Nations Unies

CERD/C/SR.2105

Convention internationale sur l’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.générale

6 décembre 2012

Français

Original: anglais

Comité pour l’ élimination de la discrimination raciale

Soixante-d ix-neuvième session

Compte rendu analytique d e la 2 10 5 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 18 août 2011, à 10 heures

Président:M. Kemal

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Dix-neuvième à vingt et unième rapports périodiques de l’Ukraine(suite)

La séance est ouverte à 10 h 10 .

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Dix-neuvième à vingt et unième rapports périodiques de l’Ukraine (suite) (CERD/C/UKR/19-21 ; CERD/C/UKR/Q/19-21)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation ukrainienne reprend place à la table du Comité.

2.M. Yur’ev (Ukraine), répondant aux questions posées lors de la séance précédente, dit qu’un manque de clarté dans les attributions des organes exécutifs centraux chargés de combattre la discrimination raciale est à l’origine de certains chevauchements de fonctions. Le Président a donc lancé une réforme administrative, qui a commencé en décembre 2010 et se poursuit actuellement. Dans le nouveau cadre structurel, la fonction de protection des droits des minorités religieuses a été transférée du Comité d’État pour les minorités nationales et les religions au Ministère de la culture et du tourisme. La protection des droits des réfugiés et des demandeurs d’asile a été confiée au Département d’État à la citoyenneté, l’immigration et l’enregistrement des personnes physiques. La première phase de la réforme, portant sur la restructuration des organes exécutifs centraux, est achevée. La deuxième phase, focalisée sur les pouvoirs locaux, est en cours d’exécution.

3.Jusqu’en décembre 2010, les activités du Groupe de travail interministériel pour la lutte contre la xénophobie et l’intolérance ethnique et raciale étaient menées par le Comité d’État pour les minorités nationales et les religions. Le mandat du Groupe de travail a été prorogé jusqu’en 2012 et il a été proposé que ce groupe poursuivre ses travaux sous les auspices du Ministère de la culture et du tourisme. Autrement, un organe distinct pourrait être créé; il se pourrait que l’organe successeur du Groupe de travail soit précisé dans le projet de loi antidiscrimination. Ce groupe a enregistré de bons résultats, en assurant efficacement la coordination des efforts des instances étatiques et des ONG axés sur la lutte contre la xénophobie et l’intolérance ethnique et raciale.

4.M. Yur’ev dit que les paragraphes 49 à 55 du rapport périodique (CERD/C/UKR/19‑21) fournissent des renseignements sur les mesures législatives en place pour éradiquer l’incitation à la discrimination raciale et les actes de discrimination raciale, notamment l’article 24 de la Constitution et l’article 161 du Code pénal. Au paragraphe 9 du rapport sont désignés d’autres instruments de droit interne qui interdisent la discrimination raciale; il convient de mentionner en outre la loi sur les administrations locales, la loi sur la presse écrite, la loi sur la radio et la télévision, la loi sur l’information et la loi sur la liberté de conscience et les organisations religieuses. En mai 2011, le Président a demandé au Ministère de la justice de rédiger une stratégie de lutte contre la discrimination raciale. Quand le Président aura approuvé ladite stratégie, le Ministère de la justice sera en mesure de parachever le projet de loi contre la discrimination.

5.M me Shpyniak (Ukraine), répondant également aux questions soulevées lors de la séance précédente, dit que le Service des migrations a été créé en décembre 2010 pour doter le pays d’un mécanisme chargé de gérer les flux migratoires. Ce service a pour mission de mettre en œuvre la politique de l’émigration et de l’immigration, notamment de combattre l’immigration clandestine et de s’occuper de tout ce qui touche à la citoyenneté et l’enregistrement, des réfugiés et des autres migrants. Jusqu’ici, le Service s’est focalisé sur l’élaboration de la législation et la mise en place des institutions pertinentes. En mai 2011, un document de réflexion sur la politique migratoire de l’État a été adopté dans le but de gérer efficacement les processus migratoires. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a organisé des séminaires de formation à l’intention du personnel du Service des migrations et l’a aidé à préparer des recommandations et des instructions à usage interne. Un grand nombre de membres du personnel qui travaillait auparavant pour le service des réfugiés rattaché au Comité d’État pour les minorités nationales et les religions a également suivi des cours de formation comme ceux proposés par le Centre international pour la formulation de politiques en matière de migrations. Le Service des migrations a également participé à un projet de jumelage soutenu par l’Union européenne axé sur le développement des institutions chargées des migrations. Dans le cadre de ce projet, le personnel du Service aura la possibilité d’actualiser et améliorer ses compétences.

6.La procédure d’octroi du statut de réfugié a été mise au point en 1996. Depuis, la politique a été focalisée sur la création de conditions de traitement des demandeurs d’asile et des réfugiés qui soient conformes aux obligations internationales contractées par l’Ukraine. L’adoption, en juillet 2011, de la loi sur les réfugiés et les personnes ayant besoin d’une protection supplémentaire ou temporaire en Ukraine constitue une réalisation majeure à cet égard. Le Service des migrations travaille en étroite collaboration avec le Service de police des frontières et les entités du Ministère de l’intérieur qui orientent les personnes demandant la protection de l’Ukraine vers les organes compétents chargés des migrations. Des directives conjointes ont été communiquées aux forces de l’ordre et au personnel du Service de police des frontières sur la prise en charge des demandeurs d’asile et des personnes demandant à bénéficier du statut de réfugié. En 2010, en plus de neuf mois, le Service de police des frontières a transmis 76 demandes de statut de réfugié aux organes régionaux du Service des migrations, cependant que 104 demandes de ce type ont été transmises par les forces de l’ordre.

7.Depuis 2001, une procédure en deux temps est appliquée pour déterminer le statut de réfugié. Tout d’abord, les organes régionaux du Service des migrations disposent d’un délai de trois mois pour examiner les demandes, interroger les demandeurs et s’enquérir de la situation dans leur pays d’origine. Ensuite, les organes régionaux adressent leurs recommandations au bureau central du Service des migrations, qui prend une décision définitive sur l’octroi du statut de réfugié. Cette procédure s’est révélée appropriée pour évaluer les demandes de manière équilibrée. Les demandeurs qui se voient refuser le statut de réfugié ont le droit de faire appel de cette décision devant le tribunal administratif de leur localité. Au cours de la procédure d’examen, les demandeurs reçoivent des documents leur permettant de résider légalement en Ukraine.

8.Quelque 2 000 demandes de statut de réfugié sont examinées chaque année, et ce nombre devrait augmenter suite à l’introduction de formes de protection supplémentaires. Dans les deux centres d’accueil temporaire pour réfugiés, le gîte, le couvert et des soins de santé sont mis gratuitement à la disposition des personnes en attente d’une décision ou ayant obtenu le statut de réfugié, mais ils n’offrent que 340 places. La priorité est donc accordée aux plus vulnérables d’entre ces personnes. Un nouveau centre, bientôt prêt dans la région de Kiev, offrira 200 places supplémentaires. En raison de la crise financière et économique, les travaux progressent lentement dans ce centre, mais les budgets affectés aux deux autres centres n’ont pas été réduits. Comme au 1er avril 2011, on dénombrait 2 435 réfugiés enregistrés en Ukraine, le besoin de logements supplémentaires est évident. Les pouvoirs locaux et les ONG ont mis en place une base de données sur les logements disponibles dans la région d’Odessa, et plusieurs familles de réfugiés ont accepté d’être relogées dans les zones rurales de la région. Le Gouvernement projette de demander une aide financière à la communauté internationale pour fournir des logements supplémentaires aux réfugiés et demandeurs d’asile.

9.La législation dispose que trois ans après avoir obtenu le statut de réfugié, les personnes aient le droit de demander la citoyenneté ukrainienne. Le Gouvernement est donc désireux de promouvoir l’intégration des réfugiés dans la société ukrainienne, dans l’espoir qu’à l’avenir, ils joueront pleinement leur rôle de citoyens actifs dans la vie publique. Le bureau régional du HCR fournit un appui considérable aux programmes d’insertion, et en particulier aux cours de langues. Les enfants réfugiés peuvent étudier l’ukrainien, l’anglais et les technologies de l’information dans les centres sociaux pour réfugiés administrés par les ONG. La plupart des enfants réfugiés fréquentent les établissements scolaires normaux; au besoin, des psychologues scolaires et des travailleurs sociaux les aident à s’intégrer. La nouvelle législation sur les réfugiés et les personnes ayant besoin d’une protection supplémentaire ou temporaire en Ukraine garantit que les enfants obtiennent le statut de réfugié en même temps que leurs parents.

10.Un nombre croissant de mineurs non accompagnés arrive en Ukraine. Depuis 2010, le Service des migrations travaille avec le Conseil danois pour les réfugiés sur un projet visant à garantir la protection juridique et sociale des enfants demandeurs d’asile et des enfants réfugiés en Ukraine. Un centre national s’occupant des demandeurs d’asile mineurs non accompagnés, d’une capacité de 30 places, a été ouvert dans le cadre du dispositif de placement temporaire des réfugiés dans la région de Transcarpatie. Les enfants y sont pris en charge par des psychologues et des travailleurs sociaux qualifiés. Le Service des migrations rédige actuellement des directives interministérielles à l’intention de ceux qui travaillent auprès d’enfants demandeurs d’asile, dans le but d’améliorer la coordination entre les autorités concernées. Dans le cadre de la présidence ukrainienne du Comité des ministres du Conseil dse l’Europe, une conférence sur les normes applicables à la protection des mineurs demandeurs d’asile sera organisée à Kiev à l’automne.

11.En réponse à la question posée par les membres du Comité au sujet des Roms en Ukraine, Mme Shpyniak dit que les seules statistiques officielles concernant les minorités nationales en Ukraine proviennent du recensement national de 2001. Selon ces données, on dénombrait 47 600 Roms en Ukraine, représentant 0,1 % de la population totale et résidant principalement en Transcarpatie et dans les régions de Donetsk et Odessa.

12.Afin de promouvoir la langue et la culture roms, le Ministère de l’éducation a publié des directives pédagogiques à l’intention des enseignants des cycles primaire et secondaire, prévoyant notamment des cours de langue rom. Les enfants roms peuvent également étudier leur langue dans trois écoles du dimanche dans les régions de Donetsk et Odessa; des associations culturelles et éducatives roms organisent des classes pour les enfants roms et leur enseignent la langue et la culture roms. Certaines écoles publiques de la région de Transcarpatie choisissent également d’organiser des cours sur l’histoire, la culture et les coutumes roms. En outre, les autorités académiques ont élaboré des programmes scolaires prévoyant l’enseignement de l’histoire de la minorité rom, dans le but de promouvoir la compréhension et la tolérance. Des supports pédagogiques sur l’holocauste rom sont également fournis.

13.Les enfants roms et les enfants issus des autres groupes ethniques étudient ensemble dans les mêmes classes. Cependant, les enfants roms manquent souvent l’école et leurs parents semblent fréquemment se désintéresser de l’éducation de leurs enfants. En particulier, les enseignants ont noté que souvent, les parents roms ne préparaient pas adéquatement la scolarité de leurs enfants et les enfants roms entrent à l’école avec un vocabulaire limité ou s’expriment avec difficulté. Les enseignants doivent accorder une attention particulière à ces enfants pour assurer leur bonne intégration dans l’environnement scolaire. Des efforts sont en cours pour associer plus étroitement les parents roms à l’éducation de leurs enfants.

14.De surcroît, afin de créer un environnement favorable à l’étude pour les enfants roms, les autorités ukrainiennes ont créé un centre ouvert 24 heures sur 24 à leur intention, où ils peuvent, au besoin, résider.

15.Les pouvoirs publics travaillent à l’enregistrement de tous les ressortissants ukrainiens, notamment en leur délivrant des passeports. Les passeports ukrainiens ne précisent pas l’appartenance ethnique de leur détenteur. Nonobstant, en concertation avec les dirigeants roms, les autorités ukrainiennes ont établi qu’environ 2 800 Roms sans papiers vivaient en Ukraine, et qu’il se trouve parmi eux un grand nombre d’enfants.

16.Le Service des migrations œuvre au renforcement des liens avec la minorité rom d’Ukraine, et il poursuit ses efforts visant à mettre fin à la discrimination à son encontre et à l’encontre des autres minorités.

17.Quelque 88 associations culturelles roms ont été officiellement reconnues, et certaines travaillent avec des institutions roms paneuropéennes pour garantir que les Roms réalisent pleinement leurs droits et résolvent les problèmes spécifiques auxquels leurs communautés sont confrontées. De plus, l’Ukraine établit une gamme de mesures dans le cadre du Plan d’action du Conseil de l’Europe pour l’Ukraine. Il s’agit notamment de mesures visant à combattre les stéréotypes désobligeants et les préjugés au sujet des Roms, de promouvoir l’éducation de la minorité rom et de faciliter son insertion sociale.

18.L’histoire de l’holocauste rom est enseignée dans les établissements scolaires ukrainiens. Qui plus est, une cérémonie nationale en l’honneur des victimes de l’holocauste rom a été organisée devant le monument commémoratif de Babi Yar. Aussi, comme l’année 2011 était marquée par le soixante-dixième anniversaire des tragiques événements de Babi Yar, des cours consacrés à l’holocauste sont dispensés dans les établissements scolaires ukrainiens, conformément au plan d’action approuvé par le Cabinet ministériel.

19.M. Tikhonov (Ukraine), répondant aux questions du Comité à propos des agressions de ressortissants étrangers en Ukraine, dit que les ressortissants étrangers et nationaux sont également protégés par l’article 61 du Code pénal; les ressortissants étrangers, et notamment les réfugiés, peuvent donc être considérés comme des victimes d’agressions ciblés en raison de leur race, de leur nationalité ou de leurs préférences religieuses.

20.Comme cela se voit dans d’autres États européens, des groupes extrémistes et des organisations radicales se livrent à des agressions dirigées contre des membres des minorités ethniques et des étudiants étrangers. Il existe également des sites Internet qui adhèrent à l’idéologie néonazie.

21.Globalement, les Ukrainiens sont aussi tolérants que les autres. Cependant, des groupes radicaux, parmi lesquels l’Assemblée nationale ukrainienne et les Patriotes d’Ukraine tentent de diffuser des opinions d’extrême-droite. Le Ministère de l’intérieur surveille de près ce phénomène et a récemment créé une unité de lutte contre la cybercriminalité. Cette unité utilise des moyens technologiques modernes pour identifier les personnes qui militent en faveur de la haine ethnique et raciale ou du rejet du mode de vie, de la religion ou des croyances de certaines communautés. L’Ukraine coopère aussi avec les autorités de police d’autres pays pour traquer les groupes qui enregistrent de tels sites Internet à l’étranger.

22.La Commission nationale d’experts pour la protection des bonnes mœurs a publié des décisions concernant la conformité des contenus Internet avec la législation ukrainienne; ses décisions peuvent motiver l’engagement de procédures pénales à l’encontre des personnes qui diffusent des contenus illicites. En 2010, les autorités chargées des enquêtes ont engagé des poursuites dans plus de 160 affaires concernant des infractions à l’article 300 du Code pénal, qui interdit notamment la diffusion d’œuvres faisant l’apologie de la violence et de la cruauté, ou de l’intolérance et la discrimination raciales, nationales ou religieuses.

23.Les citoyens et les non-citoyens d’apparence non slave sont particulièrement exposés au risque d’être agressés par des groupes informels non enregistrés de skinheads. Ces groupes adoptent diverses idéologies de droite, mais tous prônent une idéologie politique basée sur la pureté raciale. L’émergence de tels groupes en Ukraine est un phénomène récent qui a été facilité par l’accès à des sites Internet étrangers.

24.Des groupes de skinheads ont violemment agressé des personnes originaires d’Afrique ou d’Asie et ont été impliqués dans plusieurs homicides de ressortissants étrangers. Ces groupes sont particulièrement nombreux dans la capitale ukrainienne, mais ils existent aussi dans d’autres villes. Les autorités de police sont extrêmement alarmées par cette évolution récente et prennent toutes les mesures possibles pour protéger les Ukrainiens et les ressortissants étrangers contre les agressions. Des départements spéciaux ont été établis dans tous les services de police régionaux pour enquêter sur les infractions commises à l’encontre de ressortissants étrangers, et la législation ukrainienne a été modifiée pour faciliter l’échange rapide de renseignements sur toutes les agressions qui se produisent.

25.De plus, une vaste gamme de mesures préventives a été mise en œuvre, telle que la création d’une base de données photographiques et d’empreintes digitales des personnes impliquées dans le mouvement skinhead. Ces personnes sont régulièrement convoquées pour être interrogées sur leurs activités, et les forces de l’ordre cherchent à modifier le comportement des membres des groupes de skinheads en prenant contact avec leurs familles. Les policiers en charge des délinquants juvéniles discutent aussi avec les membres du mouvement skinhead dans le but d’essayer de changer leur façon de penser. En outre, pour faciliter l’intervention rapide de la police en cas d’incident violent, l’itinéraire des patrouilles de police a été modifié pour les faire traverser les quartiers habités par un grand nombre d’étrangers.

26.Afin de faciliter les enquêtes sur les crimes de haine dirigés contre des étrangers et accroître leur efficacité, les autorités de police ukrainienne sont aussi en contact avec les ambassades des pays étrangers pour expliquer les caractéristiques du système juridique ukrainien et les exhorter à convaincre leurs ressortissants de l’importance de signaler promptement toute infraction dont ils pourraient être victimes. La police rencontre aussi les étudiants étrangers en Ukraine pour leur expliquer comment se produisent les crimes violents motivés par la haine et ce qu’ils doivent faire s’ils soupçonnent qu’une telle agression se prépare contre eux. Une ligne téléphonique d’urgence a aussi été mise en place pour permettre aux étrangers de contacter rapidement les autorités.

27.En coopération avec l’Institut pour le développement de l’Europe de l’Est, un ensemble coordonné de recommandations à l’intention des ressortissants étrangers vivant en Ukraine a été rédigé, et l’Ukraine a également élaboré des lignes directrices et des critères à l’intention des forces de police, pour aider les policiers à identifier les membres des organisations extrémistes. Le Ministère de l’intérieur conduit un travail d’infiltration en vue de prévenir de nouvelles agressions, conformément à la législation ukrainienne concernant les activités d’investigation et la lutte contre la criminalité organisée. Ces mesures ont été couronnées de succès. Bien que les agressions perpétrées par les groupes de skinheads n’aient pas cessé, les organisations de défense des droits de l’homme signalent que le nombre d’agressions motivées par la haine a considérablement diminué.

28.En ce qui concerne la question du sport, M. Tikhonov dit qu’il y a très peu de racisme dans le monde du sport ukrainien, et que de nombreux joueurs africains et d’autres étrangers jouent dans les principales équipes du pays. Cependant, avant, pendant et après les rencontres de football, des hooligans commettent des infractions, en particulier dans les villes ukrainiennes classées en première division; il s’agit d’un groupe spécifique de jeunes ayant des motivations radicales qui préoccupe particulièrement le Ministère de l’intérieur; celui-ci cherche à identifier ce type de mouvements et leurs meneurs, et il s’efforce de mettre en œuvre des mesures préventives pour éviter tout acte illicite.

29.Comme l’Ukraine doit accueillir le Championnat d’Europe de football en 2012, le Ministère a établi un groupe de travail permanent réunissant les parties prenantes concernées pour identifier les problèmes potentiels et faciliter la prévention et les enquêtes sur toute agression visant les supporteurs des équipes étrangères commise par des groupes extrémistes. Un grand nombre d’étrangers est attendu à l’occasion de cette manifestation en 2012, et les supporteurs radicaux ukrainiens et étrangers seront également surveillés. Dans ce domaine, la coordination se poursuit entre le Ministère et les autres autorités de police. L’Ukraine cherche aussi à apprendre de l’expérience d’autres États, notamment l’Afrique du Sud, qui a accueilli avec succès la Coupe mondiale de football en 2010; le pays est également en liaison avec ces États, entre autres, dans le cadre de l’Organisation internationale de police criminelle (Interpol) et de l’Office européen de police (Europol) en vue de garantir adéquatement la sécurité dans toutes les installations sportives qui seront utilisées lors du championnat.

30.M. Avtonomov félicite l’Ukraine d’avoir fait la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et d’avoir ratifié l’amendement à l’article 8, quoique malheureusement, celui-ci ne soit pas encore entré en vigueur. L’Ukraine a appliqué la Convention avec constance.

31.Lorsqu’il a fait référence aux organisations néofascistes et extrémistes, M. Avtonomov n’avait pas l’intention de laisser entendre qu’elles n’existent qu’en Ukraine. Ce problème est largement répandu. Les organisations les plus dangereuses sont peut-être celles qui, sans appeler directement au recours à la violence, dénaturent des principes universels comme ceux de justice, de maintien de l’ordre, de famille et de nation, de manière à créer une atmosphère propice à la violence.

32.Les organisations de ce genre en Ukraine partagent un langage commun avec des groupes similaires dans d’autres pays, comme la Fédération de Russie.

33.M. Maimeskul (Ukraine) dit que ce phénomène n’est en aucun cas propre à la société ukrainienne. Les autorités vont surveiller l’évolution de la situation et œuvrer à la prévention des problèmes.

34.M. Ewomsan dit qu’il n’avait nullement l’intention de suggérer que la société ukrainienne était moins tolérante que les autres; il souhaitait attirer l’attention sur le racisme et la xénophobie, qui ne constituent pas un problème uniquement ukrainien mais bien un phénomène qui se développe dans toute l’Europe. Pour comprendre ce phénomène, il importe d’en connaître les causes et il se demande si l’une de ces causes ne serait pas un échec politique.

35.M. Tikhonov (Ukraine) dit que les exemples décrits sont des cas isolés et ne correspondent pas à une tendance générale. L’Ukraine n’ignore pas l’incitation à la haine. Les personnes accusées d’avoir commis cette infraction sont poursuivies en vertu de l’article 161 du Code pénal. Des informations ont été fournies au sujet de cinq affaires de ce type.

36.M. Kut fait observer que selon le rapport de l’Ukraine (CERD/C/UKR/19-21), en 2001, quelque 671 Karaïtes et 204 Krymchaks, âgés de 60 ans en moyenne, vivaient en Crimée. Leur nombre était trop peu important pour qu’ils puissent être considérés comme un peuple minoritaire. Des mesures et un traitement spéciaux doivent être conçus pour eux parce qu’ils sont sur le point de disparaître, et parce que leur culture et leurs traditions uniques risquent d’être perdues. Au minimum, leur contribution à l’histoire de l’humanité devrait être répertoriée.

37.M. Kut s’enquiert des mesures élaborées pour combattre le racisme dans le sport. Ailleurs en Europe, ce phénomène est lié à la présence de mouvements d’extrême-droite.

38.M me Shpyniak (Ukraine) dit que les données statistiques fournies au sujet des Karaïtes et des Krymchaks sont exactes, mais qu’il existe aussi une génération moins âgée. L’État prend des mesures pour préserver leurs langues. Il existe trois écoles de langue karaïm et deux écoles de langue krymchak, qui scolarisent respectivement 25 et 24 élèves.

39.Le Comité d’État pour les minorités nationales et les religions a tenté de modifier la loi sur les langues minoritaires pour inclure les langues karaïm et krymchak. Malheureusement, ce comité a été supprimé, mais ses travaux seront poursuivis par un nouvel organe ministériel chargé de la politique linguistique.

40.M. Tikhonov (Ukraine) dit que le racisme est totalement étranger à la pratique sportive en Ukraine. Il ne se rappelle qu’une seule infraction commise contre un sportif au cours des quatre années précédentes. Il s’agissait d’un acte de violence commis sur la personne d’un joueur de basketball à Kiev, mais cet acte n’avait pas de motivation raciale. Si le racisme se manifeste dans les sports, des normes seront élaborées pour le combattre.

41.M. Diaconu demande si les accords de coopération culturelle en faveur des groupes minoritaires conclus par l’Ukraine avec les États voisins sont opérationnels et si les commissions créées pour superviser ces accords se réunissent régulièrement.

42.Le système judiciaire ukrainien ne contient aucune disposition prévoyant la reconnaissance de la responsabilité administrative ou civile en cas de discrimination raciale. Celle-ci ne justifie d’engager que des poursuites au pénal. Pourtant, le champ d’application du droit civil est beaucoup plus vaste; il permet de reconnaître une gamme plus étendue de formes de discrimination, comme cela se voit déjà dans de nombreux pays européens.

43.Un rapport de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance mentionne un site Internet du Ministère de l’intérieur contenant des propos insultants et discriminatoires à l’égard des Roms. M. Diaconu demande si la délégation pourrait fournir des informations au Comité sur ce point.

44.Il souhaiterait savoir si l’Ukraine a l’intention de ratifier la Convention de 1945 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie. Le Comité pourrait souhaiter recommander à l’Ukraine d’envisager de ratifier ces instruments.

45.M me Shpyniak (Ukraine) dit que les commissions établies pour superviser les accords culturels conclus par l’Ukraine avec les États voisins se réunissent et protègent efficacement les droits des minorités.

46.M. Yur’ev (Ukraine) confirme que la seule disposition juridique en place pour réprimer les actes de discrimination raciale est l’article 161 du Code pénal. Il n’est pas constitutionnellement possible d’engager des poursuites civiles ou administratives à raison d’actes discriminatoires. Si le projet de loi contre la discrimination est adopté, il deviendra possible de modifier le droit administratif et civil pour permettre d’invoquer ces dispositions dans le contexte d’actes de discrimination.

47.M. Tikhonov (Ukraine) dit qu’actuellement, les propos haineux ne peuvent être réprimés qu’en application du Code pénal. Plusieurs affaires de cette nature ont été jugées. Avant que la législation ne soit modifiée, les codes administratif et civil ne peuvent être appliqués aux propos haineux.

48.M. Maimeskul (Ukraine) dit que son pays inclura des renseignements sur la possibilité de ratifier la Convention relative au statut des apatrides et la Convention sur la réduction des cas d’apatridie dans son prochain rapport périodique.

49.M. de Gouttes dit avoir écouté avec grand intérêt les observations de la délégation sur les circonstances de la montée de l’extrémisme, la propagation des organisations racistes et l’augmentation du nombre d’agressions d’étrangers, en particulier étudiants, en Ukraine. Il s’agit de phénomènes rencontrés dans de nombreux États partie à la Convention et le Comité s’est efforcé d’en identifier les facteurs sous-jacents. Internet, par exemple, permet aux organisations extrémistes de diffuser leurs idées xénophobes. Cependant, le rôle des politiciens et des partis politiques doit également être souligné. La liberté d’expression est souvent invoquée de manière injustifiable pour justifier les propos haineux dans des contextes politiques. La recommandation générale no 15, adoptée en 1993 par le Comité, indique clairement que le principe de la liberté d’expression est parfaitement compatible avec la nécessité de poursuivre ceux qui diffusent des idées fondées sur la supériorité raciale. M. de Gouttes est confiant dans le fait que l’Ukraine prendra des mesures pour s’assurer que les personnalités politiques rendent compte des déclarations qui entrent dans cette catégorie.

50.Un autre facteur sous-jacent réside dans l’absence de loi contre le racisme. M. de Gouttes recommande au Parlement ukrainien d’adopter le projet de loi contre la discrimination dans les meilleurs délais. Le Code civil devrait également disposer de l’octroi de réparations aux victimes de crimes racistes.

51.M. Maimeskul (Ukraine) dit que le Gouvernement mène une action énergique pour faire barrage aux manifestations d’extrémisme. Il assure le Comité que le prochain rapport périodique contiendra des renseignements détaillés sur les progrès accomplis à cet égard.

52.Le Président dit que les changements radicaux opérés par l’Ukraine, qui est passée d’un régime centralisé et d’une économie dirigée à un système décentralisé dans lequel les personnes jouissent de la liberté de choisir, ont également donné naissance à certaines tendances néfastes, comme l’économie de la «carte blanche».

53.L’anonymat offert par Internet peut être propice à l’apparition de propos haineux, virulents et insultants, voire à la cybercriminalité.

54.Les manifestations sportives conduisent également à des conduites racistes violentes dans bien des cas.

55.M. Maimeskul (Ukraine) dit que l’Ukraine, un pays aux traditions profondément ancrées, ayant existé depuis des milliers d’années, n’a paradoxalement connu que 20 années d’indépendance. Certes, la liberté et l’indépendance ont du bon et du mauvais, mais elles sont préférables à leur contraire.

56.M. Thornberry (Rapporteur pour l’Ukraine) dit que le dialogue du Comité avec la délégation a permis de traiter un vaste éventail de questions. À propos des réformes proposées en vue de renforcer la gouvernance et les arrangements institutionnels, le Rapporteur dit que la Convention ne propose aucun schéma directeur dans ce domaine. Il se félicite de l’idée de créer un organe spécial pour coordonner la lutte contre la discrimination raciale. La visibilité et la clarté institutionnelles, associées à une réponse juridique exhaustive sont aussi de grande importance.

57.La ratification de traités internationaux est une décision relevant de la souveraineté nationale de chaque État partie. Cependant, le Comité attache une importance particulière à certains traités qui régissent des thèmes liés à la Convention.

58.Le Rapporteur espère que le projet de loi contre la discrimination sera bientôt promulgué. Comme le Comité est attaché au suivi de ce projet de loi, il pourrait faire partie des questions à traiter en priorité dans le cadre d’un rapport de suivi, à présenter sous un an. Une loi unique n’est pas obligatoire, mais le Rapporteur convient qu’il s’agirait là d’un moyen utile pour focaliser l’attention sur l’ensemble des questions concernées. Les archives du Comité et celles d’autres organes internationaux abondent en exemples pouvant orienter le législateur sur les qualités que doit réunir une bonne législation contre la discrimination, par exemple le fait de prévoir une responsabilité administrative et civile, pour compléter la responsabilité pénale.

59.Il est essentiel de trouver un juste milieu entre l’interdiction des propos haineux et la protection du principe de la liberté d’expression. Comme l’article 4 de la Convention est assez exigeant à cet égard, le Rapporteur se joint à M. de Gouttes pour renvoyer l’État partie à la recommandation générale no 15 du Comité, et il attire en outre l’attention de la délégation sur l’observation générale no 34 relative au droit à la liberté d’expression, adoptée par le Comité des droits de l’homme en juillet 2011. À propos des propos haineux dirigés contre les minorités et les autres groupes vulnérables, le Rapporteur recommande un document intitulé «Principes de Camden sur la liberté d’expression et l’égalité», publié par une ONG dénommée ARTICLE 19.

60.Le Rapporteur convient avec M. de Gouttes que les déclarations des personnalités politiques peuvent donner le ton à l’ensemble de la société.

61.Il se félicite de la création du Service des migrations et de l’idée d’apporter un soutien à l’intégration des migrants, en tant que futurs citoyens ukrainiens potentiels. Il salue également l’organisation d’un séminaire sur les mineurs non accompagnés.

62.Quand la question des groupes vulnérables, comme celui des Roms, est examinée, l’aspect linguistique est parfois sous-estimé. Le Rapporteur apprécie les recommandations de La Haye concernant les droits des minorités nationales à l’éducation, publiées par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), les Recommandations d’Oslo sur les droits linguistiques des minorités nationale (OSCE), et celles du premier Forum de l’ONU sur les questions relatives aux minorités. La question de l’éducation des Roms est particulièrement complexe. Il n’est pas facile de déterminer quel type d’école est le mieux adapté aux besoins de cette communauté. Les établissements scolaires normaux peuvent être perçus par les enfants roms comme un environnement étranger, et ils risquent d’être soumis à une discrimination par leurs enseignants et camarades de classe. Le Rapporteur note avec intérêt l’idée de nommer des médiateurs pour faire le lien entre les établissements scolaires et les communautés.

63.Bien que les organisations extrémistes soient peu nombreuses en Ukraine, le Rapporteur souhaiterait obtenir des éclaircissements sur les procédures applicables à leur enregistrement et leur démantèlement.

64.Sur Internet, les réseaux sociaux sont soumis aux mêmes principes régissant la liberté d’expression que les autres médias, mais ils suscitent des inquiétudes particulières. Le Rapporteur ne pense pas que des médias sociaux comme Facebook et Twitter soient concernés par la phrase de l’article 4 b) de la Convention concernant les organisations de propagande. Dans l’article 4, d’autres références aux activités de propagande pourraient mieux s’appliquer. Cependant, les médias sociaux peuvent aussi jouer un rôle pédagogique et l’on est en droit d’espérer que les arguments censés l’emporteront. Dans ce contexte, le Rapporteur attire l’attention sur les troubles qui ont récemment agité le Royaume-Uni, dans lesquels les réseaux sociaux ont fini par jouer un rôle positif, en permettant de rapprocher les gens.

65.Il note que le Championnat européen de football de 2012 risque fortement de générer des tensions interethniques, et pas uniquement parmi les fans ukrainiens.

66.À propos des observations de M. Kut concernant les Karaïtes et les Krymchaks, le Rapporteur suggère que des mesures spéciales telles que celles envisagées dans la recommandation générale no 32 seraient appropriées. En définitive, la capacité de prospérer des groupes qui sont actuellement en déclin dépend de la volonté de leurs membres. Un soutien accordé par l’État pourrait permettre d’inverser la tendance, et une approche fondée sur les droits pourrait aider ces groupes à faire face au changement. Cependant, quand le point de non retour est atteint, il devient extrêmement difficile de préserver leur vie culturelle.

67.La base statistique concernant les relations ethniques devrait être élargie, d’une manière conforme aux principes de respect de la vie privée, d’anonymat et d’auto‑identification.

68.D’une manière générale, les difficultés auxquelles l’État partie est confronté sont théoriquement et concrètement complexes. L’Ukraine doit faire face à de nombreux défis, et notamment à une évolution de sa démographie. Quand des pays ayant une population relativement stable commencent à attirer un grand nombre d’immigrés, une foule de nouveaux problèmes doit être réglée. La capacité d’auto-évaluation et une manière constructive d’envisager les difficultés en question sont les signes d’une bonne gouvernance.

69.M. Maimeskul (Ukraine) dit que son pays entend maintenir une relation constructive avec le Comité et continuer à n’épargner aucun effort pour respecter ses obligations internationales.

La séance est levée à 12 h 40.