NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l'élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/SR.1625

8 mars 2004

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑quatrième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1625e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 2 mars 2004, à 10 heures

Président: M. Yutzis

SOMMAIRE

QUESTIONS D’ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES (suite)

Débat thématique sur les non‑ressortissants et la discrimination (suite)

La séance est ouverte à 10 h 15.

QUESTIONS D’ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Débat thématique sur les non-ressortissants et la discrimination (suite)

1.M. TARAN (Bureau international du Travail) estime que le débat reflète l’ampleur, la profondeur et la perversité de la discrimination dont font l’objet les non-ressortissants dans toutes les parties du monde. Selon une étude récente du BIT, sur les 175 millions de personnes qui vivent en dehors de leur pays d’origine, 86,3 millions sont économiquement actives. Or, aujourd’hui, les phénomènes associés à la mondialisation ont accru la compétition économique et la pression sur les coûts pour les entreprises, ce qui, conjugué à la déréglementation des marchés, exerce des pressions négatives sur les salaires et les conditions de travail. Dans les pays industrialisés et dans certains pays en développement, l’informalisation, la croissance des marchés du travail dualistes et les tendances démographiques ont accru la demande de main‑d’œuvre étrangère peu coûteuse et docile. Pour faire baisser le coût de cette main‑d’œuvre on s’en sépare lorsque l’on n’en a pas besoin en privant de tout statut légal les travailleurs migrants qui se trouvent ainsi soumis à des violations éhontées de leurs droits et de leur dignité, sans protection ou recours juridiques.

2.L’Organisation internationale du Travail (OIT) met depuis longtemps l’accent sur la nécessité de mobiliser toutes ses capacités dans le domaine normatif, de la coopération technique et de la recherche, en faveur notamment des migrants. Les droits et principes fondamentaux au travail de l’OIT constituent un élément clef du système international de protection des droits de l’homme et de la primauté du droit, notamment pour les travailleurs migrants.

3.M. Taran rappelle que la notion de protection des droits des non-ressortissants est inscrite dans la Constitution de 1919 de l’OIT et qu’elle a été complétée par plusieurs instruments, dont la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille qui a été adoptée en 1990 et est entrée en vigueur en juillet 2003. Étant donné les dissensions croissantes sur la protection des travailleurs étrangers, la Conférence internationale du Travail de l’OIT consacrera, à sa session de juin 2004, un débat général à la question des travailleurs migrants. Les études préparatoires confirment que les travailleurs étrangers sont victimes de graves violations de leurs droits dans toutes les régions du monde, mais les données disponibles ne permettent pas généralement de savoir si ces violations découlent de leur situation de non‑ressortissants, ou du fait qu’ils sont perçus comme appartenant à des minorités raciales ou ethniques, ou de ces deux raisons.

4.Le BIT est convaincu que le cadre pour les migrations que les États et l’ONU envisagent d’élaborer doit être fondé sur des normes internationales, dont la prévention de la discrimination doit être une composante fondamentale. La Cour interaméricaine des droits de l’homme a adopté à l’unanimité, le 17 septembre 2003, une décision selon laquelle la qualité de migrant ne doit pas constituer une justification pour priver quiconque de la jouissance et de l’exercice de ses droits fondamentaux, notamment de ceux qui concernent le travail. La Cour a en outre estimé que la non-discrimination et le droit à l’égalité étaient des droits impératifs (jus cogens) applicables à tous les résidents d’un pays, indépendamment de leur statut en matière d’immigration. Il serait très utile que le Comité adopte une nouvelle recommandation générale sur la question des non‑ressortissants en tenant compte de cette décision.

5.La lutte contre la discrimination exige le renforcement de la notion d’égalité de traitement des non-ressortissants et sa mise en œuvre effective. Il faut donc limiter au minimum toutes exceptions au droit à l’égalité et à une protection complète. Il faut également les définir de manière claire, précise et proportionnée, les justifier et les soumettre à une procédure de révision judiciaire sérieuse.

6.M. KJAERUM estime que le débat a permis de mieux comprendre la complexité et l’ampleur des problèmes auxquels sont confrontés les non-ressortissants et de mieux réfléchir à la manière de traiter au mieux ce fléau planétaire. Il a en outre fait apparaître clairement que les travaux du Comité sont au cœur de l’ordre du jour de bon nombre d’organisations et d’institutions internationales.

7.L’expert dit qu’il est évident que les 175 millions de non-ressortissants vivant actuellement dans le monde se heurtent à des problèmes extrêmement complexes et nombreux liés en partie au fait qu’ils ne disposent pas de statut légal dans les pays d’accueil. Certains de ces problèmes ont trait à l’administration de la justice, à l’inégalité devant la loi, aux brutalités policières et aux expulsions arbitraires, en particulier depuis les événements du 11 septembre 2001. Les non-ressortissants sont aussi trop souvent l’objet de discrimination dans le domaine du logement, de l’accès à l’emploi et des conditions de travail.

8.M. Kjaerum rappelle que le Comité a abordé plusieurs aspects de cette question dans sa Recommandation générale XI dans laquelle il a réaffirmé que le paragraphe 2 de l’article premier de la Convention ne saurait être interprété comme autorisant les États parties à prendre des mesures qui auraient pour effet d’établir des distinctions entre les ressortissants et les non‑ressortissants. La séance en cours devrait, à son avis, mettre l’accent sur la question fondamentale de la protection des non-ressortissants et sur la contribution concrète du Comité à l’amélioration de cette protection.

9.M. PILLAI estime qu’il ressort clairement des divers exposés entendus à la précédente séance du Comité que les problèmes rencontrés par les non-ressortissants sont universels, complexes et divers, et qu’ils ne sont pas compris de la même manière par tous les États parties. Les problèmes se sont diversifiés et aggravés, d’une part, parce que la mondialisation économique et la présence de sociétés transnationales dans les économies libéralisées ont contribué à la progression des phénomènes migratoires internationaux, tant légaux qu’illégaux, et que, d’autre part, l’apparition d’organisations criminelles organisées a provoqué des migrations internationales illégales sans précédent.

10.Les événements du 11 septembre 2001 aux États-Unis ont également constitué un tournant car les États ont été encouragés à appliquer, au nom de leur sécurité nationale, des mesures draconiennes qui ont exacerbé la situation des non-ressortissants et des apatrides. M. Pillai rappelle qu’en 2003 seuls 55 États dans le monde avaient ratifié la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et 27 seulement la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie. Très peu d’informations sont disponibles sur les apatrides car peu d’États possèdent les mécanismes appropriés d’enregistrement des apatrides et des non-ressortissants. Une définition précise des non-ressortissants devrait être élaborée d’urgence.

11.M. Pillai souligne également que le risque que les questions relatives aux migrations soient exploitées par les partis politiques est bien réel et que le Comité peut contribuer à le déjouer. Le Comité pourrait également promouvoir la ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. M. Pillai préconise l’adoption d’une recommandation générale sur les non-ressortissants et la discrimination à l’issue du débat thématique.

12.M. THORNBERRY estime que l’article premier de la Convention présente la définition générale de la discrimination raciale, ainsi que des exceptions possibles (par. 2 et 3). Il est donc clair que la discrimination fondée sur la race, l’ethnie ou l’origine nationale est contraire à la Convention, qu’elle touche des ressortissants ou des non-ressortissants d’un État partie, et que les exceptions doivent être interprétées de la manière la plus stricte possible.

13.M. Thornberry rappelle que la Convention n’a pas créé un nouvel ensemble de droits positifs mais qu’elle s’est inspirée des droits coutumiers et des normes impératives du droit international. Bien sûr, des restrictions s’appliquent dans certains cas et dans certains États parties aux non-ressortissants, notamment dans le domaine des droits économiques et politiques et de la liberté de circulation. De plus en plus d’États reconnaissent cependant aux non‑ressortissants le droit de participer à des élections locales, et les restrictions en matière d’emploi restent étroitement soumises à des garanties normatives et procédurales.

14.M. Thornberry constate que le nouvel ordre mondial a incité un certain nombre d’États à revendiquer des privilèges souverains supposés justifier certaines pratiques contraires au respect des droits de l’homme. Il estime que le Comité devrait impérativement se pencher sur la dérive sécuritaire de certains États qui les pousse à limiter les droits de certaines catégories de personnes, et faire en sorte que la Convention contribue de façon aussi efficace que possible à combattre la discrimination dont les non-ressortissants font l’objet car cette discrimination menace le tissu social de toutes les sociétés. Il devrait en outre formuler une recommandation générale sur les non‑ressortissants qui soit adaptée à la situation actuelle et qui incite les États parties à prendre des mesures concrètes de protection dans ce domaine.

15.M. VALENCIA RODRÍGUEZ dit qu’il faut distinguer deux grandes catégories d’étrangers, à savoir ceux qui sont en situation régulière et ceux, comme les réfugiés, les demandeurs d’asile, les apatrides ou encore les migrants légaux et illégaux, dont les droits ne sont pas entièrement reconnus. Il ajoute que les personnes originaires des pays en développement, des pays d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique latine ou encore les Noirs et les Arabes sont souvent traités de manière différente, voire discriminatoire.

16.Les droits des étrangers sont souvent limités, en particulier le droit à la propriété, à la libre circulation, au travail, au logement, à l’éducation et aux services de santé. Très souvent, les étrangers n’ont pas le droit de contracter mariage avec des ressortissants de leur pays de résidence ni celui de pratiquer leur religion, et il n’est pas rare que les employeurs confisquent le passeport de leurs employés de maison. Enfin, il n’est pas rare que le nombre d’étrangers incarcérés augmente et soit majoritaire parmi les condamnés à mort.

17.M. Valencia Rodríguez souligne que depuis les événements du 11 septembre 2001 de nombreux pays, notamment les États‑Unis d’Amérique, ont adopté des lois antiterroristes qui ont abouti à des politiques d’immigration restrictives et, dans les faits, à des pratiques discriminatoires et de nature xénophobe à l’égard des musulmans et des Arabes qui font entre autres l’objet d’actions répressives et de mauvais traitements. Dans certains pays, des résidents en situation régulière ont même perdu leur emploi et ont été expulsés sans possibilité de recours, et des tribunaux militaires ont été créés pour juger des étrangers suspectés d’avoir quelque lien avec le terrorisme. Dans sa résolution du 8 mars 2002, le Comité a souligné que les mesures antiterroristes doivent rester conformes aux dispositions de la Charte et ne sont légitimes que si elles respectent les principes fondamentaux et les normes universellement reconnues du droit international. La lutte contre le terrorisme ne doit pas conduire à des discriminations au motif de la race, de la couleur, de la langue ou de l’origine nationale ou ethnique.

18.Les ressortissants des pays membres d’organisations régionales de caractère politique ou d’intégration, comme l’Union européenne, jouissent d’avantages dont sont privés les non‑ressortissants, entre autres, le droit d’entrer et de circuler dans le pays, d’y travailler, de bénéficier de la sécurité sociale, de rester dans le pays s’ils sont sans emploi et de recevoir des allocations chômage, ainsi que les droits à l’éducation, à la santé et à la propriété immobilière. Il ne fait aucun doute que ces systèmes régionaux ne respectent pas la disposition de la Convention qui interdit la discrimination à l’égard «d’une nationalité particulière».

19.À titre de conclusion, M. Valencia Rodríguez dit que les distinctions, exclusions, restrictions ou préférences dont il est question au paragraphe 2 de l’article premier de la Convention peuvent être établies entre les ressortissants et les non‑ressortissants, mais pas contre des groupes particuliers d’étrangers et, qu’au vu des législations nationales, qui prévoient un large éventail de limitations et de restrictions, il n’y a pas d’égalité de fait entre les nationaux et les étrangers. Il ajoute que le droit international admet certaines exceptions aux droits dont jouissent les étrangers, s’agissant des droits politiques notamment, et que les migrants sans papiers sont le groupe qui souffre le plus de la discrimination, étant privés de droits fondamentaux comme le droit à la vie, de ne pas être torturés et de ne pas être victimes de traitements inhumains ou dégradants, de ne pas être traités comme des délinquants et de ne pas être incarcérés avec des détenus de droit commun, d’avoir accès à la justice et d’obtenir que leurs besoins urgents en matière de santé et de services sociaux soient pris en charge.

20.Enfin, M. Valencia Rodríguez juge nécessaire de recommander aux États parties de prendre des mesures pour garantir une égalité effective entre les nationaux et les étrangers, en se fondant, au sens large, sur le paragraphe 3 de la résolution de la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme en date du 7 août 2003, préconisant un traitement égal des ressortissants et des non‑ressortissants.

21.M. SICILIANOS dit que la nouvelle recommandation générale devra fournir la définition des «non-ressortissants» la plus large possible, et donc viser tous les émigrés, résidents – légaux ou illégaux −, les demandeurs d’asile, les réfugiés et les apatrides dans le cadre d’une approche intégrée. Il faudrait selon lui préciser que le paragraphe 2 de l’article premier de la Convention ne saurait porter atteinte aux droits et libertés énoncés dans d’autres instruments, et examiner de près la question de la portée du principe de non-discrimination en vue d’entériner l’arrêt de la Cour interaméricaine des droits de l’homme du 17 novembre 2003. Il faudrait également consacrer un chapitre à la lutte contre les actes qui incitent à la haine raciale, aux attitudes répréhensibles des forces de l’ordre, à la détention des immigrés avec des prisonniers de droit commun, à la question de l’administration de la justice, des expulsions et du refoulement ainsi qu’aux problèmes qu’ont engendrés par ricochet les attentats du 11 septembre. Il conviendrait en outre d’aborder la question des mariages mixtes, notamment leurs conséquences en matière de naturalisation et de transmission de la citoyenneté aux enfants qui en sont issus. Il serait aussi intéressant de consacrer une partie du document à la discrimination en matière d’emploi, de logement et d’éducation dont sont victimes les non-ressortissants, et surtout de la traite dont ils font souvent l’objet, qui les réduit à vivre dans des conditions proches de l’esclavage. Enfin, il faudrait se pencher sur la question des discriminations multiples, qui touchent notamment les femmes ou les enfants apatrides, réfugiés ou immigrés.

22.M. CALITZAY souligne qu’il importe de rédiger une nouvelle recommandation générale du Comité concernant notamment la lutte contre la xénophobie car la présence de travailleurs migrants dans un pays fait souvent resurgir un sentiment de méfiance vis‑à‑vis de l’étranger et à le diaboliser. Certains dirigeants politiques s’en servent pour susciter un sentiment nationaliste au sein de la population.

23.M. Calitzay appelle l’attention du Comité sur le fait que les migrants ne sont pas les seules personnes à souffrir de discrimination: les peuples autochtones n’ont généralement pas le droit de pratiquer leur propre culture, et les migrants saisonniers à l’intérieur de leur propre pays connaissent un sort quasi identique à celui des migrants internationaux. Il faut d’ailleurs savoir que ces derniers sont généralement plus maltraités dans les pays de transit que dans les pays de résidence. Il conviendra donc de mettre l’accent, dans la recommandation, sur leur extrême vulnérabilité.

24.Pour améliorer la situation, il faudrait inviter les États parties à mettre en œuvre le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et à se référer à la Recommandation générale XI du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale concernant les non-ressortissants et à l’Observation générale no 15 du Comité des droits de l’homme concernant la situation des étrangers au regard du Pacte.

25.M. TANG fait observer que les travailleurs migrants en situation régulière, à savoir ceux qui sont titulaires d’un permis de travail ou ceux qui ont obtenu le statut de réfugié, sont souvent victimes de persécutions, de discrimination et d’exploitation. Quant aux immigrants en situation irrégulière abusés par leurs passeurs, ils vivent dans des conditions très difficiles dans leurs pays de résidence, sont souvent détenus avec des criminels et subissent des traitements inhumains qui mettent leur vie en péril. Il serait donc souhaitable d’insister, dans la recommandation générale envisagée, pour que les États parties fournissent au Comité des informations sur les lois relatives aux étrangers lors de l’examen de leurs rapports. Étant donné que plus de 10 ans ont passé depuis que le Comité a adopté en 1993 la Recommandation générale XI concernant les non‑ressortissants et que le nombre de non-ressortissants n’a cessé d’augmenter, il faudrait définir plus précisément les droits fondamentaux de ces personnes et veiller à ce qu’ils reçoivent au moins un traitement humanitaire de base.

26.M. de GOUTTES souligne que la question des non-ressortissants s’inscrit dans une problématique qui oppose la souveraineté des États, à savoir leur droit d’exercer un contrôle à l’entrée sur leur territoire, et le respect des droits fondamentaux de tout être humain. Il regrette donc que les États ne se soient pas davantage exprimés sur ce sujet. Il s’agit selon lui, dans le cadre de la recommandation générale envisagée, d’insister sur le fait que les non-ressortissants connaissent un traitement différent selon qu’ils sont ou non originaires d’un pays ayant conclu des accords bilatéraux ou multilatéraux avec leur pays de résidence.

27.M. de Gouttes dit qu’il faut insister sur le rôle essentiel que jouent les médias dans l’évolution des mentalités et de l’opinion publique, notamment sur les mesures qu’il est possible de prendre pour lutter contre la propagande xénophobe ou encore l’incitation à la haine raciale ou ethnique, notamment par le biais d’Internet.

28.L’expert dit qu’il semblerait que la tendance des États à priver les non-ressortissants de leurs droits sociaux, y compris les étrangers en situation irrégulière, soit atténuée par la jurisprudence protectrice de la Cour européenne des droits de l’homme. Il reste néanmoins beaucoup à faire dans certains domaines, comme celui de l’administration de la justice et de l’accès des non-ressortissants à la justice, pour parvenir à une égalité de fait entre les ressortissants et les non-ressortissants. La recommandation générale pourrait donc insister sur la nécessité de dispenser des formations aux personnes chargées de l’application des lois et de veiller à ce que les non-ressortissants soient mieux informés de leurs droits, aient davantage accès à l’aide juridictionnelle et que les actes de racisme soient sanctionnés plus lourdement, et à ce que les victimes de tels actes puissent obtenir réparation. Enfin, il faudrait que les centres de rétention où sont placés les étrangers en situation irrégulière fassent l’objet d’un contrôle judiciaire et puissent être visités par les ONG de défense des droits de l’homme.

29.M. AVTONOMOV préconise de distinguer entre les non-ressortissants qui se trouvent temporairement sur le territoire d’un État et ceux qui y vivent depuis plusieurs générations, comme dans le cas des Russes d’Estonie ou de Lettonie ou encore des Chinois de Corée, qui devraient obtenir le statut de résident.

30.Les non-ressortissants sans documents de voyage, dont on ne sait pas s’ils sont arrivés légalement ou illégalement dans un pays, sont souvent en butte à des violations flagrantes de leurs droits fondamentaux, comme la détention arbitraire, et n’ont pas les moyens de gagner leur vie de manière licite. C’est ce qui les oblige à se tourner vers les réseaux criminels au sein desquels ils sont littéralement exploités. La nouvelle recommandation devra donc inviter les États à faire en sorte d’offrir des conditions de vie normales à ces personnes afin de leur permettre de s’intégrer à la société dans laquelle ils vivent et de lutter par tous les moyens contre la résurgence de tendances fascistes observée dans le monde entier.

31.M. LINDGREN ALVES a cru comprendre que le débat thématique avait pour objet d’examiner la question des droits fondamentaux des non-ressortissants qui seraient violés dans la lutte contre le terrorisme menée à la suite des attentats du 11 septembre 2001, fait nouveau qui constitue une menace pour tout le système international de protection des droits de l’homme. Or, il constate qu’à la séance de la veille, certaines ONG participantes étaient mal informées de la teneur du débat et du rôle des organes conventionnels, en particulier de celui du Comité qui n’a pas pour mandat d’entendre des témoignages sur des cas particuliers. Par conséquent, avant d’organiser un débat thématique, le Comité devrait toujours définir clairement la teneur des débats et leurs objectifs. Néanmoins, il salue le travail des ONG, dont Amnesty International, qui a soumis des propositions concrètes que le Comité devrait analyser pour les intégrer dans une future déclaration ou une recommandation générale sur les droits des non-ressortissants.

32.Constatant que le Comité des droits de l’homme évoque fréquemment la question de la traite des êtres humains pour expliquer la situation précaire des non-ressortissants, M. Lindgren Alves estime que les causes profondes de cette situation sont à rechercher plutôt dans les mauvaises conditions économiques dans les pays d’origine, qui poussent les personnes à émigrer et à accepter la précarité dans les pays de destination. Il est certes légitime − comme l’a dit le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée − de s’attendre à ce que les non‑ressortissants s’adaptent à la société dans laquelle ils vivent, mais il importe de définir des règles qui faciliteront leur intégration sans porter atteinte à leurs droits.

33.M. ABOUL-NASR estime lui aussi qu’il est certes important d’entendre l’avis des ONG sur les cas de non-ressortissants et sur le traitement qui leur est réservé dans différents pays, mais que ce travail n’entre pas dans le cadre du mandat du Comité, fixé au paragraphe 2 de l’article premier de la Convention. M. Aboul-Nasr est favorable à l’élaboration d’une recommandation ou d’une autre proposition acceptable sur les droits des non-ressortissants.

34.M. HERNDL estime que le principe fondamental de non-discrimination, qui est consacré par le droit international, devrait servir de point de départ à la réflexion du Comité sur les droits des non‑ressortissants, et qu’il faudrait insister sur le fait qu’il s’applique non seulement aux droits civils et politiques, mais également aux droits économiques, sociaux et culturels, où les discriminations commises sont graves.

35.Concrètement, le Comité devrait s’inspirer du libellé de ses Recommandations générales XI et XX concernant l’article 5 de la Convention pour élaborer une nouvelle recommandation générale sur les droits des non-ressortissants. Il devrait également suivre la proposition de la Sous-Commission de nommer un rapporteur spécial qui serait chargé d’étudier la situation des non-ressortissants dans le monde avec qui le Comité pourrait coopérer.

36.M. SHAHI fait sienne l’idée de M. Herndl qui a proposé que le Comité s’inspire du libellé de ses Recommandations générales XI et XX pour élaborer un nouvel instrument qui tiendrait compte de l’évolution récente de la situation mondiale et, plus particulièrement, des restrictions aux droits de l’homme commises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme menée à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Toutefois, le Comité devra faire preuve de prudence en évitant d’adopter un texte que les États parties seraient réticents à accepter s’il était rédigé en termes trop impératifs, en particulier en ce qui concerne le principe de non-discrimination dans le domaine des droits civils et politiques, sachant que le Comité ne peut émettre que des recommandations. Il serait judicieux de confier à un groupe de travail à composition non limitée la tâche d’élaborer ce projet préliminaire de recommandation générale, compte tenu des contributions du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme et des ONG.

37.Mme JANUARY-BARDILL dit que le débat thématique tombe à point nommé car les non‑ressortissants et les immigrés font l’objet de plus en plus de discrimination dans le monde, en particulier dans certains pays développés depuis les attentats du 11 septembre 2001. Étant donné que les pays accordent peu d’attention au respect des droits des non-ressortissants, il serait utile que le Comité réaffirme expressément les obligations qui incombent aux États parties en vertu de la Convention.

38.M. LINDGREN ALVES, précisant sa précédente intervention concernant les informations précises fournies par les ONG, souligne que le Comité s’enquiert systématiquement des droits des non-ressortissants lorsque les États parties lui présentent leurs rapports et est parfaitement conscient des problèmes qui se posent dans ce domaine. Par ailleurs, il se déclare tout à fait favorable à l’élaboration d’une recommandation générale sur les droits des non-ressortissants et à la proposition de charger un rapporteur spécial d’étudier la situation des non-ressortissants dans le monde.

39.M. KJAERUM se félicite que les ONG aient présenté au Comité des exemples très concrets de discrimination dont les non-ressortissants et les immigrés font l’objet. Il propose de charger un groupe de travail à composition non limitée du Comité d’élaborer un projet préliminaire de recommandation générale.

40.M. de GOUTTES regrette vivement la très faible participation des États parties car un débat contradictoire sur les questions relatives aux droits fondamentaux des non-ressortissants et à la logique de souveraineté des États aurait été intéressant.

41.M. AVTONOMOV dit que le Comité, dans sa recommandation générale sur les droits des non-ressortissants, ne devrait pas mettre uniquement l’accent sur les droits économiques et sociaux mais aussi sur les droits civils. Il est donc favorable à ce que le Comité fasse référence à sa Recommandation générale XX concernant l’article 5 de la Convention.

42.M. THORNBERRY fait observer que les droits des non-ressortissants à l’éducation et à la culture revêtent également une importance cruciale.

43.M. BOYD dit que le Comité devrait fournir des orientations très pratiques aux États parties dans sa recommandation générale. Les États parties disposeraient de critères qui les aideraient à déterminer si l’existence d’une distinction entre nationaux et non-ressortissants est acceptable ou discriminatoire. Le Comité pourrait aussi préciser les cas dans lesquels il est légitime pour un État d’adopter des mesures de contrôle des non-ressortissants et des immigrés pour préserver sa sécurité et combattre le terrorisme.

44.M. PILLAI cite les dispositions de la Recommandation générale XI concernant les non‑ressortissants, de la Recommandation générale XX concernant l’article 5 de la Convention et de l’article 6 de la Convention, que le Comité pourrait reprendre et étoffer dans sa prochaine recommandation générale.

45.Le PRÉSIDENT croit comprendre qu’il existe un consensus entre les membres du Comité concernant l’élaboration d’une recommandation générale sur les droits des non-ressortissants. Il propose donc de créer un groupe de travail à composition non limitée dont M. Kjaerum pourrait être le rapporteur et coordonnateur.

46.Il en est ainsi décidé.

La séance est levée à 12 h 45.

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