Nations Unies

CERD/C/SR.2172

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.générale

23janvier 2013

Français

Original: anglais

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Quatre-vingt-unième session

Compte rendu analytique de la 2 1 7 2 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 9 août 2012, à 10 heures

Président:M. Avtonomov

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements soumis par les États partiesen application de l’article 9 de la Convention (suite)

Sixième à huitième rapports périodiques du Tadjikistan(suite)

La séance est ouverte à 10 h 5 .

Examen des rapports, observations et renseignements soumis par les États partiesen application de l’article 9 de la Convention (suite)

Sixième à huitième rapports périodiques du Tadjikistan (suite) (CERD/C/TJK/6-8, CERD/C/TJK/Q/6-8)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation du Tadjikistan reprend place à la table du Comité.

2. M.  Mengeliev (Tadjikistan) indique que la Constitution tadjike garantit l’égalité de tous devant la loi et devant les tribunaux ainsi que l’égalité des droits et des chances, sans distinction aucune tenant à l’ethnie, à la race, à la religion et à d’autres critères. En vertu de l’article 10 de la Constitution, les instruments juridiques internationaux ratifiés par le Tadjikistan font partie intégrante de l’ordre juridique interne et en cas de conflit entre les dispositions d’un instrument juridique international et celles d’une loi interne, ce sont les premières qui priment.

3. En vertu de la loi sur les traités internationaux, le Tadjikistan préconise le strict respect de ceux-ci et réitère son engagement à s’acquitter de bonne foi des obligations qu’il a contractées en vertu du droit international. Le Code de procédure économique, le Code de procédure pénale et le Code de procédure civile ont établi la procédure contradictoire à l’audience et garantissent l’égalité des droits de toutes les parties à une procédure judiciaire. La législation nationale habilite chacun à dénoncer une violation de ses droits en invoquant la Convention devant les tribunaux. En vertu des Codes précités, les tribunaux sont tenus de donner effet au droit international relatif aux droits de l’homme reconnu par le Tadjikistan. Les tribunaux sont donc assujettis non seulement aux normes de droit interne mais aussi aux instruments internationaux auxquels le Tadjikistan est partie. En vertu des dispositions du Code de procédure pénale, les tribunaux n’agissent pas en tant qu’organes du ministère public non plus qu’au nom de l’accusation ou de la défense. En outre, la violation du principe de l’égalité des droits des citoyens est une infraction réprimée par le Code pénal.

4. La législation pénale tadjike accepte, comme constitutive de complicité, l’incitation à la haine. Le Code pénal érige en infraction l’incitation à la haine ethnique, raciale, régionale ou religieuse. La profanation de dépouilles ou de lieux de sépulture, la création d’organisations extrémistes et les actes de génocide inspirés par la discrimination raciale sont sanctionnés par la législation pénale. Le Tadjikistan dispose d’une législation visant expressément à lutter contre l’extrémisme qui réprime l’incitation à l’hostilité raciale, ethnique, sociale et religieuse, les émeutes, le vandalisme, les atteintes à la dignité d’un groupe ethnique et la promotion de la notion de supériorité ou d’infériorité raciale ou ethnique fondée sur l’attitude à l’égard de la religion ou de l’origine sociale, raciale et ethnique.

5. S’agissant de la question relative à l’incrimination pénale et administrative des actes de discrimination raciale, M. Mengeliev renvoie le Comité à l’article 189 du Code pénal, dont la teneur est présentée au paragraphe 12 du rapport périodique à l’examen. Il évoque également l’article 374 du Code des infractions administratives, mentionné au paragraphe 14, qui prévoit des sanctions pour les infractions relatives à la préparation, la détention, l’importation, le transport ou la diffusion de matériels élaborés par les médias comprenant des informations et documents de propagande visant à attiser la dissension sociale, raciale, nationale ou religieuse. La loi sur les organes des collectivités locales des bourgs et villages fait obligation aux agents publics de se conformer au principe d’égalité et leur interdit d’exercer une quelconque forme de discrimination raciale dans le cadre de leurs fonctions. La discrimination raciale est également interdite par le Code du travail et le Code de la famille.

6. Le droit des parties à une affaire de s’exprimer dans leur langue maternelle et de bénéficier des services d’un interprète à l’audience est inaliénable. Au Tadjikistan, les procès se déroulent dans la langue officielle du pays, le tadjik. Toutefois, la législation procédurale garantit aux minorités ethniques le droit d’être entendues ou de se défendre en justice dans leur propre langue, y compris en russe, en ouzbek, en kirghize et en turkmène. Les procès peuvent se tenir dans la langue des minorités dans les régions où de nombreux groupes ethniques minoritaires sont établis de longue date, comme par exemple dans les districts de Murghob et Jirgatol où vivent des Kirghizes de souche, dans le district de Jilikul où vivent des Turkmènes ou dans les districts de Kabutiyon et de Shaartuz où résident des Ouzbeks. Dans certains cas, les juges requièrent eux-mêmes les services d’un interprète.

7. Répondant à la question relative à la lutte contre le terrorisme, M. Mengeliev dit que les activités menées par son pays en matière de lutte contre le terrorisme sont fondées sur le principe de la légalité des préjudices portés à un terroriste. Cela ne signifie pas qu’il peut être porté atteinte à l’intégrité physique des terroristes durant la procédure engagée à leur encontre aux fins d’obtention de preuves. L’article 7 de la loi antiterroriste énumère les autorités concernées par la lutte contre le terrorisme, dont le Comité d’État pour la sécurité nationale, le Ministère de l’intérieur, le Ministère de la défense et d’autres entités. Ces instances sont considérées comme des organes d’application des lois. Le recours à des mesures coercitives telles que des moyens de contention ou des armes est réglementé par la loi. Tout préjudice causé aux terroristes par des mesures antiterroristes exercées par l’État doit être juridiquement justifié et s’inscrire dans les limites de la loi. En outre, la législation tadjike interdit l’usage de la torture. L’article 10 du Code de procédure pénale fait obligation aux personnes et organes en charge de la procédure de respecter l’honneur et la dignité de la personne. Aucune partie à une procédure pénale ne peut être soumise à la violence, à la torture ou à d’autres traitements cruels ou dégradants. Le recours à la torture est une infraction punissable en vertu de la loi et la disposition pertinente du Code pénal est conforme à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

8. En ce qui concerne les mariages mixtes, le représentant indique que le Code de la famille, tel que modifié en 2011, a établi de nouvelles conditions applicables au mariage entre Tadjiks et étrangers, dont l’obligation pour le conjoint étranger d’avoir résidé au Tadjikistan pendant au moins un an et pour les futurs époux d’avoir conclu un contrat de mariage. Ces conditions répondent aux souhaits des femmes tadjikes qui avaient épousé des citoyens étrangers et quitté le pays pour constater que leur époux était toujours légalement marié à une autre femme. Le Tadjikistan ne reconnaît ni la bigamie ni la polygamie. Il existe d’autres exemples de femmes tadjikes mariées à des étrangers qui ont été purement et simplement abandonnées et contraintes à la prostitution et à d’autres formes d’exploitation. Des modifications ont donc été apportées au Code de la famille afin de prévenir de telles situations ou les mariages blancs. Les nouvelles conditions établies sont sans distinction aucune tenant à l’appartenance ethnique, raciale ou autre. Le Code de la famille actuellement en vigueur prévoit que le contrat de mariage doit porter sur les droits de propriété, les droits et obligations des époux en ce qui concerne l’éducation des enfants et le soutien au conjoint se trouvant dans l’incapacité de travailler et nécessitant assistance. Les modifications apportées au Code de la famille s’appliquent aussi bien aux Tadjiks qu’aux ressortissants étrangers.

9. S’agissant des associations religieuses, M. Mengeliev dit qu’une loi a été adoptée en 2009 sur la liberté de conscience et les organisations religieuses, qui définit une organisation religieuse comme une organisation constituée sur une base volontaire par les adeptes d’une religion à des fins de culte, de célébration de cérémonies religieuses, d’enseignement religieux et de diffusion de croyances religieuses partagées. Les organisations religieuses comprennent les communautés religieuses et les organisations religieuses. Ont été reconnues en tant que communautés religieuses: les mosquées locales qui célèbrent cinq prières quotidiennes, les sociétés islamiques locales jamatkhana, les maisons de prière et d’autres types de communautés qui ne sont pas contraires à la loi. Les organisations religieuses comprennent les centres religieux nationaux, les grandes mosquées centrales, la Jamatkhana centrale, les établissements d’enseignement religieux, les églises, les synagogues et d’autres formes d’organisations qui ne sont pas contraires à la loi. Le Comité chargé des affaires religieuses auprès du Gouvernement est l’instance chargée de décider quelles organisations sont à caractère religieux. Le Comité est invité à se rapporter au paragraphe 71 du rapport périodique du Tadjikistan qui donne la liste des organisations religieuses non musulmanes enregistrées dans le pays.

10. Le Code d’exécution des peines du 6 août 2001 proclame le principe de l’égalité des condamnés devant la loi. Tous les condamnés jouissent de la liberté de culte. Les personnes privées de liberté peuvent demander à ce que les représentants d’organisations religieuses soient autorisés à leur rendre visite sur leur lieu de détention. Les détenus peuvent pratiquer des rites religieux et lire des ouvrages religieux à condition que cela soit conforme aux règlements pénitentiaires et ne porte pas atteinte aux droits des autres prisonniers. Le Ministère de la justice n’a reçu aucune plainte à ce jour pour violation des droits des détenus à la liberté de pensée, de conscience et de religion.

11. M. Mengeliev reconnaît que les deux termes utilisés dans la législation en vigueur, à savoir les termes «renvoi» et «expulsion», peuvent prêter à confusion car il n’existe pas de règle claire régissant leur utilisation dans la pratique. Le Code des infractions administratives, la loi relative au statut juridique des étrangers et la loi relative aux réfugiés utilisent le terme «renvoi» alors que la législation qui réglemente les activités des organismes chargés des réfugiés et des étrangers utilise le terme «expulsion». Dans la pratique, les agents des organes de sécurité nationale sont habilités, en vertu de la loi relative au statut juridique des étrangers, à expulser les étrangers, avec le consentement d’un procureur. Les gardes-frontières peuvent ainsi recommander l’expulsion d’une personne arrivée à la frontière tadjike sans document d’identité officielle sur accord d’un procureur. Les étrangers vivant dans le pays qui sont en infraction avec la loi peuvent être expulsés en vertu du Code des infractions administratives sur décision judiciaire. Ils peuvent cependant faire appel de la décision qui les frappe. Les types d’infractions passibles d’expulsion sont énoncés dans les articles 68, 476, 478, 497, 498 et 499 du Code des infractions administratives. Ces différences terminologiques datent de la promulgation du nouveau Code des infractions administratives, soit de 2009. Il faut admettre que des mesures devront être prises pour assurer la cohérence de la terminologie utilisée dans tous les instruments juridiques pertinents.

12. En vertu de la législation tadjike, des associations publiques peuvent être créées, qu’elles soient ou non enregistrées. Une association peut donc être établie sans jouir du statut de personne morale. Les demandes d’enregistrement d’organisations dotées du statut de personne morale sont soumises au Ministère de la justice. Vingt-quatre minorités nationales ont créé des associations publiques.

13. Le Conseil général de la République du Tadjikistan a été créé en 1996 pendant la guerre civile et a contribué à la réconciliation nationale. Il est présidé par le Président de la République et composé de représentants du Gouvernement, du Parlement, d’organismes publics, de partis politiques et d’associations nationales. Il a pour principal mandat d’encourager un dialogue permanent entre les organes politiques et les organisations de la société civile afin d’instaurer un équilibre entre leurs intérêts respectifs. Plusieurs programmes et plans sont également mis en œuvre pour promouvoir et assurer la primauté du droit et garantir la coopération entre le Gouvernement et les organisations non gouvernementales (ONG).

14. L’éducation aux droits de l’homme a été intégrée aux programmes scolaires à tous les niveaux d’enseignement. En outre, le Gouvernement a adopté le décret no 383 de 1997 relatif aux mesures visant à améliorer l’éducation juridique des citoyens et les activités juridiques dans la République. Ce décret porte création d’un Conseil de coordination méthodologique, qui est présidé par le Ministre de la justice et composé du Ministre de l’éducation, du Ministre de la culture, du Président du Comité d’État de la sécurité nationale, du Ministre de l’intérieur, du Procureur général, du Président de la Cour suprême, du Président de la Haute Cour économique, du Président du Comité pour la télévision et la radiodiffusion, et du Président de l’Académie des sciences. Le Conseil coopère avec les autorités régionales et ses décisions ont un caractère contraignant. Il se réunit quatre fois par an afin d’élaborer un programme de travail et les principes directeurs de sa mise en œuvre.

15. S’agissant de la question relative aux personnes d’ascendance africaine, M. Mengeliev indique que très peu d’étudiants et d’employés d’organisations internationales sont d’ascendance africaine. Deux Africains ont été amnistiés et autorisés à quitter le Tadjikistan en 2011.

16. M. Mengeliev explique qu’il est difficile de publier des manuels scolaires en ouzbek parce que cela suppose une transcription des caractères latins en cyrillique. En outre, le programme scolaire ouzbèke diffère à certains égards du programme tadjik. Bien que les cultures des deux pays soient étroitement proches, leur approche diffère en matière d’éducation. Des accords ont été conclus avec l’Ouzbékistan et des mesures prises au niveau interministériel pour veiller à ce que des manuels scolaires soient fournis aux écoles ouzbèkes. Les enseignants des établissements d’enseignement supérieur reçoivent une formation dans les langues des minorités nationales telles que l’ouzbek, le russe et le kirghize.

17. M me Muhammadieva (Tadjikistan) dit qu’un recensement de la population et du logement a été mené en 2010. Au total, 2 334 personnes se sont identifiées comme roms, dont 1 158 d’hommes, soit 49,6 %, et 1 176 femmes, soit 50,4 %. Ce chiffre est en diminution par rapport au recensement de 2000 puisque 4 249 personnes avaient alors déclaré appartenir à la communauté rom.

18. Selon les estimations, 1 248 Roms âgés de 15 ans et plus vivent au Tadjikistan. Quatre d’entre eux ont achevé le cycle d’enseignement secondaire et quatre ont arrêté l’école avant ce niveau. Quinze Roms ont suivi avec succès une formation professionnelle, 267 ont achevé l’enseignement secondaire général, 195 l’enseignement primaire, 522 les quatre premières années de l’enseignement primaire, et 76 n’ont pas été scolarisés du tout.

19. La population rom économiquement active âgée de 15 ans et plus comprend 324 personnes, dont 37 sont enregistrées comme étant à la recherche d’un travail auprès des agences d’emploi. Selon les données issues du recensement, 231 Roms travaillent dans le secteur agricole, 4 dans l’industrie, 20 dans le secteur du bâtiment, 2 dans les transports, 3 dans la restauration, 4 dans la fonction publique, 6 dans le système éducatif, 3 dans le système de santé, 3 dans le système de protection sociale, 1 dans la culture, 2 dans le commerce de détail, 10 sont employés domestiques et 2 auto-entrepreneurs.

20. S’agissant de la raison pour laquelle les Roms vivent davantage en zone rurale qu’en zone urbaine, la représentante dit que de nombreux Roms vivent à Varzob, à proximité de la capitale, Douchanbé. Ils sont également nombreux à vivre dans le quartier de Rudaki, au sud de Douchanbé.

21. Les travaux préparatoires en vue du recensement de la population de 2010 ont débuté en 2005. Les autorités ont examiné les recommandations des Nations unies concernant les méthodes de recensement et la classification par groupes en vue de l’adoption d’une législation dans ce domaine qui soit conforme aux normes internationales. Plusieurs critères ont été retenus, concernant par exemple la classification des personnes interrogées par nationalité, revenu et branche d’activité. Le Conseil de coordination méthodologique s’est aussi penché sur la question de la nationalité. Selon les données issues du recensement de 2000, le Tadjikistan comptait 237 nationalités et groupes ethniques, un chiffre qui est tombé à 91 en 2010. Les statistiques ont été analysées par plusieurs ministères et départements ministériels, un institut démographique et un consultant de l’Organisation des Nations Unies pour la population (FNUAP). Des experts de la Fédération de Russie et du Kazakhstan ont également participé à l’élaboration des principes et documents correspondants; les autorités tadjikes ont également mis à profit l’expertise d’une entreprise moscovite en matière de traitement de données.

22. Les agences pour l’emploi gérées par le Ministère du travail enregistrent le nombre de personnes demandant à bénéficier d’allocations chômage. Environ 55 000 personnes, soit 2,6 % de la population active, sont enregistrées chaque année en tant que demandeuses d’emploi. Toutefois, du fait des données actuelles lacunaires, des enquêtes sur la population active ont été réalisées avec la Banque mondiale et l’Organisation internationale du Travail (OIT) afin de déterminer le taux de chômage exact. Trois critères élaborés par l’OIT ont été retenus: au moment de l’enquête, la personne au chômage ne doit pas percevoir de revenu d’une autre source; elle doit être enregistrée dans une agence pour l’emploi; et elle doit être prête à occuper un emploi immédiatement. Le nombre de demandeurs d’emploi enregistrés en 2010 sur la base de ces critères était de 11,5 %. Les données sur le chômage ne sont pas ventilées par nationalité.

23. Un large éventail de ministères, de départements, d’instituts de recherche et d’ONG appuient les activités menées par le Comité national de coordination pour la prévention et la lutte contre le VIH/sida. Plusieurs programmes de lutte contre l’épidémie ont été adoptés. Le programme le plus récent couvre la période 2011-2015. Depuis 1991, 3 846 personnes atteintes du VIH/sida ont été dénombrées et 552 en sont décédées. Les hommes représentent près de 77 % des cas enregistrés et les femmes 22 %. Les données sont ventilées par groupes d’âge, y compris les enfants, et par régions nationales.

24. S’agissant de l’éducation, le Tadjikistan compte 35 établissements d’enseignement supérieur, 51 établissements secondaires de formation professionnelle, 66 établissements techniques et professionnels, 3 810 établissements d’enseignement général et environ 500 établissements préscolaires. Différentes écoles internationales dispensent également un enseignement en français, en russe et dans d’autres langues, selon la composition de la population dans les régions où ces écoles sont présentes.

25. M.  Mengeliev (Tadjikistan) dit que l’article 189 du Code pénal réprime l’incitation à la haine nationale, religieuse, ethnique ou clanique. Selon les données communiquées par le Conseil de la justice, 49 affaires tombant sous le coup de l’article 189 ont été jugées au cours de la période 2008-2011. Les personnes condamnées sur le fondement de cet article s’étaient pour un grand nombre rendues coupables d’incitation à la haine religieuse ou de soutien à des groupes religieux interdits au Tadjikistan. En ce qui concerne les mariages mixtes entre Tadjiks et ressortissants étrangers, 3 196 unions de ce type ont été enregistrées depuis 2006.

26. M.  Ashurov (Tadjikistan) indique que la Commission gouvernementale chargée de garantir le respect des obligations internationales en matière de droits de l’homme a été créée en 2002 et qu’elle est présidée par le Vice-Premier ministre et composée de ministres adjoints de divers ministères et de directeurs de départements. La Commission est chargée d’examiner l’ensemble des questions traitées dans les conventions des Nations Unies et analyse tous les rapports périodiques élaborés par les différents groupes de travail thématiques. Un projet de loi portant modification de la loi constitutionnelle sur la citoyenneté a été élaboré en consultation avec les ONG et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) afin que soient prises en compte les dispositions de la Convention sur la réduction des cas d’apatridie, même si le Tadjikistan n’en est pas partie. Entre 2002 et 2010, le nombre d’apatrides résidant dans le pays est passé de 293 à 1 364, dont 31 ont reçu un permis de séjour en 2011 et 34 en 2012. Il a été fait droit à cinq des 90 demandes de naturalisation formées par des apatrides. S’agissant de la coopération avec la société civile, le représentant indique que les ONG ont largement contribué à la préparation du rapport à l’examen et que la Fondation Panorama prépare un rapport alternatif sur la situation des femmes qui n’a malheureusement pas pu être achevé à temps en vue du dialogue avec les membres du Comité.

27. M.  Jononov (Tadjikistan) affirme que le Tadjikistan contribue aux efforts de paix en Afghanistan et soutient les projets d’infrastructure qui y sont menés. Fournissant des données statistiques globales sur les réfugiés afghans qui vivent au Tadjikistan, il explique que son pays accueille 60 % des réfugiés afghans de la région, soit plus de 2 500 personnes, dont 58 % d’hommes et 42 % de femmes. En 2010, la Commission en charge des réfugiés a reçu 1 500 demandes d’asile, dont 75 ont été acceptées. La plupart des réfugiés afghans parlent le tadjik et sont donc en mesure de vivre et de travailler facilement au Tadjikistan, la majorité d’entre eux exerçant une activité dans les secteurs de la vente de détail, de l’enseignement ou de la mécanique. La plupart des hommes disposent d’un certain niveau d’instruction et les enfants de réfugiés bénéficient de la gratuité de l’enseignement scolaire au même titre que les enfants tadjiks. Avec l’appui du HCR, des cours sont dispensés en dari au niveau secondaire. Le Tadjikistan encourage également le rapatriement volontaire des réfugiés et leur réinstallation dans un pays tiers. Quant aux ressortissants tadjiks de l’étranger, des bureaux consulaires supplémentaires ont été ouverts en Fédération de Russie et au Kazakhstan et le personnel diplomatique a reçu une formation aux droits de l’homme, en coopération avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

28. M.  Alizoda (Tadjikistan) dit que le Bureau du Médiateur des droits de l’homme, qu’il dirige, est entré en fonction en mai 2009 et compte 24 membres qui travaillent dans plusieurs départements spécialisés et huit directions régionales. Le Médiateur est chargé de protéger et de promouvoir les droits de l’homme; de traiter les plaintes et les requêtes de particuliers, indépendamment de leur origine ou de leur statut juridique; de coopérer avec l’État, les ONG et les partenaires internationaux; d’examiner tous les projets de loi relatifs aux droits de l’homme; et de dispenser une éducation aux droits de l’homme. En 2011, le Médiateur a reçu plus de 750 requêtes. Bien qu’il ne soit pas nécessaire d’avoir épuisé tous les recours internes, y compris la Cour de cassation, pour solliciter l’assistance du Médiateur des droits de l’homme, celui-ci peut intervenir à tout moment si la plainte porte sur une procédure juridique. Le Conseil d’experts du Bureau du Médiateur des droits de l’homme, qui est composé de représentants du Gouvernement, de la société civile et des médias, se réunit périodiquement pour discuter de questions relevant de son mandat. Grâce au soutien d’acteurs internationaux, le Bureau a élaboré une stratégie pour la période 2011-2015 qui accorde la priorité à la lutte contre la torture et la discrimination et prévoit des plans de suivi annuel. Un programme plus complet d’éducation aux droits de l’homme qui sera enseigné à tous les niveaux scolaires est en cours d’élaboration. Le Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme a accordé le statut de catégorie B au Bureau du Médiateur, qui a tenu compte des recommandations formulées concernant sa conformité aux Principes de Paris.

29. M.  Mengeliev (Tadjikistan) déclare que pour sensibiliser la population à la législation, le Ministère de la justice et plusieurs organes qui y sont rattachés ont organisé 2 800 séminaires dans des écoles, des entreprises et des collectivités, préparé 600 programmes radiotélévisés et publié 200 articles de presse.

30. M.  de Gouttes, évoquant la question de l’égalité d’accès à la justice, dit qu’il ne suffit pas de promulguer des lois et qu’il est nécessaire de savoir comment elles sont appliquées et si elles peuvent être invoquées par les justiciables. Il attire l’attention de la délégation tadjike sur la Recommandation générale no 31 du Comité sur la prévention de la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale et l’engage à s’en inspirer dans ce domaine. Il souhaite savoir si des services d’interprétation sont fournis gratuitement aux personnes comparaissant en justice et qui ne parlent pas le tadjik. En ce qui concerne les recommandations adressées au Tadjikistan dans le cadre de l’Examen périodique universel, l’État partie est prié d’indiqué s’il envisage de ratifier la Convention relative au statut des apatrides et la Convention sur la réduction des cas d’apatridie et de fournir des renseignements complémentaires au sujet du projet de loi sur la citoyenneté. M. de Gouttes souhaite enfin connaître les motifs d’interdiction d’organisations religieuses, en particulier compte tenu de la loi relative à la liberté de conscience et aux associations religieuses du 26 mars 2009.

31. M.  Kemal souhaite connaître les causes à l’origine du récent soulèvement dans le Gorno-Badakhchan et rappelle l’importance, tant pour le Comité que pour le Gouvernement tadjik, de la ventilation des données statistiques.

32. M.  Mengeliev (Tadjikistan) indique que de nombreux tribunaux disposent de personnel doté des compétences linguistiques requises mais que lorsqu’ils doivent faire appel aux services d’un interprète, le coût en est habituellement supporté par celui ou celle qui les requiert. Cela étant, aucune plainte n’a été enregistrée concernant l’incapacité d’un justiciable à assumer le coût de ces services. En ce qui concerne l’apatridie, toutes les recommandations formulées dans le cadre de l’Examen périodique universel ont été intégrées dans un programme d’action qui a été soumis au Gouvernement. M. Mengeliev rappelle que le projet de révision de la loi sur la citoyenneté a été élaboré en coopération avec le HCR et un groupe d’ONG et qu’il sera soumis aux ministères et départements concernés pour observation. En vertu de la loi relative à la liberté de conscience et aux associations religieuses, les enfants ne sont pas autorisés à observer des rites religieux à l’école, ce qui répond à l’intérêt supérieur de l’enfant, comme recommandé par le Comité des droits de l’enfant.

33. La Cour suprême a statué sur plusieurs affaires d’anti-terrorisme et d’extrémisme. Le Tadjikistan a dressé la liste des organisations extrémistes interdites dans le pays. Quelque 100 extrémistes religieux ont été condamnés pour avoir participé à des activités illicites dans le cadre de ces organisations.

34. M. Mengeliev déclare que bien que les médias aient initialement indiqué que les récents troubles au Gorno-Badakhchan étaient dus aux tensions ethniques, ces événements ont été provoqués par l’intervention des forces gouvernementales suite au décès d’un haut responsable des forces de sécurité tué à l’arme blanche. Cet assassinat a été commis par une bande criminelle organisée bien connue qui tente d’empêcher le cours de la justice en s’attaquant à des juges, des procureurs et des policiers. Le Gorno-Badakhchan est une zone montagneuse reculée proche de l’Afghanistan dont l’histoire est complexe et mouvementée.

35. L’enquête sur l’emploi a été réalisée selon les recommandations du FNUAP. Le Gouvernement envisage, cela dit, de ventiler par appartenance ethnique les données qu’il recueillera à l’avenir en matière d’emploi.

36. M.  Ashurov (Tadjikistan) explique que ce n’est pas le Gouvernement qui a pris la décision d’interdire aux femmes de fréquenter les mosquées mais que c’est le Conseil des oulémas, la plus haute instance musulmane du pays, qui a émis une fatwa en ce sens.

37. M.  Saidou voudrait savoir si le Bureau du Médiateur des droits de l’homme est véritablement indépendant étant donné que ses membres sont nommés et qu’il n’a surtout été accrédité qu’au «Statut B» par le Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme. Il serait utile de savoir si le Médiateur est habilité à intervenir dans les affaires portées devant les tribunaux et si les citoyens peuvent lui soumettre des plaintes avant de saisir la justice. Des précisions seraient souhaitables concernant les formations dispensées aux force de police et aux agents de sécurité et aux gardes-frontières en matière de droits de l’homme et de droits des réfugiés et des demandeurs d’asile, respectivement.

38. M.  Diaconu (Rapporteur pour le Tadjikistan) estime que bien que le Gouvernement tadjik soit visiblement résolu à éliminer la discrimination raciale et que les instruments internationaux priment la législation nationale, il n’en reste pas moins que cette dernière doit contenir une définition de la discrimination raciale. Une telle définition serait utile à la fois aux autorités et aux citoyens tadjiks. Il est regrettable que la définition de la discrimination figurant dans le Code du travail ne s’applique qu’au domaine de l’emploi et difficile de comprendre pourquoi le Gouvernement n’a pas élaboré de définition applicable à tous les domaines.

39. Le Rapporteur rappelle que l’article 4 de la Convention énumère quatre activités devant être déclarées délits punissables par la loi par les États parties: la diffusion d’idées fond0ées sur la supériorité ou la haine raciale; l’incitation à la discrimination raciale; tous actes de violence, ou provocation à de tels actes, dirigés contre toute race ou tout groupe de personnes d’une autre couleur ou d’une autre origine ethnique; et toute assistance apportée à des activités racistes, y compris leur financement. Si l’une quelconque de ces quatre activités n’est pas couverte par la législation nationale, des mesures doivent être prises pour y remédier. Ériger en circonstances aggravantes les infractions motivées par la haine raciale ne saurait suffire.

40. Le Rapporteur considère que même si les mesures de lutte contre les faux mariages sont parfaitement légitimes, l’approche suivie par le Gouvernement en l’espèce est contraire à la Convention. Si la législation pertinente s’appliquait à tous, indépendamment de la nationalité des époux, elle n’exercerait pas de discrimination sur le fondement de la race. Il recommande à l’État partie de suivre une autre approche en la matière, qui ne soit pas discriminatoire.

41. Le Rapporteur estime que l’État partie devrait prendre des mesures pour clarifier les notions de renvoi et d’expulsion. Il se félicite des éclaircissements fournis par la délégation tadjike au sujet du mandat du Bureau du Médiateur des droits de l’homme mais note que les informations fournies dans le rapport à l’examen sur ce point sont inexactes puisqu’il est indiqué que les justiciables doivent avoir épuisé tous les recours juridiques internes pour pouvoir saisir le Médiateur des droits de l’homme.

42. M.  Murillo Martínez accueille avec satisfaction l’information selon laquelle l’État partie compte 19 instituts de troisième cycle et souhaite savoir combien de membres de groupes minoritaires ont accès à ce niveau d’études. Le nombre de personnes décédées dans l’État partie des suites du VIH/sida paraît relativement élevé comparé au taux de mortalité dans d’autres pays où les antirétroviraux sont utilisés à bon escient. Il serait par conséquent intéressant de savoir pourquoi le ta0ux de mortalité dû au VIH/sida est si élevé au Tadjikistan. Des informations sur le taux de participation des groupes ethniques minoritaires aux instances décisionnelles tadjikes seraient également les bienvenues.

43. M.  Alizoda (Tadjikistan) précise que le Médiateur des droits de l’homme est nommé par le Président, sur approbation officielle du Parlement. Le Médiateur est totalement indépendant. Depuis les modifications apportées à la loi y relative en mars 2012, le Médiateur est désormais habilité à obtenir toutes les pièces de procédure se rapportant à une affaire et à traiter celle-ci directement avec le Procureur. Le Médiateur peut également contester une décision de justice. Tous les membres des forces de l’ordre, militaires et garde-frontières reçoivent une éducation aux droits de l’homme.

44. M.  Jononov (Tadjikistan) ajoute que, grâce au soutien de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les gardes-frontières, en particulier ceux en poste le long de la frontière avec l’Afghanistan, reçoivent une formation spécialisée en matière de droits de l’homme.

45. M.  Mengeliev (Tadjikistan) indique qu’il a remis au secrétariat la copie d’un rapport complet sur le VIH/sida au Tadjikistan que les membres du Comité peuvent consulter. Le Tadjikistan ne dispose pas de données relatives à la nationalité des étudiants inscrits dans les 19 établissements de troisième cycle. Les statistiques se rapportant au niveau de participation des groupes minoritaires seront communiquées au Comité par écrit.

46. M.  Diaconu félicite l’État partie pour les progrès considérables qu’il a accomplis dans de nombreux domaines depuis l’examen de son rapport périodique précédent en 2004. Le Comité attend avec intérêt les données ventilées par sexe qui lui seront communiquées concernant l’exercice par les groupes minoritaires de leurs droits économiques et sociaux. Il serait utile de savoir où vivent la plupart des groupes minoritaires. Il importe que l’État partie ait connaissance de ces informations s’il veut pouvoir prendre des mesures spéciales pour assurer le développement de certains groupes désavantagés, le cas échéant.

47. Tout en se félicitant du rôle accru que joue le Médiateur des droits de l’homme, le Rapporteur espère que cette instance pourra acquérir le statut d’institution nationale des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris. Lors de l’examen du rapport périodique suivant du Tadjikistan, le Médiateur devrait pouvoir intervenir indépendamment du Gouvernement; il convient à cet égard de rappeler que la mission d’une institution nationale des droits de l’homme est aussi de se montrer critique à l’égard du gouvernement.

48. L’État partie devrait accorder plus d’attention à l’enseignement des langues minoritaires en parallèle de l’étude de la langue officielle, ce qui suppose une formation spécialisée des enseignants et des manuels scolaires adaptés. L’enseignement des langues minoritaires doit être garanti si l’on veut préserver l’identité culturelle et linguistique des groupes minoritaires du pays, qui font partie intégrante de la richesse culturelle de l’État partie. Les problèmes relatifs aux réfugiés et aux apatrides sont inévitables, compte tenu notamment de la localisation géographique de l’État partie. Le Gouvernement tadjik doit assurer la protection des droits fondamentaux de toutes les personnes se trouvant sous sa juridiction, sans discrimination aucune, notamment de race ou d’origine ethnique.

49. M.  Mengeliev (Tadjikistan) dit que sa délégation est satisfaite des questions et observations constructives formulées par les membres du Comité. Elles ont permis de mieux identifier les domaines d’action qui devront être privilégiés par le Gouvernement tadjik aux fins d’une meilleure mise en œuvre de la Convention.

La séance est levée à 13 heures.