CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.1658

28 septembre 2004

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑cinquième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1658e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le mercredi 11 août 2004, à 15 heures

Président: M. YUTZIS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial et deuxième à cinquième rapports périodiques du Tadjikistan

PRÉVENTION DE LA DISCRIMINATION RACIALE, Y COMPRIS LES MESURES D’ALERTE RAPIDE ET LA PROCÉDURE D’ACTION URGENTE

Constitution d’un groupe de travail chargé d’examiner la suite donnée aux décisions et recommandations adoptées par le Comité en application du système de mesures d’alerte rapide et de procédures d’urgence

QUESTIONS D’ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES (suite)

Organisation d’un débat thématique sur la prévention des génocides

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial et deuxième à cinquième rapports périodiques du Tadjikistan (CERD/C/463/Add.1; HRI/CORE/1/Add.128)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation tadjike prend place à la table du Comité.

2.M. KHAMIDOV dit que la République du Tadjikistan présente pour la première fois son rapport sur l’application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Il souligne que son pays se trouve dans une phase de transition et que près de la moitié des 13 années d’indépendance que le pays a connues précédemment ont été marquées par l’instabilité et la guerre civile. La République du Tadjikistan s’est fixé comme objectif de faire régner l’état de droit et de mettre en place une démocratie en adoptant peu à peu les principes fondamentaux et les valeurs du monde civilisé d’aujourd’hui.

3.M. Khamidov expose de façon détaillée l’action menée par le Tadjikistan pour assurer l’application de la Convention sur son territoire en citant abondamment les renseignements figurant dans le rapport de son pays (CERD/C/463/Add. 1), en particulier, à propos de l’application de l’article premier de la Convention, aux paragraphes 1 à 6, 9 et 10; concernant l’article 2, aux paragraphes 15 à 17, 21, 24 et 25; et, s’agissant de l’application de l’article 3, au paragraphe 30.

4.Pour ce qui est de l’application de l’article 4 de la Convention, relatif à l’apartheid et à la ségrégation, le délégué du Tadjikistan rappelle les dispositions législatives et autres présentées au paragraphe 31 du rapport de son pays.

5.Concernant les différents droits économiques, sociaux et culturels protégés par l’article 5 de la Convention, le délégué rappelle largement les renseignements fournis aux articles 38, 47, 61, 69, 75, 77,78, 80, 88, 89, 91, 100 à 102, 107 à 110, 117, 124, et 142 à 145 du rapport.

6.Concernant la protection judiciaire des personnes contre les actes de discrimination raciale en vertu de l’article 6 de la Convention, le délégué évoque le contenu du paragraphe 148 du rapport.

7.Concernant l’article 7 de la Convention relatif à la lutte contre les préjugés menant à la discrimination raciale, le délégué reprend, aux paragraphes 152 à 155 du rapport, des renseignements sur l’action menée par son pays dans les domaines de l’éducation, de l’enseignement et de l’information, notamment pour promouvoir la tolérance entre groupe nationaux et ethniques.

8.M. AVTONOMOV (Rapporteur pour le Tadjikistan) note avec satisfaction que la délégation tadjike est de haut niveau, preuve que l’État partie prend au sérieux ses obligations découlant de la Convention. Il dit que le Tadjikistan a une histoire et une culture très anciennes ainsi qu’une longue tradition de coexistence entre les différents groupes ethniques vivant dans le pays, qui sont reflétées dans la langue tadjike actuelle, mélange de tadjik, de farsi et de dari (variante du farsi parlé en Afghanistan).

9.La République du Tadjikistan, malgré la relative stabilité retrouvée depuis la fin de la guerre civile, traverse une période difficile, caractérisée par une situation économique désastreuse, un taux de chômage tellement élevé et des salaires si bas que les Tadjiks sont contraints d’émigrer en nombre vers la Russie, malgré la clandestinité et l’exploitation qui les y attendent la plupart du temps. Pour beaucoup, l’apprentissage du russe est d’ailleurs essentiellement motivé par la perspective d’émigrer, et ces départs en masse nuisent au développement du pays. Malgré cela, le Tadjikistan a ratifié un nombre important d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. D’autres textes fondamentaux pourront suivre dès que le pays aura mis en place les conditions qui lui permettront d’en appliquer les dispositions.

10.M. Avtonomov note avec satisfaction que le Tadjikistan n’a pas émis de réserves lors de la signature de la Convention, mais regrette qu’il n’ait pas fait la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention ni accepté la révision de l’article 8. Le rapporteur appelle l’attention du Comité sur le fait que le retard intervenu dans la présentation du rapport − dont il faut souligner qu’il a été élaboré conformément aux principes directeurs du Comité − s’explique par la guerre civile qui ravageait le pays récemment encore.

11.M. Avtonomov salue en outre la création d’un organe interdépartements chargé de l’élaboration des rapports que le Tadjikistan est tenu de présenter en vertu des instruments internationaux auxquels il est Partie, ce qui ne peut que favoriser la coopération entre les différentes institutions de l’État et, partant, permettre de mieux mettre en œuvre les divers traités internationaux.

12.M. Avtonomov note avec satisfaction que le rapport décrit les mesures qui ont été ou seront prochainement prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action adoptés à la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, tenue à Durban en 2001.

13.M. Avtonomov note également avec satisfaction que bien que les associations de minorités nationales, communautés, sociétés et centres culturels n’aient pas participé activement à la rédaction du rapport, une quinzaine d’entre elles ont été consultées à cette fin, ce qui a permis de jeter les bases d’une relation de travail entre la société civile et les autorités tadjikes. À ce propos, il aimerait savoir selon quels critères le Ministère de la justice procède à l’enregistrement de ces associations.

14.Se référant au tableau 5 du rapport concernant les manuels d’enseignement dans les langues des minorités nationales, M. Avtonomov voudrait savoir pourquoi aucun manuel n’a été publié en russe en 2000 et 2001, et se demande si la préférence n’a pas été donnée, au cours de cette période, au renouvellement des manuels en ouzbek, langue qui utilise désormais l’alphabet latin et non plus le cyrillique.

15.Lisant au paragraphe 18 qu’il n’existe pas de jurisprudence relative aux articles du Code pénal qui traitent des actes portant atteinte à l’égalité en droits des citoyens, M. Avtonomov insiste sur le fait que l’absence de statistiques sur les délits motivés par la haine raciale ou ethnique ne signifie pas nécessairement que le pays est exempt de crimes de cette nature, et estime souhaitable que les autorités compétentes cherchent à expliquer pourquoi aucune plainte n’a été déposée pour ce motif.

16.M. Avtonomov souhaiterait en outre connaître les restrictions que le Gouvernement peut imposer aux étrangers dans le choix de leur lieu de résidence dans certaines localités du pays, dans l’intérêt de la sécurité de l’État, de l’ordre et de la santé publics (par. 59). Il demande notamment quelles formalités les étrangers en question ont à remplir, s’il existe des procédures établies, si les autorités compétentes procèdent à des expulsions, et qui résout les différends entre les autorités et les particuliers.

17.M. Avtonomov regrette que le rapport ne donne aucun renseignement sur la situation des Roms dans le pays. Se fondant sur des sources dignes de foi, il croit savoir que la taille de ce groupe de population a augmenté plus que tout autre entre 1989 et 2000, ce qui tend à prouver qu’il se sent bien dans l’État partie. Est‑ce l’avis de la délégation?

18.D’une manière générale, il semble que les relations interethniques soient bonnes dans l’État partie et les liens très forts entre les différentes communautés, même si la langue parlée dans le Haut-Badakchan est très différente de celle qu’on parle à Douchanbé. Les mentalités ont en outre profondément évolué au Tadjikistan, l’appartenance à un groupe ethnique, qui était autrefois un critère d’identification sociale déterminant, semblant avoir perdu toute importance.

19.M. VALENCIA RODRIGUEZ rappelle que le Tadjikistan est un pays multiethnique au sein duquel sont regroupés 120 nationalités et groupes ethniques, qui a été déchiré par des luttes interethniques jusqu’à l’Accord général de 1997 sur l’instauration de la paix et de l’entente nationale au Tadjikistan. Après l’indépendance, une des tâches prioritaires a été d’encourager les minorités à affirmer leurs origines ethniques, leur langue, leurs coutumes et leurs traditions.

20.M. Valencia Rodriguez fait observer que la Constitution et d’autres textes juridiques interdisent et sanctionnent la discrimination raciale, mais lit au paragraphe 4 du rapport que certaines dispositions de la Convention n’ont toujours pas été intégrées concrètement dans la législation et la pratique administrative du Tadjikistan. Il serait selon lui souhaitable que l’État partie comble ce vide juridique, et confirme par ailleurs l’information selon laquelle la Convention prime le droit interne et peut à ce titre être directement invoquée devant les tribunaux.

21.S’agissant du paragraphe 6 du rapport, M. Valencia Rodriguez serait intéressé de savoir quelles sont les langues «reconnues» dans lesquelles tout citoyen peut recevoir des documents officiels. À propos du paragraphe 10 du rapport indiquant que l’enseignement primaire et secondaire est dispensé en cinq langues, il demande combien d’établissements dispensent un enseignement bilingue et combien d’enfants bénéficient de ce type d’enseignement.

22.M. Valencia Rodriguez voudrait savoir quelles sont les conditions de vie du groupe relativement important de réfugiés afghans vivant sur son territoire, sachant notamment que la citoyenneté tadjike leur est refusée même lorsqu’ils réunissent les critères requis et que les personnes en provenance de certains pays se voient systématiquement refuser le statut de réfugié.

23.M. Valencia Rodriguez est d’avis que la Constitution, les articles 143 et 189 du Code pénal et l’article 6 de la loi sur les associations publiques permettent d’affirmer que, dans l’ensemble, l’État partie satisfait aux exigences de l’article 4 de la Convention mais estime indispensable que ces dispositions soient coordonnées et uniformisées.

24.S’agissant de la mise en œuvre de l’article 5, l’expert demande dans quelle mesure les groupes minoritaires ont accès aux principaux organes de la fonction publique.

25.À propos du tableau 6 du rapport qui fait apparaître que le Tadjikistan a depuis toujours un solde migratoire négatif, M. Valencia Rodriguez souhaite que la délégation explique de quelle manière ce phénomène a touché les groupes minoritaires, en particulier les Russes.

26.M. Valencia Rodriguez souhaite aussi savoir quels sont les groupes minoritaires qui bénéficient le moins des garanties juridiques, institutionnelles et économiques prévues par la loi de 2003 sur l’aide à l’emploi de la population dont il est question au paragraphe 114 du rapport et si des plaintes ont été déposées, devant les instances administratives ou judiciaires, pour des actes de discrimination dans l’emploi. De plus, il serait intéressant de savoir si les travailleurs étrangers peuvent se syndiquer au même titre que les autres travailleurs.

27.Notant au paragraphe 138 du rapport que les étrangers et les apatrides vivant en République du Tadjikistan ont droit aux mêmes pensions que les citoyens tadjiks «sauf disposition contraire de la loi», M. Valencia Rodriguez voudrait savoir quels sont les cas dans lesquels la loi ne le permet pas, et selon quels critères.

28.D’après le paragraphe 141 du rapport, le Code du travail prévoit le versement d’allocations chômage. À cet égard, il serait intéressant de savoir quels groupes ethniques sont le plus touchés par ce fléau et quelles mesures ont été prises pour améliorer la situation sur la base du principe d’égalité.

29.M. Valencia Rodriguez déplore l’absence dans le rapport de données détaillées sur les normes juridiques qui ont été adoptées pour mettre en œuvre l’article 6 de la Convention et demande un complément d’information à ce sujet.

30.S’agissant de l’article 7 de la Convention, le membre du Comité note avec satisfaction la constitution de différentes associations de groupes minoritaires, la publication de journaux et de revues par et pour ces groupes, ainsi que l’organisation d’événements culturels qui tendent à promouvoir la tolérance et la compréhension mutuelle.

31.M. de GOUTTES dit que le Tadjikistan, compte tenu de son histoire complexe, de sa situation économique difficile et du caractère pluriethnique de sa population, doit construire un modèle efficace de coopération interethnique entre les différents groupes qui peuplent le pays (par. 2).

32.S’agissant de la préparation du rapport, M. de Gouttes demande à la délégation de confirmer si, comme l’indique le rapport du Bureau des Nations Unies pour l’aide à la consolidation de la paix au Tadjikistan, des ONG et des groupes de minorités nationales ont été consultés aux fins de l’élaboration du rapport. Par ailleurs, M. de Gouttes demande si le Gouvernement tadjik a l’intention de créer une institution nationale des droits de l’homme qui soit conforme aux Principes de Paris.

33.En ce qui concerne la mise en œuvre de l’article 4 de la Convention, M. de Gouttes estime que l’article 62 du Code pénal (par. 32), qui définit les motivations d’infraction constituant des circonstances aggravantes, devrait être complété afin que la motivation liée à l’appartenance raciale, qui n’est pas expressément visée par le texte actuel, soit également considérée comme circonstance aggravante d’une infraction.

34.S’agissant de la mise en œuvre de l’article 5 de la Convention, M. de Gouttes demande quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour décourager les Tadjiks (quelque 600 000 d’après l’Organisation internationale des migrations) d’aller travailler à l’étranger, principalement en Fédération de Russie.

35.Pour ce qui est de la mise en œuvre de l’article 6 de la Convention, M. de Gouttes lit au paragraphe 18 du rapport qu’il n’existe pas de jurisprudence relative à l’application des dispositions pénales sanctionnant la discrimination. Il rappelle à cet égard que l’absence de plaintes ou de poursuites n’est pas nécessairement un indicateur positif mais peut traduire une méconnaissance de leurs droits par les victimes, un manque de confiance dans les autorités, la crainte de représailles, ou encore une mobilisation insuffisante des autorités de police et de justice à l’égard de ce type d’infraction. Il souhaite, par conséquent, que le prochain rapport du Tadjikistan fournisse des données plus détaillées sur la jurisprudence en la matière. En outre, il souhaite savoir si la traduction, dans la langue du justiciable, des dossiers de l’instruction et du procès est gratuite. Enfin, M. de Gouttes souhaite savoir quelles sont les grandes lignes de la loi contre le terrorisme adoptée en 1999 par le Gouvernement tadjik.

36.M. KJAERUM souligne à son tour les graves difficultés que le Tadjikistan a rencontrées et salue les avancées qu’il a faites en dépit des circonstances. Il espère que le Gouvernement veillera à ce que les observations finales du Comité concernant le rapport considéré soient diffusées à la société civile ainsi qu’aux organismes publics pour que ces derniers s’en inspirent pour prendre les mesures nécessaires à la mise en œuvre de la Convention.

37.M. Kjaerum est préoccupé par les informations selon lesquelles certains réfugiés et demandeurs d’asile auraient été expulsés vers leur pays d’origine alors que leur demande était en cours d’examen et qu’ils satisfaisaient par conséquent aux critères requis pour l’obtention du statut de réfugié fixés dans la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Il demande un complément d’information à ce sujet. En outre, sachant que l’article 23 de la loi sur la citoyenneté permet à tout réfugié ayant résidé légalement pendant au moins deux ans et demi sur le territoire de la République du Tadjikistan d’obtenir la nationalité tadjike, il se demande pourquoi aucun réfugié ne l’a jusqu’à présent acquise de cette manière.

38.M. Kjaerum souhaite savoir si la traite des êtres humains constitue un délit pénal au Tadjikistan. Il souhaite également savoir si la communauté rom est effectivement marginalisée dans le pays, comme l’affirment certaines sources d’information. Enfin, il aimerait connaître le mandat de la commission gouvernementale chargée de veiller à ce que l’État partie s’acquitte de ses obligations dans le domaine des droits de l’homme et savoir si le Gouvernement entend la remplacer par un organe qui soit conforme aux Principes de Paris.

39.M. PILLAI note avec satisfaction que le Tadjikistan a ratifié la Convention internationale de 1990 sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Il regrette l’absence d’informations dans le rapport sur l’application concrète des dispositions constitutionnelles et législatives relatives à la discrimination raciale et engage l’État partie à créer des mécanismes et des procédures pour assurer le suivi de l’application de sa législation en la matière. M. Pillai note la grande diversité ethnique de la population tadjike et souhaiterait obtenir des informations sur la façon dont les différents groupes ethniques peuvent exercer leurs droits fondamentaux. Par ailleurs, il est préoccupé par les informations selon lesquelles le système judiciaire subirait des pressions de l’exécutif, et appelle l’attention de la délégation sur l’importance de l’impartialité des institutions judiciaires, en particulier dans le domaine des droits de l’homme. Il exhorte l’État partie à veiller à cette question dans le cadre de la réforme de l’appareil judiciaire. Il se félicite qu’un grand nombre de programmes d’éducation, de formation et de sensibilisation à la discrimination raciale soient menés à l’intention des forces de l’ordre, des magistrats et des agents de la fonction publique, et demande si l’État partie a procédé à une évaluation de leur efficacité. Enfin, l’expert souhaite obtenir des précisions sur la coopération qui s’est instaurée entre l’État partie et des organisations non gouvernementales dans le cadre de diverses activités de promotion des droits de l’homme et de lutte contre la discrimination raciale.

40.M. AMIR se félicite que le Tadjikistan ait créé une commission des droits de l’homme dont le mandat consiste notamment à enquêter sur les allégations de discrimination raciale, mais il pense que l’État partie devrait se conformer aux Principes de Paris afin de mieux garantir l’impartialité et l’indépendance de cette institution. Par ailleurs, il note que la Constitution comprend un certain nombre de dispositions liées directement ou non à la discrimination raciale, mais déplore que la notion de discrimination raciale n’y soit pas expressément définie.

41.M. SICILIANOS félicite le Tadjikistan pour la clarté de son rapport et la richesse des informations qui y sont fournies sur la législation pénale relative à l’article 4 de la Convention. À cet égard, il pense que l’État partie devrait faire de la motivation raciale une circonstance aggravante pour les délits à caractère racial. À propos du tableau 1 figurant dans le rapport, il demande pourquoi les pourcentages relatifs aux différents groupes ethniques, surtout les Ouzbeks et les Ukrainiens, ont diminué de manière si sensible entre les recensements de la population de 2000 et 1989. Il demande également l’opinion de la délégation sur les informations selon lesquelles les médias radiotélévisuels rechigneraient à diffuser des programmes en ouzbek et les écoles ouzbeks suivraient les anciens programmes scolaires et l’alphabet cyrillique, situation qui contribuerait aux difficultés des jeunes Ouzbeks à trouver un travail à la sortie de l’école. Par ailleurs, M. Sicilianos demande ce qu’il en est des informations selon lesquelles la nouvelle loi sur les réfugiés du 10 mai 2002 ne serait pas totalement conforme à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

42.M. TANG félicite l’État partie d’avoir réussi à élaborer en quelques années, depuis son accession à l’indépendance, une législation relativement complète en matière de discrimination raciale. S’agissant de l’article 4 de la Convention, il note que le Code pénal répond globalement aux exigences définies dans la Convention, mais souhaite obtenir des exemples concrets de poursuites ou de peines pour discrimination raciale. Par ailleurs, croyant savoir que la communauté rom, qui serait de plus en plus nombreuse au Tadjikistan, serait victime de discriminations, il s’étonne que l’État partie n’ait fourni aucune information à ce sujet.

43.Mme JANUARY‑BARDILL est pleinement consciente des difficultés auxquelles l’État partie a dû faire face depuis la fin de la guerre civile et salue les efforts déployés dans le domaine législatif pour lutter contre la discrimination raciale. Elle note au paragraphe 4 du rapport que la définition des mots «discrimination raciale» ainsi que d’autres dispositions de la Convention n’ont toujours pas reçu d’expression concrète dans la législation nationale, et souhaite obtenir des renseignements sur les manifestations concrètes de la discrimination raciale dans le pays. Elle demande également quelles sont les institutions chargées de protéger et de promouvoir les droits fondamentaux de la population. Enfin, elle appelle l’attention de l’État partie sur la recommandation générale XXV du Comité concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale et l’invite à faire figurer dans son prochain rapport des renseignements sur la façon dont les femmes sont particulièrement touchées par la discrimination raciale.

44.M. SHAHI considère que le Tadjikistan devrait redéfinir le mandat de la commission nationale des droits de l’homme en se fondant sur les Principes de Paris, afin de la mettre en mesure de s’acquitter de sa mission en toute indépendance. Il demande des informations sur la communauté rom ainsi que sur la représentation des différents groupes ethniques dans le système politique et dans la fonction publique tadjiks.

45.M. BOYD signale que le Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU au Tadjikistan a montré dans un rapport récent à quel point la notion d’identité ethnique était devenue un facteur important dans la guerre civile qui a pris fin à la fin des années 90. M. Boyd souhaite savoir à ce sujet quels programmes existent ou pourraient être envisagés afin de garantir la réconciliation politique et ethnique et l’intégration de la centaine de groupes nationaux et ethniques qui vivent dans le pays. Il souhaite également savoir si les autorités tadjikes ont prévu des modalités de restitution ou de dédommagement pour les personnes qui ont été dépossédées de leurs biens ou ont subi des violences à caractère ethnique au cours du conflit.

46.M. LINDGREN relève que 120 groupes nationaux ou ethniques vivent au Tadjikistan et que, selon la délégation, aucune des nombreuses communautés vivant sur le territoire tadjik ne manifeste une quelconque volonté de séparatisme ou d’autonomie. Il trouve miraculeux qu’un si grand nombre de groupes ethniques différents soient si étroitement unis dans un si petit pays.

47.Le PRÉSIDENT dit que le Comité poursuivra l’examen du rapport périodique du Tadjikistan à la séance suivante.

La séance est suspendue à 17 h 35; elle est reprise à 17 h 40.

PRÉVENTION DE LA DISCRIMINATION RACIALE, Y COMPRIS LES MESURES D’ALERTE RAPIDE ET LA PROCÉDURE D’ACTION URGENTE (point 3 de l’ordre du jour)

Constitution d’un groupe de travail chargé d’examiner la suite donnée aux décisions et recommandations adoptées par le Comité en application du système de mesures d’alerte rapide et de procédures d’urgence

48.Le PRÉSIDENT dit que plusieurs membres du Comité, M. Calitzay, M. Avtnomov, M. de Gouttes, M. Shahi et Mme January‑Bardill, se sont proposés pour constituer un groupe de travail chargé du système de mesures d’alerte rapide et de procédures d’urgence. Mme January‑Bardill pourrait être chargée de coordonner les activités de ce groupe de travail.

49. M. LINDGREN s’interroge sur cette proposition étant donné qu’un membre du Comité s’occupe déjà des questions concernant le système de mesures d’alerte rapide et de procédures d’urgence.

50. M me  PROUVEZ (Haut ‑Commissariat aux droits de l’homme, Secrétaire du Comité) explique à l’intention de M. Lindgren qu’il est dit à l’annexe IV du rapport annuel du Comité sur sa cinquante ‑huitième session (A/58/18), intitulée «Présentation des méthodes de travail du Comité», que «le Comité pourrait décider de constituer un groupe de travail chargé d’examiner la suite donnée aux décisions et recommandations adoptées par le Comité en application du système de mesures d’alerte rapide et de procédures d’urgence, et de faire des suggestions à cet égard.».

51.M. de GOUTTES approuve la proposition visant à établir le groupe de travail envisagé mais souhaite que celui‑ci soit ouvert à tous les membres du Comité. Il est important que les experts qui le souhaitent puissent formuler des suggestions dans le cadre de ce groupe de travail car les mesures décidées en vertu du système de mesures d’alerte rapide et de procédures d’urgence constituent l’une des activités les plus délicates et les plus sensibles du Comité.

52.Le PRÉSIDENT croit comprendre que l’observation de M. de Gouttes ne soulève pas d’objections. Il propose donc que les cinq membres concernés du groupe de travail se mettent au travail le plus rapidement possible afin de déterminer les cas que le Comité doit traiter d’urgence.

53. Il en est ainsi décidé.

QUESTIONS D’ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES (point 2 de l’ordre du jour) (suite)

Organisation d’un débat thématique sur la prévention des génocides

54.Le PRÉSIDENT dit avoir invité M. Juan Méndez, Conseiller spécial du Secrétaire général de l’ONU chargé de la prévention des génocides, à participer à un débat thématique que le Comité pourrait organiser sur cette question en mars 2005. L’objectif de ce débat ne serait pas l’adoption d’une recommandation générale, mais de préciser certains aspects de la prévention des génocides de manière à permettre au Comité de prévoir les génocides et d’intervenir en temps utile.

55.En l’absence d’objections, le Président croit comprendre que le Comité approuve la proposition de tenir un débat thématique sur la prévention des génocides à sa soixante‑sixième session, en mars 2005.

56. Il en est ainsi décidé.

La séance est levée à 18 heures.

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