NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/SR.1631

11 mars 2004

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑quatrième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1631e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le vendredi 5 mars 2004, à 10 heures

Président: M. YUTZIS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Quinzième et seizième rapports périodiques du Népal (suite)

SUIVI DE LA CONFÉRENCE MONDIALE CONTRE LE RACISME, LA DISCRIMINATION RACIALE, LA XÉNOPHOBIE ET L’INTOLÉRANCE QUI Y EST ASSOCIÉE

Compte rendu de la réunion du Groupe de travail intergouvernemental sur l’application effective de la Déclaration et du Programme d’action de Durban et suite à donner à la demande de ce dernier invitant le Comité à envisager d’évaluer la mise en œuvre actuelle de la Convention

La séance est ouverte à 10 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION(point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Quinzième et seizième rapports périodiques du Népal (CERD/C/452/Add.2) (suite)

Sur l’invitation du Président, la délégation népalaise reprend place à la table du Comité.

1.M. ACHARYA (Népal) dit que la discrimination fondée sur la caste est profondément ancrée dans la société népalaise, mais que le Népal n’épargne aucun effort pour remédier à cette situation. Toutes les dispositions juridiques requises ont été adoptées pour mieux intégrer les communautés autochtones et les groupes de castes inférieures (tels que les Dalits) et un large éventail de programmes de lutte contre la pauvreté ont été entrepris dans le cadre du dixième Plan (2003‑2007). Des dispositions ont également été prises pour améliorer la représentation des communautés autochtones au Parlement et dans les institutions locales. Par ailleurs, le Gouvernement a décidé d’autoriser l’emploi d’une langue autre que le népalais dans les institutions locales. Cette deuxième langue de travail sera choisie parmi celles parlées par le plus grand nombre d’autochtones à l’échelon local.

2.M. BISHWAKARMA (Népal) dit que la Commission nationale pour les Dalits a été créée en 1996 dans le but de lutter contre la discrimination à l’égard des membres de cette caste qui ont le statut socioculturel et économique le plus bas de toutes les catégories sociales. Composée de 10 membres nommés par le Gouvernement et représentant les multiples organisations dalits, la Commission est chargée de mettre en œuvre des programmes de sensibilisation, de scolarisation et de formation continue et de prendre des mesures visant à mieux intégrer les Dalits dans la société. Elle élabore également des programmes radiophoniques pour faire connaître les Dalits au reste de la population. Toutefois, la Commission dispose d’une marge de manœuvre relativement limitée et le Gouvernement entend adopter des lois étendant ses compétences. Étant donné que la pauvreté et la marginalisation des Dalits, qui composent 20 % de la population, inquiètent au plus haut point les autorités népalaises, des programmes de développement local et de création de revenus ont été mis en œuvre à leur intention.

3.M. RAJBANSI (Népal) dit que la Fondation nationale pour le développement des communautés autochtones a été créée en 2002 afin de promouvoir le respect des droits fondamentaux des communautés. Elle a adopté un vaste plan d’action qui met l’accent sur l’alphabétisation des communautés dans 10 langues maternelles, la publication de dictionnaires dans cinq langues et la mise en œuvre de programmes de création de revenus. Elle réalise également des études et des travaux de recherche sur les différentes communautés autochtones du pays.

4.M. ACHARYA dit que la loi relative à l’aide juridictionnellevise à faire appliquer le principe selon lequel l’État a l’obligation d’améliorer l’accès à la justice des personnes économiquement démunies et d’autres groupes défavorisés, tels que les Dalits, les femmes et les communautés autochtones. Une aide juridictionnelle gratuite est fournie dans certains districts, mais le Népal envisage de l’étendre à l’ensemble du territoire afin que tous les citoyens puissent être représentés en justice conformément aux principes de l’État de droit népalais.

5.Par ailleurs, M. Acharya signale que les tribunaux compétents ont été saisis d’un petit nombre d’affaires de discrimination raciale ou de discrimination fondée sur l’appartenance à une caste. Ces affaires, qui ont généralement trait à un refus d’accès à des lieux publics ou à des temples, sont toujours pendantes.

6.Dans le domaine de l’éducation et de la sensibilisation, M. Acharya appelle l’attention du Comité sur le fait que les normes internationales et les principes fondamentaux relatifs aux droits de l’homme sont enseignés dans les écoles supérieures et les universités. Un programme global d’éducation aux droits de l’homme, destiné à être incorporé dans tous les programmes scolaires du pays, est également en cours d’élaboration. Différents programmes de formation aux droits de l’homme destinés aux magistrats, aux juristes des administrations civiles, aux membres des forces armées et aux personnels responsables de l’application des lois sont également mis en œuvre en collaboration avec des ONG. Compte tenu des ressources limitées dont dispose le pays, la mise en œuvre de ces programmes aurait tout à gagner d’un renforcement de la coopération internationale. Dans le même ordre d’idées, des programmes destinés à renforcer les capacités des membres des comités de médiation mentionnés au paragraphe 86 du rapport (CERD/C/452/Add.2) ont été engagés avec la collaboration d’ONG et des autorités locales.

7.Enfin, M. Acharya précise que la Commission nationale des droits de l’homme, dont l’une des missions est de connaître des plaintes individuelles concernant des violations des droits de l’homme, notamment des cas de discrimination fondée sur l’appartenance à une caste, est régulièrement consultée par les différentes commissions parlementaires chargées de l’examen des projets de lois.

8.M. BOYD se dit conscient de la difficulté de traduire les dispositions légales proscrivant la discrimination dans la réalité d’un pays doté d’une longue histoire et d’une tradition forte et largement touché par l’analphabétisme et la pauvreté. Évoquant la mise en place de systèmes d’adduction d’eau distincts pour les Dalits et le reste de la population par les autorités locales de certains villages, exemple typique de traitement discriminatoire imposé par une administration, M. Boyd aimerait savoir s’il existe une structure ou un organisme relevant du Gouvernement et ayant l’autorité et les capacités nécessaires pour contrôler et coordonner la mise en œuvre des mesures de lutte contre la discrimination et pour veiller à ce qu’aucune action menée par l’une ou l’autre administration ne soit contre-productive en la matière.

9.M. de GOUTTES se félicite de la création de la Commission nationale des Dalits et du fait qu’elle est composée exclusivement de Dalits. Il aimerait toutefois savoir de quelle façon l’action de cette commission va s’articuler avec celle de la justice et demande que figurent, dans le prochain rapport périodique de l’ État partie, des renseignements sur les cas de discrimination dont cette commission aura été saisie.

10.M. SHAHI reconnaît qu’il est nécessaire d’adopter une approche globale dans le domaine de la lutte contre la discrimination fondée sur l’appartenance à une caste et qu’il faut du temps pour faire évoluer les mentalités dans une société très marquée par la tradition. Toutefois, il estime qu’il conviendrait de déployer davantage d’efforts pour appliquer effectivement les dispositions pénales relatives à la lutte contre la discrimination, de façon à faire régresser le sentiment d’impunité que semblent éprouver les personnes qui appartiennent aux castes supérieures dans leurs relations avec les Dalits et qui explique bon nombre d’actes de discrimination et de mauvais traitements que ces derniers subissent dans leur vie quotidienne.

11.M. PILLAI est favorable à une approche holistique du problème de la discrimination fondée sur la caste, ce qui suppose de définir avec précision les problèmes dont souffre la communauté dalit et d’identifier les besoins des communautés défavorisées.

12.M. ACHARYA (Népal) reconnaît qu’il est très important pour le Népal de disposer d’un cadre institutionnel et juridique effectif de lutte contre la discrimination. La Commission népalaise des droits de l’homme a été créée en 2001, précisément parce que le Gouvernement népalais était et reste convaincu que seule une approche exhaustive, à long terme et intégrée du problème de la discrimination fondée sur la caste, permettra de modifier réellement les mentalités et de créer un État de droit pour toutes les communautés népalaises. Du reste, cette commission élabore actuellement un projet de loi pour le développement de la communauté dalit.

13.Une part importante des activités de la Commission des droits de l’homme est consacrée aux programmes de sensibilisation aux droits de l’homme et aux questions relatives à la discrimination raciale organisés à l’intention de la population, du personnel judiciaire, des avocats, et de la police, notamment. La Commission est par ailleurs habilitée à recevoir des plaintes et à se saisir de sa propre initiative de toute affaire relative à une violation des droits de l’homme.

14.M. Acharya indique en outre que les ONG ont été étroitement associées à la préparation du rapport à l’examen et qu’elles participent activement à tous les efforts déployés par les autorités pour éliminer la discrimination dont sont l’objet les groupes de castes inférieures. En partenariat avec les ONG, le Gouvernement a également élaboré des directives en matière de procédure pénale qui tiennent compte des instruments relatifs aux droits de l’homme.

15.M. KJAERUM (Rapporteur pour le Népal) se félicite que les autorités de l’Etat partie s’interrogent sur les moyens de changer la perception de la communauté dalit dans l’opinion publique népalaise et d’intégrer toutes les communautés dans la société civile. Il est évident que le processus sera long car il n’est pas possible de changer en un jour un système vieux de 3 000 ans. Il importe donc que les autorités poursuivent et accélèrent les efforts en ce sens.

16.M. Kjaerum note également que les explications fournies par la délégation ont permis d’éclaircir certains points importants et de mieux comprendre la structure du droit civil et pénal népalais. Toutefois, certaines questions devraient être précisées dans le prochain rapport périodique de l’État partie.

17.Pour ce qui est des mécanismes de mise en œuvre de la législation des droits de l’homme, le Rapporteur se félicite de la création de la Commission nationale des droits de l’homme, de la Commission nationale pour les Dalits, et du Comité national pour le développement des nationalités, notamment, mais souligne que ces organismes ont été créés très récemment et qu’ils n’ont sans doute pas encore acquis suffisamment de poids institutionnel pour réellement faire évoluer la situation. À cet égard, il y a lieu d’espérer que la Commission nationale pour les Dalits bénéficie d’une plus grande indépendance. La création du Comité de médiation atteste clairement de la volonté du Gouvernement népalais de renforcer les capacités institutionnelles dans le domaine de la lutte contre la discrimination fondée sur la caste. Il faut poursuivre dans cette voie.

18.M. ACHARYA (Népal) estime que le dialogue avec les membres du Comité a été réellement fécond et qu’il a permis de mieux identifier la voie à suivre pour éliminer toutes les 

formes de discrimination raciale. Le processus sera long et le Népal aura besoin de la coopération internationale pour que ses efforts soient reconnus et que les défis auxquels il est confronté soient adéquatement pris en compte.

19. La délégation népalaise se retire.

La séance est suspendue à 12 heures; elle est reprise à 12 h 20.

SUIVI DE LA CONFÉRENCE MONDIALE CONTRE LE RACISME, LA DISCRIMINATION RACIALE, LA XÉNOPHOBIE ET L’INTOLÉRANCE QUI Y EST ASSOCIÉE (point 9 de l’ordre du jour) (suite)

Compte rendu de la réunion du Groupe de travail intergouvernemental sur l’application effective de la Déclaration et du Programme d’action de Durban et suite à donner à la demande de ce dernier invitant le Comité à envisager d’évaluer la mise en œuvre actuelle de la Convention

20.Mme JANUARY-BARDILL dit qu’au début de février 2004, M. Diaconu, alors Président du Comité, M. Pillai et elle-même ont pris part à la réunion du Groupe de travail intergouvernemental sur l’application effective de la Déclaration et du Programme d’action de Durban qui s’est tenue sur le thème de l’efficacité des normes existantes en matière de lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée et la possibilité d’en élaborer de nouvelles. Elle précise que chacun d’entre eux s’est exprimé en son nom propre, compte tenu de ce que les membres du Comité n’avaient pas encore eu l’occasion de débattre de ce sujet et, partant, ne pouvaient se prononcer d’une seule voix sur la question.

21.Mme January-Bardill expose aux membres du Comité l’argument qu’elle a fait valoir devant le Groupe de travail intergouvernemental que, si en dépit des nombreux instruments régionaux et internationaux de lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée et du grand nombre de pays qui ont ratifié les sept principaux instruments en la matière et consacré le principe de non-discrimination dans leur Constitution, ces phénomènes continuent de resurgir partout dans le monde, c’est que la volonté politique de trouver de réelles solutions fait défaut. Il existe en effet de nombreux cadres juridiques qui interdisent le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, mais les lois pertinentes sont transgressées en toute impunité à la fois par les institutions et les particuliers. En outre, les États refusent de reconnaître que le racisme s’est banalisé dans de nombreuses sociétés, et qu’il faudra bien plus qu’un renforcement des instruments existants ou la création de nouveaux mécanismes pour faire face à ce problème. Ce n’est qu’en adoptant des politiques visant une réelle égalité de traitement qu’il sera possible de mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban.

22.Mme January-Bardill explique que le Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, dans le cadre du mandat qui lui a été confié de veiller à la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, demande au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, comme aux autres organes conventionnels, de procéder à une évaluation de l’efficacité de ses travaux. Elle demande donc aux membres du Comité d’indiquer ce qu’ils pensent être la meilleure façon de s’acquitter de cette tâche.

23.M. SICILIANOS estime qu’il serait bon que les experts qui ont participé à la réunion du Groupe intergouvernemental rédigent avec l’aide du secrétariat un projet de réponse qui pourra servir de base à la réflexion des membres du Comité sur le sujet. Il considère, comme Mme January-Bardill, que la nécessité n’est pas tant de créer de nouvelles normes internationales que de veiller au respect des instruments existants.

24.M. de GOUTTES partage, lui aussi, le point de vue de Mme January-Bardill, et souhaite que l’accent soit mis dans le document de réponse sur les nouveaux moyens dont s’est doté le Comité au fil des ans pour garantir une meilleure application de la Convention, dont les rapporteurs par pays, la procédure de bilan applicable aux pays dont les rapports sont très en retard et enfin les mesures d’urgence et la procédure d’alerte rapide. Selon M. de Gouttes, il faut insister sur ce que le Comité a besoin pour être plus efficace, de l’appui des gouvernements et du secrétariat.

25.M. AMIR souhaite lui aussi que les multiples efforts déployés par le Comité en vue d’une meilleure mise en œuvre de la Convention soient soulignés et que le Comité, dont le mandat est précisément de lutter contre le racisme, la discrimination raciale et la xénophobie sous toutes ses formes, participe plus activement au processus de suivi de la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban. Pour cela, il devrait prendre part à toutes les réunions d’experts et autres réunions intergouvernementales touchant cette question.

26.M. PILLAI dit que la mission qui a été assignée au Comité d’évaluer l’efficacité de la mise en œuvre de la Convention s’apparente à une introspection et nécessite de la part de ce dernier de dresser le bilan de ses propres travaux tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Il est d’avis que l’analyse qualitative demandée au Comité, pourrait se fonder sur les travaux rendus publics d’experts internationaux. Enfin, M. Pillai appuie la suggestion de M. Sicilianos de désigner un petit groupe chargé d’élaborer un projet de réponse et serait disposé à y participer.

27.Mme JANUARY-BARDILL, appuyée par M. HERNDL, souligne l’ambiguïté des termes utilisés par le Groupe de travail qui invite le Comité à envisager d’évaluer, s’il le juge nécessaire, la mise en œuvre «actuelle» de la Convention internationale sur l’élimination de la discrimination raciale en «insistant sur les formes contemporaines de racisme». Elle est tentée de voir dans cette invitation une critique déguisée de l’action du Comité qui serait insuffisante et n’aurait pas les résultats escomptés. Les membres du Comité devraient réfléchir à cet aspect avant de prendre une décision quant à la suite à donner à l’autoévaluation qui lui est demandée.

28.M. LINDGREN ALVES dit que la demande du Groupe de travail est tout à fait justifiée puisque le Comité, de par la nature même de son mandat, est l’organe le mieux placé pour assurer le suivi de la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban. Il ajoute qu’il est très difficile d’évaluer les effets concrets de l’application d’une convention internationale dans un État partie et d’établir un lien de causalité certain entre la mise en œuvre de la Convention dans un pays et la situation qui y prévaut. Il propose donc de consacrer quelques séances de la prochaine session du Comité à la question de l’évaluation des travaux du Comité, de manière à examiner les éventuelles nouvelles orientations à adopter.

29.Le PRÉSIDENT annonce que la prochaine réunion du Groupe de travail intergouvernemental sur l’application effective de la Déclaration et du Programme d’action de Durban se tiendra en 2005 et que le Comité dispose encore de temps pour reprendre l’examen de cette question.

La séance est levée à 13 h 5.

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