Nations Unies

CERD/C/SR.2567

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

21 août 2017

Original : français

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Quatre-vingt-treizième session

Compte rendu analytique de la 25 67 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 15 août 2017, à 10 heures

Président (e) : Mme Crickley

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements soumis par les États parties en application de l’article 9 de la Convention (suite)

Rapport du Canada valant vingt et unième à vingt-troisième rapports périodiques (suite)

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports, observations et renseignements soumis par les États parties en application de l’article 9 de la Convention

Rapport du Canada valant vingt et unième à vingt-troisième rapports périodiques (CERD/C/CAN/21-23 ; CERD/C/CAN/Q/21-23 ; HRI/CORE/CAN/2013)

1. Sur l’invitation de la Présidente , la délégation canadienne reprend place à la table du Comité.

2.La Présidente adresse ses condoléances à Mme Dah, membre du Comité originaire de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, où un attentat a fait 18 morts le dimanche 13 août 2017. Ses pensées vont aussi aux 18 victimes décédées lors de cette attaque terroriste, parmi lesquelles figurent deux Canadiens et trois Libanais.

3.M me Anderson (Canada) dit que le Gouvernement fédéral a décidé d’établir de nouvelles relations avec les autochtones fondées sur la reconnaissance de leurs droits, le respect, la coopération et l’esprit de partenariat. Dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, le Gouvernement fédéral compte allouer 120 milliards de dollars au cours des dix années suivantes aux politiques et programmes de réduction des inégalités, de promotion de l’égalité hommes-femmes et d’autonomisation des femmes. Le Gouvernement canadien a adopté une politique de protection et de revitalisation des langues et des cultures autochtones. Il a prévu d’investir 69 millions de dollars pour soutenir des projets linguistiques autochtones et a débloqué une enveloppe de 40,9 millions de dollars en vue de la numérisation des supports linguistiques et culturels autochtones. Différentes mesures allant dans le même sens ont également été prises par les provinces et les territoires.

4.M me Godin (Canada) dit que pour respecter le caractère francophone du Québec, la Charte de la langue française prévoit que tous les immigrés s’installant dans cette province doivent envoyer leurs enfants dans des écoles où l’enseignement est dispensé en français. Seuls les enfants des citoyens canadiens qui sont allés à l’école de langue anglaise dans le primaire ou le secondaire et les enfants dont un frère ou une sœur fréquente ou a fréquenté un établissement où l’enseignement est donné en anglais sont admis dans ces établissements. Des exceptions existent cependant pour les enfants des travailleurs temporaires et peuvent être également appliquées pour des raisons humanitaires qui relèvent du seul pouvoir discrétionnaire du Ministre de l’éducation. Dans un tout autre registre, Mme Godin indique que la ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille n’est pas à l’ordre du jour du Gouvernement fédéral.

5.En matière d’immigration, le Gouvernement fédéral travaille étroitement avec les gouvernements provinciaux et territoriaux afin de relever le taux d’immigration francophone hors du Québec, essentiellement pour assurer la vitalité des minorités francophones en situation minoritaire au Canada. Un programme de mobilité internationale francophone a été lancé en juin 2016 afin d’attirer au Canada des travailleurs étrangers francophones qualifiés et de les encourager à s’installer dans les communautés francophones hors du Québec. Sachant que les difficultés associées à la reconnaissance des compétences acquises à l’étranger constituent un obstacle majeur à l’insertion des immigrés sur le marché du travail, le Gouvernement québécois s’est engagé à financer, à hauteur de 5 millions de dollars au cours des cinq années suivantes, l’implantation d’un guichet unique québécois ; il nommera prochainement un spécialiste chargé de la mobilité internationale et de la reconnaissance des compétences professionnelles acquises à l’étranger.

6.M. Weldon (Canada) dit que le Gouvernement fédéral s’est engagé à donner pleinement effet aux 94 recommandations faites en 2015 par la Commission de vérité et réconciliation, établie dans le cadre de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens qui a été négociée pour trouverune résolution juste, complète et durable aux séquelles laissées par les pensionnats indiens. Le Gouvernement a pris différentes mesures pour donner effet, au niveau fédéral, à 48 de ces recommandations et poursuivra ses efforts pour appliquer les autres mesures recommandées. Dans le domaine des services à l’enfance et aux familles, la priorité est donnée à la situation des enfants des Premières Nations et à l’exécution des décisions de justice les concernant. Le Gouvernement fédéral, qui coopère étroitement avec les dirigeants et les communautés des Premières Nations, compte allouer 653 millions de dollars au cours des cinq années suivantes à l’offre de services adaptés et novateurs à cette catégorie de population. Un représentant ministériel a été nommé et chargé d’examiner les questions prioritaires en matière d’aide à l’enfance pour les familles des Premières Nations. Le Gouvernement fédéral coopère également avec l’Assemblée des Premières Nations pour recenser les éventuelles lacunes dans ce domaine. Depuis juillet 2016, 11 000 demandes de soutien social ont été approuvées par le Gouvernement fédéral.

7.Le Canada respecte le principe de consentement libre, préalable et éclairé des autochtones, qu’il considère comme essentiel pour leur permettre de prendre des décisions en matière de développement et d’être associés aux discussions concernant toute question touchant à leurs intérêts. Les gouvernements prennent au sérieux leurs obligations découlant de l’obligation légale de consulter les autochtones et de prendre des mesures d’adaptation lorsqu’ils envisagent d’adopter des mesures susceptibles d’avoir des répercussions négatives sur les droits issus de traités ou les droits ancestraux. En 2015, leGouvernement fédéral a nommé un représentant spécial qu’il a chargé de consulter lesgroupes autochtones, le secteur privé et les autres parties en cause pour trouver des façons d’améliorer l’approche du Canada en matière de consultations. À l’échelle régionale, leMinistère des affaires autochtones et du Nord Canada agit comme agent de liaison entre les ministères fédéraux, les gouvernements et les collectivités autochtones pour faciliter les relations entre eux.Le Premier Ministre canadien organise également des réunions annuelles avec les représentants des Inuits, des Métis et des Premières Nations et un mémorandum d’accord a été signé avec les communautés autochtones afin de les associer plus directement aux discussions sur les questions d’intérêt mutuel.

8.Des enquêtes sont en cours sur la catastrophe naturelle de Mount Polley, la plus grave de toute l’histoire canadienne, et sur les violations des droits de l’homme qui en ont découlé. Toutes les informations recueillies dans ce cadre seront étudiées par le ministère public, qui déterminera si des actions en justice doivent être intentées dans le cadre de cette affaire. S’agissant de la procédure judiciaire engagée par la nation crie de Beaver Lake, le Gouvernement fédéral qui préfère, en règle générale, éviter la judiciarisation des différends, espère parvenir à un accord amiable avec les intéressés.

9.M. Scoffield (Canada) dit que les travailleurs étrangers temporaires bénéficient des mêmes droits et de la même protection que les résidents permanents. Le 10 avril 2017, un dispositif de protection renforcée des migrants, y compris de ceux qui travaillent dans le secteur agricole, a été établi et devrait permettre d’intensifier le nombre d’inspections dans les sites agricoles, les centres d’accueil des migrants et les chantiers de construction. Les différents départements ministériels travaillent de concert pour informer les travailleurs de leurs droits. La Convention (no 189) de l’Organisation internationale du Travail sur les travailleuses et travailleurs domestiques ne fait pas partie des instruments que le Gouvernement fédéral envisage de ratifier prochainement. En 2016, le nombre de personnes admises au Canada au titre du regroupement familial a doublé, passant de 5 000 à 10 000, chiffre qui devrait être porté à 20 000 en 2017. Les conditions de revenu requises des auteurs de demandes de regroupement familial ont pour objet de garantir que la personne venant retrouver un membre de sa famille au Canada ne sollicite pas ultérieurement l’aide des pouvoirs publics. Le Canada gère ses flux migratoires de manière équilibrée et respecte les obligations humanitaires qui lui incombent dans ce domaine, tout en veillant à protéger les intérêts socioéconomiques des Canadiens. Il alloue chaque année 1 milliard de dollars aux programmes d’apprentissage linguistique et d’aide à l’entrée sur le marché de l’emploi destinés aux nouveaux arrivants. En 2017, le Canada devrait accueillir quelque 300 000 nouveaux immigrés. Dans le domaine de la santé, seuls les résidents légaux bénéficient des soins financés par l’État. La justice canadienne a considéré que les autorités ne sont pas tenues d’offrir des soins de santé aux migrants sans papiers.

10.M me A itken (Canada) dit que le Canada a conscience qu’il importe de disposer de données ventilées sur la composition ethnique du pays. Le Bureau de la statistique s’appuie en premier lieu sur le recensement général quinquennal obligatoire. L’utilisation du formulaire long a été restaurée en 2015. Tous les thèmes socioéconomiques y sont abordés. Nombre de données sont collectées dans ce cadre sur les différents groupes de population afin de rendre visibles les minorités invisibles. Le Bureau de la statistique réfléchit à l’utilité de la classification actuelle en 10 sous-groupes. Par ailleurs, les personnes vivant dans les réserves font également l’objet d’un recensement quinquennal. D’autres études sont également menées par le Bureau de la statistique dans les domaines de la santé et du travail. En ce qui concerne la Stratégie nationale pour le logement, elle cible essentiellement les personnes vulnérables. Les personnes d’ascendance africaine en font partie, mais il n’y a pas d’indicateur spécifique permettant de mesurer leur participation à ces programmes. S’agissant de l’élaboration de la Stratégie nationale pour la réduction de la pauvreté, les consultations ont notamment pris la forme de tables rondes sur la racialisation de la pauvreté. En ce qui concerne la représentation des minorités dans la fonction publique fédérale et au Gouvernement, l’analyse mériterait d’être affinée notamment pour les minorités invisibles. Les législations pour l’égalité au travail dans les services publics varient selon les provinces et territoires. S’agissant de la Conférence mondiale contre le racisme, le Canada ne s’est pas doté d’un plan général contre le racisme depuis 2010, mais diverses actions ont déjà été lancées. Par ailleurs, une commission parlementaire travaille sur la question de la discrimination systémique. La Fondation canadienne des relations raciales, sous l’égide du Ministère du patrimoine, œuvre à éliminer toutes les formes de discrimination dans la société canadienne.

11.M me Bejjani (Canada) aborde la question du système juridique et de la mise en œuvre de la Convention. La Charte des droits fondamentaux protège les droits de l’homme et l’égalité en droit, et interdit toute discrimination à tous les échelons gouvernementaux. La loi sur le multiculturalisme, le Code pénal, la législation sur les langues nationales, divers programmes et politiques complètent l’arsenal canadien contre la discrimination. Les fonctionnaires sont formés à la question de l’égalité et les programmes d’éducation promeuvent une société inclusive. Les solutions innovantes inventées au niveau local sont ensuite partagées nationalement pour permettre au Canada de s’acquitter de ses obligations internationales. S’agissant de l’article 14, le Canada n’envisage pas de faire la déclaration correspondante ; les particuliers qui veulent porter plainte disposent, outre les voies de recours nationales, de trois mécanismes régionaux ou internationaux. En ce qui concerne les organisations racistes, le Canada interdit leurs activités illicites et racistes, et lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme, sans pour autant ériger en infraction la simple appartenance à une telle organisation. De la sorte, il garantit le droit à la liberté d’association tout en empêchant ces organisations de se livrer à des activités racistes. Pour ce qui est des crimes de haine, 1 375 incidents de ce type ont été enregistrés en 2015, soit une augmentation de 5 % par rapport à l’année précédente. Les crimes de haine contre la population musulmane sont passés de 99 en 2014 à 159 en 2015, ceux contre la population catholique sont passés de 35 à 65, alors que ceux contre la population juive sont passés de 213 à 178. L’augmentation du nombre de crimes de haine contre certains groupes de population est liée en partie au fait que les victimes ont été encouragées à porter plainte. Le Code pénal incrimine les crimes de haine et l’incitation à la haine contre un groupe identifiable. Il est prévu d’élargir la définition de l’infraction de vandalisme contre un lieu de culte pour qu’elle porte également sur les lieux d’éducation ou de loisirs d’une communauté donnée. En ce qui concerne l’accès des migrants à la justice, le Gouvernement fédéral finance depuis 2001 les six provinces qui octroient une aide juridictionnelle aux migrants, et il a prévu de consacrer 62,9 millions de dollars sur cinq ans à l’aide juridictionnelle des migrants, réfugiés et personnes vulnérables à compter de 2017‑2018. Pour ce qui est de la lutte contre les stupéfiants, le Canada a mis à jour sa stratégie en 2016 et s’est engagé à revoir son système de justice pénale. En mai 2016, le Gouvernement a annoncé son plein soutien à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et a créé un groupe interministériel chargé de veiller au respect des obligations du Canada dans ce domaine. Le Gouvernement consultera les dirigeants autochtones avant de décider d’entériner ou non la Déclaration. Il travaille aussi, avec les jeunes, les spécialistes de la question et les représentants des peuples autochtones, à inverser la tendance à la surreprésentation des autochtones dans le système carcéral, notamment en promouvant la justice réparatrice.

12.M me Lavoie (Canada) dit qu’un plan de lutte contre la surreprésentation des autochtones en milieu carcéral est mis en œuvre depuis 2003 ; une stratégie spécifique cible les Inuits, qui font partie des groupes les plus vulnérables. La situation s’améliore lentement, et un nouveau plan national d’action lancé en 2016 prévoit la création de centres d’aide et d’intervention et la mise en place d’une plateforme de soutien pour faciliter la réinsertion des délinquants. S’agissant du taux de suicide des autochtones en milieu carcéral, il n’existe pas de données. Le Canada s’efforce de respecter les règles Nelson Mandela et forme le personnel pénitentiaire à cet effet. En ce qui concerne le profilage racial, la police montée n’a pas le droit d’y avoir recours ; toute arrestation doit être justifiée. Pour ce qui est de la détention des mineurs, il s’agit d’une mesure de dernier recours. La plupart du temps, une peine de substitution est proposée. La durée moyenne de détention des jeunes autochtones est de 13,1 jours, en diminution.

13.M. Erry (Canada) dit que la province de l’Ontario a mis en œuvre en 2016 une stratégie globale de lutte contre le racisme systémique, élaborée en concertation avec des organisations de la société civile. En juin, une loi contre le racisme a été adoptée, qui prévoit la publication annuelle de rapports assortis d’indicateurs. L’Ontario collecte des données ethniques ventilées sur toutes les institutions publiques de manière à obtenir un tableau complet de la situation et à évaluer l’efficacité des mesures adoptées. L’éducation et la formation sont des priorités. Le Gouvernement a décidé d’allouer 250 millions de dollars aux initiatives de lutte contre le racisme. Il cherche aussi à réduire le nombre d’enfants autochtones ou d’ascendance africaine placés en institution ou en conflit avec la loi. Par ailleurs, 47 millions de dollars ont été alloués à la formation supérieure des jeunes d’ascendance africaine. Des réformes sont aussi prévues dans le service public pour promouvoir la lutte contre le racisme, dans le cadre d’une stratégie sur la diversification raciale et l’éradication des obstacles systémiques à l’égalité. En ce qui concerne le profilage racial, tous les services de police doivent respecter la réglementation. La Cour d’appel a diligenté un audit pour y veiller. La législation relative au fonctionnement de la police doit aussi faire l’objet d’une révision complète pour développer la formation et combattre les discriminations.

14.M me Dah remercie les membres du Comité pour leurs témoignages de soutien à la suite de l’attentat qui a frappé Ouagadougou et adresse ses plus sincères condoléances à la délégation canadienne.

La séance est suspendue à 11 h 20 ; elle est reprise à 11 h 35.

15.M. Marugán  (Rapporteur pour le Canada) félicite le Canada d’envisager la création d’un mécanisme d’Ombudsman qui aurait à connaître des violations des droits de l’homme commises par les entreprises canadiennes opérant à l’étranger. Il demande des précisions sur ce projet, sachant que les dispositions existant actuellement ne sont pas contraignantes pour lesdites entreprises et que les victimes continuent de se heurter à des barrières financières et logistiques. En ce qui concerne la catastrophe de Mount Polley, il semble que le projet de mine ait été accepté sans évaluation environnementale préalable ni consentement libre et éclairé des peuples autochtones. Le rapport sur la catastrophe n’a pas établi de responsabilités directes, et personne n’a été poursuivi. La province a autorisé la reprise des opérations minières en 2016. M. Madurán souhaite savoir si les résultats de l’enquête menée par les services compétents de la Colombie‑Britannique seront publiés avant l’expiration du délai de prescription. S’agissant de la stratégie de lutte contre la pauvreté, il semble qu’elle ne prévoie pas de dispositions particulières pour lutter contre les inégalités. Il serait souhaitable de disposer de davantage d’informations socioéconomiques à ce sujet. En ce qui concerne les discriminations à l’emploi, le Rapporteur aimerait avoir plus de précisions sur la manière dont le budget est dépensé. Les informations disponibles montrent qu’il faudrait réformer la législation sur la discrimination au travail. Il souhaite aussi savoir si le Canada envisage d’adopter une stratégie contre le racisme à l’échelle fédérale. S’agissant du profilage racial, il s’enquiert des intentions du Canada quant aux recommandations formulées au Parlement par la Commission nationale des droits de l’homme.

16.M. Cali Tzay (Corapporteur pour le Canada) constate que les organisations de femmes autochtones ne sont pas associées au dialogue de nation à nation, ce qui appelle des explications de la délégation. Sur une toute autre question, il demande ce que l’État partie entend par une « solution juste et adéquate » dans le contexte de l’issue non consensuelle de démarches de consultation menées auprès d’un peuple autochtone.

17.M. Murillo Martínez demande quelles conséquences emportent les mesures que l’État partie prend dans le cadre de la compétence extraterritoriale qui est la sienne à l’égard des activités de certaines entreprises.

18.M. Yeung Sik Yuen fait observer, à propos des événements survenus au Mount Polley, que le délai de prescription, qui est de trois ans, a déjà expiré s’il a commencé à courir à la date des événements, et qu’il devrait peut-être courir à partir de la publication des résultats de l’enquête.

19.M. Khalaf demande où se situe l’équilibre que l’État partie cherche à assurer entre les autochtones et les non‑autochtones et à l’aune de quels intérêts il est jaugé.

20.M. Weldon (Canada), répondant à une question de M. Cali Tzay, qui voudrait savoir qui autorise la partie à un différend relatif aux droits établis par un traité pour un peuple autochtone à poursuivre ses activités d’exploitation de ressources naturelles alors que le différend en question est en instance devant les tribunaux, dit que l’autorisation est donnée par la justice. Au sujet des événements survenus au Mount Polley, les poursuites relatives à une infraction à la loi fédérale sur les pêches se prescrivent par cinq ans, mais aucun délai de prescription n’est applicable si le procureur décide de procéder par voie de mise en accusation. S’agissant du dialogue de nation à nation, non seulement un mécanisme bilatéral permanent associant trois organisations nationales a été créé aux fins, notamment, de l’élaboration commune de politiques, mais le Premier Ministre a également rencontré la Présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada et le Chef national du Congrès des peuples autochtones, et s’est engagé à tenir des réunions annuelles avec eux. En outre, un plan de travail conjoint est en cours d’établissement avec l’Association des femmes autochtones du Canada afin que les questions relatives aux femmes figurent parmi les considérations premières lors de la définition des politiques. Enfin, le Gouvernement, sachant que le Congrès des peuples autochtones et l’Association des femmes autochtones du Canada ne représentent pas les intérêts de tous les autochtones du Canada, a entrepris de mettre en place un véritable dialogue de nation à nation afin que toutes les voix puissent être entendues.

21.M me Anderson (Canada) dit, concernant les activités des entreprises canadiennes à l’étranger, que les prérogatives du futur médiateur sont encore en cours de définition. Il existe deux mécanismes de réglementation de ces activités, à savoir le Point de contact national (PCN) et le Bureau du Conseiller de l’industrie extractive. Le PCN a fourni des services de facilitation du dialogue et de médiation dans 11 des 19 cas dont il a eu à s’occuper entre 2000 et juillet 2017. Le défaut de participation au processus de règlement des différends du PCN entraîne le retrait des services de défense des intérêts commerciaux, et Exportation et développement Canada en tient compte pour décider de l’appui à apporter aux entreprises concernées.

22.M me Lavoie (Canada) dit que le Gouvernement a soumis le projet de loi C-59 (loi concernant des questions de sécurité nationale), qui prévoit plusieurs mesures visant à renforcer la surveillance des activités des organismes de sécurité nationale, ainsi que l’obligation de rendre des comptes qui leur incombe. Parmi ces mesures figurent notamment la création d’un office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, qui examinera toutes les activités de ce type menées par les pouvoirs publics ; et d’un bureau du commissaire au renseignement, qui sera chargé de délivrer l’autorisation préalable requise pour la conduite de certaines activités de renseignement et de cybersécurité. En outre, le projet de loi C-22 (loi constituant le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et modifiant certaines lois en conséquence) a récemment reçu la sanction royale. Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement jouira d’un large accès aux renseignements classifiés pour examiner le fonctionnement des organismes de sécurité nationale, ce qui permettra de renforcer leur obligation de rendre des comptes.

23.M me Shepherd, sachant notamment que l’État partie est soucieux d’assurer une protection aux travailleurs étrangers, s’enquiert des raisons pour lesquelles il n’envisage pas de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, ni la Convention (no 189) de l’Organisation internationale du Travail sur les travailleuses et travailleurs domestiques. Évoquant ensuite le règlement d’avril 2017 relatif aux travailleurs étrangers, Mme Shepherd demande quels mécanismes sont utilisés pour en expliquer les modalités aux travailleurs et employeurs concernés, et comment sera assuré le suivi de sa mise en œuvre.

24.M. Marugán (Rapporteur pour le Canada) demande s’il est exact que l’État partie ne compte pas limiter la période durant laquelle un migrant pourra être maintenu en détention, et que les améliorations qu’il prévoit d’apporter en matière de détention des migrants ne s’étendront pas aux migrants détenus dans les établissements provinciaux. Il demande également ce que l’État partie fait pour renforcer le signalement des crimes et autres actes inspirés par la haine et pour améliorer leur repérage. Il constate que la plupart des victimes des crimes de haine sont afro-canadiennes, ce qui appelle des explications complémentaires de la délégation.

25.M. Warner (Canada) dit que, en Ontario, le nouveau règlement relatif aux contrôles de routine exige des services de police qu’ils établissent et rendent publics chaque année des rapports qui précisent, notamment, le nombre de demandes de renseignements identificatoires formulées à des fins autres qu’une enquête, ainsi que les caractéristiques démographiques des personnes concernées. En outre, le Ministre ontarien des services à l’enfance et à la jeunesse s’est engagé à solliciter la collecte, dans le système de protection de l’enfance, de données ventilées notamment par race, afin de dégager les tendances et schémas et de repérer les éventuelles manifestations de discrimination et de racisme. Un engagement a également été pris en faveur de la formation sur des questions telles que le racisme systémique.

26.M me Bejjani(Canada) dit que le Code criminel canadien réprime fermement tous les crimes de haine et la propagande haineuse. En 2015, 159 crimes de haine ont été commis contre des personnes de religion musulmane, contre 99 en 2014, soit une hausse de 61 %. Les procureurs fédéraux et le personnel du ministère public reçoivent des formations obligatoires et facultatives concernant la prévention du harcèlement, la sensibilité culturelle et la discrimination. L’Institut national de la magistrature dispense également aux magistrats des formations concernant les questions de discrimination, les droits des peuples autochtones ou encore la sensibilité culturelle des peuples autochtones. En juillet 2015, l’État partie a adopté la Charte canadienne des droits des victimes, qui consacre le droit à l’information, le droit à la protection, le droit de participation et le droit au dédommagement des victimes, y compris des victimes de crime de haine.

27.M. Scoffield (Canada) dit que le Canada n’a pas adhéré à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille parce qu’il estime que les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille sont déjà protégés sur son territoire. En outre, bien qu’elle soit envisagée, la ratification de la Convention (no 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011, de l’OIT ne compte pas parmi les priorités de l’État partie. Dans le cadre du programme des travailleurs étrangers temporaires, des inspections sont effectuées pour protéger les travailleurs étrangers des pratiques abusives et de l’exploitation. Les employeurs qui ne respectent pas les exigences du programme ou ne coopèrent pas dans le cadre d’une inspection peuvent faire l’objet de sanctions de divers ordres. Le nombre d’inspections augmente chaque année depuis le lancement du programme ; en novembre 2016, 2 300 inspections avaient été menées pour l’exercice budgétaire 2016-2017. Le nombre d’inspections continuera d’augmenter, en particulier dans les secteurs qui emploient les travailleurs les plus vulnérables. En outre, des inspections seront réalisées tous les ans en vue de vérifier que les logements des travailleurs étrangers sont conformes aux normes provinciales et municipales et une coopération sera établie avec les organisations locales qui œuvrent en faveur des droits des travailleurs étrangers afin d’informer ces travailleurs de leurs droits et des mesures de protection dont ils peuvent bénéficier. La législation canadienne ne limite pas la durée de la détention administrative des migrants, mais la Cour suprême a estimé que l’absence de cette limitation ne permet pas pour autant de détenir les migrants pour une durée indéfinie car le cadre juridique en vigueur prévoit l’examen de la détention compte tenu de la situation de chaque personne. La Charte garantit une protection contre la détention arbitraire, et nul n’est détenu du seul fait de sa condition de migrant.

28.M me Aitken (Canada) dit que la Ministre des sports et des personnes handicapées s’emploie, en collaboration avec le Ministre de la famille, des enfants et du développement social et d’autres parties prenantes, à élaborer une nouvelle loi relative aux personnes handicapées. À ce titre, de vastes consultations ont été organisées dans tout le Canada entre juin 2016 et février 2017, dont 18 réunions publiques, des débats avec des experts et un Forum national de la jeunesse. Des organisations à but non lucratif ont également reçu, au titre du volet « handicap » du Programme de partenariats pour le développement social, des fonds qui leur ont permis de participer au processus.

29.M. Weldon (Canada) dit que des consultations ont été organisées concernant le projet de construction du barrage du Site C et les risques environnementaux correspondants. Le projet concernant l’oléoduc Kinder Morgan a également fait l’objet de consultations. Si un groupe autochtone n’est pas satisfait des consultations relatives à un projet, il peut contester la décision des pouvoirs publics devant les tribunaux.

30.M. Avtonomov demande à l’État partie de fournir, dans son prochain rapport, des précisions sur l’affaire Daniels c. Canada. Il souhaite savoir si le Canada a déjà adopté des mesures pour mettre en œuvre la décision adoptée le 14 avril 2016 par la Cour suprême dans le cadre de cette affaire. En ce qui concerne l’enseignement des langues, il regrette que le Canada alloue davantage de ressources à l’étude des langues anglaise et française qu’à celle des langues autochtones et lui recommande de remédier à cette situation.

31.M.  Lindgren  Alves dit que bien qu’il constitue à maints égards un exemple pour le reste du monde, le Canada fait l’objet des mêmes critiques que certains pays d’Amérique latine en ce qui concerne la lutte contre la discrimination raciale et suggère que l’État partie collabore avec ces pays pour élaborer une stratégie commune de lutte contre le racisme. Il souhaite savoir si la population blanche, la population d’ascendance africaine et la population autochtone présentent le même degré de développement humain.

32.M. Murillo Martinez demande au Canada d’inclure, dans son prochain rapport périodique, davantage d’informations sur les mesures prises pour garantir l’égalité dans le domaine de l’éducation, ainsi que des précisions sur la situation des personnes d’ascendance africaine privées de liberté. Il demande si l’inversion de la charge de la preuve est prévue pour les crimes à motivation raciale. Il s’enquiert des mesures que l’État partie entend prendre dans le cadre de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine.

33.M. Khalaf demande à nouveau à la délégation de fournir des données statistiques concernant les plaintes relatives à des violences racistes, notamment sur le nombre de cas enregistrés, la nature des infractions commises, l’origine des victimes et le montant des indemnisations accordées. Il souhaite aussi savoir comment le Gouvernement accorde l’autonomie gouvernementale aux peuples autochtones. Notant que l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 constitue un cadre juridique satisfaisant pour les négociations entre le Gouvernement et les peuples autochtones, il fait observer que des imprécisions perdurent, notamment sur les droits protégés et l’assurance de la pérennité des droits reconnus aux peuples autochtones. Il demande comment l’État partie compte appliquer les arrêts Sparrow, Delgamuukw et Tsilhqot’in de la Cour suprême dans ses politiques.

34.M. Weldon (Canada) dit que l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 rend impossible l’extinction des droits des peuples autochtones, mais que le champ d’application de ces droits demeure assez imprécis. Les négociations relatives aux traités modernes visent à remédier à cette imprécision. Le Gouvernement a publiquement et ouvertement salué la décision rendue par la Cour suprême dans l’affaire Daniels c. Canada. Il revoit activement ses politiques et ses programmes à la lumière de cette décision afin de combler les lacunes qui demeurent. Le Gouvernement cherche par ailleurs à conclure un accord politique avec le Congrès des peuples autochtones.

35.M me Aitken (Canada) dit que, d’une manière générale, l’inclusion et la diversité comptent parmi les priorités du Gouvernement fédéral. De nombreuses initiatives sont menées en faveur de la diversité et de l’inclusion, dont le Programme du multiculturalisme, qui finance différents projets contre le racisme et la discrimination.

La séance est levée à 13 heures.