NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.179126 février 2007

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑dixième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1791e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 21 février 2007, à 10 heures

Président: M. de GOUTTES

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Dix‑septième et dix‑huitième rapports périodiques du Canada (suite)

La séance est ouverte à 10 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Dix‑septième et dix‑huitième rapports périodiques du Canada (CERD/C/CAN/18; document de base HRI/CORE/1/Add.91; liste de points à traiter, document sans cote distribué en séance, en anglais seulement) (suite)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation canadienne reprend place à la table du Comité.

2.Mme FULFORD (Canada) dit que, contrairement aux apparences, la délégation canadienne comprend plusieurs membres d’origine autochtone ou étrangère. En ce qui concerne la notion de «minorité visible» que des membres du Comité ont critiquée, il est évident que d’ici à une dizaine d’années elle aura perdu beaucoup de son sens, dans la mesure où la société canadienne devient de plus en plus multiethnique et que, d’ores et déjà, dans les grandes villes où plus de 50 % des habitants appartiennent à des minorités visibles, il est difficile de savoir s’il existe vraiment un groupe majoritaire. En tout état de cause, la politique migratoire du Canada a pour objectif de promouvoir le pluralisme et d’encourager chacun, quelle que soit son origine ethnique, à participer à la vie de la société, sous tous ses aspects. Le modèle canadien de multiculturalisme, qui correspond à la situation unique du pays, a considérablement évolué au fil du temps mais repose toujours sur quatre grands principes: une tolérance zéro vis‑à‑vis du racisme; la pleine représentation des membres des communautés ethniques dans tous les organes de l’État; le renforcement de la capacité des communautés ethniques de participer à la prise de décision; et la réforme des institutions, l’idée étant qu’elles ne doivent plus être fondées sur les valeurs occidentales traditionnelles mais doivent s’adapter à la diversité et à la pluralité de la société. Si le Canada n’épargne aucun effort pour promouvoir le multiculturalisme et lutter contre le racisme, il est néanmoins convaincu que la cohésion sociale passe par un équilibre entre la célébration de l’identité canadienne, d’une part, et la promotion des différences, d’autre part. Il s’agit notamment d’accueillir aussi bien que possible tous les nouveaux arrivants, de tirer parti de leur richesse et de leur diversité tout en les encourageant à adhérer aux valeurs canadiennes collectives. Le Canada ne pense pas que c’est en reconnaissant officiellement de multiples langues autochtones ou en favorisant une bureaucratie pléthorique qu’il sera mieux à même de lutter contre le racisme et la discrimination raciale. Enfin, il convient de noter que toutes les initiatives mises en œuvre dans le cadre du Programme de multiculturalisme font l’objet d’une évaluation et sont axées sur des résultats concrets.

3.Mme NASRALLAH (Canada) dit que le plan d’action contre le racisme, rendu public le 21 mars 2005, est le résultat de consultations approfondies tenues avec les différentes communautés ethniques dans le cadre des préparatifs de la Conférence mondiale contre le racisme, organisée par l’ONU à Durban (Afrique du Sud) en 2001. Le plan d’action contre le racisme tient également compte des observations formulées par le Rapporteur spécial sur le racisme à l’issue de la visite qu’il a effectuée dans le pays en 2003, ainsi que d’une enquête sur la diversité ethnique réalisée en 2002, dont il est ressorti qu’un million de canadiens estimaient avoir déjà été victimes de racisme. Mis en œuvre par une vingtaine de ministères et d’organismes fédéraux sous la supervision générale du Ministère du patrimoine canadien, du Ministère de l’immigration, du Ministère de la justice et du Ministère du travail, le plan d’action vise à agir sur de multiples fronts: améliorer l’accès à la justice pour les victimes du racisme; lutter contre la discrimination sur le lieu de travail et créer des conditions de travail équitables pour tous; améliorer l’insertion des nouveaux arrivants; et promouvoir le pluralisme et la diversité de la société. Le plan d’action a fait l’objet d’une évaluation préliminaire, qui a donné lieu à la publication d’un rapport sur le site Web du Programme de multiculturalisme. Les organismes d’exécution ont entrepris de définir des indicateurs mesurables en vue d’évaluer l’efficacité du plan en 2010.

4.M. COULTER (Canada) dit que, pour mieux lutter contre la discrimination raciale et promouvoir le multiculturalisme, le Ministère fédéral du travail a prévu d’embaucher, à compter du printemps 2007, des spécialistes de la prévention du racisme qui seront chargés de promouvoir la diversité sur le lieu de travail et de prêter une assistance aux travailleurs qui s’estiment victimes de discrimination au travail. À l’échelon fédéral, l’État canadien s’emploie à embaucher davantage de membres de minorités visibles et à accélérer leur déroulement de carrière. Actuellement, les autochtones occupent 4,2 % des postes dans la fonction publique, dont 3 % des postes à responsabilité.

5.Mme BAGGS (Canada) évoque la politique du Gouvernement québécois en matière de lutte contre la discrimination raciale, en particulier dans le domaine de l’emploi. Le taux de chômage de la communauté noire (qui est issue en grande partie de l’immigration et représente 2,1 % de la population québécoise totale) est beaucoup plus élevé que celui du reste de la population. Cette communauté se heurte en outre à un problème de reconnaissance aux niveaux provincial et fédéral des compétences acquises à l’étranger. Afin de remédier à cette situation, le Gouvernement québécois a adopté tout un train de mesures visant à améliorer l’accès des immigrés à la formation d’appoint.

6.M. SECKELL (Canada) dit que la province de la Colombie‑Britannique a adopté une loi sur le multiculturalisme ainsi qu’une stratégie visant à promouvoir le multiculturalisme et à lutter contre le racisme et la discrimination raciale. Dans ce dernier domaine, la situation est plutôt satisfaisante dans la province, même si plusieurs personnes originaires du Sud‑Est asiatique ont été victimes de crimes raciaux. Des experts ont été chargés d’étudier le problème des crimes motivés par la haine des étrangers et de formuler des recommandations pour lutter contre la xénophobie.

7.M. ABOUL‑NASR prie la délégation canadienne d’indiquer si le patrimoine canadien se distingue du patrimoine des États-Unis d’Amérique et si les communautés autochtones qui ont été privées de leurs droits fonciers dans le passé ont été indemnisées.

8.M. YUTZIS souligne que le multiculturalisme est un atout pour autant que l’État veille non seulement à respecter les particularités culturelles mais aussi à réduire les inégalités. En effet, l’objectif du multiculturalisme est atteint lorsque les inégalités entre les diverses communautés sont éliminées. À cet égard, le Canada a encore des progrès à accomplir dans le domaine des droits civils, politiques, sociaux, économiques et culturels des minorités.

9.M. PROSPER souhaiterait savoir quels sont les obstacles entravant l’intégration des immigrants et des minorités.

10.M. LINDGREN, notant qu’une centaine de langues sont parlées dans l’État partie, demande pourquoi deux langues seulement sont officielles et font l’objet d’un enseignement obligatoire. Par ailleurs, il souhaiterait savoir si les Noirs vivant au Canada sont rangés dans une seule catégorie fondée sur leur couleur de peau, ou si leur origine nationale ou ethnique est un critère pris en considération.

11.M. AMIR prie la délégation canadienne d’indiquer si, au nom du multiculturalisme et de la liberté d’expression, un mouvement fondamentaliste religieux pourrait être toléré dans l’État partie même s’il représente un danger pour les autres communautés religieuses et pour la société canadienne dans son ensemble.

12.M. THORNBERRY (Rapporteur pour le Canada) signale à propos des langues que, comme le montrent les dispositions de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, toutes les langues parlées dans un pays ne peuvent pas prétendre au statut de langue officielle, et que plusieurs facteurs, notamment la demande et les besoins, doivent être pris en compte lorsqu’il s’agit de décider si une langue doit être déclarée officielle.

13.Mme FULFORD (Canada) dit que, malgré les liens étroits et anciens qui unissent le Canada et les États-Unis d’Amérique, le patrimoine et l’identité nationale de ces deux pays sont bien distincts. La politique canadienne en matière de multiculturalisme n’est pas une politique d’assimilation mais d’adaptation réciproque, de respect et de tolérance, et les autorités sont bien conscientes qu’elles doivent encore relever un défi majeur, à savoir établir un équilibre entre la préservation de l’identité culturelle des minorités et l’élimination des inégalités.

14.Même si le Canada n’a que deux langues officielles, rien n’empêche les minorités ethniques et culturelles de préserver leur patrimoine linguistique dans un cadre autre que l’école publique. Par exemple, plusieurs minorités ont mis sur pied des centres culturels qui proposent, entre autres activités, des cours de langue. Par ailleurs, le terme «Noir» ne vise pas uniquement les individus d’origine africaine, mais il recouvre une multiplicité d’origines ethniques et nationales. Il convient de signaler, à ce propos, que l’actuel chef de l’État, Mme Michaëlle Jean, est une femme noire issue de l’immigration haïtienne.

15.Enfin, en ce qui concerne la liberté d’expression et la liberté de religion, le Gouvernement canadien est conscient de l’importance de la promotion de la tolérance, raison pour laquelle il maintient régulièrement le dialogue avec les communautés religieuses et encourage les chefs de ces communautés à prôner la modération, la tolérance et le dialogue interconfessionnel.

16.Mme NASSRALLAH (Canada) dit que la barrière des langues et la non-reconnaissance des études effectuées à l’étranger figurent au nombre des obstacles à l’intégration des minorités. Afin d’éliminer ces obstacles, le Gouvernement canadien a mis en place des cours de langues pour les immigrants fraîchement arrivés dans le pays et alloué des crédits budgétaires destinés à la création d’un mécanisme de validation des diplômes étrangers.

17.M. GILMOUR (Canada) indique que, lorsque le projet de loi antiterroriste a été soumis au Parlement pour examen, des représentants des communautés musulmanes ont été consultés et ont soumis des observations. Puis, en 2002 et 2004, de nouvelles consultations ont été organisées en vue de la révision de cette loi, auxquelles des organisations non gouvernementales canadiennes et des représentants de 22 communautés musulmanes et arabes ont participé. Plusieurs organisations non gouvernementales canadiennes et internationales, dont Amnesty International, ont formulé des recommandations au Gouvernement au sujet de ladite loi. Actuellement, cette dernière fait l’objet d’une nouvelle révision et le comité chargé de ce réexamen devrait prochainement achever ses travaux et en rendre compte au Parlement.

18.Bien que des communautés musulmanes et arabes aient exprimé leur préoccupation concernant le fait que, selon elles, la loi antiterroriste autoriserait la police à pratiquer le profilage racial, rien dans ladite loi ne permet de dire qu’un groupe ethnique ou religieux en particulier est visé. En effet, l’activité terroriste y est définie comme un acte commis intentionnellement afin, notamment, de causer la mort ou des blessures graves à une personne; de compromettre gravement la santé et la sécurité de la population; de causer des dommages matériels; ou de perturber gravement ou de paralyser des services essentiels. Toutefois, il convient de souligner que les actes commis dans le cadre de revendications, d’une manifestation d’un désaccord ou d’un arrêt de travail qui n’ont pas pour but de provoquer l’une des conséquences susmentionnées sont exclus du champ de cette définition et ne peuvent donc pas être considérés comme des actes de terrorisme. De plus, afin de répondre aux préoccupations des communautés religieuses et ethniques, on a ajouté une clause d’interprétation afin de préciser que l’expression d’une croyance ou d’une opinion de nature politique, religieuse ou idéologique n’entre dans la définition de la notion d’activité terroriste que si elle constitue un acte répondant aux critères fixés dans cette définition.

19.Par ailleurs, le Code criminel prévoit que le nom d’entités soupçonnées de soutenir des organisations terroristes peut être inscrit sur une liste et que leurs avoirs peuvent être gelés dans la mesure où l’État a des motifs raisonnables de penser qu’elles ont sciemment soutenu des activités terroristes ou qu’elles ont agi en connaissance de cause pour le compte d’une organisation terroriste. Les entités inscrites sur la liste peuvent demander au Ministère de la sécurité d’en être retirées et, en cas de refus, former un recours devant les tribunaux. En outre, il existe un mécanisme chargé d’examiner les éventuelles erreurs sur l’identité des personnes soupçonnées. Enfin, la liste doit être mise à jour tous les deux ans et, depuis sa création, elle a déjà été réexaminée deux fois.

20.En cas de poursuites lancées contre une personne soupçonnée d’implication dans des activités terroristes, l’État assume la charge de la preuve et doit démontrer que l’intéressé a participé en connaissance de cause à des activités terroristes et a agi intentionnellement. De plus, le Procureur général doit avoir donné son accord pour que de telles poursuites puissent être lancées. Depuis son entrée en vigueur en 2001, la loi antiterroriste n’a été que rarement appliquée, l’affaire la plus marquante ayant été l’arrestation et le jugement en 2006 d’une vingtaine de personnes mêlées à la préparation d’un attentat sur sol canadien.

21.Mme BELOPOLSKY (Canada) dit que, depuis sa création en 2005, la table ronde transculturelle sur la sécurité s’est penchée sur des questions liées à la sécurité intérieure telles que le profilage racial et les conséquences des mesures de sécurité pour certaines communautés ethniques et religieuses. La table ronde a organisé toute une série de réunions et mené des activités qui ont permis à des membres des communautés concernées et à des représentants des organes de la sécurité publique de nouer le dialogue et de mieux comprendre leurs préoccupations respectives. Parallèlement à ces réunions, des mesures concrètes visant à renforcer la confiance des minorités dans la police ont été prises et, en 2005 et 2006, des campagnes menées dans tout le pays ont permis d’aller à la rencontre des communautés intéressées et de s’entretenir avec elles de ces questions.

22.Les individus qui souhaitent porter plainte contre des membres de la police, des services de sécurité et du personnel des douanes peuvent saisir les tribunaux ou, s’il s’agit de membres de la Gendarmerie royale du Canada, la Commission des plaintes du public. Cet organe est indépendant et habilité à recevoir les plaintes des particuliers, à mener des enquêtes, à en publier les résultats et à formuler des recommandations. Quant aux plaintes mettant en cause des membres du Service canadien du renseignement de sécurité, elles peuvent être adressées au Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité ou à l’Inspecteur général du Service du renseignement, deux entités chargées de la surveillance interne des activités des membres du Service du renseignement.

23.Les certificats de sécurité permettent aux autorités d’expulser un résident permanent ou un étranger qui représenterait une menace à la sécurité nationale pour espionnage, atteinte aux droits de l’homme ou encore appartenance aux réseaux du crime organisé. La possibilité de recourir à une telle mesure est inscrite dans la législation canadienne depuis 1978 et est donc antérieure aux attentats terroristes du 11 septembre 2001. Les certificats de sécurité délivrés jusqu’à présent n’ont pas ciblé un groupe ethnique en particulier mais des terroristes islamistes, arabes laïques ou sikhs, des espions russes ou encore des extrémistes de droite. En revanche, la délégation n’est pas en mesure de fournir des précisions sur le nombre de non-ressortissants d’ascendance africaine qui ont été frappés d’une mesure d’expulsion, car l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) n’a pas le droit de recueillir et de compiler des statistiques ventilées par race.

24.Mme ROBIN (Canada) dit que l’Ontario a récemment adopté la loi sur les agences d’investigation ou de sécurité, qui dispose que les agents des services privés de sécurité doivent être titulaires d’un permis délivré par le Ministre de la sécurité publique et suivre une formation obligatoire incluant notamment des cours de sensibilisation à la diversité. En vertu de cette nouvelle loi, un code de bonne conduite applicable à tous les agents de sécurité devrait être adopté.

25.Mme EID (Canada) indique que le Code criminel punit l’incitation à la haine raciale, notamment par l’Internet; elle précise que depuis décembre 2001 les tribunaux peuvent ordonner qu’un site contenant des propos haineux soit interdit dès lors qu’il est hébergé sur un serveur se trouvant dans une localité relevant de sa juridiction.

26.La Commission canadienne des droits de la personne, qui reçoit et traite les plaintes pour discrimination opposant des particuliers et des employeurs, met l’accent sur la médiation. Les négociations peuvent aboutir à des excuses et à une réintégration de l’employé lésé dans ses fonctions assortie d’une indemnité à titre de compensation pour les pertes de salaire, voire s’accompagner d’une réorientation de la politique ayant été à l’origine de la discrimination. Couplée à la simplification des procédures d’enquêtes, la médiation a permis de réduire considérablement le temps de traitement des plaintes, qui est passé de 25 à 9 mois.

27.Toutes les commissions des droits de l’homme du pays participent indirectement à la rédaction des rapports périodiques du Canada puisqu’elles rendent compte de leurs activités aux juridictions fédérales, provinciales et territoriales dont elles relèvent.

28.Pour répondre aux préoccupations des organes conventionnels de l’ONU au sujet de l’insuffisance du mécanisme de plainte de la Province de l’Ontario en cas de violation des droits de l’homme, il a été adopté, le 5 décembre 2006, une loi modifiant le Code des droits de la personne et portant création d’un nouveau mécanisme de plainte. Celle loi offre aux victimes la garantie que leur plainte sera examinée quant au fond par des juges indépendants du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario et prévoit la mise en place d’un système d’aide juridique à leur intention. La Commission ontarienne des droits de la personne ne sera donc plus habilitée à recevoir des plaintes individuelles pour discrimination, mais continuera à jouer un rôle primordial au sein du système des droits de l’homme. Outre son travail de sensibilisation du public, de recherche dans le domaine des droits fondamentaux et de suivi de la situation des droits de l’homme dans l’Ontario, elle veillera notamment à éliminer les obstacles structurels à l’égalité de tous et à protéger l’intérêt public. La loi modifiant le Code des droits de la personne prévoit en outre la création au sein de la Commission d’un secrétariat antiracisme ainsi que d’un secrétariat aux droits des personnes handicapées.

29.Mme BELOPOLSKY (Canada) dit que le port du voile − autorisé dans les établissements scolaires − n’est à l’origine d’aucune polémique au Canada, qui prône la liberté de religion.

30.Mme ROBIN (Canada) dit qu’une équipe d’action pour la sécurité dans les écoles a été créée et chargée d’examiner la question de savoir si la loi de 2000 sur la sécurité dans les écoles, qui autorise le renvoi ou l’expulsion des élèves violents et agressifs, a réellement un effet disproportionné sur les élèves issus de minorités raciales et les élèves handicapés. Sur la base d’une vaste consultation publique, cette équipe d’action a mis en évidence la nécessité de prendre des mesures de prévention de la violence au sein des établissements scolaires et d’y rétablir progressivement la discipline. Mme Robin ajoute que le Gouvernement s’est engagé à étudier le rapport et à faire connaître les décisions qu’il prendra d’ici l’automne 2007.

31.Mme EID (Canada) dit que le Ministère du patrimoine canadien veille à ce que les conclusions des divers organes des Nations Unies créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme soient systématiquement accessibles en ligne sur son site Internet. Ces conclusions sont également examinées au sein du Comité permanent des fonctionnaires chargés des droits de la personne, composé de représentants du Gouvernement fédéral, des provinces et des territoires, et sont donc prises en compte dans l’élaboration des programmes et des politiques dans le domaine des droits de l’homme.

32.M. SICILIANOS demande si l’État partie entend se conformer à l’alinéa a de l’article 4 de la Convention qui oblige les États parties «à déclarer délit punissable par la loi toute diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale» plutôt que de continuer à considérer de tels actes comme des «facteurs aggravants» au moment de la détermination de la peine. Il juge intéressant de savoir si, dans le cadre de la lutte contre le profilage racial, les forces de police au niveau des provinces et des territoires bénéficient des mêmes programmes de formation et de sensibilisation à ces questions que les membres de la Gendarmerie royale du Canada.

33.M. KJAERUM souhaiterait savoir si l’État partie entend ratifier prochainement le Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité relatif à l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques, signé le 8 juillet 2005. Il s’interroge ensuite sur le bien‑fondé de la loi modifiant le Code des droits de la personne de l’Ontario, qui marque à certains égards un retour en arrière, notamment du fait que les victimes ne peuvent plus se faire représenter par un conseil et que les décisions du tribunal sont désormais définitives. Enfin, il voudrait connaître le sort des enfants dont les parents sont en situation irrégulière dans le pays, qui avait suscité la préoccupation du Comité à l’occasion de l’examen des treizième et quatorzième rapports périodiques du Canada.

34.M. YUTZIS, se référant à la lutte contre le terrorisme, s’interroge sur la notion de menace et se demande si l’État partie a veillé à mettre en place une politique de lutte contre les stéréotypes pour éviter les injustices, voire les dérapages, notamment au passage des frontières. Il rappelle à cet égard que la question n’est pas tant une question de sécurité qu’une question de société. Il convient certes d’éviter que des terroristes potentiels pénètrent sur le territoire canadien, mais il est tout aussi primordial de faire en sorte que les descendants d’immigrés ne s’engagent pas sur cette voie, comme cela a été le cas au Royaume-Uni.

35.M. KEMAL demande si le nombre d’étudiants étrangers asiatiques et africains a baissé dans l’État partie depuis les attentats du 11 septembre 2001.

36.Mme BELOPOLSKY (Canada) indique que les agents des forces de police des provinces et des territoires bénéficient de programmes de formation et de sensibilisation à la question du profilage racial au même titre que les membres de la Gendarmerie royale du Canada.

37.Mme DESMARAIS (Canada) précise qu’au Québec un groupe de travail sur la question du profilage racial a été mis en place en 2003, qui a conclu à la nécessité de dispenser aux policiers et aux juristes une formation dans ce domaine. Cette matière a donc été inscrite au programme des cours de l’École nationale de police du Québec. Le Commissaire à la déontologie policière du Québec a en outre entamé une tournée d’information et de sensibilisation au sein des diverses communautés culturelles afin de mieux faire connaître le Code de déontologie policière auquel sont soumis les agents des forces de l’ordre.

38.Mme EID (Canada) dit que, dans le cadre de la lutte antiterroriste, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) veille à coopérer avec ses homologues étrangers et que le Sommet annuel du G-8 est l’instance appropriée pour le faire.

39.Mme ROBIN (Canada) dit que la loi modifiant le Code des droits de la personne de l’Ontario représente une avancée par rapport au Code lui-même, en vertu duquel la Commission ontarienne des droits de la personne décidait de porter ou non l’affaire dont elle avait été saisie devant la justice. La nouvelle loi autorise quant à elle la victime à saisir directement le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario et l’assure que son affaire sera examinée quant au fond. En outre, les décisions du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario peuvent faire l’objet d’un appel de la part du demandeur comme du défendeur.

40.M. BULLER (Canada) indique que les étudiants étrangers ont vu leur nombre augmenter de 7,3 % entre les années universitaires 2003-2004 et 2004-2005, et que la moitié d’entre eux sont originaires d’Asie.

41.M. WATSON (Canada) indique que le Canada est déterminé à faire progresser la question des droits des peuples autochtones au niveau national comme au niveau international. Il précise que 600 000 km2 de terres ont été attribués aux populations autochtones, ce qui représente un territoire équivalant à la superficie de la France, de la Belgique et de la Suisse réunies. Le Canada est fier des efforts accomplis en matière de droits des populations autochtones, même s’il reconnaît que des efforts restent à accomplir dans certains domaines. S’agissant du projet de Déclaration des Nations Unies sur les droits des populations autochtones, M. Watson explique que ce texte, qui vise à protéger ces peuples à titre individuel ou collectifet à clarifier les responsabilités des États et des communautés autochtones, n’a pu être approuvé par son pays car certaines de ses dispositions étaient trop ambiguës et donnaient lieu à des interprétations divergentes. Le Canada a depuis proposé la reprise des négociations sur un texte énonçant plus clairement les droits des peuples autochtones.

42.Parlant de la valeur juridique des accords (ou ententes) signés avec les peuples autochtones, M. Watson indique que le débat ne concerne pas la question de savoir si des droits établis au titre d’un accord national peuvent être modifiés, mais plutôt celle de savoir si lesdits accords contiennent des dispositions claires sur ce qui peut être réalisé ou non dans les territoires autochtones. En réalité, le débat porte sur les droits définis et les droits non définis par les traités. M. Watson indique que de manière générale les accords relatifs à la jouissance des territoires autochtones sont protégés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 relatif à la protection des droits et titres des autochtones. À ce titre, les lois fédérales et provinciales régissant la propriété des ressources foncières des peuples autochtones peuvent être soumises aux tribunaux compétents, qui en examinent la conformité avec l’article 35 de la Constitution.

43.Mme DEMARAIS (Canada) rappelle l’importance que le Gouvernement canadien accorde à ses relations avec les peuples autochtones. Depuis 1998, le Gouvernement québécois a signé plusieurs accords tripartites avec les peuples autochtones, notamment des accords-cadres et des accords sectoriels. L’accord signé en 1976 avec le Grand Conseil des Cris a par exemple été renouvelé en 2002, l’objectif étant de codifier le partage de responsabilités entre le Grand Conseil et le Gouvernement provincial. Plusieurs autres accords signés par le Gouvernement québécois avec des peuples autochtones portent, notamment, sur l’octroi de ressources financières et de responsabilités aux peuples autochtones dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la sécurité publique et de la gestion des terres. Certains accords portent également sur le partage des retombées économiques de la mise en valeur des ressources naturelles situées en territoires autochtones.

44.M. SECKELL (Canada) indique que la Colombie-Britannique est sur le point de signer avec des peuples autochtones trois traités qui, une fois ratifiés par les Parlements provinciaux, seront protégés par l’article 35 de la Constitution. Ces traités précisent les aspects de la propriété foncière relevant de la common law et définissent les domaines dans lesquels les droits des peuples autochtones continueront d’être en vigueur.

45.Mme EID (Canada) indique que le Gouvernement canadien a pris des mesures concrètes pour lutter contre la violence à l’égard des femmes, en particulier des femmes autochtones, et cerner les causes principales de ce fléau. Depuis 1988, plusieurs projets intersectoriels ont été réalisés, qui ont permis d’intensifier la lutte contre la violence à l’égard des femmes. Dans le cadre du Programme de promotion des femmes autochtones du Ministère du patrimoine canadien, l’Initiative de lutte contre la violence familiale aide les groupes de femmes autochtones à étudier et à résoudre les problèmes de violence dans les familles autochtones et à élaborer des interventions contre la violence familiale. Le Gouvernement a récemment alloué 5 millions de dollars à des groupes de femmes autochtones pour leur permettre de financer des actions visant à prévenir et à éliminer ce type de violence. Le Canada soumettra prochainement des informations sur ce point au Comité pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.

46.M. SICILIANOS souligne que le Canada semble rencontrer des difficultés avec de nombreuses dispositions du projet de déclaration, à savoir non seulement les articles 26, 27, 28, 29 et 32, mais aussi les articles 4, 10, 30 et 36. Il rappelle que ce projet de déclaration est examiné depuis 1994 et qu’il devait être adopté durant la Décennie internationale des peuples autochtones, c’est-à-dire avant 2004. Il souhaite que le Canada, qui a joué un rôle moteur dans l’élaboration de ce texte, fasse preuve d’une plus grande souplesse dans les négociations à venir afin que la Déclaration sur les droits des populations autochtones, qui concerne quelque 300 millions de personnes dans le monde, puisse être adoptée sans tarder.

47.Mme DAH, à l’instar de M. Sicilianos, invite le Gouvernement canadien à assouplir sa position sur le projet de déclaration et demande au Groupe africain au sein de l’Assemblée générale d’accélérer ses travaux en vue de l’adoption de ce texte. Elle souhaite par ailleurs savoir si les ententes ouvertes signées entre les peuples autochtones et le Gouvernement fédéral ou les gouvernements provinciaux prévoient des procédures de conciliation ou d’arbitrage en cas de différend entre le Gouvernement fédéral ou les gouvernements provinciaux et les peuples autochtones, puisque, selon la délégation, les peuples autochtones refusent de se rallier au système juridique et judiciaire canadien.

48.M. PILLAI demande à la délégation canadienne d’expliquer pourquoi, lors du recensement de 2001, le nombre de personnes ayant déclaré appartenir aux peuples autochtones a connu une augmentation de 22 % par rapport à 1996. Il se dit étonné de cette situation, en particulier compte tenu du taux de mortalité élevé enregistré au sein de ce groupe de population.

49.M. CALI TZAY souhaite savoir si, selon les études réalisées au Canada, les autochtones s’estiment victimes de racisme et de discrimination.

50.M. WATSON (Canada) dit qu’en effet les peuples autochtones considèrent qu’ils sont victimes de discrimination au Canada. S’agissant du texte de la Déclaration sur les droits des populations autochtones, il rappelle que le Canada a œuvré pendant vingt ans à l’adoption d’un texte satisfaisant pour toutes les parties, mais que certains passages du projet soumis à l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre dernier n’étaient pas acceptables en l’état pour le Canada. Le Canada a proposé de rouvrir les négociations sur ce projet afin de parvenir à un texte satisfaisant pour tous.

51.S’agissant des procédures d’arbitrage ou de conciliation au titre des ententes signées avec les populations autochtones, M. Watson indique que, pour les questions de nature civile, certains accords prévoient que les peuples autochtones peuvent créer des instances de règlement des différends, comme des cours arbitrales. S’agissant de l’augmentation du nombre de personnes qui se considèrent comme autochtones, enregistrée entre 1996 et 2001, le représentant rappelle que nul n’est contraint, en vertu du droit canadien, de se déclarer membre d’un groupe ethnique et que cette augmentation est probablement due à un changement des mentalités et au taux de fécondité élevé des femmes autochtones.

52.Mme FULFORD (Canada) se félicite de la qualité du dialogue engagé avec les membres du Comité. Elle assure que les observations et les préoccupations du Comité seront étudiées et analysées avec soin. Elle remercie les membres du Comité d’avoir reconnu les efforts déployés par son pays en faveur de l’avènement d’une société exempte de discriminations, même s’il reste des progrès à accomplir dans certains domaines.

53.M. THORNBERRY (Rapporteur pour le Canada) se félicite de la richesse du dialogue noué avec la délégation canadienne et des réponses très complètes de celle-ci aux nombreuses questions qui lui ont été posées.

54.Le PRÉSIDENT indique que le Comité a ainsi achevé l’examen des dix-septième et dix‑huitième rapports périodiques du Canada.

La séance est levée à 13 h 5.

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