NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l'élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.142113 septembre 2000

Original : FRANÇAIS

COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Cinquante-septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1421ème SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le lundi 14 août 2000, à 15 heures

Président : M. SHERIFIS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Quinzième rapport périodique du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord(suite)

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Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (Point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Quinzième rapport périodique du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (CERD/C/338/Add.12 Part I et II ; HRI/ CORE/1/Add.5/Rev.2) (suite)

1.Sur l'invitation du Président, les membres de la délégation britannique reprennent place à la table du Comité.

2.M. PILLAI souhaite que la délégation britannique revienne sur l'émergence d'une "troisième génération de communautés minoritaires" dont il est question au paragraphe 11 du rapport. Au sujet du recensement prévu en 2001, il demande si une décision a été prise quant à l'inscription d'une question additionnelle sur la religion et à l'élargissement de celle relative à l'origine ethnique.

3.L'enquête menée actuellement sur la situation des jeunes dans le pays et les attitudes sociales, en particulier l'attitude des Blancs à l'égard des minorités, est effectivement très importante comme préalable à la définition d'une stratégie en matière de prévention de la discrimination raciale et il serait très utile de connaître les dispositions que l'État partie envisage de prendre en la matière.

4.S'agissant du plan d'action élaboré par le Ministère de l'intérieur dans le prolongement de l'enquête judiciaire sur l'assassinat en 1993 de Stephen Lawrence, il serait bon de savoir comment les autorités britanniques entendent parvenir à assurer une meilleure diversité dans la composition des forces de police et d'avoir des informations supplémentaires au sujet du recrutement des officiers de police parmi les minorités.

5.Le Gouvernement britannique devrait en outre envisager sérieusement d'autoriser les organisations non gouvernementales à représenter des plaignants dans des actions collectives en justice et de modifier sa législation dans ce sens, à l'instar d'autres États parties. Enfin, des délits à motivation raciale ont-ils déjà été sanctionnés par les tribunaux britanniques ?

6.M. BOSSUYT constate que l'État partie a pris une grande variété de mesures afin de combattre le phénomène de la discrimination raciale. La distinction, signalée au paragraphe 21 du rapport, entre la discrimination positive, illégale au Royaume-Uni, et l'action positive, légale pour autant qu'elle ne se transforme pas en discrimination, est notamment tout à fait pertinente. Le Comité se félicite par ailleurs que le Gouvernement britannique envisage d'introduire un système de représentation proportionnelle afin qu'un nombre accru de minorités participent aux élections locales.

7.Il serait utile d'avoir des précisions sur la nature des nouvelles mesures que les autorités britanniques envisagent de prendre afin d'éviter la discrimination de la part des employeurs dans le cadre des contrôles effectués pour empêcher le travail au noir. Il se dit peu convaincu par la méthode des pays d'origine spécifiés même si, selon les autorités britanniques, elle n'aurait donné lieu à aucune injustice au motif que les demandes émanant de ces pays n'étaient pas fondées et qu'il ne semble pas y exister de risque sérieux de persécution. Or, lorsqu'on étudie la liste de ces pays, on s'aperçoit que ce n'est pas exactement le cas. En réalité, cette liste semble être la somme des pays dont sont ressortissants la plupart des requérants d'asile dont les demandes ont été déboutées. Qu'entendent les autorités au paragraphe 202 par "l'instance d'appel en matière d'immigration a décidé que certains Roms d'origine tchèque et slovaque devaient obtenir l'asile mais dans des cas, les recours ont été rejetés ou abandonnés".

8.L'augmentation spectaculaire du nombre des demandes d'asile enregistrées ces dernières années au Royaume-Uni semble s'expliquer davantage par l'efficacité des filières d'immigration clandestine que par la générosité des autorités britanniques en matière d'asile. Ce phénomène est visiblement imputable à un contrôle inefficace du travail clandestin et à une politique d'immigration mal conçue qui permet, de fait, à toute personne entrée sur le territoire britannique d'y rester si elle trouve un emploi. Ce phénomène devrait être combattu avec davantage de fermeté.

9.Tout en notant avec satisfaction que la loi sur les droits de l'homme devant entrer en vigueur le 2 octobre 2000 donnera effet au Royaume-Uni aux droits et libertés énoncés dans la Convention européenne des droits de l'homme, M. Bossuyt se demande si l'État partie ne donne pas, de manière générale, sa préférence aux conventions et traités conclus dans le cadre européen.

10.Dans la deuxième partie du rapport périodique, il est indiqué qu'une loi doit conférer la citoyenneté britannique à tous les habitants des territoires d'outre-mer du Royaume-Uni, ce qui signifie que ces personnes obtiendront le droit de résider au Royaume-Uni ainsi que dans tous les pays de l'Union européenne. Le fait que les ressortissants de l'Union européenne ne jouiront pas automatiquement du droit inverse pourrait constituer une discrimination.

11.Mme MARSHALL (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord) dit que son pays a mis en place une stratégie globale d'élimination de la discrimination raciale qui vise principalement à infléchir les attitudes et les comportements dans le sens de l'égalité raciale, à placer l'égalité raciale au centre des politiques et processus gouvernementaux et à mettre en œuvre des lois strictes garantissant la non-discrimination dans le domaine de l'emploi. Le Gouvernement britannique n'hésite pas à qualifier d'impératif moral l'élimination du racisme. Des mesures très strictes ont également été prises afin de remédier au problème du racisme institutionnel. Des programmes de formation très élaborés visant à mieux faire prendre conscience du problème ont ainsi été mis en place et on a créé des réseaux pour les minorités ethniques, en particulier pour les Africains et les Asiatiques, qui s'estiment maltraités par les autorités. Un système a par ailleurs été mis au point afin de traiter les plaintes pour harcèlement et des conseillers formés à ces questions ont été mis en poste dans certains ministères à cet effet.

12.Le champ d'application de la loi sur les relations raciales a été par voie d'amendement étendu aux dirigeants d'entreprises privées, désormais tenus de faire cesser tout acte de discrimination raciale. La Commission pour l'égalité raciale, qui est en particulier chargée de l'application de cette loi, devrait être prochainement habilitée à intenter des actions en justice au nom d'individus ou de groupes d'individus, étant entendu que la victime de discrimination devra nécessairement être une personne physique.

13.S'agissant des préoccupations exprimées au sujet des exceptions prévues par la loi sur l'immigration et l'asile, un projet de loi sur cette question est à l'étude ; il prévoit l'institution d'un nouveau cadre réglementaire permettant d'assurer une meilleure transparence dans le fonctionnement des services de l'immigration et de faciliter la présentation de recours en appel par les requérants d'asile dont la demande aura été rejetée. Toutefois, la discrimination fondée sur la nationalité ou l'origine ethnique ou nationale ne sera pas illégale tant qu'elle sera autorisée par la loi sur l'immigration ou qu'elle sera appliquée en vertu d'une décision ministérielle expresse. En revanche, toute discrimination fondée sur la race, la couleur ou la religion des personnes demandant à entrer au Royaume-Uni ou à y demeurer est et restera illégale.

14.L'introduction d'une série d'exceptions se justifie car l'application de la politique de l'immigration exige légitiment un traitement différentiel des personnes en fonction de leur nationalité, voire parfois, de leur origine ethnique ou nationale. Les garde-fous actuels en place au titre de la loi sur l'asile et l'immigration ne permettent pas aux autorités de l'immigration d'appliquer sans entrave la législation relative à l'immigration. Il s'agit donc d'éviter les contestations juridiques inutiles et infondées : Un médiateur indépendant devrait être nommé dans le cadre de la nouvelle législation à l'étude; il sera notamment chargé de faire rapport annuellement au Parlement sur les justifications des autorisations ministérielles en matière de discrimination à l'immigration. Ce nouveau dispositif devrait assurer une plus grande transparence en matière de traitement des immigrants et permettre d'établir la légalité de ces exceptions. Les personnes qui s'estimeront lésées pourront faire appel des décisions rendues, de même que les ressortissants britanniques qui jugeraient la politique britannique d'immigration discriminatoire.

15.Des tribunaux ont effectivement estimé que certains groupes religieux entraient dans le champ d'application de la loi sur les relations raciales, notamment les communautés juive et sikh. Les Roms et les gens du voyage ont été reconnus par les tribunaux comme formant un groupe racial, protégé à ce titre par la loi sur les relations interraciales.

16.M. STEEL (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord) indique au sujet de l'article 4 de la Convention que le Gouvernement britannique respecte entièrement les vues exprimées par le Comité dans sa Recommandation générale XV mais s'en tient à son interprétation propre et considère donc qu'il appartient à chaque État partie de déterminer, compte dûment tenu des principes énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme ainsi que de sa situation particulière, s'il est nécessaire d'adopter les mesures prévues à l'article 4. Le gouvernement britannique est convaincu qu'il n'y a pas lieu, et qu'il peut même être nuisible, de déroger au principe de la liberté d'expression en l'absence de violence raciste ou d'incitation à la haine raciale, ce qui ne veut pas dire qu'il considère que l'interdiction des organisations racistes est nécessairement et définitivement incompatible avec la liberté d'expression. Au sujet de l'article 14, le Gouvernement britannique a également pris note des vues du Comité; il suit l'évolution de la situation mais estime que le moment n'est pas encore venu de reconnaître un droit de recours individuel.

17. Se référant à la recommandation de M. Diaconu qui souhaiterait que le Gouvernement britannique continue de presser les autorités des territoires d'outre-mer d'adopter une loi interdisant la discrimination raciale dans le secteur privé, M. Steel souligne que c'est précisément ce que fait le Gouvernement et que ses efforts ne sont pas vains puisque une législation dans ce sens est entrée en vigueur à Montserrat le 1er janvier 2000 et qu'une loi sur la question devrait être adoptée aux îles Vierges britanniques.

18.Mme MARSHALL (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord) signale que le Gouvernement a commandité une étude sur l'ampleur de la discrimination religieuse au Royaume‑Uni qui devrait être publiée à l'automne. Une étude sur les aspects juridiques et pratiques d'une législation contre la discrimination religieuse est de plus en cours de réalisation par un éminent professeur de droit de Cambridge. Le Royaume-Uni participe d'autre part activement aux négociations qui se déroulent en vue de l'élaboration dans le cadre de l'Union européenne d'une directive qui interdira toute discrimination dans l'emploi ayant pour fondement divers motifs, dont la religion. Le Gouvernement n'est pas sans savoir que les Musulmans ne sont pas pleinement protégés par la loi et il étudie les meilleurs moyens de remédier à ce problème. Contrairement au reste du Royaume, l'Irlande du Nord est dotée d'un texte législatif spécial contre la discrimination religieuse et un projet de loi devrait, grâce à un système de quotas, assurer dans les 10 ans au sein de la Police royale d'Ulster une représentation pour moitié de policiers catholiques et pour l'autre moitié de policiers non‑catholiques. Une évolution positive s'observe également en Écosse et au pays de Galles, dont l'autonomie accrue ne compromet nullement la protection qu'offre la Convention. Dans le questionnaire en cours d'établissement aux du recensement de 2001, figureront des questions sur l'origine ethnique et sur la religion.

19.Un vaste programme de formation est actuellement mis en œuvre à l'intention de tous les policiers du pays. Il s'agit de faire évoluer les attitudes individuelles tout en mettant l'accent sur les pratiques institutionnelles et la responsabilité. Au sujet des plaintes visant la police, les nouvelles dispositions, adoptées en avril 1999, applicables aux infractions commises par des policiers dans l'exercice de leurs fonctions devraient faciliter la prise de sanctions à l'encontre des policiers fautifs puisque les éléments de preuve exigés dans ce type d'affaires sont désormais moins contraignants. Les policiers soupçonnés d'avoir commis une infraction sont généralement suspendus de leurs fonctions pendant la durée de l'enquête; la décision appartient au chef du service dont relève l'auteur de l'infraction.

20. Le problème des décès en détention est traité avec le plus grand sérieux. L'autorité indépendante chargée d'examiner les plaintes contre la police est tenue de superviser toute enquête concernant un décès en détention, qui donne lieu à l'intervention d'un médecin légiste indépendant. Au cours de la période 1990‑1996, 63 % des décès en détention ont été le fait de l'intéressé lui‑même, 29 % étaient imputables à l'état de santé de l'intéressé et 8 % ont été causés par une autre personne. S'agissant du décès de Roger Sylvester, l'enquête se poursuit sous la supervision de l'autorité chargée d'examiner les plaintes contre la police.

21.Au sujet de l'administration de la justice, il existe une publication annuelle portant sur les différents aspects du système pénal et de nouvelles recherches sont en cours, notamment sur les condamnations. Le Gouvernement reconnaît que les Noirs courent en moyenne six fois plus de risques que les Blancs de se faire interpeller et fouiller. Un vaste programme de recherche a été entrepris à ce sujet dans quatre circonscriptions policières pilotes, où tous les cas d'interpellation doivent être consignés. Cela devrait permettre de définir le profil des personnes interpellées et d'évaluer l'ampleur de la disproportion constatée. Les résultats des mesures prises pour assurer une meilleure représentation des minorités dans la police apparaîtront progressivement.

22.S'agissant de la répression des infractions comportant un élément de motivation raciste, le Comité consultatif des peines (Sentencing Advisory Panel) est chargé de conseiller les juges sur le choix des sanctions et fournira bientôt à la Cour d'appel des avis sur les condamnations à prononcer dans les affaires en rapport avec des infractions racistes. La progression du nombre d'agressions racistes s'explique entre autres par le fait que les personnes appartenant à des groupes minoritaires hésitent moins à signaler ces agressions à la police et que la police intervient plus activement. Les différents organes s'occupant des infractions à caractère raciste, dont la Commission permanente des agressions racistes (RISC), collaborent afin d'améliorer l'efficacité de leur action.

23.De nombreuses mesures sont prises pour lutter contre l'exclusion sociale. Des objectifs, ventilés par groupe ethnique, ont été fixés pour remédier au problème de l'exclusion scolaire et 162,5 millions de livres sterling ont été allouées en l'an 2000 au Fonds de subvention pour les minorités ethniques.

24.Les raisons pour lesquelles les demandeurs d'asile sont si nombreux au Royaume-Uni tiennent sans doute notamment au fait que la société britannique est tolérante et multiculturelle et que le Royaume-Uni est un État qui honore ses engagements.

25.Enfin, un certain nombre d'ONG ont été consultées lors de la préparation du quatorzième rapport périodique et leur contribution a été très appréciée.

26.M. ABOUL-NASR souligne que les articles 4 et 14 de la Convention sont de nature totalement différente. L'article 4 est obligatoire et le Comité a une position unanime et très claire, à savoir que les États parties doivent l'appliquer sans poser de condition. En ce qui concerne l'article 14, facultatif, l'unanimité ne règne pas au sein du Comité. Dans ses conclusions, tel ou tel de ses membres peut bien sûr estimer que l'État partie considéré devrait faire la déclaration prévue à cet article mais ce n'est pas là une position officielle du Comité. L'attitude consistant à laisser aux États parties le soin de juger de l'opportunité d'appliquer telle ou telle disposition de la Convention peut être dangereuse. En matière d'entrée et de séjour dans le pays, par exemple, il faut savoir que toute distinction opérée sur la base de la race ou de l'origine, quelle qu'en soit la raison, est contraire à la Convention.

27.M. RECHETOV dit que le Comité respecte l'interprétation de l'article 4 de la Convention que donne le Gouvernement du Royaume-Uni sans pour autant la partager. En effet, les États parties ne peuvent pas interpréter de façon isolée les obligations leur incombant en vertu des instruments internationaux qu'ils ont ratifiés. Etant dépourvu d'un mécanisme compétent pour statuer en la matière, le Comité n'est pas en mesure de déterminer si l'interprétation du Royaume‑Uni est acceptable. Par ailleurs, il serait utile d'avoir des renseignements plus précis que ceux déjà fournis par la délégation sur le point de savoir pourquoi les non-Blancs sont arrêtés et fouillés beaucoup plus fréquemment que les Blancs au Royaume-Uni.

28.M. de GOUTTES constate que le comportement discriminatoire des policiers et du personnel judiciaire à l'égard des immigrés, des membres des communautés ethniques et des Roms est un problème se posant dans beaucoup d'autres pays que le Royaume-Uni et que certaines initiatives prises par cet État partie pour combattre pareil comportement pourraient servir de référence à d'autres. On peut en particulier citer la proposition d'instituer l'obligation pour la police d'enregistrer tous les cas d'interpellation ou d'interpellation et de fouille, y compris les interpellations opérées avec le consentement de l'intéressé, et de remettre une attestation à la personne interpellée, ainsi que le dispositif de surveillance électronique des détenus dans les postes de police et les prisons approuvé par le Ministère de l'intérieur, qui pourrait offrir un moyen efficace de contrôler le comportement de la police et du personnel pénitentiaire. Ces diverses dispositions ont-elles été effectivement adoptées et appliquées ?

29.Le Comité ayant, à l'issue de l'examen du quatorzième rapport périodique du Royaume‑Uni, en 1997, recommandé que le texte du rapport de cet État partie ainsi que les conclusions formulées par le Comité à ce sujet soient diffusés très largement auprès de la population du pays, un effort a-t-il été entrepris en vue de donner suite à cette recommandation ?

30.M. BRYDE n'est pas certain d'avoir bien compris si la position du Royaume-Uni concernant la mise en œuvre de l'interdiction de la diffusion de toute idée fondée sur la supériorité ou la haine raciale en vertu de la Convention et la nécessité de protéger la liberté d'expression est fondée sur une réserve à l'article 4 de la Convention ou sur une interprétation de cet article. Dans le premier cas, le Royaume-Uni s'exposerait aux critiques du Comité mais non dans le second. Quant au fond, eu égard à la Recommandation générale XV du Comité, force est de souligner que la liberté d'expression est également un droit de l'homme protégé par les instruments internationaux et que le Comité doit le prendre en considération d'une manière qui permette d'assurer l'équilibre nécessaire entre le droit à la liberté d'expression et l'obligation d'interdire la diffusion de textes incitant à la discrimination raciale.

31.M. Bryde ne partage pas le point de vue de M. Aboul-Nasr selon lequel l'article 14 ne ferait pas l'unanimité au sein du Comité, rappelant qu'en droit international deux États voisins peuvent parfaitement décider de supprimer en faveur de leurs citoyens respectifs certaines restrictions en matière de visa par exemple, sans être tenus d'étendre le bénéfice de cette disposition d'autres États. Un État qui adopte des restrictions à l'encontre des ressortissants d'un autre État en matière de visa n'est pas davantage tenu de prendre la même mesure à l'encontre des ressortissants d'autres États. Exiger sélectivement des visas d'entrée de la part de citoyens de certains États pourrait cependant relever d'un arbitraire de nature à soulever des problèmes quant au respect des dispositions de la Convention interdisant les pratiques ségrégationnistes. En pareil cas, le Comité pourrait probablement être amené à demander à l'État partie en cause de lui communiquer des éclaircissements et des renseignements sur ses lois relatives à l'immigration et à l'admission de réfugiés sur son territoire, étant entendu que l'État partie n'a pas l'obligation de traiter tous les étrangers de la même manière en matière de visas, sans tenir compte des obligations découlant de traités conclus avec d'autres États.

32.Mme JANUARY‑BARDILL relève que le Gouvernement britannique a mis en place des mécanismes dignes d'intérêt destinés à améliorer les relations raciales au Royaume-Uni mais qu'il lui faudrait mener une action plus efficace et énergique tendant à amener les fonctionnaires publics à changer de comportement à l'égard des membres des minorités ethniques, afin en particulier d'améliorer le fonctionnement de la justice à l'égard des minorités et de promouvoir l'élimination de la discrimination raciale. Le Gouvernement devrait en outre s'efforcer davantage d'éliminer le racisme dans les établissements scolaires, qui sont le lieu privilégié de la transmission des valeurs de la culture dominante.

33.Par ailleurs il serait intéressant de savoir quelles mesures le Gouvernement britannique prend afin de permettre aux minorités vivant dans les zones rurales dotées d'une infrastructure réduite d'accéder plus facilement aux services consultatifs et en vue d'inciter les organismes publics compétents à être plus attentifs aux besoins des membres de ces communautés.

34.M. SHAHI (Rapporteur pour le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord) aimerait avoir des précisions sur l'action menée par le Département de l'éducation afin de réduire le nombre disproportionné d'élèves d'origine afro‑antillaise renvoyés chaque année des écoles du Royaume-Uni. Les dispositions prises pour permettre aux enfants des gens du voyage d'étudier dans les mêmes écoles que les autres enfants et de recevoir ainsi une instruction de qualité dans des écoles exemptes de ségrégation scolaire ne peuvent être accueillies qu'avec satisfaction, mais selon certaines sources ces enfants nomades y subiraient ostracisme et insultes de la part des autres élèves. La délégation du Royaume-Uni peut‑elle faire des observations à ce sujet ?

35.M. STEEL (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord) dit que la position de son gouvernement concernant l'équilibre à établir entre la protection du droit à la liberté d'expression et l'obligation d'interdire la diffusion d'idées racistes en vertu de la Convention repose sur une interprétation de l'article 4 de la Convention. Le caractère obligatoire des dispositions énoncées à l'article 4 de la Convention, qui a au demeurant fait l'objet de la Recommandation générale XV du Comité, ne fait pas de doute mais les choses sont moins tranchées que ne l'a suggéré M. Aboul‑Nasr dans son intervention. En ratifiant la Convention, le Royaume-Uni a indiqué considérer qu'un État partie n'était tenu d'adopter de nouvelles dispositions législatives que dans la mesure où cela paraîtrait nécessaire pour assurer la mise en œuvre des dispositions énoncées aux alinéas a), b) et c) de l'article 4, aux fins d'interdire toute incitation à la discrimination raciale. Vu la situation actuelle et les facteurs pertinents au Royaume‑Uni, le Gouvernement estime que la promulgation des lois envisagées à l'article 4 serait contre‑productive pour les relations raciales au Royaume-Uni. La délégation du Royaume‑Uni reconnaît donc qu'il existe une différence à ce sujet entre l'interprétation de l'article 4 de son gouvernement et celle du Comité.

36.Le Gouvernement britannique est tout aussi conscient du caractère obligatoire de l'article 4 de la Convention que du caractère facultatif de l'article 14 et n'exclut pas la possibilité de faire, à terme, la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention pour reconnaître à ses ressortissants s'estimant victimes de la violation d'un droit consacré par la Convention, le droit de porter plainte devant le Comité.

37.Mme MARSHALL (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord) dit que compte tenu de la nature du racisme institutionnel, qui se manifeste dans des attitudes plutôt que dans des actes, le Gouvernement a adopté une démarche plus proactive pour lutter contre ce phénomène, prenant notamment des mesures dans le domaine de la formation. Les conditions et modalités d'exercice du pouvoir qu'ont les membres de la police d'interpeller les personnes dans la rue et de les fouiller font actuellement l'objet d'une enquête dont les résultats seront présentés lors d'un séminaire qui se tiendra à Londres à l'automne 2000. A ce propos, les fonctionnaires de la police et des administrations publiques sont disposés à procéder à des échanges de données d'expérience avec des homologues d'autres pays sur ce point.

38.Le racisme à l'école est une question préoccupante sur laquelle se penchent actuellement le Groupe contre l'exclusion sociale ainsi que le Ministère de l'éducation et l'Inspection académique ; il est en outre prévu d'intégrer dans le programme scolaire un cours portant sur ce thème et d'encourager les organismes communautaires à collaborer avec les établissements scolaires pour faciliter la résolution de certains conflits.

39.Les entreprises du secteur privé ont fait beaucoup d'effort pour éliminer les pratiques discriminatoires à l'égard des personnes appartenant à des minorités ethniques. Par exemple, 33 000 employeurs se sont engagés à soutenir le programme intitulé "New Deal" mis en place pour venir en aide aux personnes défavorisées et notamment aux membres des minorités ethniques ou nationales, et les résultats obtenus à ce jour sont positifs.

40.Pour ce qui est de l'exclusion dont sont victimes les personnes d'origine africaine ou asiatique dans les zones rurales, le Gouvernement a élaboré un certain nombre de propositions de programme à l'intention des communautés rurales. Un important rapport publié en 1999 a mis en évidence les différents types de problèmes liés à cette question et des séminaires et réunions seront organisés sur ce thème. En outre, un programme de subventions destiné à promouvoir l'égalité raciale a été lancé et permettra notamment de financer la création de réseaux d'associations bénévoles et d'organismes communautaires aux fins de collaboration. Ce programme a en outre pour objet de présenter sous un jour favorable la diversité ethnique et culturelle de la société britannique.

41.Mme Marshall indique pour conclure qu'elle fera part des observations et questions du Comité à son Gouvernement et réaffirme l'attachement de ce dernier à la lutte contre la discrimination raciale. Les conclusions adoptées par le Comité à l'issue de l'examen du quinzième rapport du Royaume-Uni, ainsi que le rapport lui‑même, seront consultables sur un site Web en cours d'élaboration, celles du précédent examen ayant été diffusées aux administrations publiques, aux autorités législatives et aux ONG concernées.

42.M. SHAHI (Rapporteur pour le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord)fait observerque déterminer l'origine ethnique des personnes en fonction de leur lieu de naissance, comme cela a été fait lors du recensement de la population anglaise et galloise, n'est pas toujours pertinent.

43.S'agissant de la question de l'immigration et des demandeurs d'asile, le Comité est préoccupé par l'instauration de procédures sommaires destinées à résorber le retard accumulé dans le traitement des dossiers de demande d'asile. Le Gouvernement devrait prendre des mesures de sauvegarde en vue de prévenir un examen discriminatoire des dossiers.

44.Il note avec satisfaction que 50 % des recommandations faites dans le rapport Macpherson ont été suivies d'effet, restaurant à un certain point la confiance des membres des minorités ethniques dans la police, ce qui est le but recherché, et espère que les mesures ambitieuses prises dans le cadre de ce rapport continueront à donner des résultats.

45.Concernant l'application de l'article 4, il faut rappeler la Recommandation générale XV du Comité aux termes de laquelle "l'interdiction de la diffusion de toute idée fondée sur la supériorité ou la haine raciale est compatible avec le droit à la liberté d'opinion et d'expression, tel qu'énoncé dans la Déclaration universelle des droits de l'homme (art. 19)". Constatant avec regret que l'État partie ne partage pas ce point de vue, M. Shahi veut espérer que le dialogue avec la Grande‑Bretagne sur ce sujet se poursuivra. En outre, s'agissant de la déclaration au titre de l'article 14 de la Convention, il encourage l'État partie, qui a adhéré à la Convention européenne des droits de l'homme, à faire un effort supplémentaire et à envisager d'accepter la procédure d'examen des communications individuelles prévue à l'article susmentionné.

46.La mise en place d'une stratégie globale de lutte contre la discrimination raciale doublée d'un système d'évaluation des résultats s'impose, y compris au niveau des territoires d'outre‑mer, plutôt que de laisser chaque organisme ou administration concernée œuvrer séparément. Il faut espérer à cet égard que la volonté manifestée par le Premier Ministre en ce sens portera ses fruits.

47. Il importe que l'autorité chargée d'enquêter sur les plaintes visant des membres de la police soit un organe indépendant et le Gouvernement devrait donc engager une réflexion sur ce point, dans le souci de restaurer la confiance des plaignants.

48.Pour ce qui est des Roms, il serait bon de savoir quelle est la situation économique des 70 % de Roms non nomades.

49.Au sujet des territoires d'outre‑mer, M. Shahi se félicite que le Gouvernement envisage de promulguer une loi accordant aux habitants des territoires d'outre‑mer la possibilité d'acquérir la citoyenneté britannique et ainsi de circuler et résider librement dans les pays de l'Union européenne. L'État partie est tenu d'adopter des mesures législatives spécifiques interdisant la discrimination raciale conformément aux dispositions de la Convention, même à titre préventif, et cela vaut également pour les îles Anglo-Normandes et les territoires d'outre-mer. Il note avec satisfaction que des mesures dans ce sens vont être prises, même si, en l'occurrence, les dispositions de référence seront celles de la loi sur les relations raciales et non celles de la Convention. C'est d'autant plus important que les populations des territoires en question sont d'origines diverses.

50.Pour ce qui est de la réhabilitation des quartiers pauvres, qui s'inscrit dans le cadre de la lutte contre le chômage, M. Shahi souligne la nécessité d'adopter une politique au niveau local, d'une part, et au niveau du secteur privé, d'autre part.

51.Le PRÉSIDENT note avec satisfaction que le rapport a été établi en se conformant aux directives du Comité et se félicite de la richesse et de la clarté des informations fournies ainsi que du dialogue franc et constructif qui a pu s'instaurer entre la délégation et le Comité.

La séance est levée à 17 h 25.

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