Nations Unies

CERD/C/SR.2174

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.générale

23janvier 2013

Français

Original: anglais

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Quatre-vingt-unième session

Compte rendu analytique de la 2 1 7 4 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le vendredi 10 août 2012, à 10 heures

Président:M. Avtonomov

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements soumis par les États partiesen application de l’article 9 de la Convention (suite)

Rapport initial et deuxième et troisième rapports périodiques de la Thaïlande(suite)

La séance est ouverte à 10 h eures .

Examen des rapports, observations et renseignements soumis par les États parties en application de l’article 9 de la Convention (suite)

Rapport initial et deuxième et troisième rapports périodiques de la Thaïlande (suite) (C ERD/C/THA/1-3; CERD/C/THA/Q/1-3 )

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation thaïlandaise reprend place à la table du Comité.

2. M me January-Bardill dit qu’elle est passée, au fil de la lecture du rapport périodique de la Thaïlande, de la confusion à l’admiration à l’égard des efforts qu’elle déploie pour relever les défis auxquels elle est confrontée. Elle encourage l’État partie à continuer de lutter énergiquement contre la discrimination raciale.

3. Mme January-Bardill relève que le rapport à l’examen contient plusieurs expressions à connotation négative. Il y est notamment fait référence aux étrangers, aux personnes dont le statut est problématique et aux personnes déracinées. Certaines ont des cartes d’identité bleues, d’autres des cartes d’identité jaunes bordées de bleu foncé ou des cartes d’identité vertes. La plupart des immigrants sont décrits comme étant en situation irrégulière et les élèves étrangers qui étudient dans les différents niveaux des établissements d’enseignement thaïlandais publics sont considérés comme formant un groupe de personnes au statut problématique. L’État partie devrait veiller à ne pas étiqueter les individus et à ne pas leur imposer d’identité. Il serait préférable de trouver de nouvelles façons de les désigner en consultation avec les représentants des groupes concernés.

4. Mme January-Bardill considère que l’adoption d’une définition du racisme et de la discrimination raciale conforme à l’article premier de la Convention permettrait de remédier à l’injustice faite à certains groupes. Cette définition devrait contenir des dispositions détaillées sur les questions en jeu et encourager l’adoption de mesures spéciales pour assurer la protection des droits des groupes de personnes ayant besoin d’une protection.

5. Il serait utile que le rapport périodique suivant précise le sens de la notion de «nationalité thaïlandaise». À cet égard, il serait intéressant de savoir si la notion d’identité nationale thaïlandaise existe et, dans l’affirmative, si elle est définie de manière à garantir la protection des droits de toutes les personnes vivant dans le pays.

6. Mme January-Bardill se félicite des informations figurant au paragraphe 45 du rapport à l’examen selon lesquelles les fonctionnaires sont tenus, en vertu du Code de conduite qui régit leur conduite, d’accueillir et de s’occuper de toutes les personnes se présentant dans leurs bureaux et de les aider. Elle accueille aussi avec satisfaction les informations concernant la Stratégie adoptée pour faire face au problème de statut juridique et de droits des personnes ainsi que les données ventilées par sexe figurant au paragraphe 82. Des données ventilées plus précises devraient être fournies dans le rapport périodique suivant de l’État partie concernant l’article 5 de la Convention, notamment le droit d’accès à la justice.

7. Constatant que la législation relative au mariage décrite au paragraphe 89 du rapport à l’examen est relativement complexe, Mme January-Bardill souhaite savoir pourquoi le mariage entre Thaïlandais et étrangers est soumis à autant de réglementations administratives.

8. Mme January-Bardill recommande à l’État partie de retirer les réserves émises aux articles 4 et 22 de la Convention.

9. M me Crickley dit que la situation complexe décrite dans le rapport de l’État partie appelle des réponses multidimensionnelles et souligne à cet égard l’importance des données ventilées par sexe. Elle considère qu’il est préférable de décrire les différences que de prôner l’uniformité.

10. Mme Crickley croit comprendre que les réserves émises à la Convention et la déclaration interprétative formulée par la Thaïlande au moment de son adhésion à celle-ci seront examinées dans le cadre du Deuxième plan directeur d’action en faveur des droits de l’homme, qui est en cours d’élaboration.

11. Notant qu’un groupe a été créé au sein du Ministère de la justice et chargé de coordonner l’élaboration du rapport à l’examen, Mme Crickley souhaite savoir si une instance similaire sera établie pour assurer le suivi des observations finales du Comité et si les organisations non gouvernementales (ONG) seront consultées au sujet des différentes approches possibles en vue de leur mise en œuvre.

12. Compte tenu de la complexité de la situation à laquelle la Thaïlande fait face en matière de réfugiés, l’État partie devrait ratifier la Convention et le Protocole relatifs au statut des réfugiés et la Convention relative au statut des apatrides. Étant donné que la Thaïlande s’est engagée en ce sens dans le cadre de l’Examen périodique universel, il serait intéressant de connaître l’état d’avancement de la procédure de ratification de ces instruments. À cet égard, il convient de souligner qu’en raison des failles du système d’enregistrement des naissances, des enfants risquent de devenir apatrides, et ce indépendamment du statut de leurs parents. Des informations plus détaillées sur le système de justice en vigueur dans les camps de réfugiés seraient bienvenues, compte tenu de la confusion extrême qui semble régner au sujet des compétences des différents systèmes juridictionnels.

13. Mme Crickley aimerait également obtenir des renseignements plus détaillés sur la protection accordée aux migrantes, en situation irrégulière ou non, y compris pour ce qui est de l’accès aux soins de santé et de l’octroi de permis de travail. Elle croit comprendre qu’une nouvelle réglementation est sur le point d’être adoptée, aux termes de laquelle les femmes étrangères enceintes, même celles ayant cotisé au système de sécurité sociale, seraient contraintes de rentrer dans leur pays d’origine pour accoucher.

14. L’État partie devrait accorder la priorité au droit à l’auto-identification lorsqu’il adoptera des mesures pour assurer le développement des groupes ethniques minoritaires.

15. Mme Crickley est particulièrement préoccupée par les informations faisant état de pratiques de profilage racial et de ciblage injustifié de membres de groupes minoritaires, notamment, suspectés d’actes terroristes et d’infractions à la législation sur les stupéfiants. Elle souhaite savoir quelles mesures ont été prises pour empêcher un tel profilage et si des cours de formation sont dispensés aux fonctionnaires chargés de l’application de la législation anti-terroriste et anti-drogue.

16. M.  Muntarbhorn (Thaïlande) dit que son pays est partie à sept des neuf principaux instruments internationaux des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme. La Thaïlande n’est pas encore partie à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille mais a signé la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. La Thaïlande s’est jointe au consensus sur la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques et a également voté en faveur de l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui a été traduite en thaï et sera largement diffusée. La Thaïlande n’envisage pas, pour l’heure, de ratifier la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide mais a signé le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, qui porte également sur le crime de génocide, et envisage la possibilité de le ratifier.

17. S’agissant des conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT), M. Muntarbhorn dit que la Convention no 169 relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, n’a pas encore fait l’objet d’un débat sérieux mais qu’il a l’intention de faire une demande en ce sens dès son retour en Thaïlande. La Thaïlande est partie à plus de dix autres conventions de l’OIT, dont certaines concernent les groupes ethniques et les travailleurs migrants, comme par exemple, la Convention no 122 concernant la politique de l’emploi, 1964.

18. La Thaïlande s’est engagée, dans le cadre de la procédure d’Examen périodique universel, à adresser une invitation permanente aux titulaires de mandats des Nations Unies, y compris à ceux dont le mandat porte sur les peuples autochtones et les minorités. En ce qui concerne la relation entre l’universalité des droits de l’homme et les approches nationales et régionales des questions relatives aux droits de l’homme, M. Muntarbhorn note les tendances au relativisme culturel et la promotion de ce qu’on appelle les «particularismes» nationaux et régionaux. La Thaïlande appuie l’approche préconisée par la Déclaration et le Programme d’action de la Conférence mondiale sur les droits de l’homme tenue à Vienne en 1993, selon laquelle: «S’il convient de ne pas perdre de vue l’importance des particularismes nationaux et régionaux et la diversité historique, culturelle et religieuse, il est du devoir des États, quel qu’en soit le système politique, économique et culturel, de promouvoir et de protéger tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales.» Il en découle que si les particularismes nationaux ou régionaux sont supérieurs aux normes internationales relatives aux droits de l’homme, aucun problème ne se pose, mais que dans le cas contraire, ils devront être modifiés. L’Association des Nations du Sud-Est asiatique (ASEAN) élabore actuellement une déclaration sur les droits de l’homme. Un des enjeux principaux est de savoir comment concilier l’universalité des droits de l’homme et les particularismes nationaux et régionaux. La Thaïlande privilégie l’approche équilibrée de la question préconisée par la Déclaration et le Programme d’action de Vienne.

19. M. Muntarbhorn prend note de la recommandation du Comité tendant à ce que son pays retire les deux réserves émises à la Convention et qu’il revoie la déclaration interprétative formulée au moment de son adhésion à celle-ci mais indique que ces questions ne sont pas actuellement à l’ordre du jour, même si elles seront certainement examinées dans un proche avenir. Parallèlement, il note que certaines des dispositions des articles 4 et 22 de la Convention figurent dans la législation actuellement en vigueur. Par exemple, les discours de haine constitutifs de diffamation et de calomnie sont réprimés par le Code pénal et le Code civil ainsi que par la loi relative à la criminalité informatique, la loi relative à la diffusion radiophonique et télévisuelleet la législation sur l’état d’urgence. En outre, la Thaïlande s’en rapporte aux articles 19 et 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques concernant plusieurs aspects de la liberté d’expression.

20. La Thaïlande ayant un système dualiste, les traités ratifiés par le pays doivent être intégrés au droit interne par une loi. Il n’existe certes pas de loi consacrée expressément à la mise en œuvre de la Convention mais plusieurs de ses dispositions sont prises en compte par des lois en vigueur, y compris les articles 4, 5 et 30 de la Constitution de 2007. L’article 30 interdit la discrimination fondée sur 11 motifs. L’historique de la rédaction de la Constitution montre que les mesures spéciales pouvant être prises en faveur des groupes désavantagés ne sont pas considérées comme des mesures discriminatoires. Le Comité peut être certain que des mesures seront prises pour promulguer une législation qui comprendra des mesures de lutte contre la discrimination.

21. Dans un arrêt de 2003, la Cour constitutionnelle a jugé une loi contraire à l’article 30 de la Constitution. Cette loi énonçait les conditions requises des candidats aux élections municipales et comportait plusieurs mesures discriminatoires à l’égard des Thaïlandais de père étranger.

22. La Commission nationale des droits de l’homme intervient dans de nombreux domaines. Elle reçoit des plaintes portant sur des questions ethniques. Entre 2004 et 2011, elle a reçu quelque 60 plaintes se rapportant à la situation dans le sud de la Thaïlande, dont plusieurs dénonçaient des actes de torture et l’attitude répréhensible de certaines autorités. La Commission a été établie par la Constitution de 1997. Depuis cette date, le nombre de ses membres a été réduit, passant de 11 à 7. Le Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme a accordé à la Commission thaïlandaise des droits de l’homme le statut «A», reconnaissant ainsi sa conformité avec les Principes de Paris pour ce qui est de son indépendance et de la diversité de ses membres. La Commission thaïlandaise des droits de l’homme a notamment pour mandat de veiller à l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme; de recommander d’adhérer aux instruments internationaux qui prévoient que les organes chargés de veiller à leur application soient compétents pour recevoir des plaintes alléguant des violations des droits qui y sont consacrés; de présenter des rapports annuels au Parlement; et de promouvoir l’éducation aux droits de l’homme. Elle a un pouvoir d’assignation et peut inviter des représentants du Gouvernement et d’autres responsables à comparaître devant elle. La Commission doit également veiller à être accessible à tous et dans toutes les régions du pays, et peut mandater des experts indépendants lorsque et si nécessaire. En vertu de la Constitution de 2007, la Commission est habilitée à intenter des actions en justice et à se porter partie civile aux côtés des victimes d’actes criminels. Par ailleurs, la Constitution de 2007 a réduit le nombre de représentants de la société civile siégeant au Comité de sélection des membres de la Commission. Des mesures ont été prises pour promouvoir un processus de sélection plus pluraliste et transparent.

23. M.  Preecha (Thaïlande) dit que la violence qui sévit dans les provinces méridionales de la Thaïlande n’est pas aussi grave que les médias le suggèrent. Les habitants de ces régions continuent de travailler, de fournir des services et d’aller et venir. Sur les 10 000 incidents signalés au cours des huit dernières années, seuls 8 % concernaient des actes de violence. Les autres concernaient des conflits personnels, des conflits locaux d’intérêt et d’influence, et des problèmes de trafic de drogue. Les provinces du sud ne sont pas en état de guerre ou de conflit armé. Aucun effort n’est épargné pour prévenir la violence et permettre aux habitants de retrouver une vie normale le plus tôt possible. Les forces de sécurité sont là pour protéger les individus, pas pour les anéantir, et leur nombre est progressivement réduit.

24. La Thaïlande est un pays multiethnique, multi-religieux, multilinguistique et multiculturel. Environ 82 % des habitants des provinces du sud sont des Thaïlandais d’origine malaise. Les autres sont d’origine chinoise, thaïlandaise et indienne et sont métissés. Tous sont cependant réputés Thaïlandais.

25. Le Centre de sécurité intérieure opérationnelle met en œuvre les six stratégies suivantes dans les trois provinces du sud: encourager la compréhension; développer les ressources humaines; prévenir de nouvelles menaces; promouvoir les droits de l’homme; protéger les personnes et les biens; et inciter toutes les parties à participer. Le Gouvernement thaïlandais veille donc particulièrement à promouvoir les droits de l’homme, la justice et l’égalité pour tous. Les forces présentes dans le sud ont reçu une formation sur les questions juridiques et les questions relatives aux droits de l’homme avant et pendant les opérations militaires. En outre, des représentants de l’Organisation des Nations Unies, de l’Organisation de la Coopération islamique, du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ainsi que des ONG, des universitaires, des chercheurs et des membres du corps diplomatique ont été invités à prendre part aux activités de surveillance, à faire rapport sur la situation et à formuler des recommandations concernant la conduite à tenir.

26. Toutes les activités religieuses sont tolérées. La Thaïlande encourage ses citoyens à pratiquer leur foi, par exemple moyennant la célébration quotidienne de leur culte, la prière cinq fois par jour, l’offre de nourriture aux moines, et la pratique de rites religieux lors de fêtes ou de journées importantes. Les personnes qui observent le jeûne du ramadan ont bénéficié d’un soutien et une aide financière a été apportée aux fidèles se rendant en Arabie saoudite pour le Hadj. Une assistance est également accordée aux traditions bouddhistes, au Festival végétarien chinois et aux hommages à la déesse chinoise Lim Kor Neao.

27. La Constitution et la législation proclament l’égalité de tous et le Gouvernement s’efforce de protéger la culture, les coutumes, les traditions, le mode vestimentaire et le mode de vie de tous les groupes ethniques du pays. L’utilisation des langues locales est encouragée; ainsi, par exemple, la plupart des habitants des provinces frontalières du sud parlent la langue malaise, même s’ils n’appartiennent pas à la communauté musulmane malaise. Le malais est utilisé dans les établissements scolaires, les administrations publiques, les hôpitaux et les tribunaux, qui font appel aux services d’un interprète en cas de besoin. Les programmes bilingues en thaï et en malais ont été améliorés et étendus et l’apprentissage de l’anglais est encouragé. Il existe trois types d’établissements scolaires, les écoles publiques, les écoles privées et les établissements d’enseignement religieux. Le Gouvernement offre également des bourses aux élèves désireux de poursuivre des études supérieures, en Thaïlande ou à l’étranger. Toute personne, quelle que soit sa race et sa religion, peut participer et se présenter aux scrutins locaux ou postuler à un emploi dans la fonction publique. Les musulmans malais représentent 40 % des membres de la fonction publique dans les provinces frontalières du sud. La charia peut être appliquée dans les affaires relevant du droit de la famille et du droit de propriété, et le Bureau du procureur général a créé un centre, en coopération avec les muftis, pour fournir des conseils juridiques aux musulmans et les aider à accéder à la justice.

28. La législation d’exception en vigueur dans les provinces frontalières du sud – à savoir, la loi martiale, le décret d’état d’urgence et la loi sur la sécurité intérieure – a été décrétée aux fins d’enquêter sur les faits et de réunir des éléments de preuve pour éviter un regain de violence. Cette législation ne vise pas spécifiquement les musulmans malais mais s’appliquent à tous les Thaïlandais. M. Preecha récuse l’allégation selon laquelle une personne pourrait être détenue pendant une période comprise entre sept jours et un mois et indique que tout individu suspect incarcéré pour les besoins de l’enquête est immédiatement libéré s’il n’a rien à voir avec les faits qui lui sont reprochés. Le Centre de sécurité intérieure opérationnelle a défini les procédures d’arrestation et de détention, lesquelles proscrivent toute forme de torture. Les retards dans les procédures pénales sont en partie dus à la réticence ou à l’absence de témoins. Nul n’est interdit de se rendre aux champs ou à son lieu de travail et les pratiques religieuses ne sont pas non plus interdites. La loi martiale et le décret d’état d’urgence ont été levés dans cinq districts des provinces de Pattani et de Songkhla et l’on examine la possibilité de lever le décret d’état d’urgence dans d’autres districts.

29. M me Sirorat (Thaïlande) dit qu’en tant que pays d’origine, de transit et de destination des victimes de la traite des êtres humains, cette question est une priorité politique de la Thaïlande depuis 2004. Par exemple, la loi relative à la prévention et à la répression de la traite des êtres humains préconise une approche fondée sur les droits en matière de protection des victimes, sans distinction de sexe, d’origine ou de statut juridique, conformément au Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. En vertu de cette loi, les victimes ont le droit de travailler à l’extérieur des foyers d’accueil afin de gagner leur vie pendant la procédure judiciaire. Les procureurs peuvent également requérir une indemnisation des victimes. Un Fonds a été créé pour financer la protection et l’assistance des victimes et la loi relative à la prévention et à la répression du blanchiment d’argent a effectivement permis d’en sanctionner les auteurs. Des mesures ont été prises pour renforcer la coopération entre les organismes gouvernementaux et les ONG qui viennent en aide aux victimes de la traite et veillent à leur rapatriement et réinsertion. Le Département des enquêtes spéciales du Ministère de la justice a créé le Centre opérationnel pour la prévention et la répression de la traite des êtres humains qui est chargé de veiller au respect de la loi relative à la prévention et à la répression de la traite des êtres humains moyennant des mesures de répression plus efficaces. Les agents de l’État et le personnel des administrations publiques concernées sont régulièrement formés aux droits de l’homme. Le principal défi que les autorités doivent relever est de parvenir à identifier les victimes potentielles de la traite. C’est la raison pour laquelle les migrants sont interrogés dans les centres de rétention administrative par des équipes pluridisciplinaires composées de fonctionnaires des services de police et de l’immigration, des travailleurs sociaux, des psychologues, des gardes-côtes, des procureurs, des inspecteurs du travail et des ONG.

30. En 2013, le Gouvernement a l’intention de se doter de la législation nécessaire à la ratification de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, conformément à la recommandation formulée dans le cadre de l’Examen périodique universel. Le Ministère du travail est chargé de veiller à ce que les travailleurs migrants, indépendamment de leur statut au regard de la loi ou de leur nationalité, bénéficient d’une protection et perçoivent des prestations sociales en vertu de la loi relative à la protection de la main d’œuvre. Les travailleuses migrantes exploitées peuvent appeler le numéro d’urgence mis en service par le Ministère du travail pour signaler des abus dans leur langue maternelle. Les inspecteurs du travail enquêtent alors sur les faits dénoncés et peuvent adresser un avertissement à l’employeur. Si celui-ci n’obtempère pas, les inspecteurs du travail sont tenus d’en référer au tribunal du travail. La question du renvoi des migrantes enceintes dans leur pays d’origine fera partie de l’examen plus approfondi des droits des travailleuses migrantes et de leurs enfants, qui n’est pas encore programmé.

31. M.  Gongsakdi (Thaïlande) dit que les Rohingyas interceptés en Thaïlande ou dans les eaux territoriales thaïlandaises sont secourus et pris en charge par les autorités locales mais que ceux qui voguent vers d’autres pays et se trouvent dans les eaux internationales reçoivent des vivres et de l’eau. Le Gouvernement thaïlandais est déterminé à coopérer avec toutes les parties prenantes pour trouver une solution pérenne à la situation au Myanmar et travaille en étroite collaboration avec le HCR et les ambassades du Myanmar et du Bangladesh pour résoudre les problèmes de nationalité et d’identité de leurs ressortissants. La Thaïlande continuera de collaborer avec d’autres pays de la région dans le cadre, notamment, du Processus de Bali sur le trafic de migrants, la traite des personnes et la criminalité transnationale qui s’y rapporte. Le cas des Hmongs de la République populaire démocratique lao est considéré clos. L’approche suivie en l’espèce a consisté à doter leur pays d’origine de moyens de subsistance ou à les réinstaller dans des pays tiers.

32. La question des personnes déplacées du Myanmar, que la Thaïlande accueille depuis près de 30 ans, demeure le problème migratoire le plus important auquel le pays doit faire face. Ils seraient au nombre de 140 000 vivant dans neuf foyers d’accueil temporaires répartis dans tout le pays. Le Gouvernement thaïlandais leur fournit de la nourriture et un toit et garantit leur accès aux services d’éducation et de santé, avec l’aide d’ONG et d’organisations internationales. Le Gouvernement examine comment améliorer leurs conditions de vie et les services qui leur sont offerts, en particulier la formation professionnelle, tout en envisageant des solutions plus permanentes. Les foyers d’accueil temporaires sont administrés par des comités composés de résidents de ceux-ci, qui sont considérés comme les futurs partenaires pour ce qui est de la reconstruction du Myanmar et de la réinstallation des populations déplacées. Le Gouvernement thaïlandais suit néanmoins une approche plus systématique pour ce qui est de l’administration de la justice dans les foyers d’accueil. À cette fin, les autorités ont coopéré avec le HCR et le Comité international de secours afin d’y établir des centres d’aide juridique. La phase pilote a été élargie et comprend désormais d’autres activités telles que la formation aux droits de l’homme. La Thaïlande n’a pas de politique de retour forcé mais du fait de la porosité de sa frontière, les personnes vont et viennent en fonction de la stabilité de la situation au Myanmar. Le but ultime est naturellement de fermer les foyers d’accueil mais aucun calendrier spécifique n’a été fixé.

33. La Thaïlande a mis en place un mécanisme qui permet de réexaminer régulièrement la position de la Thaïlande à l’égard de la Convention relative au statut des réfugiés et du Protocole s’y rapportant. Si la situation au Myanmar était réglée, la Thaïlande n’aurait plus qu’à gérer une population de réfugiés urbains de 2 000 personnes, ce qui serait beaucoup moins contraignant et permettrait de ratifier lesdits instruments. Parallèlement, la Thaïlande respecte les dispositions de la Convention précitée même si elle n’en est pas partie, conformément à sa tradition d’humanité. Ainsi, les bureaux de l’administration provinciale, administrés par le Ministère de l’intérieur, filtrent les migrants en vue de leur admission dans le pays et assure leur protection dans les foyers d’accueil temporaires. Les bureaux de l’administration provinciale travaillent à la mise en place d’une procédure d’admission accélérée aux fins de regroupement familial. Les droits de l’homme sont au cœur de plusieurs initiatives, y compris celle faisant obligation aux militaires de porter des cartes à code couleur indiquant les comportements acceptables et les comportements inacceptables. Enfin, la Thaïlande continue de s’informer auprès d’autres pays des moyens qu’ils utilisent pour gérer les flux migratoires.

34. M.  Tharathep (Thaïlande) dit que tous les Thaïlandais, y compris les membres de minorités ethniques, ont droit à la couverture médicale universelle et à l’éducation, à condition qu’ils soient enregistrés à l’état civil. Compte tenu du fait que les travailleurs migrants et quelques minorités ethniques et tribales ont tendance à ne pas déclarer les naissances, le Gouvernement a approuvé en mars 2010 un budget de près de 15 millions de dollars destiné à financer les soins de santé des personnes non enregistrées. Bien qu’il soit envisagé d’étendre la couverture médicale à tous, sans distinction de nationalité, une évaluation menée par l’Organisation mondiale de la Santé sur la gestion des autorités thaïlandaises de la pandémie de grippe en 2009 n’a révélé aucune différence notable entre le traitement des migrants et les soins apportés aux Thaïlandais. Les services de santé et d’éducation offerts aux personnes déplacées vivant dans des foyers d’accueil temporaires sont gérés par les bureaux provinciaux et des ONG, sous l’égide du Ministère de l’intérieur. Les droits linguistiques sont garantis par la Constitution et les élèves apprennent à lire et à écrire dans leur langue maternelle, en parallèle du thaï. Le Ministère de la culture a mené plusieurs campagnes de promotion des langues locales.

35. M me Kashemsanta na Ayuddhaya (Thaïlande), évoquant la déclaration d’un membre du Comité jugeant peu claire la définition d’un groupe ethnique, indique que son pays a rencontré plusieurs difficultés pour élaborer son rapport périodique en 2005 car la question de la discrimination raciale n’avait pas encore fait l’objet d’études à l’époque. Pour faciliter la procédure d’établissement du présent rapport, des consultations ont été menées auprès des administrations publiques, des entités privées, des ONG et des experts universitaires. Deux comités ont également été créés afin de définir la structure et le contenu du rapport, respectivement.

36. La définition des minorités et groupes ethniques figurant au paragraphe 11 du rapport, qui émane du Département de l’administration provinciale du Ministère de l’intérieur, a une portée restreinte car elle a été élaborée alors que la Thaïlande connaissait une vague d’immigration massive. C’est pourquoi c’est la définition plus large figurant au paragraphe 13, établie sur le fondement des recherches en cartographie ethnolinguistique réalisées en Thaïlande, qui a été retenue aux fins du rapport à l’examen. En vertu de cette définition, il existe en Thaïlande 62 groupes ethniques divisés en quatre groupes principaux. Six réunions ciblées ont été organisées avec les groupes ethniques dans tout le pays, et la population a été invitée à commenter le projet de rapport lors de plusieurs réunions à participation non limitée.

37. Mme Kashemsanta na Ayuddhaya ne sait pas si les définitions utilisées dans le rapport sont conformes à la Convention et dit que la délégation thaïlandaise souhaiterait recevoir l’avis du Comité sur ce point. Avec le soutien du Comité, et grâce à des instruments internationaux tels que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques en tant que cadre de référence, la Thaïlande devrait pouvoir améliorer sa procédure d’établissement de rapports périodiques à l’avenir.

38. M.  Jinawat (Thaïlande) indique que de nombreuses parties prenantes ont été associées à l’élaboration du rapport périodique de la Thaïlande et souligne qu’il est très difficile de travailler dans une délégation qui comprend 25 personnes représentant un large éventail d’organismes. La Thaïlande a beaucoup appris grâce au dialogue avec le Comité et est disposée à donner effet à ses recommandations pour améliorer la méthode d’élaboration et le contenu de son prochain rapport périodique. En réponse à une remarque de Mme Crickley, M. Jinawat précise que la procédure d’établissement de rapports est fondée sur une approche participative et qu’un mécanisme sera établi pour assurer le suivi des recommandations du Comité.

39. Le Président dit qu’il est difficile pour le Comité d’aider la Thaïlande à classifier ses groupes ethniques. En vertu du droit international, l’auto-identification est le meilleur moyen de différencier les groupes ethniques. La langue est de ce point de vue un facteur important mais ce n’est pas le seul critère permettant de définir l’appartenance ethnique, puisque les locuteurs de plusieurs langues ou dialectes peuvent s’identifier à un seul groupe ethnique, comme tel est le cas des Mayas en Amérique latine et des Maris en Fédération de Russie. La religion est aussi un élément dont il doit être tenu compte, étant donné son impact sur la culture et le mode de vie des peuples. Le Comité s’intéresse davantage à la discrimination commise à l’encontre de différents peuples qu’à la définition de ces derniers. Cela ne l’empêche cependant pas de recommander de temps à autre aux États parties de reconnaître que certains groupes de population sont différents de la population majoritaire, ainsi qu’ils le revendiquent eux-mêmes, comme les Amazighs en Libye, au Maroc et en Tunisie.

40. M.  Thornberry, répondant à la déclaration de M. Muntarbhorn, attire l’attention de la délégation thaïlandaise sur la Recommandation générale no 23 du Comité concernant les droits des populations autochtones ainsi que sur sa Recommandation générale no 8 concernant l’interprétation et l’application des paragraphes 1 et 4 de l’article premier de la Convention, qui traite de l’auto-identification. Il juge positive la discussion en cours concernant les peuples autochtones, même si elle se base sur une terminologie inadéquate. Il encourage la Thaïlande à se doter d’une stratégie nationale sur cette question et à ratifier notamment la Convention no 169 de l’OIT, tout en reconnaissant que la majorité des communications soumises à l’OIT en rapport avec cet instrument portent sur la participation des peuples indigènes et tribaux aux décisions qui les concernent et à leur consentement préalable aux projets menés sur leurs terres. Citant le paragraphe 8 de la Recommandation générale no 32 du Comité, concernant la signification et la portée des mesures spéciales dans la Convention, M. Thornberry rappelle que le principe de non-discrimination se fonde sur l’égalité de traitement de personnes dans des situations objectivement comparables. Traiter les individus de la même manière porterait atteinte à la jouissance des droits de certains groupes de population. Par exemple, l’établissement d’une langue commune d’enseignement peut nuire à l’exercice des droits des enfants dont la langue maternelle n’est pas la langue officielle du pays. Il attire l’attention de la délégation sur les lignes directrices élaborées par divers organismes des Nations Unies en matière d’éducation, y compris les recommandations formulées par le Forum des Nations Unies sur les questions relatives aux minorités et l’Avis no 1 (2009) du Mécanisme d’experts des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

41. La réserve émise par la Thaïlande à l’article 4 de la Convention et sa déclaration interprétative concernant les articles de cet instrument ne permettent pas de mesurer facilement le degré d’engagement de l’État partie à l’égard de la Convention. Le droit international devrait primer le droit interne. En ce qui concerne la nécessité d’incorporer les dispositions de l’article 4 dans la législation thaïlandaise, M. Thornberry souligne que cet article joue un rôle préventif et qu’il ne peut être appliqué qu’au moyen d’une législation pertinente. Il encourage donc vivement l’État partie à lever ses réserves. Il considère également que la Thaïlande doit harmoniser son corpus législatif avec les obligations qu’elle a contractées en vertu de la Convention, dans l’intérêt de l’État lui-même mais aussi de ses ressortissants, car la multiplication de lois ajoute à la confusion. Il faudrait également que les rapports périodiques de la Thaïlande emploient la terminologie appropriée et qu’il en soit de même en droit et en pratique. En conclusion, M. Thornberry affirme que le rôle du Comité n’est pas d’interroger les États parties mais de coopérer avec eux afin de veiller à ce que la Convention soit effectivement mise en œuvre.

42. M.  Saidou considère que la Commission thaïlandaise des droits de l’homme est une institution crédible mais qu’elle a manqué de détermination sur certaines questions sensibles depuis la réforme de 2007. L’État partie doit prendre d’autres dispositions légales pour protéger les membres de la Commission nationale, compte tenu du rôle de plus en plus important qu’elle joue. Selon des informations communiquées au Comité, la Commission recevrait quelque 700 plaintes chaque année, mais en l’absence d’un représentant de la Commission à la présente séance, il est impossible de savoir combien portent sur des faits de discrimination raciale.

43. M. Saidou note que la Thaïlande connaît une forte croissance économique et que les entreprises publiques gagnent en influence. Il relève également que la responsabilité pénale des personnes morales a été introduite dans le Code de procédure pénale et le Code pénal thaïlandaise mais il souhaite savoir si, eu égard à la responsabilité sociale des entreprises, l’État partie a envisagé de prendre des mesures pour veiller à ce que ces entreprises ne se livrent pas à des pratiques discriminatoires dans le cadre de leurs investissements ou de leurs activités à l’étranger.

44. Évoquant le paragraphe 35 du rapport à l’examen, M. Saidou souhaite savoir ce que signifie précisément le terme «personnes déracinées». Il s’interroge également sur la raison pour laquelle les personnes originaires du Myanmar qui ont fui vers la Thaïlande sont qualifiées, au paragraphe 38, de «personnes déplacées» et non de «migrantes» ou de «réfugiées».

45. M.  Gongsakdi (Thaïlande), en réponse à la deuxième question de M. Saidou, explique que le terme «personnes déplacées» a été utilisé pour éviter l’emploi du terme «réfugiés», puisque la Thaïlande n’a pas ratifié la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

46. M.  Muntarbhorn (Thaïlande) indique que les termes «ressortissants» et «non ressortissants» ont été utilisés afin de démontrer que les activités de contrôle et d’évaluation visent tous les habitants et pas seulement les Thaïlandais. La Thaïlande tient compte du principe de consentement préalable et éclairé. Ainsi les droits communautaires sont garantis par la Constitution, qui prévoit que chacun a le droit de prendre part aux décisions relatives à l’environnement. Il sera nécessaire à l’avenir d’étendre ce principe aux domaines de la santé et des droits de l’homme. Le représentant prend note de ce que selon les membres du Comité, la notion de discrimination doit être élargie à la discrimination directe, indirecte, individuelle, systémique et structurelle. S’agissant des questions relatives à l’utilisation des langues et à l’éducation, la Thaïlande coopère étroitement avec l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), qui préconise également qu’un enseignement soit dispensé aux élèves dans leur langue maternelle. La Thaïlande va réexaminer sa déclaration interprétative ainsi que les réserves émises à certains articles de la Convention. Début 2012, la Thaïlande a retiré sa réserve à l’article 7 de la Convention relative aux droits de l’enfant et des négociations sont en cours pour lever celles se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, ce qui témoigne de sa volonté de faire preuve d’une plus grande transparence et d’adhérer aux instruments internationaux. La Thaïlande reste ouverte au principe d’adoption d’une loi interdisant spécifiquement la discrimination raciale mais considère que son arsenal législatif diversifié en la matière est pour l’heure suffisant. En ce qui concerne l’institution thaïlandaise des droits de l’homme, M. Muntarbhorn dit que la protection des droits de l’homme requiert une attention accrue. Il ignore combien de plaintes, sur les 700 à 800 reçues chaque année, portent sur des faits de discrimination raciale mais estime que la majorité d’entre elles concerne des menaces sur le droit à la vie. Entre 2004 et 2011, environ 60 procédures ont été ouvertes dans le sud de la Thaïlande pour des faits allégués de torture pouvant être partiellement liés à des questions de discrimination raciale. M. Muntarbhorn reconnaît que davantage d’efforts pourraient être déployés pour recueillir des données ventilées. Il indique, en dernier lieu, que la Thaïlande comprend l’importance de la responsabilité sociale des entreprises et espère que le groupe de travail sur les entreprises qui vient d’être créé et l’invitation permanente adressée par l’État partie aux titulaires de mandat au titre des procédures spéciales favoriseront les progrès sur ce plan.

47. M.  Calí Tzay félicite la Thaïlande pour les efforts qu’elle déploie afin de venir en aide aux réfugiés mais recommande au pays de revoir sa position concernant la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Réitérant les observations formulées par M. Kemal et M. Vázquez à la séance antérieure, il se dit préoccupé par les informations faisant état de la stigmatisation des musulmans dans le sud de la Thaïlande sur la base de présomptions de terrorisme ou d’appartenance à des groupes d’insurgés. Bien que 80 % des suspects aient par la suite été disculpés, ils continuent d’être considérés comme dangereux, de faire l’objet d’enquêtes et d’être fichés, ce qui constitue du harcèlement. L’État partie est invité à donner des informations sur la situation de ces personnes et à indiquer s’il envisage de supprimer les musulmans des bases de données.

48. M.  de Gouttes souligne l’absence de loi spécifique thaïlandaise définissant la discrimination raciale et l’érigeant en infraction pénale. L’article 4 de la Convention indique expressément que les États parties sont tenus de déclarer infractions punissables par la loi, entre autres, toute diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale, toute incitation à la discrimination raciale, ainsi que tous actes de violence dirigés contre toute race, toutes activités de propagande raciste et toute assistance apportée à des activités racistes, y compris leur financement. M. de Gouttes rappelle qu’aucun État n’est totalement exempt de discrimination ethnique et raciale et qu’à ce titre, les dispositions de l’article 4 sont contraignantes pour tous les États parties à la Convention, comme indiqué dans la Recommandation générale no 15 du Comité. Étant donné que la Convention n’est pas directement applicable en Thaïlande du fait de son système juridique dualiste, M. de Gouttes demande instamment à l’État partie d’incorporer en droit interne les dispositions de la Convention et de veiller à leur mise en œuvre effective, en particulier l’article 4.

49. M.  Jinawat (Thaïlande) dit que le Gouvernement thaïlandais fait tout son possible pour évaluer la situation qui prévaut sur le plan sécuritaire dans les provinces frontalières du sud. Un examen des lois, politiques et règlements régissant les organes chargés de la sécurité et de l’application des lois dans la région est en cours. En outre, les progrès réalisés dans le domaine des droits de l’homme ont permis au Ministère de la justice et à ces organes de travailler ensemble, y compris en vue de la formation des formateurs et de l’élaboration d’un manuel d’intervention des forces de l’ordre. Les tribunaux ont acquitté près de 80 % des personnes suspectées d’avoir pris part à la flambée de violences dans le sud du pays. Le Gouvernement a approuvé un programme d’indemnisation des populations touchées et met davantage l’accent sur la prévention. En outre, le Gouvernement associe la société civile à l’évaluation des mesures prises par les agences de sécurité et les organes chargés de l’application des lois, y compris en autorisant l’inspection des postes de police et des bases militaires.

50. M.  Vázquez relève que selon la déclaration interprétative formulée par la Thaïlande au moment de son adhésion à la Convention, la Convention ne s’applique pas au-delà du cadre de la Constitution et considère que la législation thaïlandaise pose problème pour les raisons exposées par M. Thornberry. Des précisions sont nécessaires au sujet de la réserve à l’article 4, qui est, en outre, libellée comme une déclaration interprétative. Il serait utile de savoir si cette réserve doit être considérée comme une déclaration interprétative. En outre, par sa réserve à l’article 4, l’État partie a annoncé qu’il ne promulguera de nouvelles lois se rapportant aux dispositions des alinéas a, b et c de l’article 4 que lorsqu’il l’estimera nécessaire. Or, le fait qu’une réserve se fonde sur la nécessité supposée d’une loi pose un problème de principe. M. Vázquez demande si cette réserve signifie qu’il appartient uniquement à l’État partie de décider si la législation pertinente est nécessaire ou s’il est disposé à entendre le point de vue du Comité sur ce point. Ce sont surtout les motifs de cette réserve qui posent problème car ils ne sont pas plus clairs aujourd’hui.

51. Notant que l’état d’urgence a été levé dans certains districts du pays, M. Vázquez espère que l’État partie jugera qu’il peut en être fait de même dans les autres districts. Il dit ne pas avoir reçu de réponse de la délégation aux questions qu’il a posées concernant la situation des personnes appartenant aux tribus montagnardes vivant dans le nord du pays, en particulier au sujet de la législation sur les forêts, l’impact de cette législation sur la vie même de ces personnes et les problèmes qui en découlent, en particulier les obstacles que cela crée en matière d’accès à la nationalité.

52. Le Président, s’exprimant en tant que membre du Comité, dit que l’article 4 ne fait pas nécessairement obligation aux États parties d’adopter des lois dans les domaines énoncés, puisque les objectifs indiqués peuvent être atteints par d’autres moyens tels que des politiques ou l’établissement de traditions ou de coutumes.

53. M.  Diaconu conteste le point de vue du Président. Le fait que le système juridique de la Thaïlande soit un système dualiste signifie que le pays doit adopter une loi incorporant les dispositions de la Convention pour que celle-ci puisse être mise en œuvre. Quasiment tous les articles de la Convention devraient être repris dans un texte de loi pour qu’ils puissent être appliqués. En outre, l’article 2 de la Convention fait obligation aux États parties de prendre des mesures, par tous les moyens appropriés, y compris des mesures législatives, pour interdire la discrimination raciale pratiquée par des personnes, groupes ou des organisations et à y mettre fin. Dans d’autres pays, la Convention peut être invoquée directement devant les tribunaux mais tel n’étant pas le cas en Thaïlande, le pays doit incorporer les dispositions de cet instrument dans son droit national pour les rendre applicables. M. Diaconu dit en outre que l’État partie doit se doter d’une loi de lutte contre la discrimination et garantir la jouissance des droits énoncés à l’article 5. Bien que la délégation thaïlandaise ait indiqué que diverses lois protègent l’exercice de certains de ces droits, l’État partie devrait revoir les domaines dans lesquels les lois pertinentes font défaut afin d’harmoniser sa législation avec la Convention.

54. M. Diaconu ne comprend pas pourquoi les paragraphes 27 et 30 figurent dans le rapport dans la mesure où ils traitent de ressortissants étrangers. Le fait que les empires coloniaux aient été justes ou iniques dans la délimitation des frontières n’est pas pertinent en l’espèce. La Thaïlande peut promouvoir le respect des droits des personnes visées dans les paragraphes en question en s’opposant aux politiques menées par les États visés. Le pays pourrait également simplifier ses procédures d’octroi de la nationalité aux personnes d’ascendance thaïlandaise qui souhaitent revenir en Thaïlande. Enfin, M. Diaconu exhorte l’État partie à trouver une solution au problème mentionné au paragraphe 29 du rapport concernant les quelque 10 000 personnes d’origine thaïlandaise vivant au Cambodge qui ont été déplacées depuis les années 1970. Il est temps de trouver une solution à ce problème.

55. M.  Muntarbhorn (Thaïlande) dit que sa délégation transmettra au Gouvernement thaïlandais les préoccupations du Comité concernant les réserves émises à la Convention et la déclaration interprétative formulée en y adhérant. Ces réserves sont probablement dues au fait qu’un projet de loi avait été présenté sur la question générale de la discrimination au moment de la signature de la Convention par la Thaïlande, même si en fin de compte ce texte de loi n’a pas été adopté. La délégation thaïlandaise insistera néanmoins auprès du Gouvernement à son retour sur la nécessité d’adopter une loi de protection, de prévention et d’indemnisation. M. Muntarbhorn indique qu’à l’instar des experts, les membres de la délégation doivent composer avec les hommes politiques et les parlementaires, étant donné que nombre d’entre eux sont des intermédiaires qui ont dû négocier avec les représentants des pouvoirs législatif et exécutif. Il espère donc que le Comité adressera un message particulier à ces derniers dans ses observations finales.

56. M.  Gongsakdi (Thaïlande) dit que des dispositifs scientifiques sont actuellement utilisés pour surveiller et délimiter comme il convient les parcs nationaux et les réserves forestières. Des études aériennes, in situ, et autres, ont permis aux autorités d’identifier les zones qui ont été dégradées et où les terres ont été indument exploitées. Les groupes ethniques ont été autorisés à demeurer dans les zones concernées et ne sont pas sanctionnés pour ce fait à condition qu’ils ne mènent pas d’activités endommageant les parcs nationaux protégés. Les mesures qui semblent affecter certains groupes ethniques résultent de la vigilance accrue à l’égard des mouvements transfrontaliers et des activités illicites menées dans les zones frontalières; ces mesures ont été étudiées en amont et ont été prises sans distinction tenant à l’origine ethnique ou au statut des personnes. De plus, les méthodes utilisées pour le règlement des différends sont pacifiques et progressives et vont de l’organisation de réunions et de l’établissement de relations amicales à la négociation d’accords sur les circonscriptions avec les villageois.

57. S’agissant des préoccupations que suscitent les diverses amendes imposées pour endommagement des parcs nationaux, le représentant explique que ces sanctions financières ont été appliquées sans discrimination et qu’il s’agit plus de sanctions civiles que pénales. Étant donné qu’elles ont été calculées selon une formule scientifique et économique en partie basée sur le coût des minerais extraits, les hausses enregistrées de température et le temps nécessaire à la régénération des forêts, ces amendes ne sont que partiellement liées à la question plus vaste des changements climatiques. Les politiques pertinentes ont été largement débattues et continuent d’être évaluées. Le problème des personnes déplacées sera pris en compte dans la nouvelle loi sur la nationalité, qui sera adoptée en 2012 et concernera près de 18 000 personnes.

58. M me Crickley demeure préoccupée par les informations relatives à la situation dans les provinces frontalières du sud et à la discrimination multiple qui y aurait cours. On ne sait pas si l’État partie a mis fin à la pratique consistant à inscrire sur des listes noires les personnes soupçonnées d’implication dans le soulèvement. Les informations faisant état d’actes de torture ou de traitements inhumains et de l’hétérogénéité de la protection accordée aux personnes sont également préoccupantes. Considérant que le fait d’infliger des amendes sans discrimination peut aussi être discriminatoire, Mme Crickley demande si l’État partie envisage de réexaminer la loi sur les parcs nationaux et la loi sur les forêts nationales protégées afin de veiller à ce qu’elles ne contiennent pas de mesures discriminatoires et à ce que les droits des peuples qui vivent dans les zones forestières depuis des temps immémoriaux soient protégés, parallèlement à l’environnement. Ces deux questions ne doivent pas être considérées comme antagonistes. Enfin, Mme Crickey demeure extrêmement préoccupée par les droits des travailleurs domestiques migrants, en particulier leurs droits à la santé de la procréation. Elle prend note de la réponse franche de la délégation concernant l’intention du Gouvernement d’expulser les travailleuses migrantes enceintes et demande à la délégation de veiller à ce que cette proposition reste lettre morte, étant donné qu’une telle mesure dépasse de loin les limites du droit des droits de l’homme et de la Convention.

59. M.  Amir, notant que l’État partie utilise le terme de «personnes déplacées» au lieu de «réfugiés», se demande quel est le statut juridique actuel des Hmongs vivant en Thaïlande qui ont choisi de ne pas rentrer dans leur pays d’origine. L’on ne sait pas s’ils jouissent du droit au travail ou au logement, et si leurs enfants ont le droit de suivre une scolarité ou ont accès au système de soins de santé.

60. M.  Lindgren Alves dit qu’il ne faut pas que la délégation thaïlandaise ait l’impression, à l’issue de la présente séance, que le Comité a un point de vue monolithique sur les questions de terminologie. La terminologie utilisée dans le cadre des travaux du Comité est une question qui relève non seulement de l’anthropologie mais aussi du droit international des droits de l’homme. La question des minorités, des groupes ethniques et des peuples autochtones est délicate. Prenant note de l’explication donnée concernant le refus des autorités thaïlandaise d’utiliser le mot «réfugiés», M. Lindgren Alves rappelle qu’il n’existe aucun instrument international sur les minorités. Les peuples autochtones ont, en revanche, des droits très spécifiques. Enfin, l’auto-identification est un des critères les plus utilisés par le Comité, mais ce n’est pas le seul. Certains États parties emploient le terme «métis» alors que d’autres considèrent qu’il dénote d’une certaine forme de discrimination. La question de la terminologie n’est donc pas aussi simple qu’il y paraît.

61. M. Gongsakdi (Thaïlande), répondant à la question concernant la législation sur les parcs et forêts nationaux, indique que la Cour constitutionnelle a examiné si ces lois enfreignent les droits de l’homme et a conclu par la négative. Ces questions méritent cependant d’être examinées. Davantage reste à faire pour promouvoir les droits des travailleuses migrantes. En ce qui concerne les Hmongs, M. Gongsakdi dit qu’ils vivent dans de nombreux pays. Ceux restés en Thaïlande sont des citoyens thaïlandais qui jouissent des mêmes droits que les autres Thaïlandais.

62. M.  Preecha (Thaïlande) dit que les personnes arrêtées en relation avec les événements de 2004 l’ont été conformément à la loi, sans discrimination aucune. Les dirigeants locaux et religieux ainsi que les membres de la famille des personnes concernées ont été informés de leur arrestation. Seules 109 personnes ont été interpellées depuis janvier 2012, ce qui témoigne de la prudence dont ont fait preuve les forces de l’ordre et de sécurité. Des mesures correctives ont été prises en faveur des personnes qui ont libérées après avoir été reconnues innocentes. Le Gouvernement ne tient plus de liste noire. L’on n’a enregistré aucune plainte infondée pour actes de torture ou mauvais traitements au cours des deux années antérieures. Le Gouvernement examine actuellement l’opportunité de la levée de l’état d’urgence dans certaines régions, y compris en consultant les populations locales concernées.

63. M.  Huang Yong ’ an (Rapporteur pour la Thaïlande), prenant note des questions importantes soulevées par les membres du Comité concernant en particulier les droits fondamentaux des minorités ethniques, tels que les tribus montagnardes, et des groupes vulnérables tels que les femmes, les enfants, les travailleurs migrants, les apatrides, les réfugiés et les demandeurs d’asile, dans les provinces du sud de l’État partie, considère que le dialogue entre les experts et les membres de la délégation a été franc, constructif et utile. L’échange de vues a permis à l’État partie de mieux connaître le travail du Comité et les dispositions de la Convention et peut également permettre d’améliorer la situation des droits de l’homme dans le pays. Félicitant l’État partie pour la qualité du rapport périodique qu’il vient de présenter, le Rapporteur émet l’espoir que le rapport suivant sera encore plus satisfaisant.

64. M me Suwanjuta (Thaïlande) dit que sa délégation est pleinement consciente des nombreux problèmes et préoccupations qui ont été évoqués au cours des vives discussions avec les membres du Comité. La préparation du rapport a incité le Gouvernement à trouver les moyens de relever les défis relatifs à la situation des droits de l’homme de divers groupes ethniques, des personnes au statut problématique, des travailleurs migrants, des personnes déplacées et d’autres non-ressortissants vivant dans le pays. La Thaïlande veillera à ce que toutes les parties prenantes continuent de participer effectivement au processus de mise en œuvre de la Convention, y compris les organismes publics, la Commission nationale des droits de l’homme, les organisations de la société civile, les institutions universitaires et, surtout, les membres de diverses communautés ethniques. La Convention a redonné espoir à de nombreuses personnes en Thaïlande. Le Gouvernement thaïlandais a l’intention de ne pas les décevoir.

La séance est levée à 13 h 5.