Nations Unies

CERD/C/SR.1936

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

11 janvier 2010

Français

Original: anglais

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Soixante- quinzième session

Compte rendu analytique de la 1936 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 4 août 2009, à 15 heures

Président e: Mme Dah

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Douzième à dix-septième rapports périodiques des Émirats arabes unis

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (point 5 de l ’ ordre du jour) (suite)

Douzième à dix-septième rapports périodiques des Émirats arabes unis(CERD/C/ARE/12-17; CERD/C/ARE/Q/17)

1. Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation des Émirats arabes unis prend place à la table du Comité.

2.M. Alawadi (Émirats arabes unis) dit que le rapport périodique de son pays (CERD/C/ARE/12-17) a été établi par un comité présidé par le Ministère des affaires étrangères, et composé de représentants d’institutions centrales et locales et d’administrations publiques.

3.Depuis leur création en 1971, les Émirats arabes unis font du respect des droits de l’homme une priorité. Les droits de l’homme sont consacrés dans leur Constitution et leur législation interne. Ayant adhéré à la Convention en 1974, ils ont pris des mesures énergiques pour se conformer à ses dispositions, et ont pris des positions claires contre la discrimination raciale devant des instances internationales et régionales, en soulignant le droit pour chacun de vivre à l’abri de la discrimination fondée sur la race, le sexe, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique. Ils ont adhéré en outre à des instruments internationaux comme la Convention relative aux droits de l’enfant, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

4.Après parution du décret de ratification et publication d’un traité au Journal officiel, il fait partie du droit interne et le Conseil des ministres ainsi que les ministres compétents, individuellement, en supervisent la mise en œuvre. La Haute Cour fédérale a confirmé ce principe et statué que les traités internationaux pouvaient être invoqués devant les tribunaux nationaux.

5.La Constitution garantit l’égalité et la justice sociale, la liberté d’expression, la liberté de la presse, la liberté de réunion et la liberté religieuse, et interdit la torture et les arrestations et la détention arbitraires. Ces dispositions sont compatibles avec les principes de la foi islamique, qui est l’un des piliers de la société émirienne. L’approche adoptée par l’État est fondée sur une combinaison raisonnée de coutumes et de valeurs locales et universellement admises.

6.L’action menée par les Émirats arabes unis pour mettre fin à toutes les formes de discrimination raciale met l’accent sur les domaines suivants: participation politique, justice, liberté religieuse, promotion des femmes, soins de santé, protection sociale, éducation, emploi et lutte contre la traite des êtres humains.

7.En ce qui concerne la participation politique, le Conseil national fédéral représente tous les habitants du pays. La décision no 4 de 2006 adoptée par le Conseil suprême fédéral a introduit une nouvelle forme de participation politique consistant dans l’élection directe de la moitié des membres du Conseil national fédéral par un collège électoral. Une commission nationale a été instituée pour administrer les élections. Ce système électoral entièrement nouveau a été inauguré en décembre 2006, où les membres du Conseil national fédéral ont été élus par un collège constitué de 6 688 personnes, dont 1 189 femmes.

8.La Constitution garantit le droit de toutes les personnes, sans discrimination, d’agir en justice et de porter plainte. Les personnes sont protégées contre les atteintes à leur intégrité physique ou mentale, et ont un accès illimité à la justice et à la police. Les recours traditionnels ont été complétés par de nouvelles voies de recours. La loi garantit aussi le droit de faire appel d’un jugement, de désigner un avocat pendant l’enquête et à tous les stades de la procédure judiciaire, et de demander une aide judiciaire si nécessaire.

9.Les Émirats arabes unis sont une société multiculturelle et tous les efforts sont faits pour assurer la cohésion sociale, notamment en garantissant la liberté religieuse en vertu de l’article 32 de la Constitution. Le Gouvernement a mis à disposition des terrains pour la construction de lieux de culte religieux, et il existe aujourd’hui 59 églises et temples hindous dans le pays.

10.Contrairement à certains stéréotypes erronés, les femmes sont présentes à des postes élevés aux Émirats, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, et elles jouent un rôle éminent dans la société. L’État incite les femmes à utiliser leurs compétences dans tous les domaines, et il ressort des statistiques que les femmes représentent la moitié des élèves inscrits dans les plus de 1 259 écoles que compte le pays, qu’elles constituent les trois quarts des étudiants de l’Université des Émirats arabes unis et que trois étudiants du supérieur sur cinq sont des femmes. Les femmes représentent environ 30 % de la population active nationale, occupant des postes dans toutes les branches de la fonction publique ainsi que des postes traditionnels dans les domaines de l’éducation et de la santé. Elles apportent également une contribution précieuse aux différentes branches des forces armées et à la police, et sont intégrées au corps diplomatique, y compris au rang d’ambassadeur. Des femmes ont été nommées à des postes élevés au sein de l’appareil judiciaire et du Bureau du Procureur général. Neuf femmes ont été nommées, et une élue au Conseil national fédéral, les femmes représentant désormais 22,5 % des membres du Conseil. En outre, le gouvernement actuel compte quatre femmes.

11.Les Émirats arabes unis investissent massivement dans l’éducation, avec la construction d’écoles, d’universités et de centres de formation professionnelle, en vue d’élever le niveau d’éducation et de mettre fin à l’analphabétisme. Deux plans d’alphabétisation ont été adoptés, l’un pour les enfants et l’autre pour les adultes, qui ont été incités à assister à des cours du soir. Le nombre d’étudiants est passé de 52 751 en 1975 à 658 814 pour l’année universitaire 2005/06. Il existe un grand nombre d’universités publiques et privées, avec des villes universitaires à Abou Dhabi, Dubaï et Sharjah qui comptent des universités et des écoles privées internationales.

12.Le Ministère de l’éducation et le Ministère de l’enseignement supérieur ont incorporé dans les programmes d’enseignement des sujets consacrés aux droits de l’enfant, aux droits des femmes, à l’élimination de la discrimination raciale et à la Déclaration universelle des droits de l’homme, cherchant ainsi à promouvoir la tolérance religieuse et raciale, et à faire en sorte que la participation de tous les citoyens et tous les résidents inscrits dans les écoles et les universités crée un climat de compréhension et de solidarité entre les groupes sociaux. L’État offre aussi une aide financière à ses citoyens désireux de suivre des études supérieures à l’étranger.

13.La Constitution garantit l’accès universel aux soins de santé, et l’État fait en sorte d’assurer l’accès aux soins de prévention et de protection face aux maladies et aux épidémies. Les hôpitaux publics, les cliniques et les centres de soins de santé de tout le pays fournissent des services aux citoyens et autres résidents, sans discrimination. L’État est aussi parvenu à inciter le secteur privé à s’impliquer dans le domaine de la santé.

14.Dans le domaine de la protection sociale, les Émirats arabes unis mènent un certain nombre de stratégies qui ont été conçues avec l’assistance de spécialistes de l’ONU en vue de permettre à tous les citoyens et résidents de vivre convenablement. Ces stratégies concernent la protection de la famille, la protection des enfants et des orphelins, les soins et la réadaptation pour les personnes handicapées et l’attribution d’une aide financière mensuelle aux démunis.

15.La population active émirienne compte une forte proportion de travailleurs étrangers attirés par les possibilités d’emploi et par un climat social tolérant. Le pays accueille désormais des ressortissants de plus de 200 pays étrangers. Une telle diversité provoque naturellement certaines difficultés, mais le pays a entrepris de moderniser les lois et règlements applicables. Le respect des droits des travailleurs est un impératif moral, culturel et économique. Au cours des dernières années, le gouvernement central et les gouvernements locaux de chaque Émirat ont lancé des réformes importantes afin d’améliorer les conditions d’emploi et les droits des travailleurs. Ils sont résolus à ce que tous les travailleurs étrangers soient traités de façon décente et respectueuse, sans discrimination. La législation sur le travail garantit l’égalité, sans considération de la nationalité, de la religion ou des convictions politiques. Elle comporte des dispositions strictes concernant la rémunération et les salaires, dont le montant doit être indiqué dans le contrat de travail. Le temps de travail et les congés sont réglementés conformément aux normes internationales, et les employeurs sont tenus de protéger leurs employés contre les accidents et les maladies liées au travail et de veiller à ce qu’ils aient accès aux soins médicaux en cas d’accident ou de maladie. Ils doivent en outre assurer un logement décent à leur personnel. En 2008, les inspecteurs du Ministère du travail ont effectué 13 422 visites afin de vérifier le respect des normes de santé et de sécurité et d’inspecter les logements destinés au personnel. Le Cabinet a publié récemment une décision contenant des directives relatives au respect des normes, qui entrera en vigueur en septembre 2009. L’État a aussi créé des organes administratifs et judiciaires qui traitent les conflits du travail.

16.Les Émirats arabes unis ont signé des mémorandums d’accord bilatéraux avec des pays dont ils emploient des ressortissants, notamment l’Inde, le Pakistan, la Chine, les Philippines, le Sri Lanka et l’Indonésie, afin de protéger les droits de ces travailleurs, d’organiser leur entrée dans le pays et de les informer du système juridique et des droits et obligations découlant du contrat de travail.

17.Une attention particulière a été portée à l’emploi des travailleurs domestiques. En avril 2007, l’État a instauré un contrat de travail type pour les personnes employées comme domestiques. Ce contrat réglemente la nature du travail à effectuer et couvre divers aspects de l’emploi comme la rémunération, la durée du contrat, les périodes de repos, les soins médicaux et les soins de santé. Un projet de loi est en cours d’élaboration pour réglementer la situation des travailleurs employés comme aides, catégorie englobant les travailleurs domestiques. Tous les aspects des droits et obligations incombant aux parties à ce type de contrats y sont traités, y compris le dépôt de plaintes, les litiges, les heures de travail, les périodes de repos et les salaires.

18.Les Émirats arabes unis ont promulgué la loi fédérale no 51 de 2006 sur les mesures visant à lutter contre la traite des êtres humains, conformément aux obligations internationales qui leur incombent en vertu de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. La peine maximale prévue par la loi est l’emprisonnement à vie. Un Comité national de lutte contre la traite des êtres humains a été créé en 2007. Cette instance est constituée de représentants des ministères concernés, des institutions publiques et de la société civile. Des centres d’accueil dotés de l’autonomie financière et administrative ont été créés pour fournir une assistance juridique, psychologique, médicale, éducative et professionnelle aux enfants et aux femmes victimes de la traite. Une aide est offerte aux victimes pendant l’enquête de police, ainsi qu’une assistance judiciaire et une aide au rapatriement. Les principaux centres d’accueil se trouvent à Abou Dhabi et à Dubaï (Centre d’Abou Dhabi pour les femmes et les enfants victimes de la traite des êtres humains et Institution bénévole de Dubaï pour les femmes et les enfants). Les Émirats arabes unis ont déposé leur instrument d’adhésion au Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en février 2009, et se félicitent à l’avance de la visite du Rapporteur spécial sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants, qui doit avoir lieu en octobre 2009.

19.En dépit du chemin considérable accompli en peu de temps vers l’élimination de toutes les formes de discrimination, les Émirats arabes unis savent que beaucoup reste à faire et sont déterminés à tout mettre en œuvre pour devenir un pays modèle sur le plan du respect des droits de l’homme et du principe de non-discrimination. Ils se félicitent donc de la visite du Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, prévue pour octobre 2009.

20.M. Prosper (Rapporteur pour les Émirats arabes unis) se félicite de la présence d’une délégation émirienne nombreuse, diverse et chevronnée et du rapport exhaustif soumis par l’État partie. De toute évidence, les Émirats arabes unis sont un pays dynamique et prospère, mêlant des valeurs traditionnelles et une attitude moderne devant la mondialisation. Un de ses principes fondateurs, la justice sociale, semble imprégner tous les aspects institutionnels. Les Émirats travaillent en étroite collaboration avec divers organismes des Nations Unies comme le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, et ont pris des mesures louables dans des domaines comme la lutte contre le VIH/sida et la traite des êtres humains.

21.M. Prosper demande dans quelle mesure les dispositions constitutionnelles, qui donnent accès aux citoyens émiriens à un large éventail de droits, s’appliquent aux non-ressortissants. Exposant brièvement le système de gouvernement en vigueur aux Émirats arabes unis, il souligne les difficultés qui résultent d’une situation où seul un cinquième de la population du pays en possède la nationalité sur plus de 4 millions d’habitants. Étant donné qu’une partie importante de la population est née à l’étranger, il importe de veiller à ce que le principe d’égalité et de protection contre la discrimination englobe tous les résidents. Le Comité souhaiterait disposer d’autres données statistiques sur la composition ethnique de la population tant nationale qu’extranationale de l’État partie.

22.Dans la mesure où les travailleurs migrants constituent près des neuf dixièmes de la main-d’œuvre employée dans le secteur privé, leur contribution aux résultats économiques de l’État partie est incontestable. Il est donc déconcertant d’apprendre que ces migrants sont en proie à des abus divers, ce qui laisse supposer que l’accès aux droits fondamentaux n’est pas toujours garanti. D’après une lettre envoyée en avril 2006 par le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, les travailleurs migrants sont souvent victimes de conditions de vie et de travail abusives, notamment le non-paiement prolongé des salaires, la privation de soins médicaux adéquats et des conditions de vie sordides. En outre, le système dit de «parrainage» rendrait les travailleurs vulnérables aux abus dès lors que leur permis est lié à un seul employeur et qu’ils ne peuvent pas, en général, changer d’emploi. Le Gouvernement, s’il n’est pas nécessairement directement responsable, a le devoir d’examiner la situation des travailleurs migrants et de prendre des mesures pour prévenir et corriger les éventuels problèmes. Il demande à la délégation de faire ses commentaires à ce sujet.

23.Les Émirats arabes unis ont réalisé de grands progrès dans la promotion et la protection des droits de l’homme ces dernières années, et certains problèmes ne sont peut-être plus d’actualité, ou ne sont peut-être qu’affaire de perception. La délégation devrait pourtant voir dans son dialogue avec le Comité l’occasion d’échanger des vues et de trouver des moyens d’améliorer l’image que renvoient les conditions de vie des migrants dans l’État partie, et plus encore, d’améliorer ces conditions de vie. Des lois importantes et progressistes ont été adoptées, mais les difficultés d’application persistent. À cet égard, M. Prosper demande si le Ministère du travail est compétent pour agir contre les employeurs qui violent la législation du travail.

24.Revenant sur le principe fondamental de la justice sociale, M. Prosper dit que l’État partie a connu une grande prospérité et dispose donc des moyens financiers pour remédier aux problèmes mentionnés. Il faut définir des moyens d’étendre la justice sociale aux travailleurs migrants et de garantir à tous les résidents l’accès aux droits fondamentaux et à la protection contre la discrimination.

25.M. A vtonomov se félicite de la reprise du dialogue avec l’État partie après de nombreuses années de silence. Il est heureux de constater la diversité ethnique et l’équilibre hommes-femmes observés dans la composition de la délégation et félicite l’État partie d’avoir adopté des lois progressistes et ratifié d’importants instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme. Étant donné le nombre important de travailleurs migrants qui vivent aux Émirats arabes unis, la ratification des instruments pertinents, notamment la Convention de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession (no 111) et le projet de convention arabe sur le travail des mineurs de l’Organisation arabe du travail, constitue une étape importante. Des renseignements sur la question de la discrimination au travail seraient souhaitables.

26.M. Avtonomov demande si l’État partie entend ratifier l’amendement au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention. Il éprouve quelque gêne à lire, au paragraphe 72 du rapport, que la discrimination n’existe pas et qu’il n’y a donc pas lieu d’adopter une loi afin de remédier à d’éventuelles violations de la Convention. Lorsqu’elle est enracinée dans la société, la discrimination passe souvent inaperçue et on ne peut y remédier sans législation appropriée.

27.M. Diaconu se félicite des progrès accomplis par l’État partie dans les domaines de la promotion des femmes, de la lutte contre la traite des personnes et de la protection des enfants. Les Émirats arabes unis font partie des rares pays à comptabiliser les étrangers dans leurs statistiques démographiques et des données socioéconomiques supplémentaires sur les travailleurs migrants, notamment sur leur niveau de revenus, leur accès aux soins de santé et aux prestations de sécurité sociale et leur statut devant l’emploi, seraient donc bienvenues.

28.Passant au cadre juridique général de la protection des droits de l’homme, il note que la Constitution établit une distinction entre ressortissants et non-ressortissants pour certains droits. Se référant au paragraphe 53 du rapport, il relève que, si toutes les personnes sont considérées comme égales devant la loi (art. 25), l’interdiction de la discrimination fondée sur l’origine, l’appartenance ethnique, la croyance religieuse ou le statut social ne semble s’appliquer qu’aux citoyens émiriens. Il semble de même que seuls les citoyens émiriens bénéficient de garanties en matière de protection contre les arrestations arbitraires et la torture (art. 26) ou de liberté de circulation (art. 29). Ces droits et libertés fondamentaux doivent être garantis à toutes les personnes, comme le prévoit l’article 40 de la Constitution, qui énonce que les étrangers jouissent des droits et libertés reconnus dans les pactes, les traités et les conventions internationaux applicables auxquels adhère la Fédération.

29.Il note que les Émirats n’ont pas adopté de législation donnant effet à l’article 4 de la Convention, qui impose clairement aux États parties l’obligation de déclarer punissables par la loi les faits qui y sont visés. Honorer les obligations découlant de la Convention est crucial.

30.M. Diaconu demande des éclaircissements sur la législation régissant l’acquisition de la nationalité émirienne. Il semble assez inhabituel que des étrangers qui vivent et travaillent dans le pays depuis de nombreuses années ne l’acquièrent pas. Renvoyant au paragraphe 97 du rapport, il demande si les ressortissantes des Émirats arabes unis qui sont mariées à des étrangers peuvent plus tard transmettre leur nationalité à leurs enfants.

31.Vu la forte proportion de travailleurs migrants, la législation en vigueur interdisant la discrimination en matière d’emploi est trop faible. Si la ratification de la Charte arabe des droits de l’homme par l’État partie est louable, la Charte est parfois critiquée pour son incompatibilité avec d’autres instruments internationaux pour ce qui est des droits des étrangers, et M. Diaconu sollicite le point de vue de la délégation sur ce sujet. Il aimerait en outre connaître la position de l’État partie concernant la Charte que l’Organisation de la Conférence islamique (OCI) a adoptée en mars 2008.

32.M. Lahiri est préoccupé par les informations faisant état de violations persistantes des droits de l’homme aux Émirats arabes unis à l’égard des travailleurs migrants, notamment les logements insalubres, la peur de représailles si l’on formule une plainte, le renvoi sommaire vers leurs pays des travailleurs en cas de litige, la rétention des passeports, et les agences de recrutement qui facturent souvent des honoraires élevés, ce qui conduit à des situations que l’on a pu décrire comme équivalant à de la servitude pour dette. Il apparaît que les travailleurs domestiques étrangers sont touchés de façon disproportionnée par des violations de ce type.

33.M. Lahiri est heureux d’apprendre que l’État partie a établi une procédure de plaintes plus transparente, mis en place une ligne d’appel multilingue gratuite permettant aux travailleurs de signaler les retards de paiement, et créé un bureau de la protection des salariés. Il demande si cette protection s’applique seulement aux travailleurs migrants originaires de l’Inde et des Philippines, qui sont couverts par des accords tripartites, ou à tous les travailleurs étrangers.

34.L’État partie affirme que des abus tels que la rétention de passeports et le non-paiement des salaires sont interdits par la loi. Néanmoins, à l’heure actuelle, la responsabilité d’obtenir réparation incombe au plaignant, et il serait peut-être bon que les Émirats mettent en place un système permettant de poursuivre et de sanctionner les employeurs qui enfreignent la loi.

35.M . P eter constate que les Émirats arabes unis n’ont pas encore adopté et ratifié bon nombre d’instruments internationaux importants. La non-ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille est particulièrement significative eu égard à la situation démographique des Émirats. Il demande si le Gouvernement envisage de ratifier cette Convention et d’autres instruments, notamment la Convention de l’OIT concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants (no 169).

36.Se référant à la procédure régissant l’octroi de la nationalité aux résidents apatrides, il fait valoir que les Bédouins, qui semblent être les habitants autochtones du territoire de l’État partie, auraient dû être reconnus comme tels dans la Constitution, plutôt que de se voir attribuer la nationalité, laquelle est, en tant que droit octroyé, révocable. Il invite la délégation à formuler ses observations à ce sujet.

37.Il demande pourquoi, dans l’État partie, les travailleurs domestiques qui, souvent, se retrouvent dans des situations de vulnérabilité ou subissent divers abus, sont exclus de la protection découlant des lois existantes ou en projet sur le travail. La question se rattache au problème plus large de l’égalité devant la loi aux Émirats. La Constitution, qui mentionne l’égalité des citoyens émiriens devant la loi, amène à se demander si cette égalité s’applique aussi aux non-ressortissants, qui constituent en fait la majeure partie de la population. D’autres droits constitutionnels et légaux étant assujettis à des restrictions analogues, M. Peter demande si l’État partie envisage de réviser sa Constitution et ses lois afin de les aligner plus complètement sur les normes internationales en vigueur dans le domaine des droits de l’homme.

38.M. de Gouttes demande un complément d’information sur la situation difficile des travailleurs migrants employés comme domestiques et sur les mesures qui pourraient avoir été prises afin de protéger leurs droits liés au travail. Saluant la signature d’accords avec l’Inde et les Philippines concernant des programmes pilotes pour le travail contractuel, il demande si le bénéfice de tels programmes sera étendu aux ressortissants d’autres pays. Il demande aussi des renseignements actualisés sur le bureau mis en place pour promouvoir le dialogue social tripartite et sur le projet de loi visant à réglementer les agences de placement élaboré avec l’assistance du Bureau international du Travail. Il souhaite obtenir un complément de renseignements sur les mesures prises en vue d’éliminer la discrimination à l’égard des Bédouins et de leurs descendants sur le marché du travail.

39.S’agissant de l’incrimination de la discrimination raciale et de l’application de l’article 4 de la Convention, M. de Gouttes souligne la nécessité de traduire pleinement la Convention dans la législation de l’État partie, même si ses coutumes sociales et religieuses supposent le respect de ses dispositions. Notant l’absence de statistiques sur le nombre de plaintes et de condamnations pour discrimination raciale, il s’interroge sur le rôle de l’institution nationale des droits de l’homme dans le suivi des plaintes et demande si les Émirats prévoient de créer un organisme indépendant de ce type, conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

40.M. Thornberry, exprimant l’espoir que des précisions seront apportées au sujet de certaines parties du rapport de l’État partie, partage la préoccupation que suscite le fait que, quand bien même les étrangers présents aux Émirats arabes unis jouissent des droits découlant des instruments internationaux que le pays a ratifiés, ces instruments sont assez peu nombreux et les droits des étrangers sont donc limités. La base de la philosophie des droits de l’homme est que les droits de l’homme s’appliquent en principe à tous; la notion de droits de l’homme est plus large que celle de droits des citoyens. Même dans ce cas, c’est principalement dans le domaine des droits politiques que l’on peut à un certain point établir des distinctions entre les personnes qui ont la nationalité du pays et celles qui ne l’ont pas. Les dispositions restrictives des paragraphes 2 et 3 de l’article premier de la Convention sont circonscrites par l’article 3, et le Comité a en outre toujours plus tendu à restreindre le champ de cette exception et à élargir celui de l’interdiction de la discrimination, conformément aux normes internationales actuelles, compte tenu du fait que l’on devait interpréter la Convention de manière progressiste et en fonction des réalités contemporaines. Les recommandations générales XI et XXX mentionnent l’extension de la protection offerte par la Convention aux non-ressortissants.

41.Malgré le relatif chevauchement entre certains articles de la Convention, plusieurs des questions abordées dans le rapport de l’État partie, par exemple l’incitation à la haine, auraient pu être mieux traitées dans d’autres parties. En outre, certaines parties du rapport, par exemple sur l’article 4 de la Convention, n’apportent pas des réponses complètes. S’agissant de l’article 3, relatif à la ségrégation, il observe que la société de l’État partie paraît stratifiée, avec un certain clivage entre les Émiriens et les différents groupes de travailleurs migrants. À ce propos, il rappelle que dans sa Recommandation générale XIX le Comité a estimé qu’une situation de ségrégation raciale pouvait survenir sans que les autorités en aient pris l’initiative ou y contribuent directement et a invité les États parties à contrôler toutes les tendances susceptibles de provoquer la ségrégation raciale, à œuvrer à l’élimination de toutes les conséquences néfastes qui en découlent et à décrire toute action de ce type dans leurs rapports périodiques. Face à l’importance que le Comité attache à l’éducation en tant que facteur décisif pour venir à bout du racisme et de la discrimination raciale, l’État partie aurait dû inclure dans son rapport de plus amples renseignements sur ces questions, en particulier s’agissant de l’article 5 de la Convention.

42.M. Thornberry demande ce qu’il en est de la situation et des conditions de fonctionnement des ONG aux Émirats arabes unis et si elles ont participé à l’élaboration du rapport périodique. Il demande en outre si des progrès ont été faits en vue de la création d’un organisme des droits de l’homme indépendant et si l’aide du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a été sollicitée à cet effet. Mentionnant un rapport de l’OIT sur l’application de sa Convention no 111, que l’État partie a ratifiée, il demande s’il est toujours envisagé d’introduire dans la loi fédérale no 8 de 1980 relative aux relations du travail une disposition édictant l’interdiction générale de la discrimination. Il aimerait aussi obtenir un complément d’information sur les syndicats aux Émirats. Enfin, il souligne que disposer de statistiques précises, établies dans le respect de la confidentialité, est indispensable pour aider les États parties à respecter la Convention.

43.M. Lindgren Alves note l’importance que l’État partie attache à l’examen de son rapport périodique, qu’atteste sa délégation nombreuse. Il se félicite de la présence de nombreuses femmes dans la délégation et la remercie pour les renseignements édifiants fournis quant au rôle que jouent les femmes dans la société émirienne. Il demande si des femmes ont été recrutées dans les forces armées.

44.M. Lindgren Alves regrette que le rapport ne contienne pas de renseignements plus précis sur les efforts déployés pour éliminer la discrimination raciale. Bien que le pays paraisse florissant en général, le Comité n’a jamais accepté l’argument selon lequel un pays serait exempt totalement de discrimination raciale. Eu égard à la proportion élevée d’étrangers vivant aux Émirats arabes unis, il est difficile de croire qu’il n’y a eu aucun cas de discrimination raciale.

45.M. Lindgren Alves s’associe aux observations d’autres membres du Comité sur l’obligation faite par la Convention d’adopter une législation interdisant et sanctionnant la discrimination raciale qui, notamment, déclare punissable par la loi toute diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciales, conformément à l’article 4. Comme il s’agit des douzième à dix-septième rapports périodiques, ce n’est sans doute pas la première fois qu’une délégation de l’État partie entend ce message. L’affirmation expresse du paragraphe 72 du rapport selon laquelle il n’est pas nécessaire d’adopter des lois pour remédier à d’éventuelles atteintes à la Convention amène à se demander pourquoi l’État y a adhéré.

46.Notant qu’il y a désormais deux temples hindous aux Émirats, M. Lindgren Alves salue la liberté religieuse dont semble jouir une religion autre que l’une des trois «religions révélées».

47.M. Amir rend hommage aux Émirats arabes unis pour la démocratie multiculturelle qu’ils ont créée et les possibilités de développement économique qu’elle offre à des millions de familles étrangères. En temps de crise financière et économique, il est d’autant plus remarquable que des travailleurs ayant perdu leur emploi et leurs moyens d’existence dans d’autres pays puissent être employés aux Émirats. Si l’État partie connaît des cas d’inégalités parmi les travailleurs étrangers, il n’est certainement pas le seul.

48.M. Kemal félicite l’État partie d’avoir créé un havre de sécurité et de prospérité dans une région troublée. Si le risque d’exploitation des travailleurs étrangers existe partout dans le monde, le Gouvernement a manifestement pris des mesures pour atténuer les épreuves endurées par les victimes de cette exploitation. Les Émirats ont adopté un grand nombre de lois visant à protéger les travailleurs, notamment les travailleurs migrants, et doivent maintenant veiller à leur application convenable. Le pays joue un rôle important dans la stabilisation de l’économie mondiale, en particulier en ces temps de crise financière et économique.

49.Il s’associe aux observations formulées par d’autres membres du Comité quant à la nécessité d’adopter une législation spécifique interdisant la discrimination raciale. L’expérience d’autres États montre qu’adopter ce type de législation est plus dissuasif que de s’en tenir aux assurances apportées par la Constitution et les instruments internationaux. M. Kemal encourage donc vivement l’État partie à inscrire l’interdiction de la discrimination raciale dans le Code fédéral de procédure civile ou dans le Code pénal fédéral.

50.M. Alawadi (Émirats arabes unis) insiste sur la situation particulière des Émirats et la nécessité d’apporter des solutions exceptionnelles aux défis liés à l’application de la Convention. Son pays a pour principe de s’employer à aligner sa législation sur un instrument international avant de le ratifier et d’appliquer pleinement toutes ses dispositions avant d’y adhérer.

51.Le Gouvernement s’efforce de répondre à toute préoccupation exprimée par des Émiriens ou par des étrangers vivant dans le pays et s’emploie actuellement à adopter plusieurs nouveaux textes législatifs tendant à renforcer l’action menée pour prévenir toute forme de discrimination.

La séance est levée à 17 h 40.