Nations Unies

CERD/C/SR.2074

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

5 avril 2011

Original: français

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Soixante- dix- huitième session

Compte rendu analytique de la 2074 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 2 mars 2011, à 10 heures

Président: M. Kemal

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Huitième et neuvième rapports périodiques de la République de Moldova (suite)

La séance est ouverte à 10 h 15.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Huitième et neuvième rapports périodiques de la République de Moldova (CERD/C/MDA/8-9; CERD/C/MDA/Q/8-9; HRI/CORE/1/Add.114) ( suite)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation moldove reprend place à la table du Comité.

2.M. Efrim (République de Moldova) dit que la législation moldove comporte plusieurs dispositions interdisant divers types de discrimination, mais malheureusement dispersées dans plusieurs textes de loi, dont la Constitution, le Code pénal et le Code du travail, et qu’il n’existe pas de loi portant spécifiquement sur la discrimination raciale. Compte tenu de cette lacune, des travaux ont été lancés en 2008 afin d’élaborer un projet de loi-cadre sur l’interdiction de la discrimination dans lequel les dispositions existantes seraient regroupées. Des travaux ont été menés à cette fin pendant près de trois ans, avec la participation de toutes les parties prenantes, y compris des représentants d’organisations non gouvernementales et de la société civile dont un grand nombre de propositions ont été intégrées dans la version finale du projet. Le 18 février 2011, le Gouvernement a adopté ce texte et l’a transmis au Parlement, où il est en cours d’examen. La délégation moldove estime que la future loi-cadre pourra être adoptée au plus tard en mai 2011 et entrer en vigueur avant juillet 2011. Ses dispositions ont été harmonisées avec les normes du Conseil de l’Europe en matière de discrimination, dont la Directive du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique et la Proposition de directive du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle. En outre, le projet prévoit la création d’un comité indépendant qui sera habilité à recevoir les plaintes faisant état de violations de la future loi-cadre et à ouvrir des enquêtes administratives à ce sujet. Ainsi, dans un avenir proche, la législation de la République de Moldova sera conforme à toutes les normes régionales et internationales relatives à la discrimination raciale.

3.Depuis 2007, les questions touchant la discrimination fondée sur l’appartenance à un groupe religieux sont couvertes par les dispositions de la loi no 125-XVI sur les cultes religieux et leurs composantes et l’enregistrement des communautés et associations religieuses est désormais du ressort du Ministère de la justice. Conformément aux dispositions régissant les modalités d’enregistrement de ces groupes, les personnes qui souhaitent présenter une demande à cette fin sont tenus de soumettre un dossier contenant certains documents. La réponse à cette demande est fournie par le Ministère de la justice dans les quinze jours. En cas de rejet, les intéressés peuvent présenter une nouvelle demande. Les conditions à remplir pour se faire enregistrer ne sont pas les mêmes pour les cultes religieux et pour leurs composantes: les premiers doivent compter au minimum 100 membres de nationalité moldove, tandis que les secondes doivent en comprendre au moins 10 et être reconnues comme étant des parties constitutives par la communauté religieuse dont elles se réclament.

4.Commentant les informations fournies au paragraphe 91 du rapport (CERD/C/MDA/8-9), M. Efrim indique que les 13 associations qui ont été radiées avaient été formées par des étudiants musulmans d’origine étrangère qui, une fois leurs études achevées, ont quitté le pays et ont cessé de mener des activités au sein de ces organisations. Comme ces associations n’ont pas présenté de rapport d’activité pendant plus de deux ans, elles ont été dissoutes en application de la législation pertinente, sur décision des juridictions compétentes. Actuellement, huit organisations non gouvernementales musulmanes sont enregistrées dans la République de Moldova.

5.S’agissant de l’affaire décrite aux paragraphes 94 à 98 du rapport, M. Efrim indique qu’au début de 2010, après avoir été déboutée par la Cour européenne des droits de l’homme, l’association musulmane dite «Direction spirituelle des musulmans» a présenté une nouvelle demande d’enregistrement. En tant que Vice-Ministre de la justice, M. Efrim a personnellement examiné cette demande, qui a été rejetée une fois de plus car, même si la liste de membres fournie dans le dossier comptait plus d’une centaine de noms, des signatures manquaient ou n’étaient pas valides. À ce jour, l’association concernée n’a pas formé de recours pour contester cette décision.

6.À la suite de l’arrêt rendu dans l’affaire Masaev c. République de Moldova, dans laquelle la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a conclu à une violation par la République de Moldova du droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, les dispositions du Code des infractions administratives considérées par la CEDH comme incompatibles avec la Convention européenne des droits de l’homme ont été modifiées. En conséquence, toute personne peut désormais pratiquer librement sa religion dans le pays même si celle-ci n’a pas été enregistrée auprès du Ministère de la justice.

7.En mars 2010, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a décidé dans une résolution de clore l’examen de la suite donnée par les autorités moldoves à l’arrêt rendu en 2002 par la CEDH dans l’affaire Église métropolitaine de Bessarabie et autres c.Moldova. Dans cet arrêt, la CEDH avait conclu que la liberté de religion des requérants avait été violée du fait que leur demande d’enregistrement avait été rejetée et qu’en conséquence, ils n’avaient pas le droit de pratiquer leur religion. Dans sa résolution, le Comité des ministres a reconnu les efforts déployés par le Gouvernement actuel pour appliquer l’intégralité des dispositions de cet arrêt, notamment les mesures prises en 2007 afin de modifier et compléter la législation interne en tenant compte de l’arrêt de la CEDH, qui devraient empêcher que des violations de ce type ne se reproduisent. Dans le cadre de son plan d’action pour 2011-2014, le Gouvernement moldove a prévu que la législation régissant l’enregistrement des cultes religieux et de leurs composantes soit réexaminée de façon à ce que toute disposition incompatible avec les normes européennes et internationales relatives aux droits de l’homme en soit abrogée.

8.En ce qui concerne les mesures adoptées afin de garantir la conformité de l’institution du Médiateur et du Centre pour les droits de l’homme aux Principes de Paris, M. Efrim indique qu’un groupe de travail constitué avec l’appui et la participation directe de l’équipe de pays de l’ONU a élaboré un projet de loi visant à garantir l’indépendance du Médiateur. Ce projet est en cours d’examen par un autre groupe de travail composé de représentants de l’État, d’organisations internationales et d’organisations non gouvernementales, qui le soumettra au Gouvernement pour approbation. Il comportera des dispositions régissant la procédure de nomination des candidats, leur sélection à leur désignation par le Parlement, qui garantiront que le Médiateur soit élu sans aucune ingérence de l’exécutif. En outre, le plan d’action pour 2011-2014 prévoit d’apporter des modifications à la Constitution et de renforcer le statut et l’indépendance du Médiateur et du Centre pour les droits de l’homme en les dotant d’un budget séparé, qui sera voté par le Parlement.

9.En 2010, un projet de plan national d’action relatif aux droits de l’homme élaboré avec la participation de représentants de la société civile a été approuvé par le Gouvernement et soumis au Parlement pour examen. Dans les mois à venir, des débats publics seront organisés afin que les organisations non gouvernementales puissent donner leur avis sur ce document et que sa version définitive puisse être établie. Enfin, en 2010, la République de Moldova a enfin ratifié deux instruments internationaux qu’elle avait signés depuis longtemps, la Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

10.M. Perevoznic (Moldova) dit que, par le passé, certaines personnes ont été victimes de violations de leurs droits en raison de leur origine ethnique ou raciale, mais qu’il s’agissait d’incidents isolés plutôt que d’un problème systémique. Il souligne que les articles 9 et 22 du Code moldove de procédure pénale établissent le principe de l’égalité des personnes devant la loi et les tribunaux lors de l’examen d’une affaire, sans distinction de race, d’appartenance nationale, de langue, de religion ou de sexe, notamment. En matière civile, toute personne s’estimant victime d’une violation de ses droits peut saisir la juridiction administrative compétente, laquelle est tenue d’indemniser les victimes pour les préjudices tant moraux que matériels subis.

11.Sur le plan structurel, les autorités moldoves, ayant à l’esprit les recommandations formulées par le Comité, ont pris tout un éventail de mesures pour mieux lutter contre la discrimination à l’égard des étrangers et faire connaître les dispositions de la Convention. Des séminaires de formation ont ainsi été organisés à l’intention des juges, des agents des forces de l’ordre et des gardes frontière sur les règles en vigueur concernant l’asile, les modes de protection possibles sur le territoire moldove, les droits des personnes qui bénéficient d’une telle protection en vertu des traités internationaux et de la législation nationale, les procédures de demande d’asile et le statut des demandeurs d’asile. En outre, l’étude des droits de l’homme et de l’éthique et de la déontologie de la police a été inscrite aux programmes de formation de tous les policiers, y compris de ceux qui travaillent dans les districts et les villages où vivent majoritairement des Roms.

12.Il convient en outre de noter qu’en septembre 2010, le Procureur général a approuvé le principe de l’établissement d’un formulaire statistique sur l’origine ethnique des victimes de discrimination raciale, qui sera utilisé de manière systématique dans tout le pays à compter de 2011. Un service de lutte contre la discrimination sur l’Internet a également été créé au sein du Bureau du Procureur général afin de réprimer la cybercriminalité à motivation raciale. Des projets d’amendement aux articles 346 et 176 du Code pénal sont également à l’étude en vue de réprimer plus sévèrement les propos ou écrits incitant à la haine et à la discrimination raciales et les organisations prônant la supériorité raciale.

13.Le 12 novembre 2010, le Bureau du Procureur général a intenté une action contre le Directeur de la police criminelle, suite à une plainte émanant d’une jeune étudiante rom accusée de vol qui se disait victime de brutalités policières. L’enquête est en cours.

14.Pour mieux faire connaître la loi de 2003 sur la lutte contre les activités extrémistes (CERD/C/MDA/8-9, par. 88), le Bureau du Procureur général a organisé une campagne nationale de lutte contre l’extrémisme, entendu comme le fait, pour une association, une société de médias ou une autre organisation, ou une personne physique, d’inciter à la haine ou à la discorde raciales, nationale, religieuse ou sociale.

15.S’agissant des actions menées par la police dans les lieux de culte, notamment musulmans, M. Perevoznic dit que la police moldove procède parfois, à titre préventif, à la vérification des documents d’identité des adeptes mais que la procédure s’effectue toujours dans le plein respect des droits et libertés individuelles et religieuses, sans discrimination. Le Bureau des migrations et de l’asile du Ministère de l’intérieur ne pénètre pas dans les lieux de prière et les contrôles de police ne sont effectués qu’à proximité de ceux-ci, le cas échéant. En 2010, suite à des vérifications de police, 24 personnes en situation irrégulière ont été arrêtées et 19 expulsées sur décision de justice.

16.S’agissantdel’incidentdu13 décembre 2009 au cours duquel des fidèles encouragés par le vicaire de leur église ont détruit une ménorah qui avait été installée à l’occasion de la fête juive de Hanoucca à l’entrée du jardin public «Ştefan cel Mare» dans le square de l’Europe, le représentant moldove explique qu’une enquête a été ouverte sur plainte du Congrès juif pour profanation d’un objet de culte, atteinte à la symbolique conceptuelle de la communauté juive et insulte aux sentiments religieux de cette communauté. Le commissariat de police de Chisinau, en charge de l’enquête, a informé le Procureur que les faits en cause ne constituaient pas un délit au sens de l’article 346 du Code pénal et lui a recommandé de ne pas intenter d’action en justice. Le Procureur a demandé un supplément d’enquête afin de déterminer si les faits pouvaient être assimilés à des actes de vandalisme au sens de l’article 88 du Code. Après vérification, le Procureur a décidé d’engager des poursuites contre le vicaire, lequel a été reconnu coupable d’insulte aux sentiments religieux de la communauté juive et condamné à payer une amende. Le vicaire ayant fait appel, le tribunal jugeant en deuxième instance a estimé que le Congrès juif, en édifiant un symbole religieux sur une place publique, n’avait pas tenu compte des sentiments qu’une telle initiative risquait de susciter au sein de la communauté chrétienne, ce qui constituait une provocation de sa part. La condamnation prononcée en première instance à l’encontre du vicaire a en conséquence été annulée.

17.M me Beleacova (Moldova), répondant aux questions relatives au nombre de Roms vivant sur le territoire moldove, conteste les chiffres avancés par des associations qui estiment qu’entre 150 000 et 250 000 Roms vivraient dans le pays. Elle précise qu’ils étaient de l’ordre de 12 270 selon les données issues du recensement de population effectué en 2004. Le recensement prévu en 2013 permettra de recueillir des données encore plus précises sur la population rom.

18.Mme Beleacova dit que le nouveau Plan d’action en faveur des Roms est en cours d’élaboration; deux groupes d’experts comprenant des représentants des organisations roms et des institutions publiques concernées ont présenté leurs conclusions lors d’une réunion tenue en décembre 2010 et un groupe de travail a été créé pour parachever ce plan d’action visant à créer des conditions propices au développement socioculturel de la minorité rom. Elle confirme qu’il existe en République de Moldova une élite rom qui participe à la vie sociale du pays dans tous les domaines et indique que les organisations de jeunes Roms participent désormais davantage à la vie publique. Pour favoriser la scolarisation des enfants roms, l’État a mis en place des programmes dans le cadre desquels des travailleurs sociaux spécialisés établissent un dialogue entre les parents roms et les administrations scolaires. Le Gouvernement entend poursuivre ces activités qui donnent de très bons résultats.

19.Mme Beleacova souligne que les élèves roms sont scolarisés dans les mêmes écoles que les autres enfants et qu’il n’y a pas d’écoles spéciales pour enfants roms; elle ajoute que les instituts d’enseignement supérieur de la République de Moldova accueillent en 2011 quelque 40 Roms. En ce qui concerne la terminologie employée pour désigner les Roms et le fait qu’ils sont plus communément appelés Tziganes en Moldova, elle explique que lors d’un recensement effectué récemment dans une école, les enfants roms se sont désignés eux-mêmes comme étant des Tziganes, ce qui semble indiquer que ce mot n’est pas considéré comme péjoratif. Elle ajoute qu’il est prévu, lors du prochain recensement, d’utiliser différentes appellations entre lesquelles les Roms pourront choisir celle qui leur conviendra pour se désigner.

20.M. Avtono m ov explique que le plus important est de savoir comment la population concernée choisit de se désigner elle-même et il recommande à la délégation de consulter les Roms sur cette question. Lors du recensement, il vaudrait mieux ne pas suggérer telle ou telle appellation mais demander aux personnes de s’auto-identifier afin d’éviter toute forme de discrimination. Ce qui le préoccupe, c’est que certaines personnes ne cachent leur appartenance ethnique par crainte d’une éventuelle discrimination.

21.Par ailleurs, M. Avtonomov demande s’il existe des données ventilées concernant la composition de la population carcérale et si les détenus issus de la minorité rom sont particulièrement nombreux par rapport aux autres groupes.

22.M. Avtonomov souhaite obtenir des informations plus précises sur l’enregistrement des communautés religieuses, et en particulier savoir si l’islam est enregistré en tant que religion ou en tant que communauté.

23.Relevant que les Gagaouzes ont leur propre langue mais qu’un grand nombre d’entre eux parlent également le russe, M. Avtonomov demande des précisions sur l’utilisation du russe par ce groupe et la reconnaissance officielle de ce choix par l’État.

24.M me  Beleacova (Moldova) répond qu’une République autonome des Gagaouzes a été créée en 1994 sur le territoire de la République de Moldova et qu’elle dispose de sa propre Assemblée autonome, élue tous les quatre ans. Cette Assemblée a le droit d’adopter des lois pour autant qu’elles ne soient pas contraires à la Constitution moldove, notamment dans les domaines de l’enseignement et de la culture. Le Başkan (Gouverneur) de Gagaouzie a été élu en 2010 pour un deuxième mandat. Les critères à réunir pour être éligible à la fonction de Başkan sont d’avoir plus de 35 ans et de maîtriser la langue gagaouze. Les langues officielles de la République autonome de Gagaouzie sont le gagaouze, le russe et la langue de l’État et il n’y a pas de problèmes liés à la publication de documents dans ces trois langues. La population de la République autonome des Gagaouzes s’élève à 150 000 personnes, dont 80 % de Gagaouzes et 20 % de personnes d’autres nationalités, notamment des Bulgares. Répondant à une question posée à ce sujet, Mme Beleacova ajoute que la République de Moldova a adhéré en 2008 à la Convention de la Communauté d’États indépendants (CEI) relative aux droits des personnes appartenant à des minorités nationales.

25.M. Perevoznic (Moldova) dit que l’État ne dispose pas de données chiffrées sur les détenus appartenant à la minorité rom et la proportion des différents groupes ethniques ou nationaux dans la population carcérale. Il précise toutefois que 32 procès ont été intentés au pénal contre des étrangers en 2009 et 14 en 2010, sur une moyenne de 20 000 procès pénaux engagés chaque année.

26.M. Efrim (Moldova) précise, à propos de l’enregistrement du culte musulman, qu’il a mentionné l’enregistrement de huit ONG, et non de huit communautés. Il ajoute que pour qu’une communauté religieuse puisse être enregistrée, il faut d’abord que le culte y afférent soit enregistré. À propos du nombre de Roms détenus, il indique que ce nombre est très faible et souligne que la République de Moldova n’emprisonne ses citoyens que pour des crimes très graves. Il dit que la délégation fournira ultérieurement des statistiques précises à ce sujet.

27.M. Kut souhaite savoir comment les Gagaouzes sont perçus par la population et les médias en général, s’ils peuvent occuper des postes dans la fonction publique, hors de leur territoire autonome, et s’ils ont la possibilité de s’intégrer dans la société moldove s’ils le souhaitent.

28.M me  Jantuan (Moldova) dit que la loi portant création d’une région autonome gagaouze a constitué la meilleure solution aux problèmes de cette communauté. En outre, les Gagaouzes occupent des hauts postes dans l’administration et sont actifs dans la vie politique du pays. À titre d’exemple, elle indique que le Başkan des Gagaouzes est membre du Parlement moldove. La culture gagaouze est également bien représentée et des œuvres d’écrivains gagaouzes ont été traduites en langue moldove. Les Gagaouzes sont donc bien intégrés dans la vie sociale et politique du pays et il n’y a absolument pas de ségrégation à leur encontre.

29.M. Thornberry (Rapporteur pour la République de Moldova) demande pourquoi l’enregistrement des religions relève du Ministère de la justice, qui ne lui semble pas forcément l’institution la plus appropriée pour ce faire.

30.Rappelant que la délégation a mentionné cinq affaires pour lesquelles a été invoqué l’article 178 du Code pénal, relatif à l’égalité entre les citoyens, le Rapporteur constate qu’aucune de ces affaires n’évoque des motivations raciales ou ethniques, et que la délégation a parlé à ce sujet de discrimination sociale. Cela étant il demande d’expliciter ce que signifie dans ce cadre la notion de «discrimination sociale».

31.En ce qui concerne l’incident relatif à la ménorah, M. Thornberry constate que des poursuites n’ont pas été engagées dans cette affaire au titre de l’article 346 du Code pénal relatif à l’incitation à la haine, qui vise notamment les actes portant atteinte à des biens. Il demande des précisions à ce sujet. De l’article 346 du Code pénal, qui porte également sur les appels publics à l’humiliation ou à la discrimination, le Rapporteur dit qu’il semble avoir une visée plus étroite que la Convention qui, elle, envisage l’incitation à la discrimination et à la violence. Il demande à la délégation de donner des précisions sur la portée réelle de cet article, en indiquant par exemple si la tenue d’une réunion raciste est considérée comme une incitation à la haine raciale ou si cet acte doit obligatoirement s’accompagner de paroles explicites pour constituer une infraction.

32.M. Thornberry dit qu’il n’est pas rare que les données statistiques officielles reflétant l’importance numérique d’un groupe de population donné, en l’occurrence les Roms, soient bien en deçà de celles fournies par les organisations représentatives dudit groupe, et que c’est précisément là que réside le problème: un tel écart entre les statistiques peut en effet signaler que les membres de la communauté concernée hésitent à déclarer officiellement leur appartenance au groupe en question, ce qui est préoccupant.

33.Pour ce qui est de l’usage du terme «Tzigane» pour désigner les Roms en République de Moldova, M. Thornberry note la réponse de la délégation moldove qui a affirmé que ce mot n’est pas péjoratif. Il indique que, d’une manière générale, le Comité encourage les États parties à consulter les représentants des groupes concernés pour s’assurer auprès d’eux qu’ils ne considèrent ni péjoratif ni discriminatoire le terme choisi par les autorités pour les désigner.

34.M. Efrim (République de Moldova), précise qu’en vertu du droit moldove, c’est désormais au Ministère de la justice qu’il incombe d’octroyer le statut de personne morale aux entités qui en formulent la demande et d’enregistrer les cultes religieux. Il s’agit là de l’une des deux pratiques en vigueur dans les systèmes juridiques européens, l’autre option consistant à confier cette responsabilité aux tribunaux.

35.M. Perevoznic (République de Moldova) dit que dans plusieurs affaires de violation des droits de l’homme et des libertés fondamentales, les articles 346 et 186 du Code pénal ont été appliqués par les tribunaux. En outre, la Constitution dispose que le fait de refuser un emploi à quiconque au motif de sa nationalité ou de sa race constituerait une violation d’un droit social.

36.Le projet de modification de l’article 346 du Code pénal vise à élargir la portée de cette disposition aux actes relevant de la cybercriminalité, à savoir à l’utilisation de l’Internet pour inciter à la haine ou à l’hostilité nationales, raciales ou religieuses ou pour porter atteinte à l’honneur ou à la dignité de citoyens.

37.M. Efrim (République de Moldova) précise que le projet de loi portant modification de l’article 346 du Code pénal, déposé devant le Parlement, a été retiré par la nouvelle équipe gouvernementale, qui a demandé à ce qu’il soit examiné par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Le nouveau libellé de l’article, qui devrait être soumis au Parlement pour adoption prochainement, tiendra donc compte des normes applicables à la lutte contre la cybercriminalité en Europe.

38.M. Thornberry (Rapporteur pour la République de Moldova) dresse le bilan du dialogue fructueux qui s’est instauré entre le Comité et l’État partie sur des questions essentielles de la liste de thèmes: la mise en place d’un nouveau cadre juridique et institutionnel pour la lutte contre la discrimination, prévoyant notamment la modification de certains articles du Code pénal pour punir l’incitation à la haine ethnique et raciale sur l’Internet et prévenir les crimes racistes; la formation des membres des forces de l’ordre et de l’appareil judiciaire aux questions relatives aux droits de l’homme et la sensibilisation de la population à ces questions; l’enregistrement des cultes religieux; la discrimination directe ou indirecte, délibérée ou non; la nécessité de créer les conditions voulues pour que les minorités religieuses puissent célébrer leur culte librement et éviter que des incidents antisémites similaires à ceux qui ont eu lieu à Chisinau en décembre 2009 ne se reproduisent; la question du recensement des Roms et de leur situation en ce qui concerne l’éducation, entre autres.

39.M. Thornberry a le sentiment que malgré les problèmes complexes liés à la discrimination, notamment fondée sur l’origine ethnique, auxquels l’État partie doit faire face, la situation des droits de l’homme dans le pays évolue rapidement. Il affirme que le Comité suivra avec attention cette évolution dans l’État partie, qui devra créer des mécanismes de mise en œuvre, de suivi et d’évaluation des nouvelles politiques et stratégies s’il veut atteindre ses objectifs et mieux mettre en œuvre la Convention.

40.Le Président salue le fait que la République de Moldova a toujours soumis ses rapports au Comité dans les délais impartis bien qu’elle n’ait acquis son indépendance que récemment.

41.M me Beleacova (République de Moldova) dit que l’adhésion de la République de Moldova à la Convention a eu pour conséquence d’éveiller les consciences aux questions relatives à la discrimination, de contribuer à combattre les préjugés et de faire mieux apprécier le travail des organisations non gouvernementales et de la société civile œuvrant dans ce domaine. Préoccupé par certaines manifestations de xénophobie et d’antisémitisme, le Gouvernement moldove a la volonté de créer les conditions nécessaires à une cohabitation pacifique entre les membres des différentes confessions ainsi qu’au respect des droits fondamentaux de tous, indépendamment de l’appartenance raciale, ethnique, religieuse ou linguistique. Il tient à ce que soit reconnue la diversité culturelle et linguistique des différents groupes de population du pays, tout comme leurs valeurs et traditions. Le Gouvernement moldove poursuivra dans la voie où il s’est engagé et fera tout ce qui est en son pouvoir pour instaurer une culture des droits de l’homme en République de Moldova. Il compte sur une bonne coopération avec le Comité pour y parvenir.

La séance est levée à 12 h 50.