Nations Unies

CERD/C/SR.2173

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

16 août 2012

Original: français

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Quatre-vingt -un ième session

Compte rendu analytique de la 2173 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 9 août 2012, à 15 heures

Président: M. Avtonomov

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements soumis par les États parties en application de l’article 9 de la Convention (suite)

Rapport initial et deuxième et troisième rapports périodiques de la Thaïlande

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports, observations et renseignements soumis par les États parties en application de l’article 9 de la Convention (suite)

Rapport initial et deuxième et troisième rapports périodiques de la Thaïlande(CERD/C/THA/1-3, CERD/C/THA/Q/1-3, HRI/CORE/THA/2012)

1.Sur l ’ invitation du Président, la délégation thaïlandaise prend place à la table du Comité.

2.M me  Suwanjuta (Thaïlande) rappelle que la Thaïlande est devenue partie à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale le 23 janvier 2003, tout en émettant des réserves à l’article 4, en vertu duquel les États parties doivent adopter immédiatement des mesures positives destinées à éliminer toute incitation à la discrimination raciale, et à l’article 22, concernant les différends entre États parties devant être portés devant la Cour internationale de Justice. La Thaïlande étudie la possibilité de lever la réserve à l’article 4 même si la législation nationale contient déjà plusieurs dispositions interdisant l’incitation à la haine raciale. La Thaïlande ne dispose pas de loi spécifique relative à la discrimination raciale mais les dispositions de la Convention ont été transposées dans diverses lois. Plusieurs mécanismes ont été établis aux niveaux national et local pour examiner les plaintes de personnes s’estimant victimes de violation de leurs droits.

3.M. Jinawat (Thaïlande) dit que la population thaïlandaise est composée de plusieurs ethnies qui coexistent harmonieusement et pacifiquement. La bonne santé de l’économie, notamment la croissance du produit intérieur brut (PIB), qui devrait atteindre 373 milliards de dollars en 2012, a permis d’effectuer d’importants investissements dans les programmes sociaux, au bénéfice tant des nationaux que des non-ressortissants. Globalement, la pauvreté a chuté de façon spectaculaire pour passer sous la barre des 10 %. La Thaïlande est partie à sept des neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. En janvier 2012, le pays a signé la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et procède à la révision de sa législation en vue de ratifier cet instrument. La Thaïlande a retiré ses déclarations interprétatives au paragraphe 5 de l’article 6 et au paragraphe 9 de l’article 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La réserve à l’article 16 de la Convention pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, qui traite de la discrimination à l’égard des femmes dans toutes les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux, a également été levée. Ces mesures témoignent des efforts déployés par le pays pour mettre en œuvre les recommandations formulées dans le cadre de l’Examen périodique universel (EPU) en octobre 2011, que la Thaïlande a volontairement acceptées.

4.D’après l’examen à mi-parcours du deuxième Plan directeur national d’action en faveur des droits de l’homme (2009-2013), la pauvreté a reculé, les taux de scolarisation se sont accrus, les prestations de santé se sont améliorées et la couverture sanitaire a été élargie, même s’il reste encore beaucoup à faire pour mieux appliquer le Plan. Le rapport à l’examen a été élaboré en association avec toutes les parties prenantes, y compris des représentants des groupes ethniques, et la Commission nationale des droits de l’homme. Le Gouvernement thaïlandais est déterminé à ce que toutes les personnes vivant sur son territoire puissent exercer les droits que leur confère la Convention.

5.L’une des priorités de la Thaïlande, pays multiethnique, est de veiller à ce que toutes les personnes vivant sur son sol aient un statut légal et puissent, de ce fait, exercer leurs droits et accéder aux services publics. La loi de 2008 relative à l’état civil dispose que toute personne née sur le territoire thaïlandais doit être inscrite à l’état civil et titulaire d’un acte de naissance, y compris les enfants des rues, abandonnés ou nés de parents inconnus ou apatrides. La loi de 2012 portant modification de la loi de 2008 relative à la nationalité permet aux Thaïlandais déplacés dans des pays voisins de retrouver leur nationalité d’origine, une fois effectuées les vérifications requises. En avril 2012, la Thaïlande a adopté la stratégie globale de règlement de la situation des travailleurs migrants en situation irrégulière afin, notamment, de régulariser les personnes originaires de la République démocratique populaire lao, du Myanmar et du Cambodge qui vivent et travaillent depuis longtemps dans le pays. La loi de 2008 relative à la prévention et à la répression de la traite des personnes prévoit, en outre, des services de réadaptation des victimes, indépendamment de leur statut migratoire.

6.M. Jinawat dit que la flambée de violences dans les provinces frontalières du sud est désormais maîtrisée. De 2004 à 2012, des compensations financières de l’ordre de 30 millions de dollars des États-Unis ont été allouées aux familles de 3 700 personnes décédées suite à ces conflits. Le Gouvernement a établi un comité d’indemnisation des populations de la zone qui a approuvé un budget supplémentaire d’aide à la région de 69 millions de dollars. La Thaïlande a conscience des défis qu’elle doit encore relever pour lutter efficacement contre la discrimination raciale et veiller à ce que tous aient accès, dans des conditions d’égalité, aux services publics. Les problèmes rencontrés dans ce domaine sont notamment d’ordre linguistique, culturel et géographique. Ils sont aussi en grande partie dus à la méconnaissance des agents de la fonction publique et du grand public des droits des différents groupes ethniques et des obligations internationales qui incombent à la Thaïlande à leur égard. Bien que des campagnes d’information et de sensibilisation aient été menées, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour assurer l’émergence d’une société réellement tolérante, attachée à une culture des droits de l’homme.

7.M. Gongsakdi (Thaïlande) rappelle que la Thaïlande est un pays de transit, d’origine et de destination des migrants, ce qui explique la priorité accordée à la gestion des flux migratoires. Nombre de pays du Sud-Est asiatique sont confrontés au problème de statut personnel et d’apatridie, situation héritée de l’époque coloniale durant laquelle les communautés et groupes ethniques ont été artificiellement séparés les uns des autres. L’instabilité de certaines zones à l’ère postcoloniale n’a pas arrangé les choses, puisqu’elle a entraîné d’importants déplacements de populations. Les disparités socioéconomiques entre les pays de la région et la porosité des frontières ont encore aggravé la situation. La stratégie globale de gestion du problème du statut personnel et des droits des travailleurs migrants, qui a été remplacée par la stratégie globale de règlement de la situation des travailleurs migrants en situation irrégulière, a été considérée par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) comme un exemple de bonne pratique en matière de réduction des cas d’apatridie, 34 962 personnes recensées ayant acquis, dans ce cadre, la nationalité thaïlandaise. La nouvelle stratégie vise à gérer de manière plus globale la situation, en assurant à la fois le respect des droits des migrants et en tenant compte des impératifs de sécurité nationale et de contrôle des frontières. Des mesures sont prises pour assurer l’enregistrement des naissances et l’octroi de documents d’identité aux groupes établis de longue date dans le pays dont le statut n’a pas encore été juridiquement établi, et accélérer l’octroi d’un statut légal, dans les trois années suivantes, à près de 300 000 personnes qui ne peuvent rentrer dans leur pays d’origine. Les politiques migratoires de la Thaïlande ont pour objectif à long terme de régulariser et de vérifier l’identité des quelque 2 millions de travailleurs migrants originaires du Myanmar, de la République démocratique populaire lao et du Cambodge qui sont entrés et travaillent illégalement dans le pays.

8.Bien que la Thaïlande ne soit pas encore partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, elle a continué de venir en aide aux personnes nécessitant une protection internationale, malgré des ressources limitées, en coopération avec plusieurs organisations internationales et organisations non gouvernementales. Près de 70 000 personnes ont été réinstallées et près de 140 000 personnes déplacées du Myanmar ont bénéficié d’une protection en attendant leur retour dans leur pays d’origine, dans la sécurité et la dignité. La Thaïlande a atteint la plupart des objectifs du Millénaire pour le développement et la croissance de son PIB devrait osciller entre 5,5 % et 6,5 % en 2012. Le pays a également accompli des progrès notables dans les domaines de la santé et de l’éducation, même si les groupes ethniques, les travailleurs migrants, les personnes déplacées et les demandeurs d’asile demeurent souvent marginalisés et sont victimes de la traite et du trafic d’êtres humains. La Thaïlande est pleinement déterminée à prévenir et à combattre la traite et œuvre aux niveaux national, bilatéral, régional et international à sa disparition.

9.M. Huang Yongán (Rapporteur pour la Thaïlande) dit que la Thaïlande a adhéré à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale en 2003, mais a émis des réserves aux articles 4 et 22. Pour élaborer le rapport à l’examen, le Gouvernement thaïlandais a mené des enquêtes et consulté les acteurs concernés, ce qui témoigne de l’importance qu’il accorde au respect de la Convention. Depuis que l’État partie a adhéré à sept des neuf principaux instruments relatifs aux droits de l’homme, la situation des droits de l’homme s’est considérablement améliorée. Les principes fondamentaux relatifs aux droits de l’homme sont consacrés par la nouvelle Constitution, adoptée par référendum en 2007, qui reconnaît, entre autres, la dignité humaine et la liberté et l’égalité de chacun. Elle interdit par ailleurs la discrimination fondée sur la langue ou le statut économique ou social. En revanche, aucune législation spécifique ne porte sur l’élimination de la discrimination raciale. Pour se conformer à ses obligations, l’État partie devrait adopter une définition de la discrimination raciale conforme à l’article premier de la Convention.

10.Composée de 62 groupes ethniques, la population thaïlandaise compte 85 % de membres de l’ethnie thaïe et 15 % de membres de minorités ethniques. Or, dans ses recensements, la Thaïlande n’a jamais collecté de données permettant de classer les personnes en fonction de leur appartenance ethnique. L’expression «minorité ethnique» n’est pas clairement définie, et le Gouvernement thaïlandais refuse d’employer l’expression «peuple autochtone», car il considère que les autochtones jouissent des mêmes droits que les autres citoyens. Pourtant, force est de constater que ces personnes sont défavorisées par rapport au reste de la population. Il existe en Thaïlande des organisations indépendantes des droits de l’homme, comme la Commission nationale des droits de l’homme, créée en 2001. À cet égard, le Rapporteur invite la délégation à fournir des informations sur le rôle de cet organe dans la protection des droits fondamentaux des Thaïlandais. La traite des personnes est un problème majeur en Thaïlande et le Gouvernement thaïlandais doit redoubler d’efforts pour lutter contre ce fléau.

11.M. Huang souhaite que la délégation revienne sur les informations qui font état d’exactions commises à l’encontre de travailleurs migrants, en situation régulière ou irrégulière, de la part de fonctionnaires, d’agents de la police ou d’employeurs privés. Le Rapporteur rappelle que les États parties sont tenus de sensibiliser leur population, notamment les agents de l’État, aux normes relatives aux droits de l’homme afin d’assurer à tous, y compris les minorités ethniques, la jouissance de leurs droits fondamentaux. S’agissant des troubles survenus dans des provinces à majorité musulmane du sud, où le Gouvernement a déclaré l’état d’urgence et appliqué la loi martiale, M. Huang encourage l’État partie à prendre le problème au sérieux et à revoir ses politiques pour s’attaquer aux causes profondes des conflits entre les autorités locales et les civils. Le nord-ouest du pays rencontre de nombreux problèmes, notamment dans la région du Triangle d’Or, réputée pour être une plaque tournante du trafic de drogues. Nombre d’étrangers en situation irrégulière et de membres de minorités ethniques sont impliqués dans le trafic de drogues. L’État partie, qui a pris des mesures de répression radicales pour lutter contre ce fléau, devrait davantage coopérer avec la communauté internationale. S’agissant des expulsions forcées de membres de la minorité karen dans le parc national de Kaeng Krechen, le Gouvernement doit dialoguer avec la population locale pour trouver une solution efficace, conformément à sa législation, sans créer de conflit.

12.M. Huang croit comprendre que la Thaïlande est disposée à retirer ses réserves aux articles 4 et 22 de la Convention mais souhaite obtenir une confirmation de la délégation. Il souligne que depuis les années 1970, la Thaïlande accueille de très nombreux réfugiés fuyant leur pays à cause de guerres et de troubles internes et appelle donc l’État partie à envisager d’adhérer à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et au Protocole s’y rapportant.

13.M. Lahiri dit que la place de la Convention dans l’ordre juridique interne n’est pas claire, étant donné qu’aucun texte ne définit la discrimination raciale et qu’aucune mesure spécifique n’a été prise pour lutter contre ce phénomène. Il encourage l’État partie à incorporer les dispositions de la Convention dans son droit national et à examiner les indicateurs relatifs à la situation sociale et économique des minorités ethniques en vue de garantir leurs droits fondamentaux.

14.M. Murillo  Martínez demande si l’État partie s’est doté d’un système de justice interculturelle qui tient compte des droits de la population musulmane, notamment des femmes, et s’enquiert du rôle du Conseil islamique des droits des populations migrantes. Il demande par ailleurs si l’État partie a envisagé d’adhérer à la Convention contre la criminalité transnationale organisée, s’il dispose de statistiques précises sur le nombre de personnes apatrides et si les manuels scolaires reflètent la diversité ethnique du pays. Il invite en outre l’État partie à faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention reconnaissant la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications. Enfin, il aimerait en savoir plus sur le niveau de participation des groupes ethniques à la vie publique.

15.M.  Thornberry demande pourquoi l’État partie n’a pas adhéré à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide ni à la Convention no 169 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) relative aux peuples indigènes et tribaux. Il demande également si l’État partie a pris des dispositions concrètes, sous la forme d’un plan national d’action, pour donner effet à la Déclaration des Nations Unies sur les droits de peuples autochtones, qui met l’accent sur les droits fonciers et le droit à l’autodétermination. Il invite la délégation à préciser pourquoi la Thaïlande a émis une réserve à l’article 4 de la Convention qui, en raison de son caractère extrêmement large, fait que le Comité ignore quelles obligations l’État partie est disposé à accepter.

16.M. Thornberry demande si le principe consistant à associer les communautés autochtones aux décisions qui les concernent est réellement appliqué, notamment en ce qui concerne les communautés montagnardes que l’État s’attache à «réorganiser dans des villages permanents», comme indiqué au paragraphe 50 du rapport à l’examen. Il souhaite savoir si ces mesures de sédentarisation sont prises avec le consentement préalable des intéressés. L’expert rappelle que la discrimination n’est pas toujours le résultat d’une volonté politique consciente et qu’il existe des risques de discrimination indirecte ou structurelle, et invite à cet égard l’État partie à prendre des mesures concrètes de prévention. Il salue la volonté que la Thaïlande a exprimée lors de l’EPU de poursuivre ses efforts de reconnaissance de la diversité culturelle et de protection des groupes vulnérables. Il demande si les écoles thaïlandaises dispensent un enseignement dans les langues des minorités ethniques. Il note avec préoccupation que seules les personnes ayant obtenu la nationalité thaïlandaise à la naissance peuvent se présenter aux élections, et demande un complément d’information à ce sujet. Enfin, il voudrait savoir comment l’État partie garantit l’application des dispositions de la Convention qu’il n’a pas transposées en droit interne.

17.M. de  Gouttesdit que, selon des organisations non gouvernementales (ONG), les peuples autochtones sont parfois perçus comme une menace pour la sécurité nationale et considérés comme un élément moteur du trafic de stupéfiants. Il demande l’avis de la délégation à ce sujet. Il voudrait par ailleurs de plus amples informations sur les résultats des stratégies mises en œuvre par l’État partie afin de résoudre le problème du statut juridique et de la défense des droits des membres de certains groupes ethniques. Il souhaiterait également avoir des précisions sur les permis de séjour temporaires spéciaux accordés aux membres de ces groupes. Il serait utile que la délégation donne un complément d’information sur les points suivants: la nouvelle loi sur la forêt collective (par. 110 du rapport); la coopération entre le HCR et l’État partie en vue d’améliorer l’administration de la justice dans les centres d’accueil pour personnes déplacées; la situation des Karens et des Hmongs, groupes ethniques du nord du pays; et les directives élaborées par la Commission de la réconciliation nationale en vue de favoriser la réconciliation des trois provinces du sud à majorité musulmane qui ont été le théâtre de graves troubles. Sur ce dernier point, il demande en particulier l’avis de la délégation sur les informations émanant de la Commission nationale thaïlandaise des droits de l’homme, selon lesquelles la situation serait notamment due à un usage excessif de la force par les organes de sécurité de l’État. Enfin, il aimerait savoir si les réfugiés originaires du Myanmar qui étaient hébergés dans des foyers d’accueil ont été rapatriés et s’enquiert de la situation des Rohingyas et des réfugiés hmongs originaires du Laos.

18.M.  Diaconuinvite l’État partie à revoir la déclaration interprétative qu’il a formulée au moment de son adhésion à la Convention, selon laquelle la Convention ne s’applique pas au-delà du cadre de la Constitution. Il se félicite que l’État partie envisage de lever sa réserve à l’article 4, par laquelle il annonce qu’il promulguera de nouvelles lois dans les domaines visés par cet article uniquement lorsqu’il l’estimera nécessaire. M. Diaconu regrette que le rapport ne donne pas plus de détails sur les lois incriminant la discrimination raciale et l’incitation à la haine raciale, ni sur les voies de recours ouvertes aux victimes, et invite l’État partie à donner des informations plus complètes à ce sujet dans son prochain rapport. Il demande si le décret d’état d’urgence adopté dans les provinces frontalières du sud s’applique uniquement aux Thaïlandais d’origine malaise ou s’il concerne d’autres habitants. Selon des informations portées à la connaissance du Comité, les femmes d’origine malaise seraient victimes de discrimination, notamment pour ce qui touche au divorce et aux droits successoraux. La délégation est invitée à s’exprimer sur la question.

19.M. Diaconu demande s’il existe une loi protégeant les droits des migrants en situation régulière ou irrégulière face aux abus de pouvoir de leurs employeurs et s’il est vrai que les migrants n’ont pas le droit de changer d’employeur s’ils veulent conserver leur titre de séjour. La délégation est invitée à commenter les informations selon lesquelles l’État partie aurait tendance à rejeter la responsabilité des effets des changements climatiques sur les peuples autochtones, qui exploiteraient abusivement les ressources forestières. M. Diaconu s’inquiète de la distinction faite par l’État partie entre les Thaïlandais de souche et ceux ayant acquis la citoyenneté par naturalisation, qui a pour effet de créer deux catégories de citoyens, et demande à l’État partie de remédier à cette situation. Il invite l’État partie à prendre les mesures nécessaires pour que toutes les personnes, quel que soit leur statut, aient accès aux soins de santé de base. Enfin, évoquant la Conférence mondiale sur les droits de l’homme, tenue à Vienne en 1993, lors de laquelle les États asiatiques avaient avancé la thèse d’un droit régional asiatique distinct des autres, il demande si l’État thaïlandais estime qu’il existe des valeurs régionales qui remettraient en cause le principe de l’universalité des droits de l’homme.

20.M.  Kemal, notant que la culture et les valeurs thaïlandaises se caractérisent entre autres par le respect, la bienveillance et la compassion, et que la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle suppose une mentalité qui se situe aux antipodes de cette culture, prie la délégation d’expliquer comment ce phénomène a pu prendre autant d’ampleur dans l’État partie et qui sont les organisateurs de ce trafic. D’après des informations portées à la connaissance du Comité, des membres de la minorité musulmane rohingya qui fuyaient le Myanmar dans des embarcations de fortune auraient été repoussés loin des côtes thaïlandaises et abandonnés en pleine mer. La délégation voudra bien indiquer si des enquêtes ont été ouvertes et si des mesures ont été prises pour éviter que de tels incidents ne se reproduisent.

21.M.  Vázquez se dit préoccupé par la situation des musulmans malais vivant dans le sud du pays où, d’après des informations reçues par le Comité, la loi martiale et le décret d’état d’urgence en vigueur autorisent les forces de l’ordre à arrêter toute personne soupçonnée de rébellion et ce, sur la base de simples présomptions. Les musulmans malais sont les seuls à être arrêtés par la police et 80 % des suspects sont ensuite remis en liberté faute de preuves, ce qui donne à penser que les forces de l’ordre pratiquent le profilage racial. M. Vázquez demande quelles mesures l’État partie a prises pour faire cesser ces arrestations à grande échelle de personnes innocentes et s’il envisage de modifier ou d’abroger les dispositions permettant aux forces de l’ordre d’arrêter des personnes sur la base d’indices très ténus.

22.M. Vázquez note que plusieurs personnes appartenant aux tribus montagnardes ont été arrêtées pour avoir enfreint la loi sur les forêts nationales protégées, qui leur interdit de vivre dans certaines zones alors qu’ils y sont installés depuis des temps immémoriaux et que leur mode de vie est étroitement lié à leur environnement. De plus, comme la législation relative à l’acquisition de la nationalité prévoit que les candidats doivent avoir un casier vierge pour que leur demande de naturalisation soit acceptée, les membres de ces tribus qui ont été arrêtés parce qu’ils étaient retournés vivre dans la forêt ne pourront plus jamais obtenir la nationalité thaïlandaise et resteront apatrides. Il serait intéressant de savoir si l’État partie est conscient de ces problèmes et s’il envisage d’y remédier. M. Vázquez prie la délégation de confirmer l’information selon laquelle la Thaïlande envisagerait de retirer sa réserve à l’article 4 de la Convention et de donner des éclaircissements sur cette réserve, qui laisse entendre que le phénomène de la diffusion d’idées racistes et de l’incitation à la haine raciale est inconnu en Thaïlande.

23.M.  Amir demande si des négociations ont été entamées afin d’apaiser les tensions interreligieuses dans le sud du pays et fait observer qu’une répartition équitable des fruits de la croissance économique de l’État partie pourrait contribuer à réduire le risque de conflits interethniques et interreligieux. Sachant que les principales victimes thaïlandaises du tsunami de 2004 étaient des pêcheurs et que cette catégorie de la population est particulièrement vulnérable en cas de catastrophe naturelle de ce type, il voudrait savoir si le Gouvernement a pris des mesures de prévention pour protéger les populations des zones côtières.

24.M.  Calí Tzay constate avec surprise que les minorités sont définies par le Ministère de l’intérieur comme des groupes de personnes originaires d’autres pays que la Thaïlande. Il note que les communautés montagnardes figurent parmi les 17 minorités énumérées au paragraphe 12 du rapport mais qu’au paragraphe 16, elles semblent être considérées comme un groupe ethnique. La délégation voudra bien donner des explications sur ce point et indiquer si l’État partie voit les communautés montagnardes comme des groupes d’origine étrangère. De même, elle pourrait fournir des éclaircissements sur la notion de groupe ethnique, en précisant en quoi elle se distingue du concept de minorité, et décrire ce que recouvre l’expression «mode de vie commun» utilisée au paragraphe 13 du rapport.

25.Se référant au paragraphe 76 du rapport, M. Calí Tzay souhaiterait savoir si les Thaïlandais ont besoin d’un passeport pour se déplacer dans le pays et demande de plus amples informations sur les dispositions interdisant l’accès au territoire à certaines catégories de personnes, dont celles qui sont atteintes de troubles psychiques ou qui ont des comportements dangereux. Il demande comment les enfants nés de parents qui ne peuvent apporter la preuve de leur inscription à l’état civil peuvent obtenir la nationalité thaïlandaise. Enfin, il voudrait savoir si les minorités ethniques peuvent recevoir un enseignement dans leur langue et, si tel est le cas, si les manuels scolaires ont été traduits dans les langues correspondantes.

26.M.  Ewomsan demande si certains groupes ethniques sont plus représentés que d’autres parmi les victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle et si, compte tenu de sa situation économique florissante, l’État partie a pris des mesures pour améliorer la situation des plus défavorisés, compte tenu des liens étroits entre la pauvreté et l’exploitation sexuelle. Lisant dans le rapport que les langues parlées en Thaïlande peuvent être regroupées en cinq familles linguistiques (par. 6), il aimerait savoir si les locuteurs de différentes langues appartenant à la même famille linguistique peuvent se comprendre entre eux. Enfin, il souhaiterait savoir si l’on trouve des migrants d’origine africaine dans l’État partie. Le cas échéant, la délégation voudra bien indiquer quelle est l’attitude de la population à leur égard.

27.M.  Lindgren Alves demande si le bouddhisme a été déclaré officiellement religion d’État et, dans l’affirmative, si les personnes qui ne sont pas bouddhistes peuvent être recrutées dans la fonction publique.

La séance est levée à 18 heures.