Nations Unies

CERD/C/SRB/CO/2-5/Add.1

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

27 décembre 2018

Français

Original : anglais

Anglais, espagnol et français seulement

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport de la Serbie valant deuxième à cinquième rapports périodiques

Additif

Renseignements reçus de la Serbie au sujet de la suite donnée aux observations finales *

[Date de réception : 12 décembre 2018]

Introduction

1.La délégation serbe a présenté son rapport valant deuxième à cinquième rapports périodiques consacré à la mise en œuvre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale à sa quatre-vingt-quatorzième session, tenue à Genève, les 21 et 22 novembre 2017. Conformément au paragraphe 35 des observations finales du Comité (CERD/C/SRB/CO/2-5), dans lequel le Comité a demandé à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 16 et 17, la Serbie rend compte, dans le présent document, de ce qui a été fait pour donner suite auxdites recommandations.

I.Suite donnée aux recommandations contenues au paragraphe 16 des observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale concernant les efforts déployés par l’État partie pour appliquer l’article 54 a) du Code pénal, notamment en veillant à ce que tous les incidents signalés, les enquêtes, les poursuites, les sanctions et les réparations relatives à des crimes de haine raciale soient consignés ; en faisant en sorte que des sanctions proportionnées à la gravité des crimes de haine raciale soient imposées aux auteurs de tels actes et que les victimes obtiennent une réparation pleine et entière ; en désignant, dans les services chargés du maintien de l’ordre, des personnes à contacter en cas d’incident à caractère raciste, en dispensant à ces personnes une formation sur la manière de mener des enquêtes, et en veillant à ce qu’elles entretiennent un dialogue suivi avec les groupes cibles pour que les crimes de haine raciale soient correctement signalés

2.La Serbie a fait de la lutte contre les crimes de haine une priorité. Résolue à adhérer à l’Union européenne, elle a intégré les questions de racisme et de xénophobie dans le plan d’action relatif au chapitre 23 de négociation « Pouvoir judiciaire et droits fondamentaux », qui énonce un ensemble de mesures propres à promouvoir l’élimination du racisme et de la xénophobie.

3.À cette fin, il a été décidé d’organiser des formations conjointes à l’attention des juges, des procureurs et des fonctionnaires de police afin de leur donner les connaissances et les qualifications approfondies requises pour poursuivre efficacement les auteurs de crimes de haine et faire en sorte que les sanctions prononcées à leur encontre soient à la mesure de la gravité des crimes commis. Ces formations ont pour but d’inculquer aux juges, aux procureurs et aux fonctionnaires de police une connaissance approfondie des dispositions de l’article 54 a) du Code pénal et, en particulier, de la possibilité d’introduire l’élément de subjectivité du motif de haine, de formuler les chefs d’accusation et d’invoquer cet article dans l’explication du jugement. Ces formations thématiques visent précisément à améliorer les compétences requises pour intégrer les aspects les plus exigeants des enquêtes, en particulier la possibilité de mettre en lumière le caractère haineux de l’infraction. Cela devrait conduire à une invocation plus large de l’article 54 a) du Code pénal et améliorer l’efficacité des jugements.

4.La Serbie mène un ensemble d’activités afin de mieux appliquer l’article 54 a) du Code pénal. Conformément à l’instruction A. no 802/15 du Procureur de la République en date du 22 décembre 2015, les cours d’appel, les juridictions supérieures et les parquets ordinaires consignent systématiquement dans des registres séparés les données relatives aux crimes de haine relevant de l’article 54 a) du Code pénal. Les données concernent les auteurs, les parties lésées, les infractions pénales, les mesures prises, les décisions rendues par les parquets et les juges et les motifs des infractions commises. Conformément à la même instruction, les parquets compétents soumettent au Bureau du Procureur de la République des rapports trimestriels contenant les renseignements et les données provenant de ces registres spéciaux.

5.Dans le cadre de leurs attributions, les services chargés d’informer et d’appuyer les parties lésées et les témoins, mis en place dans tous les parquets de niveau supérieur et dans le parquet de première instance de Belgrade, dans le Bureau du Procureur chargé des crimes de guerre et dans le Bureau du Procureur chargé de la criminalité organisée, prennent des mesures pour évaluer en temps voulu et au cas par cas les besoins de la partie lésée en portant une attention particulière au caractère potentiellement discriminatoire de l’infraction pénale qui lui a valu de faire l’objet de mesures de protection au sens de l’article 54 a) du Code pénal, qui est d’une importance particulière pour les victimes de crimes de haine.

6.Il a été décidé, en application de l’instruction générale obligatoire O. no 4/2018 du Procureur de la République en date du 28 septembre 2018, de désigner les procureurs comme points de contact pour les crimes de haine relevant de l’article 54 a) du Code pénal dans tous les parquets des cours d’appel, des juridictions supérieures et des tribunaux ordinaires.

7.Les personnes de contact sont les procureurs et/ou les procureurs adjoints chargés des tâches suivantes :

Suivi de l’enregistrement des crimes de haine conformément à l’instruction A. no 802/15 du Procureur de la République en date du 22 décembre 2015 ;

Suivi des activités menées dans le cadre de ces affaires pénales ;

Consultations avec le magistrat en charge de l’affaire ;

Échanges avec la partie lésée/la victime ;

Échanges avec l’officier de police compétent ; et

Échanges avec les organisations spécialisées de la société civile qui prêtent assistance aux victimes de crimes de haine.

8.Pour identifier et mieux comprendre les crimes de haine, enquêter de façon efficace et performante sur ces crimes et engager des poursuites pénales contre leurs auteurs conformément aux normes internationales, des directives relatives aux poursuites pénales des auteurs de crimes de haine en Serbie ont été élaborées et publiées à l’attention des procureurs.

9.L’élaboration de ces directives a constitué l’aboutissement des efforts entrepris par les représentants du Bureau du Procureur de la République, de la Commission des juristes pour les droits de l’homme (YUCOM) et de la Mission de l’OSCE en Serbie. Les directives sont un exemple de la coopération de qualité entre l’État et la société civile.

10.Il est prévu de présenter les directives à l’occasion de quatre séminaires que l’Académie judiciaire et le Bureau du Procureur de la République organiseront d’octobre à décembre 2018 avec l’appui de la Mission de l’OSCE en Serbie. Lors de ces séminaires, 100 procureurs et procureurs adjoints seront formés à la façon d’engager des poursuites pénales contre les auteurs de crimes de haine et d’appliquer les directives.

II.Suite donnée aux recommandations contenues au paragraphe 17 des observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale concernant les statistiques détaillées, ventilées par origine ethnique, indiquant le nombre et la nature des crimes de haine raciale signalés, les poursuites engagées et les condamnations prononcées, et la réparation obtenue par les victimes, ainsi que les statistiques sur le nombre de cas qui sont encore en instance devant le Bureau du Procureur de la République et devant les tribunaux

11.L’article 54 a) du Code pénal a été invoqué pour la première fois en octobre dernier. En d’autres termes, un tribunal a, pour la première fois, retenu le motif de haine comme circonstance aggravante pour prononcer une condamnation.

12.Ce jugement a été rendu le 17 octobre 2018 par le tribunal de première instance de Belgrade, qui a suivi les réquisitions du Parquet de première instance de Belgrade contre le défendeur Z. S., accusé de violence domestique en vertu du paragraphe 1 de l’article 194 du Code pénal, infraction qualifiée de crime de haine commis en raison de l’orientation sexuelle de la victime.

13.Dans son chef d’accusation, le parquet a estimé que la haine était le motif qui avait poussé l’auteur à commettre l’infraction. Il est parvenu à démontrer au cours de la procédure que le défendeur avait commis l’infraction en question car il éprouvait de la haine pour son fils en raison de son orientation sexuelle et que son comportement violent envers son épouse et son fils était lié aux préjugés et à la haine envers le groupe auquel ce dernier appartenait.

14.Ce jugement est important non seulement pour la protection des droits des personnes LGBT, mais encore pour la protection des droits des autres groupes vulnérables, et il fera sans aucun doute jurisprudence pour de prochaines affaires analogues.

15.Selon les données du Ministère de l’intérieur, sept infractions pénales caractérisées par l’incitation à la haine et à l’intolérance nationale, raciale et religieuse ou liées à la discrimination raciale et à d’autres formes de discrimination ont été commises entre le 1er décembre 2017 et le 30 septembre 2018. Les procédures ont été conduites à leur termes pour cinq de ces infractions et cinq personnes ont été mises en examen.

16.Le Ministère de l’intérieur a souligné que ces infractions pénales n’avaient pas été commises par haine raciale, mais que les victimes appartenaient à des groupes nationaux différents (deux personnes de souche serbe, deux de souche rom, une de souche croate, une de souche bulgare et une de souche hongroise).

17.Des mises en accusation ont été prononcées pour six infractions relevant de l’article 317 du Code pénal (incitation à la haine et à l’intolérance nationale, raciale et religieuse).

18.Le Bureau du Procureur de la République dispose de statistiques qui permettent d’affirmer qu’au cours de la même période, 13 personnes ont été mises en examen pour incitation à la haine et à l’intolérance nationale, raciale et religieuse en vertu de l’article 317 du Code pénal.

19.L’infraction a été commise à l’encontre de 15 personnes, dont quatre personnes de souche serbe, deux de souche albanaise, quatre de souche croate, quatre de souche rom et une de souche indéterminée (« autre »).

20.Selon le Bureau du Procureur de la République, les infractions signalées étaient caractérisées par des menaces à la sécurité des victimes.

21.S’agissant des décisions rendues par les parquets, les charges initialement retenues contre neuf personnes ont été abandonnées ; les procureurs s’attachent encore à réunir les preuves des infractions contre trois mis en cause ; et une personne a été inculpée et traduite devant un tribunal.

22.En ce qui concerne l’infraction pénale de discrimination raciale et autres formes de discrimination, laquelle relève de l’article 387 du Code pénal, selon les données du Ministère de l’intérieur, entre le 1er décembre 2017 et le 30 septembre 2018, une mise en accusation a été prononcée.

23.Il ressort des données du Bureau du Procureur de la République pour la même période que six personnes ont été mises en examen pour des actes relevant de l’article 387 du Code pénal. Les infractions en question ont été commises envers cinq personnes, plus précisément envers deux personnes de souche serbe, deux de souche rom et une de souche indéterminée (« autre »).

24.Selon le Bureau du Procureur de la République, les infractions signalées étaient caractérisées par des menaces à la sécurité des victimes.

25.S’agissant des décisions rendues par les procureurs, les charges initialement retenues contre deux personnes ont été abandonnées et les procureurs s’attachent encore à réunir les preuves des infractions contre quatre mis en cause.

26.S’agissant des mesures que la Serbie prend pour protéger les victimes d’infractions pénales, le Ministère de la justice a mis sur pied le Groupe de travail chargé d’élaborer la Stratégie de promotion des droits des victimes et des témoins de crimes. Les compétences requises aux fins de l’élaboration de ce document ont été mobilisées dans le cadre du projet pour l’assistance aux victimes et aux témoins de crimes en Serbie, financé par le fonds IAP 2016 de l’Union européenne et exécuté par la Mission de l’OSCE en Serbie. Le Groupe de travail s’est déjà réuni à trois reprises et selon le calendrier qu’il a adopté, la Stratégie devrait voir le jour d’ici à la fin de 2018.

27.La Stratégie a pour but de parvenir à une harmonisation complète avec la Directive 2012/29/UE établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité, de mettre en place un réseau national de services d’appui et de promouvoir le droit de déposer des recours juridiques pour être indemnisé d’un préjudice matériel résultant d’une infraction pénale.

28.La mise en œuvre de la Stratégie permettra de rendre la protection des victimes, notamment des victimes de crimes de haine, conforme aux normes internationales les plus élevées en la matière.

29.Toujours en ce qui concerne l’appui aux victimes, la Cour suprême de cassation a créé un Groupe de travail composé de juges de différents niveaux de juridiction et chargé d’élaborer des lignes directrices et des recommandations pour une application pratique et efficace des règles juridiques en vigueur dans le cadre des procédures d’indemnisation des victimes d’infractions pénales graves, dans le respect des normes internationales en la matière, voire de formuler des recommandations visant à modifier le cadre juridique actuel.