NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.

GENERALE

CERD/C/SR.1828*15 février 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante et onzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIERE PARTIE (PUBLIQUE)DE LA 1828e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 7 août 2007, à 10 heures

Président: M. de GOUTTES

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Onzième à quinzième rapports périodiques de la République démocratique du Congo(suite)

La séance est ouverte à 10 h 30.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Onzième à quinzième rapports périodiques de la République démocratique du Congo (CERD/C/COD/15)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation de la République démocratique du Congo reprend place à la table du Comité.

2.M. LOKWA ILWALOMA (République démocratique du Congo), remerciant les membres du Comité pour leurs observations et leurs questions, reconnaît que le rapport périodique de son pays, à l’instar de toute autre création humaine, n’est pas parfait et est très général dans sa forme. Il regrette qu’un autre document qui aurait dû le compléter ne soit pas parvenu au Comité et veillera à ce qu’il lui soit transmis dès son retour dans le pays.

3.Le Comité interministériel dont il est fait référence au paragraphe 5 du rapport à l’examen est composé de 35 membres issus de 17 ministères directement ou indirectement chargés de questions relatives aux droits de l’homme. Chacun des sous-comités qui le composent élabore un rapport destiné à un organe conventionnel spécifique qui est soumis aux organisations non gouvernementales (ONG) pour observation avant d’être finalement adopté par le Comité interministériel. Exceptionnellement, aucune ONG n’a participé aux consultations menées sur le présent rapport périodique, pour des raisons que le représentant est incapable d’expliquer, bien qu’elles y aient été invitées.

4.La République démocratique du Congo accorde la même importance à tous les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels elle est partie. Le Gouvernement congolais a adopté des mesures législatives pour éliminer le racisme et le tribalisme bien avant l’accession du pays à la Convention. La Constitution de 2006 protège tout particulièrement les droits des femmes et des enfants parce que ce sont eux qui ont le plus souffert pendant la guerre civile. Le terme «minorités», tel qu’utilisé dans la Constitution, est purement quantitatif et renvoie à des groupes de population numériquement peu importants et non à leur composition ethnique.

5.Les Pygmées sont reconnus en tant que «peuples autochtones» par de nombreux instruments internationaux mais cette question est sensible pour de nombreux pays africains. L’idée est répandue que les peuples autochtones désignent les tribus qui vivaient dans le pays avant l’arrivée des colons, ce qui signifie que le concept de «peuples autochtones» s’applique aussi bien à la tribu la plus peuplée qu’à celles qui le sont moins.

6.S’agissant des droits de propriété, M. Lokwa Ilwaloma dit que l’État congolais exerce une souveraineté permanente sur le sol et le sous-sol et que les individus et les tribus qui exploitent la terre à des fins agricoles ou autres doivent avoir conclu un contrat à cette fin avec l’État.

7.Le Gouvernement congolais s’est récemment prononcé en faveur de la gratuité de l’enseignement primaire pour tous les enfants congolais, sans distinction. Il n’existe en revanche aucune mesure spéciale visant à encourager la fréquentation scolaire de groupes spécifiques de population.

8.M. Lokwa Ilwaloma dit que lors de récentes élections, certains candidats ont tenu

des propos discriminatoires à l’égard de leurs opposants et qu’à sa connaissance, ils n’ont pas été poursuivis. L’accès aux médias leur a cependant été interdit et les médias qui avaient publié leurs propos ont été sanctionnés par une interdiction provisoire de publication.

9.Le Gouvernement a adopté un plan de réduction de la pauvreté intitulé «Document de stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté» qui vise tous les Congolais, sans distinction.

10.Les quatre langues nationales sont le kikongo, le lingala, le swahili et le tshiluba. Plus de 250 dialectes sont également parlés dans le pays. Bien que l’État ne décourage pas leur utilisation, il n’est pas en mesure de promouvoir activement un nombre aussi important de langues.

11.La redistribution des limites des provinces, dont il est question à l’article 2 de la Constitution, n’a pas pour objet d’opérer une séparation entre les différents groupes ethniques mais de rapprocher l’administration de la population.

12.Les conflits interethniques entre le peuple du Kasaï et la population du Katanga ont pris fin et le conflit entre les ethnies hemas et lendus en Ituriest moins aigu aujourd’hui. Cependant, la situation au Nord et au Sud Kivu (par. 71 du rapport) est toujours préoccupante. À cet égard, rappelant qu’il a fait partie de la mission d’établissement des faits désignée par le Gouvernement qui s’est rendue dans la région, M. Lokwa Ilwaloma indique qu’une réunion est en cours de préparation pour rassembler tous les chefs communautaires de l’Est du pays autour d’une même table.

13.Les banyamulenge et les banyarwanda ont acquis le droit à la nationalité congolaise au titre de la nouvelle loi sur la nationalité congolaise promulguée le 12 novembre 2004 (par. 72 du rapport). Certaines personnes d’ethnie banyamulenge ont la nationalité congolaise et d’autres rwandaise, selon la région où elles vivent. Actuellement, un ressortissant congolais ne peut jouir d’une autre nationalité et il est fort probable que cette situation ne sera pas modifiée dans un futur proche.

14.Répondant aux questions posées par M. Avtonomov, le représentant dit que, compte tenu de la nouvelle situation politique et institutionnelle du pays, le Gouvernement devrait être prochainement en mesure de faire la déclaration sur les communications individuelles prévue à l’article 14 de la Convention. Il explique par ailleurs qu’un enfant né de parents ayant acquis la nationalité congolaise par naturalisation reçoit automatiquement la nationalité congolaise à la naissance.

15.M. Lokwa Ilwaloma indique qu’en sa qualité de Ministre des droits de l’homme, il a la charge de promouvoir et de protéger les droits humains. Il explique agir plus par l’intermédiaire d’autres Ministères et services que directement: par exemple, si un militaire, un officier de police ou un agent des services secrets commet une violation des droits de l’homme, il demande au Département concerné de diligenter une enquête sur les faits allégués et veille à ce que des mesures soient prises pour que justice soit rendue.

16.L’Observatoire national des droits de l’homme était l’une des cinq institutions créées en vertu de la Constitution de la transition de 2003 en tant qu’institution d’appui à la démocratie pendant la période de transition. L’article 222 de la Constitution de 2006 prévoit la création d’une institution similaire. Une loi a d’ailleurs été élaborée qui porte création d’une commission nationale des droits de l’homme conformément aux Principes concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l’homme (Principes de Paris).

17.Les mariages peuvent être célébrés soit au cours d’une cérémonie civile soit d’une cérémonie familiale et sont ensuite enregistrés conformément aux lois du pays. En cas de conflit entre les coutumes suivies dans ce domaine par les futures épouses, ce sont les droits de celles-ci qui prévalent.

18.La loi électorale ne prévoit pas de quotas de sièges, y compris pour les Pygmées, et les candidats se présentent aux élections sur la base de leurs mérites personnels. Le Sénat compte plusieurs membres banyamulenge qui sont également représentés dans des instances gouvernementales.

19.Deux lois ont été promulguées en 2006 pour lutter contre les violences sexuelles, une qui porte amendement du Code pénal et comprend une définition de l’infraction de violence sexuelle conformément aux normes internationales, et l’autre qui porte amendement du Code de procédure pénale concernant l’enquête avant jugement et les auditions des suspects.

20.Répondant à une question de M. Lindgren Alves, M. Lokwa Ilwaloma dit que les Pygmées sont appelés bambute, batwa et qu’ils sont désignés par de nombreuses appellations suivant la partie du pays dans laquelle ils vivent.

21.Répondant à M. Pillai qui souhaitait connaître les questions soulevées par l’expert indépendant chargé d’examiner la situation des droits de l’homme en République démocratique du Congo dans son rapport (A/HRC/4/7), M. Lokwa Ilwaloma dit que la Constitution et la loi sur le statut des magistrats garantissent l’indépendance du pouvoir judiciaire. Un projet de loi portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature est actuellement examiné par l’Assemblée nationale. Les conditions de travail et le niveau de vie des magistrats sont actuellement peu satisfaisants: le Gouvernement, avec ses partenaires internationaux, la France, la Belgique et les Pays-Bas, a l’intention de rénover les tribunaux, de les doter d’équipements plus performants et d’améliorer les conditions de détention.

22.La République démocratique du Congo a signé le Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement dans la région des Grands Lacs en décembre 2006. En vertu de l’ordonnance‑loi n° 66-342 relative à la répression du racisme et du tribalisme de juin 1996, les victimes d’actes de discrimination raciale pourront ester en justice et former des recours civils en réparation.

23.M. LINDGREN ALVES dit que l’exemple de la République démocratique du Congo illustre parfaitement pourquoi il importe que le multiculturalisme soit adapté aux conditions spécifiques de chaque pays. Il est parfaitement d’accord avec le fait que, dans un pays comme la République démocratique du Congo, la légalité est plus importante que les mesures spéciales visant à protéger certaines minorités. Il ajoute qu’il est d’autant plus difficile d’accorder un statut spécial à un groupe particulier de population que la population autochtone congolaise est effectivement constituée des personnes qui vivaient dans le pays au moment de sa colonisation. Cependant, comme l’ont déjà fait valoir les orateurs précédents, il est essentiel que le Comité dispose d’informations précises sur la situation de chaque pays. M. Lindgren Alves met cependant en garde contre les problèmes que créerait l’application de recommandations générales identiques à des pays qui diffèrent par leur situation et les conflits auxquels ils sont confrontés.

24.M. KJAERUM explique que la question qu’il a posée concernant la représentation des minorités au Parlement ne portait pas spécifiquement sur la question des quotas. Estimant qu’en République démocratique du Congo, comme dans beaucoup d’autres pays, il n’est pas inhabituel pour un parti politique d’être associé à un groupe ethnique particulier, il se demande quels partis représentent les intérêts des groupes de populations vulnérables au Parlement. Il souhaite également savoir si le rapport de l’étude réalisée en février 2007 par la Banque mondiale sur les conséquences des activités minières et de l’exploitation forestière dans les territoires autochtones est disponible.

25.M. EWOMSAN se félicite de la nature autocritique du rapport à l’examen, ce qui est d’autant plus important que les pays africains ne reconnaissent pas toujours dans leurs rapports périodiques les conflits ethniques qui sévissent sur leur territoire, des conflits récurrents et qui sont liés, dans la plupart des cas, davantage à la lutte pour la survie d’un groupe qu’à des questions culturelles. Compte tenu du fait que, traditionnellement, les groupes ethniques et les tribus disposent d’un territoire propre, M. Ewomsan souhaite savoir si la législation en matière de droits fonciers, en vertu de laquelle l’État exerce une souveraineté permanente sur le sol et le sous-sol, a créé des problèmes ou des conflits.

26.M. PILLAI se félicite de l’information communiquée par le représentant de la République démocratique du Congo concernant l’établissement d’une commission nationale des droits de l’homme conformément aux Principes de Paris. Il se félicite également que le Comité ait pris l’initiative d’associer les institutions nationales des droits de l’homme à l’examen des rapports soumis par les États parties et de leur demander de présenter des rapports alternatifs sur la situation du pays examiné. Il espère que le Comité aura la possibilité de dialoguer avec la future commission congolaise des droits de l’homme.

27.M. LOKWA ILWALOMA (République démocratique du Congo) remercie M. Lindgren Alves de ses observations positives. En réponse à la question de M. Kjaerum concernant les partis politiques, il explique qu’il est interdit aux partis politiques d’être créés sur une base ethnique ou régionale. Tous les partis politiques doivent être nationaux et disposer de représentations dans toutes les régions.

28. M. OLELA OKONDJI (République démocratique du Congo) ajoute que bien que la législation congolaise interdise aux groupes ethniques de se présenter aux élections, des membres de ces groupes peuvent se présenter aux élections en tant que membres de partis ou en tant que candidats indépendants, comme plusieurs banyamulenge l’ont fait lors de récentes élections. Ceux qui ont été élus siègent désormais au Sénat ou à l’Assemblée nationale.

29.M. DIKU MPONGALA (République démocratique du Congo), évoquant l’établissement d’une commission nationale des droits de l’homme, dit que l’ancien Observatoire national des droits de l’homme était un organisme public indépendant du Gouvernement. Il a cessé d’exister à la fin de la période de transition mais des dispositions ont été prises en vue de la création d’un nouvel organe, compte tenu de la donne politique actuelle et de la volonté de protéger la démocratie et les droits de l’homme. Afin d’être crédible, ce nouvel organe sera indépendant et créé conformément aux Principes de Paris. Sa participation aux travaux des organes conventionnels complétera les efforts déployés par le Gouvernement dans le domaine des droits de l’homme.

30.M. BOKANGO NGOBILA (République démocratique du Congo), rappelant que le nouveau Code forestier ne date que de 2002, date jusqu’à laquelle la loi promulguée en 1949 était en vigueur, souligne les difficultés rencontrées par son pays dans le domaine de l’environnement, en particulier lorsque les préoccupations écologiques vont à l’encontre des besoins de la population. Il explique que la population congolaise n’est pas toujours favorable aux mesures qui limitent leurs activités quotidiennes ou traditionnelles pour des raisons liées à l’environnement, mais que le pays est confronté à la pression de la communauté internationale pour protéger les forêts et les espèces menacées et qu’il lui faut donc trouver des solutions pour protéger le bien-être des populations. L’État, en tant qu’autorité ayant ratifié les conventions internationales et donc chargée de les appliquer, possède un droit souverain sur toutes les terres, y compris les forêts, mais les citoyens peuvent acquérir des droits légaux sur celles-ci afin d’y vivre ou de les cultiver, et ce sans frais.

31.M. OLELA OKONDJI (République démocratique du Congo), répondant à la question de M. Kjaerum, dit que son pays n’a pas encore reçu le rapport d’étude de la Banque mondiale.

32.M. EWOMSAN, tout en notant qu’en République démocratique du Congo, les partis politiques doivent être représentés au niveau national, souligne néanmoins que la raison pour laquelle une personne décide d’adhérer à un parti politique est souvent liée à l’identité même de ses dirigeants. Il souhaite savoir si les partis politiques respectent un équilibre entre les différentes régions du pays et si les critères d’appartenance à une ethnie et à une région données ont une quelconque influence sur la composition des partis politiques.

33.M. AMIR demande à la délégation congolaise d’indiquer si le Gouvernement effectue une distinction entre le jus solis, le droit à la terre foncier et le droit d’usufruit, et si l’État a un droit d’accès aux terres autochtones.

34.M. BOKANGO NGOBILA (République démocratique du Congo) rappelle qu’en vertu de la nouvelle législation en vigueur, l’État a un droit souverain sur toutes les terres, y compris les forêts, mais que l’État accorde aux citoyens le droit d’utiliser et d’exploiter la terre selon les coutumes locales. Même si les Congolais ont le droit d’exploiter les terres de leurs ancêtres, celles-ci demeurent de la propriété souveraine de l’État. Au cas où l’État déciderait de céder une terre, une enquête devrait être menée en tenant compte des droits de la population sur celle-ci et et la population concernée devrait être indemnisée.

35.M. LOKWA ILWALOMA (République démocratique du Congo) ajoute qu’en vertu de la Constitution, nul ne peut acquérir ou céder une terre ou décider d’en faire ce que bon lui semble au détriment potentiel de l’État. L’État accorde une autorisation aux personnes qui veulent construire sur un terrain ou cultiver la terre mais il en reste le propriétaire souverain.

36.S’agissant de la question des partis politiques, il est impossible d’empêcher les membres de certains groupes ethniques d’adhérer à un parti politique dont le dirigeant appartient au même groupe ethnique qu’eux étant donné que la liberté de choisir son affiliation politique est une liberté individuelle fondamentale à laquelle il ne peut être dérogé.

37.M. BOKANGO NGOBILA (République démocratique du Congo) confirme que les partis politiques doivent être représentés au niveau national.

38.M. DIKU MPONGALA (République démocratique du Congo) dit que le droit d’adhérer à un parti politique résulte d’un libre choix et que toute atteinte à ce droit constituerait une violation de la liberté d’association. Un équilibre doit être opéré entre la liberté d’association et la liberté d’adhérer au parti politique de son choix et le fait que certains groupes ethniques soient infiltrés dans des partis politiques.

39.Mme DAH (Rapporteuse pour la République démocratique du Congo) remercie la délégation congolaise d’avoir répondu aux questions des membres du Comité et se félicite du dialogue riche et franc qui s’est engagé avec elle. Le Comité transmettra ses observations finales au Gouvernement le moment venu et espère que les conclusions et recommandations qu’il adoptera aideront l’État partie à surmonter les problèmes qu’il rencontre. Le Comité appuie tous les efforts déployés par l’État partie pour faire progresser la cause de la démocratie et la protection des droits de l’homme.

40.M. LOKWA ILWALOMA (République démocratique du Congo) dit que son Gouvernement attend avec impatience les observations finales du Comité et assure que celles‑ci seront prises en compte au moment de l’élaboration du prochain rapport périodique du pays.

La partie (publique) de la séance prend fin à 11 h 55.

-----