1999, le Monténégro a accueilli plus de 130 000 personnes déplacées d’ex‑Yougoslavie, soit 24 % de la population qui y vivait alors. Dès 2000, lorsque la situation a commencé à se stabiliser, l’aide humanitaire a été réduite drastiquement et, en conséquence, les autorités monténégrines ont eu des difficultés à faire face aux besoins des personnes déplacées se trouvant sur le territoire monténégrin.

5.Afin de trouver une solution durable à ce problème, le Gouvernement monténégrin a adopté en 2005 la Stratégie nationale de résolution permanente des problèmes des réfugiés et des personnes déplacées au Monténégro. La déléguée du Monténégro précise que le terme «réfugié» désigne les personnes déplacées provenant des ex-républiques yougoslaves, dont la Bosnie‑Herzégovine et la Slovénie, tandis que l’expression «personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays» se rapporte aux personnes déplacées à l’intérieur du Kosovo.

6.Les trois solutions possibles définies dans la Stratégie sont les suivantes: le rapatriement et le retour des réfugiés dans leur pays d’origine; l’intégration des réfugiés au plan local et l’émigration vers des pays tiers. S’agissant de la Bosnie-Herzégovine, le rapatriement des réfugiés a été un succès. En revanche, dans le cas de la Croatie, moins de personnes ont pu rentrer chez elles. En résumé, la plupart des réfugiés et des personnes déplacées qui avaient fui au Monténégro lors du conflit y sont restés. Ces personnes y jouissent des mêmes droits que les ressortissants monténégrins, notamment en matière d’accès à l’éducation, aux soins de santé, à l’emploi et au logement. À cet égard d’ailleurs, 886 logements ont été mis à la disposition de quelque 6 400 personnes. Afin de protéger les catégories les plus vulnérables de ce groupe de population, le Ministère de la santé, du travail et de l’aide sociale a lancé, en collaboration avec le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), un projet tendant à garantir à ces personnes l’accès à des allocations équivalentes à celles auxquelles la population locale peut prétendre. Enfin, Mme Mijusković signale que la Stratégie nationale de résolution permanente des problèmes des réfugiés et des personnes déplacées au Monténégroa été élaborée avec la participation de personnes déplacées, dont la plupart ont déclaré préférer la solution du rapatriement. Aucune aide internationale n’a été allouée à l’application des programmes prévus dans le cadre de cette stratégie.

7.Parallèlement à ces activités, le Monténégro a poursuivi ses efforts pour donner suite à la Déclaration de Sarajevo de 1998, qui avait été signée par l’Union d’États de Serbie‑et‑Monténégro, la Bosnie‑Herzégovine et la Croatie. L’objectif de cette déclaration est de régler la question des personnes déplacées au plan régional avec la participation de partenaires internationaux, dont le HCR, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et la Commission européenne. Le Monténégro, qui a adhéré à la Déclaration de Sarajevo après la proclamation de son indépendance, s’est acquitté de toutes les obligations qui lui incombaient au titre de ce texte. Il est notamment le seul État à avoir établi une feuille de route, conformément à ladite Déclaration. Il accorde une grande attention aux accords bilatéraux qu’il a conclus avec d’autres pays de la région en vue de régler ces questions de la manière la plus satisfaisante possible.

8.Le Gouvernement monténégrin a chargé le Ministère de l’intérieur et de l’administration publique de procéder au réexamen du statut des réfugiés provenant des ex‑républiques yougoslaves en se fondant sur la loi sur l’asile. En outre, il a demandé au Bureau chargé des réfugiés d’assurer la liaison avec le Ministère de l’intérieur et de l’administration publique et de mettre à jour la base de données sur les personnes déplacées provenant du Kosovo. Conformément à la loi sur la citoyenneté, le nouveau lieu de résidence des personnes déplacées doit être considéré comme leur résidence régulière aux fins de l’examen de leur demande de naturalisation. Enfin, actuellement, les personnes déplacées représentent 4 % de la population du Monténégro.

9.MmePEŠIĆ (Monténégro) affirme que la culture de l’impunité n’existe pas au Monténégro, en particulier s’agissant des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Les autorités s’emploient au contraire à améliorer l’efficacité du système judiciaire en matière de poursuites et, à cette fin, des réformes ont été lancées, lesquelles ont notamment débouché sur la création de la division de la lutte contre le crime organisé.

10.En ce qui concerne l’affaire Kaluderski laz, Mme Pešić indique qu’en juillet 2007, le tribunal de district de Bijelo Polje a ouvert des poursuites contre huit personnes pour crimes contre l’humanité commis contre des civils. Sept de ces suspects ont été arrêtés et placés en détention avant jugement, mais le huitième a fui le pays. Le procès doit se tenir en mars 2009. S’agissant de l’affaire Morin j, Mme Pešić indique qu’en août 2008, le Bureau du procureur a lancé des poursuites contre six personnes pour crimes de guerre et crimes commis contre des prisonniers de guerre, infractions prévues aux articles 142 et 144 du Code pénal, respectivement. Cinq de ces personnes ont été arrêtées. Le tribunal saisi de l’affaire a décidé de juger par contumace la sixième personne, qui a fui le pays. Le procès, qui devait se tenir en janvier 2006, a été repoussé à une date indéterminée.

11.En ce qui concerne l’affaire de la déportation de musulmans, Mme Pešić indique qu’en juin 2009, le tribunal de grande instance de Podgorica a délivré un mandat d’arrêt concernant neuf individus soupçonnés de crimes de guerre contre des civils. Quatre de ces personnes ont été arrêtées, mais les cinq autres ont fui le pays.

12.Le Gouvernement monténégrin tient à coopérer avec les autorités d’autres États ainsi qu’avec des organisations régionales ou internationales à l’indemnisation des victimes de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité. Il a exprimé son intention de régler ces questions par des voies extrajudiciaires, en collaboration avec les autorités de la Bosnie-Herzégovine. Un cadre a été défini en vue de la négociation d’accords entre le Ministère de la justice et les représentants des proches des victimes. En septembre 2008, cinq réunions ont été organisées au cours desquelles des représentants du Ministère de la justice et des victimes ont défini les critères à prendre en considération pour la détermination du montant de l’indemnisation. Ces critères sont notamment le degré de parenté entre les proches de la victime et celle-ci, leurs besoins financiers et la gravité de l’affaire. Grâce à cette initiative, 42 actions civiles en réparation ont abouti à un règlement amiable. Le montant total des indemnisations accordées a atteint 4 350 000 euros.

13.Pour ce qui est de l’affaire Bukovica(A/HRC/WG.6/3/MNE/3, par.21), Mme Pešić indique qu’en décembre 2007, le tribunal de district de Bijelo Polje a ouvert des poursuites contre sept personnes soupçonnées de crimes contre l’humanité, en se fondant sur l’article 427 du Code pénal ainsi que sur le paragraphe 2 de l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme. L’enquête a permis d’établir qu’il y avait eu crimes de guerre en l’espèce. Une nouvelle enquête est menée par la division de la lutte contre les crimes de guerre est en cours. Cette affaire, dans laquelle les juridictions internes se sont fondées sur une convention internationale ainsi que sur la législation nationale, montre que les instruments auxquels le Monténégro est partie font partie de l’ordre juridique interne et que leurs dispositions peuvent être invoquées par les tribunaux lorsqu’elles sont directement applicables et n’ont pas besoin d’être transposées dans une loi nationale.

14.En ce qui concerne l’incorporation dans le droit monténégrin des dispositions de l’article 4 de la Convention, Mme Pešić, après avoir rappelé la teneur des dispositions pénales détaillées aux paragraphes 38 et 39 du rapport (CERD/C/MNE/1), précise que l’interdiction de la discrimination raciale est expressément interdite à l’article 370 du Code pénal, dont le paragraphe 1 dispose que l’incitation à la haine nationale, religieuse ou raciale ou à l’intolérance entre les peuples, les minorités et les groupes ethniques vivant au Monténégro est punie d’une peine de six mois à cinq ans d’emprisonnement. Le paragraphe 2 dudit article dispose en outre que les actes susmentionnés qui s’accompagnent de violences, de mauvais traitements, d’atteintes à la sécurité personnelle, de dommages au bien d’autrui, d’actes de vandalisme contre des monuments, des plaques commémoratives ou des tombes sont punis d’une peine d’emprisonnement d’un an à huit ans. Le paragraphe 3 dudit article prévoit que le fait de commettre les actes visés aux paragraphes 1 et 2 dudit article est punissable d’une peine de un à huit ans si ces actes causent des émeutes, des violences ou d’autres incidents ayant des répercussions graves sur les relations entre les minorités nationales ou ethniques vivant au Monténégro.

15.De plus le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre commis contre la population civile, l’organisation et l’encouragement du génocide et des crimes contre l’humanité, le fait de ne pas prendre des mesures pour prévenir des crimes contre l’humanité et des violations graves du droit international sont érigés en infraction dans la législation pénale du Monténégro (art. 426, 427, 428, 431, 440 du Code pénal). La discrimination raciale est réprimée par les dispositions de l’article 443 du Code pénal, lequel dispose notamment que quiconque viole les libertés et les droits fondamentaux d’une personne pour des motifs fondés sur la race, la couleur de peau, l’origine nationale ou ethnique ou toute autre particularité individuelle est passible d’une peine d’emprisonnement allant de six mois à cinq ans et que quiconque diffuse des idées fondées sur la supériorité raciale ou prône la haine raciale encourt une peine d’emprisonnement allant de trois mois à trois ans.

16.Mme Pešić indique que la Constitution du Monténégro consacre le principe de l’inviolabilité de l’intégrité physique et mentale et de la vie privée des citoyens, et interdit le recours à la torture ou aux traitements inhumains et dégradants. En vertu de la loi fondamentale, nul ne peut être réduit en esclavage ni tenu en état d’asservissement.

17.Aux termes de l’article 5 du Code de procédure pénale, toute personne privée de liberté doit être informée, dans sa langue ou dans une langue qu’elle comprend, des motifs de sa détention. Elle a en outre le droit de demander à ce qu’une personne de son choix soit prévenue de son arrestation, et à se faire assister d’un avocat.

18.L’article 12 du Code pénal interdit le recours à la force contre les personnes privées de liberté et l’extorsion d’aveux par la torture, l’humiliation, l’intimidation ou au moyen de traitements dégradants. Les aveux obtenus de la sorte ne peuvent être utilisés comme éléments de preuve dans un procès, et les personnes qui ont exercé ce type de pressions sur un suspect pour lui extorquer des aveux s’exposent à une peine de prison allant de trois mois à cinq ans. En outre, une personne qui n’a pas été informée de son droit à se faire assister d’un avocat ne peut être condamnée.

19.Dans le système juridique de la République du Monténégro, il n’existe pas de loi spéciale sur l’interdiction de la discrimination. La discrimination tombe sous le coup des lois pénales.

20M. DELIC (Monténégro) dit que la loi sur l’élection des conseillers et des membres du Parlement devait être révisée par les parlementaires avant le mois d’octobre 2009 afin d’être harmonisée avec les dispositions de la Constitution de 2008. Lesdits parlementaires ne sont toujours pas parvenus à un accord, et la majorité des deux tiers du Parlement n’a toujours pas été obtenue. En vertu de la loi en vigueur, sur les 81 parlementaires en fonctions, 8 sont bosniaques, 5 albanais, 2 croates et l’un est musulman. Tous ont été élus après avoir adhéré à un parti politique représentant leur minorité nationale.

21.Les rares statistiques fiables relatives à la représentation proportionnelle des minorités dans divers domaines de la vie publique permettent de conclure que ces dernières sont sous‑représentées à bien des égards. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement monténégrin a élaboré une stratégie en leur faveur, dans le cadre de laquelle les candidats à un emploi dans la fonction publique issus de minorités nationales ou ethniques ont, à compétences égales, la préférence par rapport aux autres candidats.

22.En vertu de l’article 13 de la Constitution, la langue officielle est le monténégrin, mais d’autres langues sont utilisées, comme le serbe, le croate, le bosniaque et l’albanais. Ayant ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, le Monténégro a accepté que les langues rom et albanaise soient utilisées pour les démarches administratives et judiciaires.

23.La loi relative aux papiers d’identité prévoit que les informations qui figurent en monténégrin et en anglais sur la carte d’identité sont traduites en serbe, bosniaque, albanais ou croate selon la langue maternelle du titulaire de la carte, et que le nom et le prénom sont inscrits dans la l’alphabet demandé par ce dernier.

24.Dans le domaine de l’éducation, les locuteurs albanais peuvent suivre un enseignement dans leur langue maternelle du niveau préscolaire à l’université. De plus, les personnes parlant le serbe, le bosniaque ou le croate peuvent demander à suivre leur scolarité dans leur langue maternelle. Les droits relatifs à l’utilisation des langues sont donc respectés dans la pratique.

25.Les membres des minorités qui ne déclarent pas leur origine ethnique ne sont pas plus nombreux actuellement qu’en 1991, date du dernier recensement. Le fait est que les Monténégrins ne s’intéressent pas particulièrement à leur origine ethnique, et que l’exercice de leurs droits et libertés n’en dépend pas.

26.Le chapitre du Code pénal consacré aux infractions pénales contre les libertés et les droits de l’homme et du citoyen punit d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans toute personne qui porte atteinte au principe d’égalité des citoyens.

27.Un amendement relatif au financement du service public a été apporté à la loi sur les services publics de radiodiffusion car, en pratique, les chaînes de radio et de télévision avaient des difficultés à assumer seules le financement de tous leurs programmes et émissions. Le Gouvernement n’a aucune intention d’exercer un monopole sur les moyens d’information, qui doivent rester indépendants.

28.Lors des recensements, les citoyens ont la possibilité – et non l’obligation – de déclarer leur appartenance nationale, ethnique ou religieuse. En 1991, 87 000 personnes se sont identifiées comme étant des musulmans, soit 14,7 % de la population. En 1993, certaines d’entre elles ont revendiqué leur appartenance à une minorité nationale, en grande majorité à la minorité bosniaque. Les musulmans du Monténégro se considèrent comme des autochtones, et revendiquent à ce titre les droits dont jouissent les minorités nationales.

29.Le Médiateur peut être saisi par quiconque estime que ses droits ont été violés, y compris par les membres d’une minorité religieuse ou d’un groupe ethnique. Dans le domaine de l’emploi et du logement, les réponses que le Médiateur a reçues du Gouvernement concernant des prétendues discriminations permettent de conclure à l’absence de discrimination au motif de l’appartenance à une minorité. D’ailleurs, toutes les personnes concernées ont été informées de leurs droits, et aucune n’a porté plainte pour discrimination.

30.Le projet de loi générale portant interdiction de la discrimination est actuellement élaboré par un groupe de travail relevant du Ministère de la protection des droits de l’homme et des droits des minorités, avec l’appui d’organisations non gouvernementales et d’universitaires. Le projet de loi contient une définition précise de la discrimination, tant directe qu’indirecte, du harcèlement (y compris du harcèlement sexuel), de la ségrégation, de l’intimidation et dresse la liste des formes graves de discrimination. Il interdit en outre de suspendre ou de limiter l’interdiction de la discrimination pour quelque motif que ce soit. Le projet aborde également les questions relatives à la discrimination dans le domaine de l’accès à la santé, à l’emploi ou à l’éducation, et traite de la discrimination dont sont victimes les personnes handicapées, les minorités, les groupes religieux, la discrimination au motif de l’orientation sexuelle, entre autres. Enfin, il prévoit une protection pour les victimes de discrimination, mais à ce stade, la question se pose encore de savoir s’il est préférable de créer une nouvelle institution chargée de lutter contre les discriminations ou d’élargir les compétences du Médiateur.

31.M. NIMANI (Monténégro) dit que son pays n’a épargné aucun effort pour améliorer la situation en ce qui concerne les droits de l’homme et la discrimination raciale. Dans la perspective de l’adhésion du pays à l’Union européenne, la législation monténégrine est progressivement alignée sur celle de l’Union. Le Monténégro entretient de bonnes relations avec ses voisins et les désaccords du passé sont en voie de règlement. Revenant sur un point abordé précédemment, M. Nimani réaffirme que tout auteur de crime raciste ou d’acte discriminatoire, quelle que soit sa nationalité, est poursuivi en justice et dûment sanctionné.

32.M. THORNBERRY voudrait savoir si des facteurs économiques ou identitaires ont poussé le Monténégro à devenir indépendant et quelle place a été réservée aux minorités nationales dans le processus de transition vers l’indépendance. Croyant comprendre que la langue monténégrine est assez minoritaire, il voudrait également savoir s’il existe une compétition entre le monténégrin et les langues parlées et comprises par la majorité de la population.

33.M. AVTONOMOV demande quelles sont les différences entre le monténégrin et le serbe. Il constate dans le tableau 1 du rapport à l’examen qu’entre 1991 et 2003, le nombre des Monténégrins ou des personnes se considérant comme tels a sensiblement diminué tandis que le nombre des Serbes a considérablement augmenté. Il voudrait savoir si ces bouleversements d’ordre démographique ont eu des effets quelconques dans le pays. Pour ce qui est du Protecteur des droits de l’homme et des libertés, il demande si ce magistrat s’occupe aussi bien des minorités ethniques que religieuses, et s’il a été saisi de plaintes pour discrimination raciale. Dans l’affirmative, il voudrait connaître la suite qui a été donnée à ces plaintes.

34.M. AMIR croit comprendre qu’un siège du Parlement est réservé à un musulman et voudrait savoir si ce parlementaire représente l’islam en tant que religion pratiquée par de nombreuses personnes au Monténégro ou s’il représente l’ensemble des musulmans qui se trouvent dans le pays, quelle que soit leur origine ethnique. D’une manière générale, il aimerait recevoir un complément d’information sur les liens entre l’État et la religion. Il demande si le Monténégro est un pays laïc et si le Code civil s’applique à tous les citoyens, y compris aux Bosniaques musulmans dont les traditions et croyances peuvent ne correspondent pas forcément aux usages et aux principes énoncés dans le Code civil monténégrin.

35.M. de GOUTTES regrette que le rapport à l’examen contienne peu d’informations sur l’application concrète des dispositions pénales relatives à la discrimination raciale ainsi que sur les plaintes et jugements relatifs aux actes racistes. Il rappelle la doctrine du Comité selon laquelle l’absence de plainte et de jugement en matière de discrimination raciale n’est pas forcément positive car elle peut être révélatrice d’un certain nombre de carences (législation insuffisante, manque de confiance des minorités à l’égard de la police et de la justice, difficultés rencontrées par les victimes en matière d’établissement de la preuve, manque d’information des minorités sur leurs droits, etc.).

36.M. EWOMSAN note que les Roms sont les plus vulnérables à la discrimination. La solution adoptée par l’État monténégrin consiste apparemment à favoriser leur intégration, ce qui passe notamment par la sédentarisation. Il demande quelle est l’attitude des Roms face aux initiatives de sédentarisation et dans quelle mesure leur mode de vie a été pris en compte dans le cadre des programmes d’intégration. À son avis, les Roms souffrent avant tout d’un problème de reconnaissance à l’échelon national. Enfin, il voudrait savoir si le Monténégro a reçu des demandes d’asile émanant de personnes originaires d’Afrique noire.

37.M. DIACONU regrette que le rapport à l’examen ne présente pas les dispositions du Code pénal se référant à l’article 4 de la Convention. Il invite l’État partie à remédier à cette lacune dans son prochain rapport périodique. En ce qui concerne les questions touchant à l’indépendance, il fait observer que le Monténégro a été l’un des premiers pays indépendant de la région et que le peuple monténégrin a toujours été très fier de son identité.

38.M. DANIELSEN voudrait en savoir plus sur les modalités d’amendement de la Constitution: peut-elle être amendée par le Parlement ou par référendum?

39.M. NIMANI (Monténégro) précise que lorsqu’il parle d’intégration des Roms, il ne s’agit absolument pas d’assimilation. Les Roms bénéficient des mêmes droits que les autres groupes ethniques du Monténégro, même s’il n’est pas toujours facile d’atteindre cet objectif dans la pratique. Le Gouvernement aide également les Roms à préserver leur langue et à diffuser des programmes en langue rom dans les médias. Leur situation s’est aussi nettement améliorée dans le système éducatif. En effet, l’enseignement primaire leur est donné en langue rom. Les Roms qui vivent dans les régions du littoral, bien intégrés, vont à l’école et suivent des cours en langues monténégrine ou albanaise. Certains Roms se déclarent de confession musulmane et d’autres pratiquent la religion orthodoxe. On peut en conclure que tous les groupes ethniques peuvent s’intégrer tout en préservant leur identité nationale, linguistique, religieuse et ethnique.

40.Les différentes communautés ethniques sont représentées au Parlement et les considérations religieuses n’y interviennent absolument pas. Le Monténégro est un État laïc où l’État et la religion sont totalement séparés. Les parlementaires d’origine albanaise représentent la communauté ethnique albanaise au Parlement, qu’ils soient musulmans ou catholiques, et il en va de même pour les autres représentants des diverses communautés ethniques. Par ailleurs, aux termes de la Constitution, tout individu est libre d’exprimer ses opinions religieuses.

41.En ce qui concerne les motifs de l’indépendance du Monténégro, M. Nimani dit tout d’abord que l’indépendance a été voulue par toutes les communautés du Monténégro. Il y avait en effet deux options possibles: rester au sein de l’Union de Serbie et du Monténégro ou choisir l’indépendance et devenir un jour membre de l’Union européenne. C’est cette deuxième option qui a été retenue par la majorité de la population, notamment les groupes minoritaires. L’indépendance du Monténégro devrait contribuer à la stabilisation de la région et la faire entrer dans une nouvelle ère où le pays contribuera également à l’européanisation des Balkans. Les minorités ont d’ailleurs joué un rôle important dans ce processus. Le choix qui a été fait – l’intégration européenne et le développement de l’État monténégrin – n’a pas été celui d’un parti ou d’un représentant politique: l’indépendance du Monténégro a été décidée conformément aux normes démocratiques, la population ayant voté pour l’indépendance à la majorité de 55 % des voix.

42.À propos de la diversité linguistique, M. Nimani déclare que, en tant que Monténégrin d’origine albanaise, s’il se trouvait avec un Croate, un Bosniaque, un Monténégrin et un Serbe, il reconnaîtrait immédiatement la langue de chacun d’eux en une seule phrase. Il n’est bien entendu pas besoin d’interprète pour se comprendre, ces langues appartiennent à la même famille, mais il existe des nuances et des petites différences entre elles. Elles se distinguent toutefois suffisamment pour que l’on puisse les considérer comme des dialectes. Cela étant, l’ouvrage d’un auteur monténégrin ne représenterait pas de façon authentique l’identité et la culture monténégrine s’il était écrit dans un dialecte serbe.

43.M. Nimani est entièrement d’accord avec l’observation selon laquelle le Monténégro est à la fois un État ancien et jeune. C’est une réalité historique importante pour comprendre la nature du pays, et tous les Monténégrins, y compris ceux qui sont d’origine serbe ou albanaise, peuvent être fiers de cette réalité historique.

44.En ce qui concerne l’éducation, M. Nimani précise qu’il n’y a pas au Monténégro d’écoles séparées pour les minorités. Les cours sont généralement dispensés en monténégrin, qui est la langue officielle, mais aussi en albanais, pour les élèves dont c’est la langue maternelle, dans les mêmes établissements scolaires. Aux termes de la nouvelle législation, un enseignant d’histoire peut consacrer 20 % de son programme à l’enseignement de l’histoire des minorités. Cela constitue un progrès considérable en matière d’intégration des différentes langues et cultures.

45.Étant d’origine albanaise, M. Nimani constate que la situation de la communauté albanaise s’est nettement améliorée au Monténégro au cours des quinze dernières années. Ce climat favorable a aussi permis à la minorité albanaise de jouer un rôle plus positif aux niveaux régional et européen. Dans le même esprit, le Gouvernement est conscient qu’il n’a pas suffisamment de moyens pour régler seul le problème des Roms. Les fonds alloués par l’Union européenne aux programmes destinés aux Roms seront utilisés de manière appropriée et le Monténégro présentera des rapports sur leur utilisation.

46.M. MIHALJEVIC (Monténégro) rappelle, à propos de l’accord entre le Monténégro et les États‑Unis concernant l’article 98 du statut de la Cour pénale internationale, que cet accord peut être facilement révoqué, car il ne s’agit pas d’un accord classique, mais plutôt d’une procédure entre deux ministères qui peut être abrogée sur simple notification.

47.M. LAHIRI (Rapporteur pour le Monténégro) déclare que la complexité des questions de discrimination au Monténégro a suscité un débat très intéressant et qu’il serait effectivement utile que la délégation joigne un aperçu historique sur le Monténégro à ses prochains rapports auComité.

48.Tout en se félicitant de la présentation en temps voulu du rapport du Monténégro, M. Lahiri espère que cet État partie donnera dans ses prochains rapports plus de détails sur la mise en œuvre concrète de la loi antidiscrimination et des dispositions de la Convention, notamment en présentant des données ventilées par origine ethnique, sexe et lieu géographique.

49.M. Lahiri se félicite également de la qualité du rapport présenté, des réponses très complètes fournies par écrit et oralement et de la composition de la délégation de haut niveau, qui reflète la diversité ethnique et religieuse du pays.

50.Dans ses observations finales, le Comité accueillera sans doute favorablement la législation et les réglementations adoptées par l’État partie depuis l’indépendance en vue d’intégrer les normes internationales en matière de droits de l’homme. En particulier, il pourra également accueillir favorablementla Constitution adoptée en 2007, la création d’un poste de médiateur, les dispositions concernant le droit d’asile et l’emploi des étrangers et les programmes visant à améliorer la situation des Roms et des minorités en général. Il pourra constater que la situation des groupes ethniques défavorisés s’est indéniablement améliorée ces dernières années.

51.Le Comité pourra se féliciter également de l’adoption de la loi sur la non-discrimination et espère que son adoption et son entrée en vigueur seront accélérées. Il prendra note des travaux visant à harmoniser les lois adoptées avant et après l’indépendance avec la Constitution de 2007 en matière de discrimination, et encouragera l’État partie à les poursuivre car il subsiste un certain nombre d’incohérences dans la législation.

52.Le Comité pourra se féliciter des mesures prises pour lutter contre la discrimination, mais constater qu’il subsiste encore un fossé entre les intentions, le cadre législatif mis en place et la situation concrète sur le terrain. Le Comité espéreracertainement que des efforts plus ciblés seront réalisés et examinera leurs effets dans le prochain rapport.

53.En ce qui concerne la criminalité et la violence à l’encontre des minorités ethniques, le Comité a pris note de la déclaration selon laquelle il n’existe pas un climat d’impunité à cet égard au Monténégro. Néanmoins, des éléments indiquent que certaines pratiques et méthodes de travail de la police et des autorités judiciaires ont encore des effets négatifs en termes de discrimination à l’égard des groupes défavorisés, et que ces pratiques doivent être abandonnées. À ce propos, il a été dit précédemment que les autorités ne recueillent pas les informations relatives aux crimes commis contre les membres des minorités ethniques et il n’a pas été fourni de détails sur les mesures prises par les défenseurs des droits de l’homme en réponse à plusieurs plaintes apparemment liées à la discrimination raciale.

54.En ce qui concerne la question des Roms, le Comité a noté que des mesures palliatives ont été prises, que des améliorations touchant la scolarisation dans le primaire et les bourses scolaires ont été enregistrées et qu’un effort a été accompli pour améliorer les règlements et la législation, mais la situation reste néanmoins très difficile. Il est important de garantir l’égalité des chances et des droits mais plus encore d’obtenir des résultats concrets dans ce domaine en prenant des mesures ciblées et axées sur les résultats.

55.M. Lahiri dit, en ce qui concerne la situation problématique en Bosnie et les effets qu’elle pourrait avoir sur la discrimination au Monténégro, que le Comité examinera prochainement cette question de manière plus détaillée.

56.La PRÉSIDENTE se joint à M. Lahiri pour se féliciter de la qualité du dialogue qui s’est instauré entre le Comité et la délégation monténégrine, donnant lieu à des échanges très intéressants sur le rapport initial du Monténégro. Elle déclare que l’exemple du Monténégro confirme l’adage selon lequel les apparences sont souvent trompeuses. En effet, ce pays est comparable à un vieil homme qui aurait endossé des habits neufs. C’est un pays ancien qui a retrouvé son indépendance. Les habits neufs représentent les nouveaux choix politiques et sociaux du Monténégro. Dans la mesure où l’identité qu’il a cherché à retrouver est en grande partie fondée sur la diversité ethnique du pays, le Comité se sent particulièrement concerné par ces habits neufs et observera avec attention au cours des prochaines sessions comment il en aura usé. Le Monténégro a déjà fait un pas important dans la bonne voie et la loi antidiscrimination en constitue un jalon important.

57.M. NIMANI (Monténégro) remercie la Présidente et déclare que sa délégation attend avec intérêt les recommandations et les conclusions du Comité et les analysera de façon approfondie. Comme elle l’a dit, le Monténégro porte en effets de nouveaux habits. Il semble que ceux-ci lui vont bien et il travaillera d’arrache-pied pour les mériter, notamment en poursuivant ses efforts pour répondre aux critères d’adhésion à l’Union européenne.

La séance est levée à 12 h 55.

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