NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l'élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/SR.1401

9 octobre 2000

Original : FRANÇAIS

COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Cinquante-septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1401ème SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,

le lundi 31 juillet 2000, à 15 heures

Président : M. SHERIFIS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION ( suite )

Treizième et quatorzième rapports périodiques de Maurice

_______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document , à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

GE.00-43633

La séance est ouverte à 15 h 5 .

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l'ordre du jour) ( suite )

Treizième et quatorzième rapports périodiques de Maurice (CERD/C/362/Add.2; HRI/CORE/1/Add.60/Rev.1)

1. Sur l'invitation du Président, M. Baichoo, M. Boolell, Mme Dwarka-Canabady, et Mme Young Kim Fat (Maurice) prennent place à la table du Comité

2. M. BOOLELL (Maurice) se réjouit de reprendre le dialogue avec le Comité à l'occasion de l'examen des treizième et quatorzième rapports périodiques de Maurice. Il présentera tout d'abord les événements survenus, ainsi que les mesures législatives, administratives et judiciaires adoptées depuis la soumission, en mars 1999, du rapport à l'examen au Comité, en tenant compte des conclusions adoptées par ce dernier à la suite de l'examen du précédent rapport périodique.

3.Soulignant l'aspect multiethnique, multireligieux et multiculturel de l'État, M. Boolell rappelle que son pays est attaché au principe de l'égalité des droits et des libertés et se dit convaincu que la force de la nation réside dans sa diversité. Ainsi, bien que la Constitution prévoie déjà qu'aucun texte de loi ne peut être discriminatoire ou entraîner une discrimination, le Gouvernement a décidé d'élaborer un nouveau projet de loi visant à garantir l'égalité des chances pour tous (indépendamment, notamment du handicap, de la race, de la religion, ou du sexe dans le domaine de l'emploi et de la formation, de la fourniture de biens et de services et dans le secteur de l'éducation. Ce projet de loi prévoit aussi la création d'une commission de l'égalité des chances, chargée de promouvoir l'égalité et d'éliminer la discrimination et habilitée à mener des enquêtes en la matière, ainsi que la mise en place de tribunaux chargés d'examiner les plaintes émanant de personnes s'estimant lésées.

4.Donnant suite à la recommandation du Comité selon laquelle des mesures législatives devaient être prises pour appliquer l'article 4 b) de la Convention, le Gouvernement a promulgué une loi sur la sécurité publique, qui prévoit notamment que toute personne tenant des propos, ou en possession de documents incitant à la haine ou au mépris d'autrui pour des motifs fondés sur la race, la caste, l'origine, la couleur ou la religion, se rendra coupable d'un délit. Par ailleurs, bien que le Comité ait recommandé, à sa quarante-neuvième session, que l'interdiction de toute législation discriminatoire, énoncée à l'article 16 de la Constitution mauricienne, soit "étendue à toutes les questions relevant du droit privé", il n'a pas été possible de suivre cette recommandation en raison du caractère sensible que revêt la question du "droit musulman des personnes" dans la société multiconfessionnelle de Maurice. La Commission d'experts créée en septembre 1998 en vue d'examiner cette question, qui vient de soumettre un rapport intérimaire au Gouvernement, a conclu que l'introduction dans le droit mauricien de dispositions du droit musulman des personnes ne serait pas en contradiction avec les obligations qui incombent à Maurice en vertu des divers instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels l'État est partie, dans la mesure où ces dispositions ne concerneraient que le mariage, le divorce et le transfert de la propriété et ne seraient par ailleurs applicables qu'aux musulmans ayant déclaré leur volonté d'être soumis aux dispositions du droit en question.

5.S'agissant de la recommandation faite par le Comité au Gouvernement mauricien visant à fournir dans son prochain rapport périodique des données statistiques sur la composition de la population et sur la représentation de toutes les communautés ethniques et raciales dans les secteurs politique et économique, M. Boolell signale qu'un recensement des habitants de l'île a été effectué, et

que les résultats seront prochainement publiés. Pour ce qui est des indicateurs sociaux et économiques, également demandés par le Comité, ils seront mis à la disposition du Comité.

6.En ce qui concerne les émeutes qui ont éclaté à la suite du décès d'un chanteur créole lors de sa garde à vue, le magistrat chargé de l'enquête judiciaire ouverte à ce sujet communiquera prochainement ses conclusions. La Commission d'enquête, créée parallèlement en vue de déterminer la cause des émeutes, a publié un rapport dont est actuellement saisi le Président de la République. À la suite de ces émeutes, une Initiative pour la paix a été lancée en vue de favoriser la compréhension mutuelle, la tolérance et le respect au sein de la population.

7.Le Gouvernement a parfaitement conscience de la difficulté que représente la gestion d'une société caractérisée par le pluralisme. C'est pourquoi, face à la nécessité de continuellement promouvoir un esprit de tolérance, de respect mutuel et de fraternité, il a pris des mesures concrètes en vue de garantir l'égalité des chances. A cet effet, il prévoit d'éradiquer la discrimination à tous les niveaux, d'améliorer les conditions de vie des segments les plus pauvres de la population et plus particulièrement d'augmenter la part du budget de 2001 consacrée à la protection sociale, et de mettre en place des mesures d'intégration sociale des groupes vulnérables et des aides à la construction pour les familles à faible revenu. Il convient de signaler en outre la tenue en juin 2000 d'un atelier sur l'intégration des droits de l'homme dans le contexte du développement humain durable, organisé sous les auspices du Ministre chargé des droits de l'homme, en collaboration avec le bureau du PNUD à Maurice. Diverses ONG, des membres du mouvement syndical et des hauts responsables du Gouvernement ont participé à cet atelier.

8.M. Bolell indique enfin que Maurice a souhaité obtenir un report de la présentation de son quinzième rapport périodique compte tenu du recensement qui vient d'être effectué et des nombreuses initiatives prises. Le Gouvernement mauricien considère que les questions relatives aux droits de l'homme devraient concerner l'ensemble de la société et, à cet égard, il y a lieu de souligner le rôle dynamique joué par les ONG dans le domaine de la défense des droits de l'homme à Maurice.

9. Le PRESIDENT remercie la délégation de la présentation du rapport de Maurice et invite le Rapporteur pour Maurice à prendre la parole.

10. M. FALL (Rapporteur pour le pays), se félicitant du haut niveau de la délégation présente, fait observer que l'île Maurice a une longue tradition de démocratie parlementaire et que les élections, depuis l'indépendance, y ont toujours été libres, régulières et transparentes. De par sa situation géographique, le pays est une mosaïque de groupes ethniques et est généralement considéré comme ayant franchi des étapes importantes sur le plan du respect des droits de l'homme. En outre, il s'acquitte régulièrement de ses obligations vis-à-vis des différents instruments juridiques internationaux en la matière.

11.Le rapport présenté a le mérite d'avoir été élaboré conformément aux directives du Comité, mais il ne répond pas de façon satisfaisante à toutes les questions que le Comité avait soulevées à l'occasion de l'examen du précédent rapport périodique. C'est ainsi qu'il ne contient toujours pas de statistiques sur la composition ethnique de la population. S'il mentionne la création d'une Commission nationale des droits de l'homme, il ne donne pas de précision au sujet de son indépendance, de son fonctionnement et de ses premières réalisations. Il n'y est pas non plus question de l'application des dispositions pourtant obligatoires de l'article 4 de la Convention. L'affirmation selon laquelle aucune juridiction mauricienne n'a été saisie d'une affaire de violation des dispositions légales de Maurice prohibant la discrimination raciale ne saurait en aucune manière justifier l'absence de mesures interdisant et punissant expressément toute manifestation discriminatoire. Le rapport signale d'ailleurs que des émeutes à caractère racial ont opposé des groupes créoles et des groupes d'origine indienne.

12. Il y a lieu de se féliciter de la promulgation prochaine d'une loi sur l'égalité des chances. Il est regrettable en revanche que la recommandation du Comité tendant à ce que l'interdiction de toute législation discriminatoire énoncée à l'article 16 de la Constitution soit étendue à toutes les questions relevant du droit privé n'ait pas été prise en compte par le Gouvernement mauricien et que l'on ne dispose pas des conclusions du comité d'experts chargé de formuler des recommandations sur cette question.

13. S'agissant des droits économiques, sociaux et culturels, il serait intéressant de savoir si les tensions sur le marché du travail mentionnées dans le rapport opposent les Mauriciens entre eux ou, comme tout semblerait l'indiquer, les Mauriciens et les travailleurs étrangers, et de connaître les mesures prises pour atténuer ces tensions. A cet égard, le sort des travailleurs étrangers à Maurice a déjà été évoqué avec préoccupation par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels et par le Comité des droits de l'homme.

14.L'organisation récente d'un atelier sur l'intégration des droits de l'homme dans le cadre d'un développement durable, la création d'une Commission nationale des droits de l'homme, la mise en place d'un Comité sur la pauvreté sont autant d'initiatives louables qui confortent l'idée généralement admise que Maurice est un État respectueux des droits de l'homme. Il est en conséquence d'autant plus surprenant que cet État tarde à faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention.

15.S'agissant des îles d'Agalega et de Saint-Brandon, le Comité fait sienne la recommandation du Comité des droits de l'homme invitant le Gouvernement à prendre les mesures voulues pour garantir l'exercice du droit de vote aux habitants de ces îles. Il serait souhaitable d'avoir davantage d'informations sur la situation de ces deux îles eu égard à l'application de la Convention. Notant pour finir que Maurice n'a toujours pas ratifié les amendements au paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention, M. Fall salue la volonté de dialogue dont fait montre le Gouvernement mauricien à l'égard du Comité.

16. Mme ZOU se réjouit d'engager le dialogue avec la délégation mauricienne. Se fondant sur les recommandations faites par le Comité lors de l'examen du précédent rapport périodique de Maurice, elle note que le rapport actuel ne fournit pas les statistiques sur la composition ethnique et raciale demandées par le Comité. Or, ces statistiques sont nécessaires eu égard d'une part à la diversité ethnique de la population mauricienne et d'autre part au fait qu'il semble exister des dissensions au sein de la population, comme l'attestent les émeutes mentionnées au paragraphe 18 du rapport. Il conviendrait d'ailleurs de s'interroger sur la cause profonde de ces émeutes survenues entre groupes créoles et groupes d'origine indienne afin de déterminer si elles sont l'aboutissement de facteurs aléatoires ou reposent sur des antécédents historiques. Mme Zou demande en outre si de tels conflits sont fréquents.

17. S'agissant de la création du c omité sur la pauvreté (par. 16 du rapport), le Comité se félicite de cette initiative visant à éradiquer l'extrême pauvreté d'ici à 2007. Cependant, pour ce qui est des trois projets pilotes lancés dans le cadre de cette initiative, il conviendrait de préciser quels groupes ethniques et quelles régions sont concernés, dans quel état de pauvreté se trouve chacun de ces groupes et pour quelles raisons. Il est dit par ailleurs au paragraphe 20 du rapport qu'une loi sur l'égalité des chances sera promulguée dans un proche avenir en vue de prévenir toute inégalité fondée sur la race, la religion ou l'origine ethnique. Il faut espérer que l'État parviendra à réaliser cet objectif. Par ailleurs, Mme Zou note que le rapport ne fait pas état de l'application de l'article 5 de la Convention, qui porte sur les droits politiques. A cet égard, il serait intéressant de connaître le taux de représentation des différents groupes ethniques au Parlement, dans la fonction publique et en particulier parmi les hauts fonctionnaires d'État. Enfin, s'agissant du droit à l'éducation, abordé aux paragraphes 42 à 46 du rapport, il est dit que l'enseignement est gratuit jusqu'au niveau universitaire. Mme Zou souhaite obtenir davantage d'informations en ce qui concerne les universités et notamment

leur situation, leur nombre, le nombre d'étudiants et le taux de fréquentation des différents groupes ethniques et raciaux.

18. M. VALENCIA RODRIGUEZ note avec satisfaction que le Gouvernement mauricien a inclu dans son rapport périodique des renseignements portant sur diverses mesures qu'il a prises en vue de donner suite aux recommandations que le Comité lui avait adressées à l'issue de l'examen de son rapport précédent. C'est ainsi que le Gouvernement a créé, en 1998, une commission nationale des droits de l'homme qui exerce des fonctions importantes donnant concrètement effet à l'article 6 de la Convention et qui a notamment le pouvoir d'ouvrir des enquêtes de sa propre initiative lorsqu'elle reçoit des plaintes émanant de particuliers alléguant des violations de leurs droits fondamentaux et de recommander l'octroi de réparations aux plaignants. A ce sujet, M. Valencia Rodriguez aimerait que la délégation mauricienne fournisse au Comité des informations sur les affaires de discrimination raciale qui lui ont été signalées et qu'elle a examinées. Notant, en outre que le Gouvernement mauricien a promulgué une loi sur la protection des droits de l'homme, il demande quelle est la portée de cette loi dans le domaine de la discrimination raciale.

19. La création en 1997 de la commission présidentielle chargée de recommander des changements concernant l'exercice de la justice (par. 8 du rapport) est également un sujet de satisfaction. À cet égard, M. Valencia Rodriguez souhaiterait savoir si cette commission a formulé des recommandations visant à promouvoir l'élimination de la discrimination raciale, la tolérance, la compréhension et l'amitié entre les groupes ethniques mauriciens, et obtenir des renseignements sur l'application concrète de ces recommandations.

20. Tout aussi satisfaisante est l'interprétation formulée par la Cour suprême de Maurice qui a estimé que c'est non seulement la Constitution mais aussi l'ensemble du système juridique mauricien qui doit se conformer aux instruments internationaux ratifiés par Maurice (par. 11 du rapport). Il serait particulièrement utile de savoir si la Convention fait partie des instruments visés par cette interprétation et si elle peut être invoquée directement devant les tribunaux mauriciens.

21. Dans les renseignements concernant l'application des articles 2 à 4 de la Convention, M. Valencia Rodriguez relève que d'autres organes importants ont été créés, notamment une commission interethnique et interconfessionnelle de réflexion chargée de recommander des mesures propres à promouvoir l'harmonie raciale. Il aimerait savoir à quels résultats concrets les travaux de cet organe ont abouti. De même, les trois projets établis par le Comité sur la pauvreté créé en 1997 par le Président ont-ils permis de lutter efficacement contre les pratiques discriminatoires ?

22. M. Valencia Rodriguez estime que les tensions entre groupes créoles et indiens signalés dans le rapport (par. 18 et 19) appellent un dialogue constructif entre les parties intéressées et des interventions décisives des autorités supérieures du pays. Il souhaiterait que la délégation mauricienne fournisse des indications sur l'état d'avancement de l'élaboration de la loi sur l'égalité des chances, qui a notamment pour but de prévenir toute inégalité fondée sur la race, la religion ou l'origine ethnique (par. 20). Il souhaiterait en outre qu'elle indique si l'article 282 du Code pénal de Maurice, qui érige en délit l'incitation à la haine raciale, a été appliqué dans des affaires de discrimination raciale.

23.Concernant l'application des articles 5 et 6 de la Convention, M. Valencia Rodriguez demande si la délégation peut fournir des informations sur les recommandations formulées par la commission d'experts chargés d'étudier la manière d'incorporer dans le droit mauricien les dispositions du droit musulman des personnes relatives au mariage, au divorce et au transfert de la propriété. Peut-elle en outre indiquer si les travailleurs étrangers (par. 28) peuvent adhérer librement aux syndicats de travailleurs dans les mêmes conditions que les travailleurs mauriciens ? M. Valencia Rodriguez souhaiterait également connaître les résultats des dernières études sur le logement, notamment en ce qui concerne la situation des minorités ethniques et les mesures qui sont prises ou envisagées par les

autorités mauriciennes afin d'améliorer leur situation dans ce domaine. Il pense en outre que les membres du Comité ont sûrement noté avec satisfaction les mesures qui ont été prises par le Gouvernement mauricien en vue de promouvoir la participation des minorités ethniques à la vie culturelle afin d'assurer l'unité et la cohésion sociales et le fait que les 10 langues locales sont représentées dans le festival national d'art dramatique. Enfin, M. Valencia Rodriguez remercie le Gouvernement mauricien de l'attention qu'il a accordée aux recommandations du Comité concernant la possibilité de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention et de ratifier les amendements au paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention.

24. M. de GOUTTES salue, à la suite de M. Fall, les réalisations positives dont font état les treizième et quatorzième rapports périodiques de Maurice. Néanmoins, compte tenu de la spécificité de l'île, dont le Comité avait relevé dans son précédent rapport l'esprit de tolérance exemplaire en matière raciale et ethnique, il est déçu de constater que les informations fournies demeurent insuffisantes sur trois points. Premièrement, contrairement à la Recommandation générale No IV du Comité de 1973, à la nouvelle Recommandation générale du 27 août 1999 concernant l'article premier de la Convention ainsi qu'au paragraphe 8 des directives générales relatives à la présentation des rapports, le rapport présenté ne contient de données statistiques ni sur la composition ethnique et raciale de la population ni sur la représentation des communautés ethniques dans les différents domaines de la vie du pays. Deuxièmement, les mesures prises pour mettre en œuvre l'article 4 b) de la Convention concernant l'interdiction des organisations qui font de la propagande incitant à la discrimination raciale semblent insuffisantes. Il serait intéressant à cet égard d'avoir davantage de précisions sur l'application de l'article 282 du Code pénal et de l'article 109 de la loi sur le Code pénal dont il est question au paragraphe 22 du rapport. Troisièmement, le rapport ne dit rien des poursuites judiciaires qui ont pu être engagées pour des actes de racisme. Enfin, en raison du caractère multiethnique exemplaire de Maurice, M. de Gouttes se demande si le Gouvernement ne pourrait pas envisager de faire la déclaration facultative prévue à l'article 14 de la Convention concernant l'examen de communications émanant de particuliers.

25. M. BRYDE souscrit aux observations précédentes des membres du Comité portant sur les informations intéressantes et franches fournies par écrit ou oralement au Comité par le Gouvernement mauricien. Il reconnaît à son tour le caractère exemplaire de la société mauricienne multiculturelle et pluriethnique, réputée pour la paix et l'harmonie qui règnent entre de nombreuses communautés du pays. Il déplore néanmoins les incidents interethniques récents signalés dans le rapport (par. 18), car il ne s'agit sûrement pas de phénomènes isolés mais de manifestations de situations conflictuelles latentes que les autorités mauriciennes devraient prendre au sérieux et traiter efficacement. Il ajoute qu'à défaut de statistiques précises sur la composition ethnique de la population mauricienne, l'État partie pourrait fournir des indications générales sur ce point, ainsi que des renseignements sur les relations existant entre la composition ethnique et culturelle de la population d'une part, et la stratification économique et sociale et la répartition du pouvoir politique, d'autre part. Enfin, il serait reconnaissant à la délégation de faire part au Comité des conclusions préliminaires de la Commission d'enquête présidentielle, susceptibles d'éclairer le Comité sur la mise en œuvre de la Convention à Maurice.

26. M. PILLAI pense que la diversité ethnique et culturelle de la société mauricienne, qui est unique en son genre, est un atout qui doit être pris en compte pour traiter les problèmes de marginalisation de certaines communautés ainsi que d'autres problèmes émergents. Il estime que le Gouvernement peut, certes, se passer de données démographiques précises pour assurer certaines missions comme le maintien de l'ordre, mais qu'il a assurément besoin d'en disposer pour assurer la mise en œuvre des grands programmes de lutte contre la pauvreté et la marginalisation. Il note avec satisfaction que le Gouvernement a pris des mesures positives, notamment en ce qui concerne la création d'une commission des droits de l'homme, et compte créer d'autres organes de protection des droits de l'homme. Il serait bon que le Gouvernement envisage en outre d'assurer la sensibilisation des

agents de la fonction publique, en particulier de ceux qui s'occupent de l'administration de la justice pénale, aux questions relatives à la protection des droits de l'homme.

27. M. BOSSUYT souscrit entièrement aux observations des orateurs précédents relatives au caractère exemplaire de la société mauricienne, marquée par le pluriculturalisme et le multilinguisme, ce qui représente une expérience particulièrement intéressante pour les travaux du Comité. A cet égard, il aimerait avoir des renseignements sur le statut officiel des 10 langues parlées à Maurice. Il souhaite en outre être informé des résultats des travaux des nombreux organes qui ont été créés dans la période récente, notamment la c ommission nationale des droits de l'homme et demande à la délégation de fournir un complément d'information sur les émeutes ethniques de février 1999, notamment sur les causes profondes et les origines de ces incidents.

28.La délégation mauricienne a indiqué oralement que l'incorporation du droit musulman des personnes dans la législation mauricienne soulevait un certain nombre de problèmes. De quels problèmes s'agit-il ? M. Bossuyt fait observer à cet égard que le fait que ce droit, qui concerne le mariage, le divorce et le transfert de la propriété ne sera appliqué qu'aux musulmans qui le souhaitent n'élimine pas les problèmes que l'incorporation de ce droit risque de soulever pour la protection des droits de l'homme énoncés dans la Convention.

29.M. Bossuyt note avec étonnement que les statistiques concernant le nombre des travailleurs étrangers recensés à Maurice pendant la période 1995-1997 a diminué, tandis que celui des travailleuses étrangères a augmenté pendant la même période. Il demande quelle est la raison de ce contraste. Il lit en outre dans le rapport que les étrangers bénéficient de l'ensemble des services publics sur un pied d'égalité avec les Mauriciens (par. 52). Les étrangers bénéficient-ils également de la gratuité des soins médicaux dans les mêmes conditions que les Mauriciens (par. 39) ?

30.M. Bossuyt aimerait avoir des explications sur le découpage géographique prévu pour l'admission à l'école primaire (par. 43). Notant par ailleurs qu'il a été indiqué oralement que l'article 2 de la nouvelle loi sur la sécurité publique, érige en délit le fait d'être en possession "sans excuse juridique valable" de tout article, écrit ou enregistrement électronique contenant une incitation à la haine raciale, il demande à la délégation d'expliquer ce que signifient exactement les termes "excuse juridique".

31. M. ABOUL-NASR ne partage pas entièrement les points de vue exprimés par les autres membres du Comité. Il fait observer que la pratique du Comité consistant à demander aux États parties de lui soumettre des statistiques concernant la composition de leur population ne constitue pas une obligation énoncée dans la Convention mais tout au plus un souhait, car les renseignements chiffrés de cette nature facilitent l'exécution de la tâche du Comité. Les États parties ont donc toute liberté de donner ou non satisfaction à cette demande. De même, il ne souscrit pas au raisonnement selon lequel la situation multiethnique assez exemplaire existant à Maurice devrait inciter cet État partie à faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention, déclaration dont il souligne le caractère facultatif. A cet égard, il établit un parallèle avec l'article 11 de la Convention, également facultatif, qui n'a jamais été invoqué par un État partie pour appeler l'attention du Comité sur le fait qu'un autre État partie n'applique pas les dispositions de la Convention, alors que de telles situations ne manquent pas. La délégation mauricienne souhaitera peut-être faire ses propres observations à ce sujet.

32. M. Aboul-Nasr a noté avec étonnement que la délégation mauricienne a indiqué oralement que pour donner suite aux recommandations précédentes du Comité, les autorités mauriciennes envisageaient de faire en sorte que les dispositions du droit musulman des personnes relatives au mariage, au divorce et au transfert de la propriété ne s'appliquent qu'aux musulmans qui feraient une déclaration expresse en ce sens. Une telle disposition ne serait-elle pas discriminatoire à l'encontre

des musulmans par rapport aux membres des autres religions qui n'ont pas à faire une déclaration analogue ? M. Aboul-Nasr se demande aussi si la recommandation du Comité elle-même, qui visait des pratiques du droit islamique, n'était pas discriminatoire, vu certaines pratiques peut-être tout aussi contestables des autres religions en matière de mariage et de divorce.

33. M. NOBEL fait siennes les observations formulées par les autres membres du Comité et reconnaît la validité des observations de M. Aboul-Nasr invitant les membres du Comité à s'abstenir d'exiger des États parties qu'ils fournissent au Comité des statistiques sur la composition ethnique de leur population et à faire preuve de souplesse en la matière. Il aimerait par ailleurs savoir dans quelles conditions le droit musulman des personnes peut être appliqué dans le cas des mariages mixtes entre musulmans et non musulmans.

La séance est suspendue à 16 h 35; elle est reprise à 16 h 55

34. M. BOOLELL (Maurice) indique que conformément aux recommandations formulées par le Comité en 1996 lors de l'examen du précédent rapport périodique, Maurice dispose désormais d'une législation spécifique conforme à l'article 4 de la Convention. Une loi sur la sécurité de l'État a été récemment adoptée par le Parlement et une copie sera transmise au Comité dès que possible. L'article 8 de cette loi, concernant l'incitation à la provocation raciale, dispose que toute personne, physique ou morale, qui par son comportement ou ses propos, incite à la haine sur la base de la religion, de la race, de l'ethnie ou de la couleur, est passible d'une peine de trois ans d’emprisonnement. En outre, le Code pénal mauricien, en son article 282, qualifie de délit l'incitation à la haine raciale et tout acte commis dans l'intention d'inciter à la haine raciale relève de l'article 109 du Code pénal.

35. S'agissant de la question posée par M. Bossuyt sur le délit de possession - sans excuse juridique valable - de documents électroniques ou de documents susceptibles de contenir des propos pouvant inciter à la haine raciale, M. Boolell explique que "sans excuse juridique valable" est une disposition qui a été introduite afin de garantir la présomption d’innocence et plus précisément de s'assurer que la personne suspectée d'un tel délit n'a pas transporté ces documents à son insu.

36.Pour ce qui est de la question relative à l'exercice du droit de vote dans les îles d'Agalega et de Saint-Brandon, M. Boolell précise que des dispositions ont été prises par le Bureau électoral national afin que les habitants de ces deux îles puissent participer librement et équitablement aux élections générales. En aucun cas les habitants d'Agalega et de Saint-Brandon ne se sont vu refuser l'exercice du droit de vote.

37.S'agissant de l'absence de données statistiques sur la composition ethnique et raciale de la population mauricienne dans le rapport, M. Boolell explique que le recensement effectué en juin 2000 n'a pas visé à obtenir ce type d'informations car le Gouvernement mauricien a clairement donné sa préférence à une politique d'assimilation et à la création d'une identité mauricienne. Il ajoute que cela ne signifie pas que les recommandations formulées à ce sujet par le Comité lors de l'examen du précédent rapport de Maurice n'ont pas été prises en considération. Le dernier recensement a tenu compte de la composition des ménages et comportait même une question visant à préciser la langue ancestrale des ménages interrogés. Sitôt ces données dépouillées, le Gouvernement mauricien les transmettra au Comité. La délégation mauricienne dispose en revanche de données statistiques socio-économiques recueillies en 1999 qui ont été communiquées aux membres du Comité.

38.Évoquant le décès tragique en février 1999 d'un célèbre chanteur populaire dans une cellule d'un poste de police de Maurice, M. Boolell indique qu'une enquête a été immédiatement ouverte à la suite de ce décès afin d'en déterminer les conditions exactes. Le Procureur général, dont les pouvoirs

et l'indépendance sont garantis et protégés par la Constitution mauricienne, a été chargé de l'enquête et celle-ci suit son cours. Une commission d'enquête a également été créée afin de déterminer les causes des émeutes qui ont éclaté à la suite du décès du chanteur. Celle-ci n'a pas encore achevé ses travaux mais le Gouvernement mauricien transmettra au Comité les conclusions de l'enquête dès qu'elles seront disponibles.

39.M. Boolell ajoute que bien que son pays ait été traditionnellement considéré comme un "laboratoire vivant de pluri-confessionnalisme et de pluri-ethnisme", les autorités mauriciennes sont tout à fait conscientes de la fragilité de cette situation. Le décès tragique du chanteur ainsi que les émeutes qui ont suivi ont permis de faire prendre conscience à la population et à ses représentants que rien ne saurait durer toujours. Plusieurs plans et programmes ont ainsi été conçus et mis en oeuvre, avec le soutien actif du Président, afin de préserver au mieux l'harmonie entre les populations et d'encourager la tolérance. Il est désormais devenu évident que tous les habitants ont un rôle à jouer pour préserver l'harmonie et la stabilité du pays. Ainsi, la semaine dernière, le Président a lancé une Initiative pour la paix et la tolérance à laquelle toutes les composantes de la société civile, y compris les organisations non gouvernementales, ont été invitées à participer.

40.Les droits de l’homme dans leur ensemble font partie des cours dispensés dans les écoles de police. Les futurs policiers reçoivent en outre une formation sur les dispositions de la Constitution mauricienne et sur le respect des libertés fondamentales, notamment pour ce qui concerne les règles applicables à l'arrestation et à la détention de suspects. Toute violation de ces droits peut être invoquée devant les tribunaux et même, en cas de violation suspectée des droits fondamentaux énoncés à l'article 5 de la Convention, devant la Cour Suprême de Maurice. Par ailleurs, le Département des sciences sociales et juridiques de l'Université propose un cursus axé sur les droits de l'homme et plus particulièrement sur la Convention.

41 Le PRÉSIDENT remercie la délégation mauricienne des précisions qu'elle a apportées et indique que celle-ci répondra aux autres questions posées à la prochaine séance du Comité.

La séance est levée à 17 h 30 .

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