NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.17619 août 2006

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑neuvième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1761e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le lundi 31 juillet 2006, à 15 heures

Présidence: M. de Gouttes

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Sixième et septième rapports périodiques de l’Estonie

La séance est ouverte à 15 h 15.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour)

Sixième et septième rapports périodiques de l’Estonie (CERD/C/465/Add.1)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation estonienne prend place à la table du Comité.

2.Mme LEPIK VON WIRÉN (Estonie) dit que le rapport à l’examen a été d’abord rédigé en estonien, et non pas en anglais comme précédemment, afin que les organismes publics et les organisations non gouvernementales (ONG) puissent en prendre connaissance et formuler des observations à son sujet. Il a ensuite été traduit en anglais et rendu public en estonien et en anglais sur le site Web du Ministère des affaires étrangères. Les observations finales du Comité seront également traduites et publiées dans les deux langues. Les ONG participent de plus en plus activement au processus d’établissement des rapports destinés au Comité. Le Centre d’information juridique sur les droits de l’homme a notamment rédigé à l’intention du Comité un rapport exhaustif qui a été également communiqué au Ministère des affaires étrangères, pour information.

3.En tant que membre de l’Union européenne, l’Estonie accorde beaucoup d’importance aux travaux des organes conventionnels de l’Organisation des Nations Unies, y compris aux obligations qui lui incombent de présenter des rapports à ces organes. La création du Conseil des droits de l’homme en 2006 est une formidable occasion d’appliquer plus largement et effectivement les normes relatives aux droits de l’homme. L’Estonie envisage de devenir membre du Conseil en 2012.

4.L’adhésion de l’Estonie à l’Union européenne a eu l’effet positif d’inciter les personnes sans nationalité déterminée à demander la citoyenneté estonienne. En novembre 2005, le nombre de personnes qui ont obtenu la nationalité par voie de naturalisation était supérieur au nombre de personnes de nationalité indéterminée. Afin de respecter les directives de l’Union européenne en la matière, l’Estonie a modifié la loi sur les étrangers et offre maintenant la possibilité d’obtenir un nouveau permis de séjour, celui de résident permanent de l’Union européenne.

5.Le 3 octobre 2005, l’Estonie a nommé le Commissaire pour l’égalité entre les sexes qui est chargé d’examiner les demandes émanant de particuliers qui s’estiment victimes de discrimination et de rendre un avis sur la question. Le Commissaire s’est intéressé de près à des campagnes de sensibilisation à l’égalité entre les sexes organisées à l’intention des fonctionnaires, des journalistes, des syndicalistes et des ONG de femmes.

6.En 2000, le Gouvernement estonien a adopté un programme national «Intégration dans la société estonienne 2000‑2007» et entrepris, sous l’égide du Ministère de la population et des questions ethniques, divers projets destinés à favoriser l’intégration des non‑Estoniens. Pour atteindre les objectifs du programme, la Fondation pour l’intégration a mis en œuvre différents projets d’intégration sociale dans les domaines de l’éducation, de l’apprentissage de la langue estonienne, de l’insertion des nouveaux immigrés, du renforcement des compétences, de la promotion des cultures et des langues des minorités ethniques ainsi que de la sensibilisation à la tolérance et au multiculturalisme. Le Ministère de la population et des questions ethniques a achevé l’évaluation du programme d’intégration en 2005 et, sur la base des résultats obtenus, l’élaboration d’un nouveau programme pour la période 2008‑2013 a commencé.

7.En janvier 2006, le Gouvernement estonien a adopté un plan national d’action contre la traite des êtres humains pour la période 2006‑2009 comprenant quatre grands éléments: la prévention, la répression, la protection des victimes et l’information −, dont il évaluera l’efficacité en 2010. L’adoption du plan d’action a été une avancée importante et sa mise en œuvre effective le sera plus encore.

8.En 2004, l’Estonie a ratifié le Protocole no 14 à la Convention européenne des droits de l’homme et a signé le Protocole facultatif relatif à la Convention contre la torture, qui devrait être ratifié par le Parlement en automne 2006. Enfin, en juin 2006, l’Estonie a amendé plusieurs lois permettant de poursuivre plus facilement les auteurs de messages incitant à la haine raciale, y compris ceux diffusés sur l’Internet. Moyennant des sanctions efficaces, ces mesures aident à lutter contre le racisme et l’intolérance.

9.D’après le recensement de 2000, l’Estonie comprend pas moins de 140 nationalités. Toutefois, les principaux groupes ethniques sont les Russes (400 000 environ), les Ukrainiens (36 000 environ) et les Bélarussiens (21 000 environ). Pour ce qui est des Roms, il est difficile de savoir combien ils sont exactement car certains d’entre eux ne se déclarent pas comme tels. L’Estonie compte officiellement quelque 540 Roms, mais ce chiffre est contesté par certaines associations selon lesquelles ils seraient au nombre de 1 000 à 1 500. S’agissant des immigrés et des réfugiés, des données statistiques seront fournies ultérieurement par écrit aux membres du Comité. À titre indicatif, l’Estonie compte à ce jour 108 demandeurs d’asile et les autorités ont délivré 4 086 permis de séjour à de nouveaux arrivants en 2005.

10.Mme HION (Estonie) dit qu’il n’existe aucune loi se rapportant spécifiquement à la non‑discrimination mais que l’article 12 de la Constitution estonienne dispose que nul ne peut être victime d’une discrimination fondée sur le sexe, l’âge, l’appartenance ethnique, la nationalité ou le statut économique. Elle dispose également que tous les citoyens sont égaux devant la loi et que l’incitation à la haine raciale est interdite et punissable. D’autres instruments juridiques tels que le Code pénal, la loi sur l’emploi, la loi sur l’éducation, la loi sur la protection de l’enfance comprennent des dispositions expresses qui consacrent le principe de non‑discrimination. En outre, l’Estonie a ratifié la Convention no 111 de l’Organisation internationale du Travail concernant la discrimination (emploi et profession) ainsi que le Protocole no 12 à la Convention européenne des droits de l’homme. De toute évidence, la mise en œuvre de ces instruments prendra du temps. L’Estonie étudie en outre les moyens d’intégrer dans sa législation la Directive européenne sur l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique. L’Estonie est consciente qu’un certain nombre de cas de discrimination ont été portés devant la Cour européenne des droits de l’homme et devant le Comité des droits de l’homme de l’ONU. Toutefois, elle note que le Comité des droits de l’homme a déjà jugé irrecevable l’une des trois plaintes dont il est saisi.

11.Créée en 2001, la Table ronde présidentielle sur les minorités nationales a pour principales fonctions de conseiller le Président sur les questions relatives aux minorités et de favoriser le traitement égal de toutes les minorités nationales. Bien que sa structure ait été modifiée en mai 2003 afin de clarifier son mandat et ses fonctions et d’assurer sa pérennité et son indépendance, la Table ronde rencontre des difficultés de fonctionnement et ne s’est pas réunie depuis octobre 2004. L’Estonie ne reconnaît officiellement aucune minorité nationale mais tous les groupes minoritaires peuvent exercer librement leurs droits fondamentaux. Elle a ratifié la Convention‑cadre de l’Union européenne pour la protection des minorités nationales et s’emploie sans relâche à l’appliquer scrupuleusement. Elle apporte une aide financière à toutes les associations de minorités nationales qui le lui demandent. En outre, la quasi‑totalité des minorités nationales sont représentées au Parlement.

12.Mme Hion dit que la loi sur l’autonomie culturelle des minorités nationales vise à promouvoir l’autonomie culturelle des groupes minoritaires mais, à l’exception des Finlandais, que les minorités n’ont guère manifesté le souhait de bénéficier des possibilités offertes par la loi.

13.M. KOORT (Estonie) explique que le Centre d’information juridique sur les droits de l’homme a pour vocation d’offrir une aide et une assistance juridiques aux particuliers et aux organisations sur toutes les questions qui ont trait à l’octroi de permis de séjour et de permis de travail, aux procédures de regroupement familial, aux conditions d’entrée sur le territoire et aux droits des étrangers. Le Centre diffuse également des informations sur les droits de l’homme et les droits des minorités par le biais de séminaires et de colloques et propose également, depuis juin 2005, un service d’aide téléphonique gratuit pour venir en aide aux victimes de discriminations.

14.M. Koort explique que l’amendement de la loi sur la citoyenneté, en mars 2004, a permis de réduire sensiblement la durée des procédures de demande de naturalisation. En vertu des dispositions précédentes, toute personne souhaitant acquérir la citoyenneté estonienne devait, un an après l’enregistrement de sa demande, confirmer son souhait par écrit à l’autorité gouvernementale pertinente. Suite à l’amendement, le délai de confirmation après l’enregistrement de la demande de naturalisation a été réduit à six mois et l’autorité gouvernementale compétente est désormais tenue de soumettre au Gouvernement dans un délai de trois mois, au lieu des six mois prévus précédemment, les documents du requérant ainsi que sa proposition motivée concernant la décision d’octroyer la citoyenneté estonienne. Cette modification législative s’est traduite par une augmentation du nombre de demandes de naturalisation qui ont atteint les chiffres de 4 920 en 2003, 6 919 en 2004 et 6 752 en 2005.

15.Mme HION (Estonie) indique que la clause 10 de l’article 12 4) et de l’article 12 5) de la loi sur les étrangers a été amendée parce qu’elle ne permettait pas de prendre en considération le comportement d’un étranger qui réside depuis longtemps dans le pays en vue d’obtenir sa naturalisation. La législation amendée est entrée en vigueur le 16 janvier 2004.

16.La représentante de l’Estonie ajoute que le Gouvernement estonien n’a pas connaissance d’articles de presse racistes à l’égard des Roms. Elle précise qu’il y a bien eu dans la presse nationale un débat de fond tendant à savoir s’il convenait de continuer à mentionner la nationalité des personnes soupçonnées d’avoir commis un crime, mais que les journalistes sont ensuite convenus d’abandonner cette pratique à l’avenir. Enfin, elle indique que l’Estonie compte un nombre peu élevé de Roms, lesquels se sont sédentarisés et sont parfaitement intégrés à la société.

17.Mme Hion reconnaît que les minorités nationales, dont les russophones, sont surreprésentées au sein de la population carcérale estonienne et explique que cette situation est sans doute due au fait que les membres des minorités connaissent mal la langue nationale officielle, ce qui contribue à leur marginalisation économique et sociale. Les autorités nationales ayant décidé de remédier à cette situation, des cours d’estonien sont depuis 2005 dispensés dans les prisons afin de donner de meilleures chances d’insertion économique et sociale aux détenus issus des minorités à leur sortie de prison. Selon les statistiques officielles, étaient incarcérés en Estonie, en janvier 2006, 1 538 Estoniens et 1 848 membres de minorités nationales, dont 1 617 Russes. En janvier 2005, 1 524 ressortissants estoniens et 1 945 membres de minorités nationales, dont 1 702 Russes, étaient en détention.

18.Mme ILVES (Estonie) dit que les autorités estoniennes accordent une très haute importance à la lutte contre la propagation de messages racistes ou incitant à la haine raciale sur l’Internet, comme le montre la campagne d’information sur ce phénomène récemment diffusée dans tout le pays, sachant que la diffusion de ce type de message sur l’Internet est une infraction pénale passible d’une amende et d’une peine d’emprisonnement de trois ans. Le 14 juin 2006, le Parlement a amendé plusieurs textes législatifs afin de permettre aux instances civiles, dans le cadre des affaires relevant d’une juridiction civile, et aux magistrats instructeurs et aux procureurs, dans les affaires pénales, d’obtenir et d’utiliser à charge tous les propos haineux diffusés par voie téléphonique, électronique et informatique. En août 2005, un tribunal de Tallinn a condamné un jeune homme de 23 ans qui avait diffusé sur l’Internet, en 2003 et 2004, des commentaires et des propos hostiles aux Juifs et aux Noirs.

19.Mme KALJULÄTE (Estonie) indique que l’Inspection du travail n’a signalé aucun cas de discrimination qui se serait produit entre 2004 et 2006.

20.M. TOON (Estonie) souligne qu’en règle générale la commission de la police de sécurité n’enquête que sur les cas très graves et répétés d’incitation à la haine raciale. Entre 2004 et 2006, ce service a mené 10 enquêtes préliminaires sur des faits qui présentaient les éléments constitutifs d’une incitation à la haine nationale, raciale ou religieuse, dont 4 ont donné lieu à l’ouverture d’enquêtes judiciaires.

21.M. YUTZIS (Rapporteur pour l’Estonie) félicite la délégation estonienne pour la qualité de ses réponses. S’agissant du Contrat social estonien, signé en octobre 2003, le Rapporteur juge louables les objectifs qui y sont définis mais se demande comment les autorités estoniennes comptent parvenir à le mettre en œuvre étant donné l’ampleur des restrictions touchant les droits politiques des étrangers dans le pays. M. Yutzis relève dans le paragraphe 77 du rapport périodique à l’examen que les non-citoyens peuvent participer aux élections des conseils des collectivités locales, mais, qu’aux termes de la loi sur l’élection des conseillers des collectivités locales (par. 71 et 72), les candidats aux élections doivent avoir une certaine maîtrise de l’estonien. Le paragraphe 81 indique en outre que seuls les ressortissants estoniens peuvent être membres d’un parti politique en Estonie. Ces dispositions restreignent sévèrement les droits politiques des étrangers en Estonie.

22.Se référant au paragraphe 81 du rapport de l’État partie, M. Yutzis note que la Constitution n’autorise pas les non-ressortissants à être membres d’un parti politique, restriction qu’il juge très grave. Il comprend que des étrangers ne puissent pas briguer de hautes fonctions politiques; il estime, par contre, qu’on ne devrait pas leur barrer l’accès aux fonctions politiques d’un niveau inférieur. Ainsi, un nouveau «contrat social», au sens rousseauiste du terme, devrait pouvoir se conclure avec la participation de tous les acteurs de la société, y compris les non-ressortissants.

23.Par ailleurs, M. Yutzis note à la lecture du rapport qu’en novembre 2004 on dénombrait encore 155 820 personnes dites «sans nationalité déterminée» (par. 104), expression qui lui paraît ambiguë. Il souhaiterait des éclaircissements à ce sujet ainsi que sur le statut social et politique des personnes ainsi qualifiées. Enfin, il voudrait savoir dans combien de temps les conditions seront réunies pour que ces 155 820 personnes obtiennent un statut défini.

24.S’agissant des Roms, le Rapporteur constate que, d’après l’État partie, cette minorité ne compte que 42 membres, alors que, selon des sources non gouvernementales, elle en compterait 1 500. Il souhaiterait savoir lequel de ces chiffres est le plus proche de la réalité.

25.Tout en prenant note avec intérêt des informations fournies aux paragraphes 87 et 88 du rapport, M. Yutzis se demande pour quelle raison l’État partie n’a adhéré ni à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille ni à la Convention européenne relative au statut juridique du travailleur migrant.

26.Étant donné les termes, dont le mot «publiquement», de l’article 151 du Code pénal, cité au paragraphe 56 du rapport, M. Yutzis croit comprendre que les actes d’incitation à la haine raciale ne sont réprimés que lorsqu’ils sont commis en public. Il demande donc à la délégation estonienne d’indiquer si les dispositions de cet article peuvent néanmoins être invoquées en cas d’actes d’incitation à la haine raciale commis dans un contexte semi-public (un lieu de culte, par exemple) ou privé. En outre, de plus amples explications seraient les bienvenues sur la façon dont le lien entre la discrimination raciale, le terrorisme ou l’extrémisme religieux ou autre et la haine sociale est traité dans la législation estonienne.

27.Par ailleurs, notant que le Conseil estonien des Églises bénéficie de subventions publiques, M. Yutzis voudrait savoir si certaines Églises reçoivent davantage de subventions que d’autres et, dans l’affirmative, pour quelle raison. Enfin, il appelle l’attention de la délégation estonienne sur des allégations émanant d’organisations non gouvernementales selon lesquelles les médias, en particulier la télévision, cautionneraient des formes d’humour sarcastique visant certains groupes sociaux. Il souhaiterait savoir quelle est l’attitude du Gouvernement à l’égard de cette pratique qui, si elle était avérée, constituerait une violation de la Convention.

28.M. THORNBERRY se dit satisfait de lire dans le rapport que l’État partie envisage de faire désormais traduire les observations finales du Comité en russe (par. 7). En effet, un certain nombre de recommandations intéressant directement la minorité russe d’Estonie figureront très probablement dans les observations finales que le Comité formulera sur le rapport à l’examen, comme dans les observations finales concernant le cinquième rapport périodique de l’Estonie.

29.Constatant à la lecture du rapport que les minorités sont qualifiées tantôt de «nationales», tantôt d’«ethniques» et rappelant que les programmes d’intégration sont censés viser non seulement les minorités nationales, mais aussi les minorités ethniques, M. Thornberry voudrait savoir sur quelle base repose cette distinction et pour quelle raison elle est maintenue.

30.À propos de l’article 151 du Code pénal (par. 57), l’intervenant prie la délégation estonienne de préciser si le terme «origine», qui y figure, englobe l’origine nationale et l’origine ethnique. Par ailleurs, rappelant que les panneaux de signalisation doivent pouvoir être compris de toute la population, car ils sont déterminants pour la sécurité, voire la santé des personnes, M. Thornberry souhaiterait des éclaircissements sur le paragraphe 76 du rapport, concernant l’utilisation implicitement restrictive de l’estonien pour la signalisation et l’affichage publics.

31.À propos du passage du russe à l’estonien en tant que langue d’enseignement dans les écoles (par. 171), M. Thornberry prie la délégation estonienne de décrire la stratégie de transition et les méthodes d’enseignement de l’estonien utilisées. En outre, relevant qu’une part importante de la législation porte sur la promotion de la langue estonienne, il se demande si cette dernière est encore vulnérable et si les mesures prises par les pouvoirs publics depuis que l’Estonie a recouvré son indépendance ont atteint les objectifs visés. Enfin, il estime que des éclaircissements d’ordre général sur les objectifs des programmes linguistiques et leurs liens avec l’identité estonienne seraient les bienvenus.

32.M. KJAERUM note avec satisfaction que le rapport fait de nombreuses références aux observations finales du Comité concernant le cinquième rapport périodique de l’Estonie et que des commentaires critiques émanant d’organisations non gouvernementales y figurent, ce qui en rend la lecture particulièrement vivante et intéressante.

33.Rappelant qu’en 2002 un projet de loi concernant la discrimination a été rejeté par le Parlement, M. Kjaerum souhaiterait connaître les raisons de ce rejet et, en particulier, s’il est dû à la présence de dispositions concernant la discrimination indirecte dans le projet. En outre, constatant que le Code pénal estonien n’interdit pas les organisations racistes, M. Kjaerum demande si certains articles dudit Code peuvent être invoqués pour attaquer ces organisations en justice et, dans la négative, si l’État partie envisage d’amender cet instrument afin de combler cette lacune.

34.Tout en se félicitant des efforts déployés par l’Estonie pour simplifier et accélérer les procédures d’acquisition de la nationalité, M. Kjaerum souligne que le rythme de 5 000 naturalisations par année n’est pas assez rapide pour que la situation des quelque 156 000 personnes sans nationalité déterminée puisse être régularisée dans un délai raisonnable. Par ailleurs, étant donné que la maîtrise de la langue estonienne est cruciale pour l’obtention de la nationalité, M. Kjaerum se demande si les pouvoirs publics pourraient prendre des mesures afin d’améliorer la qualité des cours d’estonien et de les rendre plus abordables pour les personnes concernées. En outre, il prie la délégation estonienne d’indiquer si l’État partie pourrait envisager de ratifier la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.

35.Enfin, concernant le traitement des plaintes pour discrimination raciale, M. Kjaerum voudrait savoir si l’État partie pourrait créer une institution publique de défense des droits de l’homme qui serait compétente aussi bien en matière de discrimination raciale que de discrimination liée au sexe, regroupement de compétences qui pourrait être judicieux étant donné les nombreuses similitudes entre ces deux types de discrimination.

36.M. BOYD salue la manière dont l’État partie a donné suite aux recommandations du Comité sur la consultation des organisations de la société civile et sur la publication des rapports et des observations finales. Le fait que ces documents soient désormais disponibles en estonien les rendra accessibles à un plus large public, même s’il reste encore à les mettre à la portée de ceux qui sont intéressés au premier chef en les traduisant en russe, langue de la principale minorité du pays.

37.M. Boyd observe que l’Estonie ne s’est pas encore dotée d’une loi complète contre la discrimination. La question se pose de savoir de quels recours disposent les personnes victimes d’actes de discrimination commis par des auteurs non étatiques. Le Chancelier de justice semble faire office de médiateur et traiter à ce titre des plaintes mettant en cause des organismes étatiques, mais ses pouvoirs sont limités face aux violations commises par des particuliers, par exemple en matière d’emploi, d’éducation ou de logement. M. Boyd croit comprendre que dans de tels cas le Chancelier de justice ne peut intervenir que sous la forme d’une conciliation volontaire − ce qui ne s’est déjà produit qu’une seule fois − ou à condition qu’une disposition précise de la Constitution ou de la législation soit en cause. Il se demande donc si des recours civils sont disponibles qui permettent d’obtenir par exemple une injonction de faire cesser une discrimination. M. Boyd aimerait en outre savoir pour quelle raison la loi sur l’égalité n’a pas été adoptée et s’il est prévu qu’une loi similaire entre en vigueur dans un avenir proche.

38.M. TANG Chengyuan relève au paragraphe 91 du rapport l’attitude positive de l’État partie vis‑à‑vis du personnel retraité des Forces armées de la Fédération de Russie. D’après certaines sources d’information, il demeure toutefois sur le sol estonien plus de 150 000 personnes privées de citoyenneté, pour la plupart des anciens membres de l’armée soviétique. Si une certaine prudence est compréhensible, une politique d’intégration réelle est à recommander s’agissant des personnes qui vivent sur le territoire estonien depuis plusieurs dizaines d’années et n’ont nul autre endroit où aller. M. Tang Chengyuan estime que la décision du Comité des droits de l’homme évoquée aux paragraphes 116 et 117 du rapport vaut pour le seul cas de l’intéressé, M. Borzov (communication no 1136/2002; CCPR/C/81/D/1136/2002), mais que la question de l’obtention de la nationalité estonienne continue de se poser pour un très grand nombre de personnes et n’a pas vocation à être réglée par un organe conventionnel. Il estime en outre que la politique d’intégration affichée doit être appliquée dans la pratique.

39.M. LINDGREN ALVES souhaite que la délégation précise la nuance entre nationalité et citoyenneté et confirme, le cas échéant, que seules les personnes de langue maternelle estonienne obtiennent automatiquement la citoyenneté estonienne. Cette vision très stricte de la citoyenneté, qui contraste avec les systèmes en vigueur dans les autres pays européens où les individus choisissent eux‑mêmes de se définir comme appartenant à une minorité, conduit à se demander ce que l’État partie entend lorsqu’il déclare vouloir être un «pays multiculturel». La question se pose aussi de savoir qui recense les Roms, puisque certains d’entre eux ne se reconnaissent pas comme tels. Enfin, M. Lindgren Alves aimerait savoir si l’expression «haine sociale» (art. 151 du Code pénal, voir le paragraphe 11 du rapport) renvoie à la haine raciale ou à une forme de haine entre classes sociales.

40.M. PILLAI se félicite que l’État partie ait répondu de manière très complète aux précédentes recommandations du Comité, ait élaboré le rapport à l’examen en association avec la société civile et ait pris des mesures pour poursuivre les auteurs de cybercrimes motivés par la haine.

41.M. Pillai est frappé de lire dans le document de base que la population estonienne a diminué de 8 % entre 1989 et 2000. Il serait utile de savoir si cette diminution très importante s’explique non seulement par le taux de natalité mais aussi par des mouvements migratoires et, dans l’affirmative, si ces mouvements sont le fait de groupes ethniques donnés.

42.Le membre du Comité estime que la situation des Roms est particulièrement préoccupante. Le rapport de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance souligne ainsi que seuls 67 enfants roms sont scolarisés en Estonie et que certains d’entre eux sont envoyés dans des établissements pour handicapés mentaux au seul motif qu’ils ne parlent pas l’estonien. Il importe d’autant plus que la délégation apporte un complément d’information sur le Comité sur l’éducation des Roms mis sur pied en 2004 et sur ses réalisations, ainsi que sur le «contrat social» cité aux paragraphes 32 et 33 du rapport, en précisant si les Roms sont visés par cette initiative. Elle voudra bien également préciser si les dernières dispositions pénales datent de 2002, comme semble l’indiquer le paragraphe 11, ou de 2004, comme le sous‑entend le paragraphe 56 du rapport, et donner au Comité davantage de renseignements sur les travaux du Chancelier de justice, en les étayant d’exemples de cas concrets. Enfin, M. Pillai aimerait savoir ce qui constitue un expert indépendant au sens du paragraphe 59 du rapport, où il est dit que «si un expert indépendant confirme qu’il s’agit d’une incitation à la haine nationale ou raciale, la police de sécurité fait une enquête préliminaire». Là aussi, des exemples de cas concrets seraient les bienvenus.

43.M. AVTONOMOV demande si le Chancelier de justice est une institution conforme aux Principes de Paris et, dans la négative, s’il est envisagé d’en créer une. En outre, il voudrait savoir pourquoi le projet de loi sur l’égalité de 2002, qui s’appuyait sur des directives de l’Union européenne, n’est pas entré en vigueur et quelles mesures sont prises pour rapprocher le taux de chômage de la minorité russe de celui des Estoniens.

44.Sachant que quelque 10 % de la population n’a pas la citoyenneté estonienne et qu’il faut 25 ans pour l’obtenir, M. Avtonomov estime qu’il faudrait envisager de permettre à ceux qui le souhaitent d’être naturalisés plus rapidement. Si les conditions liées à la maîtrise de l’estonien s’expliquent par la volonté de soutenir cette langue, il y aurait lieu de faciliter l’accès à des cours de langue, en particulier dans les régions où la population russophone est majoritaire. Il n’est pas juste que le temps de diffusion des émissions en russe ou bilingues soit nettement inférieur à celui des émissions en estonien. De plus, le fait que l’origine des membres des collectivités locales soit confidentielle empêche de savoir si les élections sont exemptes de discrimination.

La séance est levée à 18 h 5.

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