Nations Unies

CERD/C/SR.1961

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

18 novembre 2009

Original: français

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Soixante-quin zième session

Compte rendu analytique de la 1961 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le vendredi 21 août 2009, à 10 heures

Président e: Mme Dah

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Dixième à quinzième rapports périodique s du Tchad (suite)

La séance est ouverte à 10 h 30 .

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (point 5 de l ’ ordre du jour) (suite)

Dixième à quinzième rapports périodiques du Tchad (suite) (CERD/C/TDC/15; HRI/CORE/1/Add.88; liste des points à traiter, document sans cote distribué en séance en anglais et français).

1. Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation tchadienne reprend place à la table du Comité.

2.M. Hassain (Tchad) dit que, lors du recensement général de la population et de l’habitat de 1993 (CERD/C/TCD/15, par. 24), il a été effectivement procédé à un regroupement des 200 ethnies présentes sur le territoire tchadien sur la base de critères linguistiques et géographiques et non de critères ethniques, pour des besoins d’analyse. Ce regroupement a fait apparaître 14 grands groupes ethniques, les groupes dits «autres» et «divers» étant formés respectivement des ethnies difficilement intégrables dans les autres grands groupes de par leurs particularités linguistiques et leurs mœurs. Les groupes les plus nombreux sont les Sara (12,3 %) et les Mayo Kebbi (11,5 %). Certains groupes représentent entre 5 % et 10 % de la population totale, comme les Kanem-Bornou (9 %), les Ouaddaï (8,7 %), les Hadjaraï (6,5 %), les Tandjilé et les Gourane représentant respectivement 6,5 % et 6,3 % de la population (ibid., par. 27).

3.M. Hassain ajoute que depuis la fin des années 90, le Tchad a pris toute une série de mesures pour créer des institutions susceptibles de consolider la démocratie et d’associer les citoyens à la gestion de la chose publique. La loi organique du 2 novembre 1998, qui porte organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel, en est un bon exemple. Une Haute Cour a également été instituée (ibid., par. 12), qui est compétente pour juger le Président de la République et les membres du Gouvernement ainsi que leurs complices en cas de haute trahison, crime auquel sont assimilées les violations graves et caractérisées des droits de l’homme. M. Hassain reconnaît qu’en 2008, le Gouvernement tchadien a été contraint de légiférer par ordonnance en raison de l’état d’urgence et qu’il a notamment promulgué une ordonnance quimodifiait la loi sur la liberté de la presse. L’Assemblée nationale examine actuellement un projet de loi qui vise à dépénaliser certains délits de presse introduits par l’ordonnance susmentionnée et à modifier le quantum de la peine pour diffamation.

4.M. Hassain indique en outre que la réforme de l’armée se poursuit et que plus de 4 000 soldats rebelles ayant accepté de participer au processus de réconciliation nationale ont d’ores et déjà été envoyés dans une école de formation où des cours sont dispensés sur les règles de l’armée républicaine et les droits de l’homme. Le Comité de suivi des états généraux (ibid., par. 15), mis en place par arrêté du Ministre de la défense, a récemment constitué un pôle de magistrats et de greffiers qui sont chargés de mener des enquêtes sur les violations des droits de l’homme. Des auditions et des instructions à charge et à décharge des personnes suspectées d’avoir participé aux exactions commises à Ndjaména en février 2008 à l’égard de Gouranes et d’Ouddaïens ont déjà été menées.

5.La Commission nationale des droits de l’homme a été créée par une loi du 9 septembre 1994. Elle est actuellement rattachée au Cabinet de la présidence mais l’Assemblée nationale (ibid., par. 205) est actuellement saisie d’un projet de loi visant à lui octroyer un rang constitutionnel.

6.Revenant sur la question de la pratique des dommages et intérêts pour la réparation d’un dommage (ibid., par. 50), M. Hassain indique que la pratique dite de la Diya («le prix du sang») (ibid., par. 149) s’applique presque exclusivement en cas d’homicide involontaire. En vertu de cette pratique, le montant des intérêts civils n’augmente pas en fonction de la gravité de l’infraction reprochée mais de l’appartenance au groupe ethnique de la victime. Cette pratique a été consacrée au moyen de simples accords entre les différents chefs traditionnels et coutumiers qui fixent les taux de l’indemnisation à verser aux victimes et/ou parents des victimes, lesquels peuvent varier d’une communauté à une autre. M. Hassain reconnaît que ces accords enfreignent les dispositions de la Constitution qui disposent, notamment, que la peine est personnelle et que nul ne peut être rendu responsable et poursuivi pour un fait non commis par lui (ibid., par. 151). Ces accords ont été négociés avant que le Tchad ne ratifie la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et aujourd’hui, l’existence de tels accords, privés par nature, ne suspend pas le déclenchement de l’action judiciaire publique.

7.M. Hassain indique que la discrimination raciale n’existe pas au Tchad mais reconnaît néanmoins qu’il conviendrait de l’ériger en infraction pénale afin que les personnes qui la commettent soient dûment sanctionnées et que les personnes qui en sont victimes soient équitablement indemnisées.

8.M. Hassain reconnaît que la lutte contre le VIH/sida se heurte à des facteurs culturels et religieux, raison pour laquelle les chefs religieux ou traditionnels ont été étroitement associés à l’élaboration et à la diffusion du programme public de sensibilisation et d’information sur la pandémie de sida.

9.Répondant à la question de savoir pourquoi le Tchad n’est pas parvenu à adopter un code des personnes et de la famille (ibid., par. 46), M. Hassain explique que cela n’est pas dû à une discrimination à l’égard des femmes mais aux obstacles posés par le droit musulman aux droits des femmes en matière de succession et d’héritage. Le Gouvernement tchadien est fermement résolu à adopter un tel code et a d’ailleurs organisé plusieurs missions d’expertise au Sénégal, au Maroc et en Tunisie, afin de s’inspirer des pratiques suivies par d’autres États musulmans en la matière.

10.M. Hassain explique que les «cliniques juridiques» (ibid., par. 128) sont des antennes ou des bureaux d’aide juridique dispersés dans toutes les provinces du pays, qui sont tenues par de jeunes juristes. Ces derniers interviennent en tant qu’avocats-conseils pour aider les communautés à mieux comprendre les procédures judiciaires et assister les justiciables, qui souvent ne connaissent ni la loi ni la langue officielle, dans leurs démarches judiciaires.

11.Un avant-projet de loi sur les réfugiés a été élaboré, qui reprend les grands principes des Conventions de Genève, et prévoit notamment que les personnes ayant fait une demande d’asile peuvent accéder à l’emploi. Ce projet sera soumis à l’examen du Ministère des droits de l’homme, du Ministère des affaires étrangères et du Ministère de l’intérieur. En l’état actuel des choses, les réfugiés − en provenance du Rwanda, du Soudan, de la République démocratique du Congo pour la plupart − sont accueillis par la Commission nationale d’accueil et de réinsertion des réfugiés.

12.Les Imams et d’autres religieux ont eu du mal à accepter qu’ils avaient un rôle à jouer dans la lutte contre le VIH/sida, estimant que l’abstinence et la fidélité sont les seuls remparts contre ce virus. Toutefois, ils ont pris conscience de ce que le Gouvernement a l’obligation de protéger la population d’une façon ou d’une autre et ont commencé à aborder la question dans leur prêche du vendredi.

13.La situation au Darfour est une véritable tragédie qui a conduit quelque 300 000 réfugiés vers le Tchad, en particulier dans la région du Sahel où les conditions de vie sont déjà difficiles pour la population locale. En collaboration avec le Ministère des droits de l’homme, le Ministère de l’intérieur et le Ministère des affaires étrangères, une étude a été menée par le Programme des Nations Unies pour le développement sur l’impact de la présence des réfugiés soudanais dans les régions d’accueil. Il s’agit notamment de trouver les moyens de détendre la situation entre des personnes originaires de pays situés de part et d’autre de la frontière, mais appartenant aux mêmes groupes ethniques. Ceux-ci se disputent en effet l’accès aux ressources naturelles vitales comme l’eau, les pâturages ou encore le bois. Les répercussions sont immenses, se faisant sentir jusqu’à la capitale, le Gouvernement tchadien, en collaboration avec le système des Nations Unies, tente de protéger au mieux la population.

14.M. Hassain affirme que la délégation tchadienne est disposée à entendre toutes les critiques constructives qui pourraient aider à améliorer la situation dans le pays, notamment à y instaurer la démocratie, faire respecter l’état de droit et adopter un système juridique et un système de protection des droits de l’homme de qualité.

15.M. Hassain estime que dans un pays où coexistent plus de 200 groupes ethniques, il serait particulièrement risqué d’aborder la question de l’origine tribale ou ethnique, dans le cadre du recensement de la population. Historiquement, le Tchad a été divisé entre deux régions, dont l’une − de culture arabo-musulmane − était située au centre et au nord du pays et l’autre, négro-chrétienne, au sud. Une guerre civile a fini par éclater en 1979, faisant des milliers de victimes, suivie, de 1982 à 1990, par le régime totalitaire d’Issène Habré. Les victimes de la répression − qui sont très nombreuses puisqu’on estime que 72 % des foyers tchadiens ont été touchés directement ou indirectement − ont demandé à être indemnisées sur les recettes pétrolières. Pour que le procès d’Issène Habré et de ses complices ait lieu, le Tchad compte sur le soutien de la communauté internationale pour renforcer les capacités judiciaires du Sénégal où il doit se dérouler, le Tchad lui-même s’étant acquitté de sa quote-part de 2 milliards de francs CFA.

16.M. Djasnabaille (Tchad) déplore que pour des raisons administratives liées à l’obtention d’un visa − et notamment l’absence de réponse des autorités suisses −, la délégation tchadienne ait dû demander à ce que l’examen de ses dixième à quinzième rapports périodiques soit repoussé, et que pour les même raisons, une partie de ladite délégation n’ait pas pu se rendre à Genève. Étant donné que la Suisse accueille l’Office des Nations Unies à Genève, il regrette qu’une telle situation ait pu se produire et que des consignes n’aient pas été données en haut lieu pour régler le problème.

17.Les membres de la délégation tchadienne, qui font preuve d’une grande franchise dans le cadre de l’examen des rapports présentés par leur pays au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, mettent leur poste de ministre en péril, mais cela n’est pas le seul risque auquel ils s’exposent car faire de la politique et être militant des droits de l’homme en Afrique, c’est parfois mettre sa propre vie en danger.

18.Bien qu’officiellement interdite, la discrimination raciale existe au sein des communautés, où les recruteurs ont naturellement tendance à favoriser les membres de leur entourage. Ce phénomène n’est pas propre à l’Afrique mais il y est toutefois plus marqué, du fait du communautarisme.

19.La guerre qui a opposé le nord musulman et le sud chrétien du pays a abouti, au moment de l’indépendance, à un écart manifeste entre les deux communautés sur le plan de l’éducation: les chrétiens, qui étaient allés à l’école française, avaient les compétences requises pour assumer des fonctions au sein de l’appareil de l’État contrairement aux musulmans qui avaient refusé d’y suivre des cours et ne connaissaient que l’arabe. Aussi le Gouvernement tchadien a-t-il pris des mesures afin que toutes les ethnies du pays soient dûment représentées et aient voix au chapitre, garantissant ainsi la paix sociale.

20.Depuis l’indépendance, les parents ont pris conscience qu’il fallait impérativement que leurs enfants aillent à l’école, et le taux de scolarisation est désormais de 78 %, contre 17 % avant l’indépendance. Celui des filles est de 58 %.

21.M. Djasnabaille dit que le problème de la construction de la nation se pose au Tchad en raison du communautarisme exacerbé qui dresse les groupes ethniques les uns contre les autres. En outre, la lenteur des procédures judiciaires fait que les Tchadiens ont tendance à se faire justice eux-mêmes. Ils ne sont pas conscients que même s’ils parviennent à un accord amiable et paient la dia comme «prix du sang», l’action judiciaire n’est pas éteinte pour autant et qu’ils peuvent être condamnés en justice. Toutes les questions relatives à la famille sont visées dans le projet de code de la famille qui sera examiné avant la fin de 2009. Il semblerait que les Imams, qui y étaient hostiles jusque-là, soient désormais mieux disposés à son égard.

22.Le Ministère des droits de l’homme a été créé en 2005 par des membres des forces vives du pays, de partis politiques et de la société civile, dirigés par M. Djasnabaille lui-même. Il collabore avec le Ministère de la justice, le Ministère de la défense et le Ministère de l’intérieur, examinant les projets de lois pour s’assurer de leur conformité avec les principes des droits de l’homme, et a nommé dans 22 régions des délégués chargés de veiller à ce que les gouverneurs et les préfets agissent dans le respect des droits fondamentaux. En cas de non-respect de ces droits, le Ministère intervient immédiatement sur le terrain. Il doit parfois défendre des personnes démunies contre des personnes plus riches ou puissantes ou tout simplement contre l’État.

23.M. Djasnabaille souligne en outre que le Ministère des droits de l’homme et de la promotion des libertés joue le rôle d’interface entre les organisations de la société civile et les organismes publics, notamment en tentant de convaincre les gouverneurs locaux ou les chefs militaires d’autoriser les organisations non gouvernementales et les organisations humanitaires à se déplacer et à accomplir leur travail en toute liberté. De plus, le Ministère des droits de l’homme et de la promotion des libertés est chargé de rendre compte au Premier Ministre et au Président de la République des difficultés rencontrées dans l’application de la Convention et de donner son avis à ce sujet. Enfin, le Ministère collabore avec diverses entités internationales, dont le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la Mission des Nations Unies en République centrafricaine (MINURCA) et l’Union européenne.

24.Concernant la remarque relative à la composition de la Commission nationale des droits de l’homme, M. Djasnabaille convient que cet organe compte, à ce stade, beaucoup de fonctionnaires et trop peu d’organisations non gouvernementales. Toutefois, le Ministère des droits de l’homme et de la promotion des libertés a prévu d’engager des réformes afin de le rendre conforme aux Principes de Paris.

25.En raison du lourd héritage légué par huit années de dictature, les cas de violations des droits et libertés de l’homme sont fréquents dans le pays et les lois sont encore méconnues non seulement de la population, mais aussi des personnes chargées de leur application. Toutefois, il y a peu, tous les commandants de brigade − qui jouent le rôle d’officiers de justice − ont été convoqués à N’Djamena pour y passer un examen et seuls ceux dont les compétences ont été jugées suffisantes ont été maintenus à leur poste.

26.En ce qui concerne la question de l’impunité, M. Djasnabaille souligne que le Gouvernement tchadien est déterminé à faire tout son possible pour que tous les auteurs présumés de violations graves des droits de l’homme, en particulier les anciens agents de la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS) aient à répondre de leurs actes devant la justice. La priorité actuelle du Gouvernement tchadien est de garantir la sécurité intérieure et, pour ce faire, il fait beaucoup d’efforts, avec l’aide de la MINURCA, pour stabiliser la situation dans les zones frontalières. En outre, il a conclu un accord avec l’opposition démocratique en vue de lancer un processus conduisant à des élections libres et transparentes, pour lequel il a encouragé les opposants tchadiens qui s’étaient exilés à l’époque de la dictature à rentrer au Tchad et à reprendre leurs activités politiques. M. Djasnabaille indique par ailleurs qu’un projet de loi sur la liberté de la presse doit être examiné prochainement par le Conseil des ministres et devrait être promulgué dans les mois à venir.

27.Le Gouvernement tchadien a prévu d’organiser en novembre 2009 un forum national sur les droits de l’homme, auquel le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, des représentants de la société civile et des experts de questions très diverses ont été invités à participer. Les recommandations qui seront formulée à l’issue de cette réunion serviront de base à l’élaboration d’un futur plan d’action national pour les droits de l’homme, qui constituera la politique officielle du Gouvernement tchadien en matière de droits de l’homme.

28.En ce qui concerne le VIH/sida, M. Djasnabaille indique que le pourcentage de personnes infectées était de 17 % en 2005, contre 3,3 % en 2008, ce qui montre que les efforts de prévention déployés par les pouvoirs publics ont été efficaces. À propos du conflit au Darfour et de ses conséquences, M. Djasnabaille souligne que le Tchad a été lui aussi victime de la politique du Président soudanais Omar el-Béchir, plusieurs villages tchadiens ayant été attaqués et rasés par les milices janjawid et la population des zones limitrophes ayant été contrainte de fuir vers l’intérieur du pays. Actuellement, on dénombre 360 000 réfugiés et personnes déplacées dans le pays. Le Gouvernement tchadien étant concerné au premier chef par ce conflit, il est entièrement disposé à appuyer les efforts déployés par la communauté internationale pour régler ce conflit.

29.Pour ce qui est de la disparition en février 2008 d’Ibni Oumar Mahamat Saleh, Secrétaire général du Parti pour les libertés et le développement (PLD) et porte-parole de la Coordination des partis pour la défense de la Constitution, M. Djasnabaille rappelle que cet incident s’est produit à une époque où la capitale était entièrement occupée par les forces armées soudanaises, à l’exception du bâtiment présidentiel. Lorsque l’armée s’est retirée, plusieurs violations des droits de l’homme, dont des disparitions, ont été constatées. Le Gouvernement tchadien a constitué une commission internationale d’enquête afin de faire la lumière sur cette affaire et a débloqué 400 millions de francs CFA pour couvrir les frais de justice pertinents. Cette commission a interrogé des ministres, des gouverneurs et des membres du Conseil des ministres et publié un rapport sur le résultat de ses investigations, qui a été soumis aux autorités judiciaires compétentes. M. Djasnabaille, qui connaissait Ibni Oumar Mahamat Saleh de longue date et partageait ses convictions et ses valeurs, fait partie d’une commission chargée de suivre les progrès de la justice dans cette affaire. Même s’ils sont indéniablement lents, M. Djasnabaille a bon espoir que cette affaire soit élucidée un jour.

30.M. Amir constate avec satisfaction que l’État partie a la ferme volonté de rompre avec le passé, d’œuvrer en faveur de la paix et de construire un nouvel ordre interne reposant sur l’état de droit, en se fondant sur les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme. À cet égard, M. Amir se réjouit de l’initiative prise par le Gouvernement tchadien d’organiser un forum national sur les droits de l’homme et salue l’engagement du Ministère des droits de l’homme et de la promotion des libertés en faveur de la réconciliation nationale et du retour des opposants tchadiens qui avaient fui à l’étranger.

31.M. de Gouttes souhaiterait connaître les résultats des réformes judiciaires engagées en application des recommandations formulées à la suite des états généraux de la justice tenus en 2003 et prie la délégation tchadienne de donner de plus amples renseignements sur la nouvelle école de la magistrature.

32.M. Sicilianos fait observer que la présence de fonctionnaires au sein d’une commission nationale des droits de l’homme est utile et nécessaire car ceux-ci font le lien entre le Gouvernement et les organisations de la société civile en présentant à ces dernières les politiques publiques en faveur des droits de l’homme. Toutefois, leur rôle ne devrait pas dépasser cette limite et l’État partie devrait veiller à ce que les fonctionnaires siégeant au sein de la Commission nationale des droits de l’homme n’aient pas le droit de voter ni d’être élus. En outre, il devrait faire en sorte que cet organe puisse gérer son budget de manière autonome.

33.M. Djasnabaille (Tchad) dit que la réforme du système judiciaire a été entreprise sur la recommandation des États généraux de la justice et grâce au soutien du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et des écoles nationales de la magistrature de Paris et Bordeaux. Il a été décidé de remplacer l’école existante, qui proposait un enseignement général sur l’administration et sur la justice, et d’établir une véritable école nationale de la magistrature qui dispenserait une formation spécifique. Il a aussi été décidé de renforcer la Cour suprême avec la nomination de conseillers référendaires qui, dans un premier temps, effectueront des stages de formation en France et dans d’autres pays d’Afrique. La réforme est en cours mais permettra assurément de garantir les libertés individuelles et collectives. Les premiers résultats concrets devraient se faire sentir dès 2010. En tout état de cause, le Tchad dispose d’un financement et d’un appui technique adéquats, ce dont il faut se féliciter. La Commission nationale des droits de l’homme n’est effectivement pas conforme aux Principes de Paris, puisqu’elle n’est pas indépendante, sa présidence étant exercée par le Secrétaire général du Ministère de la justice. En outre, les associations tchadiennes des droits de l’homme ont déserté la Commission au motif qu’elle se trouve sous la coupe du Gouvernement.

34.La loi sur le VIH/sida a déjà été adoptée et est entrée en vigueur en 2007. Sa mise en œuvre nécessitera toutefois des activités de sensibilisation et un travail énorme devra être fait, en particulier dans les milieux ruraux et dans la fonction publique, car l’État veut surtout éviter que des actes de discrimination soient commis par des agents de la fonction publique. Avec le concours des responsables religieux musulmans et chrétiens, le Gouvernement a établi un programme officiel de lutte contre le VIH/sida afin qu’ils fassent un travail de sensibilisation auprès des communautés. Les traitements antirétroviraux sont disponibles gratuitement et les personnes séropositives ou malades du sida n’ont aucune difficulté à se les procurer.

35.M. Ewomsan (Rapporteur pour le Tchad) se félicite du dialogue particulièrement franc et constructif qui s’est établi entre la délégation tchadienne et le Comité. L’État partie semble déterminé à tirer le meilleur parti des recommandations du Comité pour combattre les pratiques discriminatoires qui constituent un obstacle au développement du pays. Parmi les points les plus importants abordés au cours de la discussion, le Rapporteur cite l’harmonisation nécessaire du corpus juridique pour tenir compte de tous les aspects de la question de la discrimination, la nécessité de pénaliser les pratiques coutumières traditionnelles et l’obligation pour l’État d’instaurer un dialogue politique pour parvenir à une réconciliation et remédier à la récurrence des conflits ethniques et des rébellions armées dans le pays. Le Forum national sur les droits de l’homme permettra de renforcer les droits de l’homme et d’améliorer l’administration de la justice dans le pays. Le Rapporteur se félicite de la réelle volonté politique du Tchad de lutter contre la discrimination raciale et réitère encore une fois l’appréciation de l’ensemble des membres du Comité pour la qualité du rapport.

36.La Présidente se joint à M. Ewomsan pour remercier la délégation et se félicite du dialogue de haute tenue et pleinement satisfaisant auquel a donné lieu l’examen des dixième à quinzième rapports périodiques du Tchad.

La séance est levée à 12 h 35.