NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.176616 août 2006

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑neuvième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1766e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le vendredi 4 août 2006, à 15 heures

Présidence: M. de GOUTTES

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Premier à troisième rapports périodiques de l’Afrique du Sud

La séance est ouverte à 15 h 15.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Premier à troisième rapports périodiques de l’Afrique du Sud (CERD/C/461/Add.3, HRI/CORE/1/Add.92)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation sud ‑africaine prend place à la table du Comité .

2.Le PRÉSIDENT souhaite la bienvenue à la délégation sud‑africaine, dont il souligne qu’elle est conduite par la Ministre de la justice.

3.Mme MABANDLA (Afrique du Sud) a l’honneur de présenter au Comité un rapport initial et un additif couvrant les périodes 1999‑2001 et 2002‑2005, qui font le point sur les 12 premières années de démocratie en Afrique du Sud, en insistant sur les efforts déployés et les obstacles rencontrés sur la voie d’une société prospère, exempte de racisme et de sexisme. L’un des principaux obstacles sur cette voie est indiscutablement le lourd héritage qu’a laissé l’apartheid. L’une des réponses apportées à ce problème a été l’adoption de mesures de «discrimination positive» en faveur des groupes autrefois défavorisés. Les politiques et programmes de discrimination positive ont débouché sur la construction de logements, la mise en place d’infrastructures pour l’approvisionnement en eau et l’assainissement, la distribution de l’électricité ainsi que la création d’écoles, de cliniques et d’hôpitaux.

4.Mme Mabandla dit que la lutte pour la démocratie et l’état de droit prendra nécessairement plusieurs décennies, mais que l’Afrique du Sud continue de bénéficier de la solidarité des peuples du monde entier. En effet, les combattants de la démocratie et les autres militants des droits de l’homme organisés en formations démocratiques luttant contre l’apartheid à l’intérieur du pays ont alors bénéficié de l’appui de leurs camarades en exil et de la communauté internationale, y compris des Nations Unies, par l’intermédiaire de l’Assemblée générale et de ses autres organes, notamment la Commission des droits de l’homme et le Comité. Les premières élections démocratiques organisées en 1994 en Afrique du Sud ont été immédiatement suivies de l’abrogation de bon nombre de textes de loi datant de l’époque de l’arpatheid.

5.L’Afrique du Sud est désormais un État constitutionnel. Sa Constitution, fondée sur le Mémorandum d’accord signé en 1990, consacre un ensemble très complet de droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels et la Cour constitutionnelle montre depuis plusieurs années par ses décisions que les citoyens peuvent faire valoir ces droits «de seconde génération» devant les tribunaux. Compte tenu du poids du passé colonial et de l’apartheid, la Constitution dispose que ces droits seront mis en œuvre progressivement. La Cour constitutionnelle a dûment reconnu qu’il appartient au Gouvernement de fixer les orientations de politique générale en la matière en fournissant les ressources nécessaires pour assurer l’exercice de ces droits. Le 1er mars 2006, les Sud‑Africains ont pris part à des élections locales et démontré à cette occasion qu’ils appuyaient massivement la transformation démocratique du pays et la réalisation progressive de tous les droits de l’homme dans le pays.

6.À titre indicatif des efforts du Gouvernement, Mme Mabandla dit que des prestations sociales sont allouées à plus de 10 millions de personnes, parmi les plus vulnérables. Depuis l’avènement de la démocratie, en 1994, plus de 10 millions de personnes ont accès à l’eau potable et plus de 2 millions d’aides au logement ont été octroyées. Il est prévu d’électrifier au moins les deux tiers des foyers d’ici à 2012. Un défi majeur sera de réduire le chômage et de développer les compétences afin de promouvoir la croissance économique. Pour ce faire, l’État coopère avec les partenaires sociaux (entreprises, syndicats, organisations non gouvernementales, universités…) dans le cadre de programmes tels que l’Initiative pour une croissance accélérée et partagée (Accelered and Shared Growth Initiative for South Africa) qui a pour but de traduire la liberté politique dans la croissance économique. Le Gouvernement est convaincu que le nombre nécessaire d’emplois pourra ainsi être créé d’ici à 2012.

7.Au nombre des textes de lois adoptés pour démanteler le système hérité de l’apartheid et faire de l’égalité une réalité, Mme Mabandla cite la loi de 1994 sur la restitution des droits fonciers, la loi sur la gestion des finances publiques, la loi de 1995 sur les relations de travail, la loi de 1996 sur les écoles sud‑africaines, la loi de 1997 sur le logement, la loi de 1997 sur les conditions élémentaires d’emploi, la loi de 1998 sur l’égalité dans l’emploi, la loi de 1998 sur le développement des compétences et la loi de 2000 sur la promotion de l’égalité et la prévention de la discrimination. Pour approfondir et appuyer la démocratie, l’État a créé des institutions indépendantes, qui ne rendent compte qu’au Parlement notamment la Commission des droits de l’homme, la Commission de l’égalité des sexes, le Défenseur public, la Commission des communautés culturelles, religieuses et linguistiques et la Commission électorale indépendante. Ces «institutions du Chapitre 9», jouent un rôle important de contrôle de la bonne protection des droits des personnes et ont, au fil des ans et grâce à leur travail efficace, gagné la confiance du peuple.

8.Pour combattre la violence contre les femmes et les enfants, un groupe interministériel sur la sécurité et la justice a récemment réexaminé la stratégie de lutte contre la violence à l’égard de ces personnes. En outre, 16 journées de sensibilisation à la violence contre les femmes et les enfants sont organisées chaque année.

9.Les pouvoirs publics sont également préoccupés par une certaine tendance à la xénophobie, contre laquelle ils luttent énergiquement. C’est l’objet du Forum national contre le racisme, partenariat entre l’État et la société civile créé le 30 juillet 2003 pour donner suite concrètement à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, dont la mission est de mettre au point un plan national d’action.

10.Enfin, conformément aux principes d’une société non raciste, non sexiste et démocratique énoncés dans le Mémorandum d’accord de 1990, le Gouvernement démocratique d’Afrique du Sud reconnaît et protège l’identité et la dignité de toutes les minorités nationales, telles que les peuples Khoi‑san et Nama. Il a favorisé la renaissance de la langue khoi‑san qui, après s’être quasiment éteinte, figure aujourd’hui parmi les symboles nationaux du pays. Les mesures prises en faveur de la minorité khoi‑san comprennent notamment des programmes de préservation culturelle, la restitution de terres, la construction d’écoles et la création d’une station de radio spécifique. De manière générale, l’Afrique du Sud reconnaît et protège toutes les minorités, et s’est dotée à cet effet d’un Groupe national pour les minorités.

11.M. PILLAI (Rapporteur pour l’Afrique du Sud) dit que l’Afrique du Sud traite avec beaucoup de franchise dans son rapport des nombreuses difficultés qu’elle rencontre depuis la chute du régime de l’apartheid, en particulier les ressources budgétaires limitées de l’État et les disparités raciales persistantes en matière de revenus et de répartition des terres. Force est pourtant de constater qu’aucun autre pays n’a pris autant d’initiatives destinées à combattre la discrimination institutionnalisée héritée du passé, l’État partie soulignant de manière très positive que les séquelles de l’apartheid ne doivent pas servir de prétextes à l’inaction.

12.Parmi les points positifs, M. Pillai note que la Constitution, dont la réalisation de l’égalité est l’un des principes fondamentaux, prévoit des lois impératives visant à promouvoir l’égalité et à lutter contre la discrimination. C’est ainsi qu’un large éventail de lois et de mécanismes institutionnels ont été mis en place, en particulier la Commission sud‑africaine des droits de l’homme. L’adoption d’une politique volontariste en faveur des groupes victimes de discrimination est une autre mesure positive qui est prise à la lumière du paragraphe 4 de l’article premier de la Convention. Le Rapporteur note également avec satisfaction que les tribunaux, y compris la Cour constitutionnelle, ont souvent appuyé les mesures prises en faveur de groupes défavorisés, comme dans l’affaire Pretoria City Council v.  Walker.

13.M. Pillai souhaite obtenir des précisions de la délégation au sujet de la notion de «discrimination injuste» qui est à la base de l’adoption de politiques volontaristes en faveur des groupes défavorisés et dont pourraient s’inspirer d’autres pays. Notant que les données sur la composition de la population remontent au recensement de 1996, il voudrait obtenir des données plus récentes et précises sur les groupes ethniques et raciaux. Pour pouvoir évaluer les progrès réalisés dans la lutte contre la discrimination, le Comité ne peut se contenter d’une simple classification de la population en Blancs, Noirs et Asiatiques et doit disposer d’indicateurs concrets concernant les différents groupes. Cette classification héritée de l’apartheid ne tient pas compte des peuples autochtones qui, même s’ils ne sont pas reconnus officiellement, existent bien dans le pays.

14.S’agissant de l’article premier de la Convention, le Rapporteur regrette que l’article 9 de la Constitution ne fasse pas mention de l’ascendance et de l’origine nationale parmi les motifs de discrimination raciale. Par ailleurs, il demande quel est le statut de la Convention dans l’ordre juridique interne et souhaite savoir si ses dispositions peuvent être directement invoquées devant les tribunaux nationaux.

15.Pour ce qui est de l’article 2 de la Convention, le Rapporteur se félicite à nouveau des mesures prises en faveur des groupes défavorisés. Il souhaite savoir sur quels critères les autorités se fondent pour savoir quelle communauté doit bénéficier de mesures spéciales, notamment dans les domaines de l’éducation, du renforcement des compétences et de la protection juridique. Il souhaite savoir également si la loi sur la promotion de l’égalité et la prévention de la discrimination prévoit des mesures particulières pour les communautés défavorisées sur le plan du développement socioéconomique et de la participation à la vie politique. En outre, il demande comment l’État partie s’assure que ses politiques volontaristes n’ont pas pour effet d’accroître les inégalités entre les communautés.

16.S’agissant de l’article 4 de la Convention, M. Pillai note avec satisfaction que l’article 16, paragraphe 2, de la Constitution dispose que la liberté d’expression ne vise pas l’incitation à la violence et l’apologie de la haine fondées sur la race. La loi sur la promotion de l’égalité et la prévention de la discrimination prévoit en outre des voies de recours au civil pour les victimes de propos racistes. Le Rapporteur voudrait toutefois obtenir des renseignements détaillés sur l’application des dispositions constitutionnelles et légales susmentionnées. Il souhaite également obtenir des précisions au sujet du projet de loi sur l’incrimination des propos haineux que le Ministre de la justice et du développement constitutionnel devait présenter au Parlement (par. 126 du rapport). Soulignant le rôle clef joué par le système de justice pénale dans l’application des textes juridiques visant à combattre le racisme, M. Pillai fait référence à une enquête de 2002 de la Commission sud‑africaine des droits de l’homme sur le racisme et la discrimination raciale au sein du Ministère de la justice et du développement constitutionnel qui a révélé que peu de magistrats noirs siégeaient dans les tribunaux civils et que les relations interraciales y étaient peu harmonieuses. Il invite la délégation à faire des commentaires à ce sujet. En outre, il souhaite obtenir plus de renseignements sur la lutte contre le racisme à l’école, dans les exploitations agricoles et dans l’armée.

17.S’agissant de l’article 5 de la Convention, M. Pillai se félicite que la loi sur l’aide juridique, qui était principalement appliquée aux Blancs, ait été modifiée pour s’appliquer à tous sans distinction de race. Étant donné que l’État partie ne dispose pas de ressources suffisantes pour fournir à tous ceux qui en ont besoin une aide juridique, M. Pillai suggère que les autorités envisagent de recourir aux services d’organisations de la société civile compétentes en la matière.

18.M. Pillai évoque plusieurs études nationales selon lesquelles les peuples autochtones auraient un accès limité à l’éducation et seraient marginalisés. Il souhaite donc savoir ce que fait l’État partie pour répondre aux besoins fondamentaux des autochtones et leur permettre de participer, dans des conditions d’égalité, à la vie de la société. L’État partie traite avec beaucoup de franchise des multiples initiatives qu’il prend pour s’attaquer au problème de la xénophobie mais le Comité voudrait en savoir davantage sur la mise en œuvre de la campagne «Roll Back Xenophobia», sur la loi sur l’immigration et sur le traitement des demandes d’asile.

19.D’après la Banque mondiale, les inégalités de revenus entre les Blancs et les autres demeurent préoccupantes dans l’État partie: 13 % de la population vit dans des conditions identiques à celles de pays développés tandis que 22 millions de personnes environ vivent dans des conditions dignes du tiers monde. Seul un quart des ménages pauvres ont accès à l’électricité et à l’eau potable et plus d’un tiers des enfants pauvres souffrent de malnutrition. Dans ce contexte, M. Pillai souhaite obtenir des informations sur la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels dans l’État partie et note avec préoccupation que les tribunaux commencent à mettre en doute l’applicabilité des droits sociaux et économiques (par. 180 du rapport).

20.En ce qui concerne l’article 6 de la Convention, le Rapporteur se félicite de la disposition de l’article 38 de la Constitution qui permet à une personne défavorisée (analphabète ou pauvre par exemple) de demander à un tiers d’agir en son nom pour saisir les tribunaux en cas de violation de ses droits, et souhaite savoir si cette disposition a été utilisée par des associations de la société civile, des groupes ou des individus pour obtenir réparation. Le Rapporteur évoque un rapport de la Commission sud-africaine des droits de l’homme dénonçant le problème de la discrimination liée à la langue dans l’accès aux tribunaux et demande à la délégation d’indiquer si d’autres langues que l’anglais ou l’afrikaans peuvent être employées dans les tribunaux.

21.Enfin, le Rapporteur salue les nombreuses initiatives présentées dans le rapport, concernant l’article 7 de la Convention, qui devraient grandement contribuer à prévenir le racisme et la discrimination raciale.

22.M. THORNBERRY indique que même si l’Afrique du Sud a reconnu implicitement la définition des peuples autochtones telle qu’elle figure dans la Convention no 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux, elle ne reconnaît pas expressément les peuples autochtones comme des peuples qui se distinguent des autres en raison de leur condition sociale, culturelle et économique ou des coutumes ou des traditions qui leur sont propres. S’il ressort du rapport que les autorités sud-africaines font preuve d’une bonne volonté manifeste à l’égard des autochtones, le fait que ces derniers ne soient pas expressément définis dans la législation nationale favorise par exemple l’extinction des langues qu’ils parlent. M. Thornberry invite la délégation à s’exprimer à ce sujet. Enfin, il souhaite obtenir des précisions sur la notion de «discrimination injuste» qui figure dans la Constitution.

23.M. KJAERUM estime que le premier rapport périodique de l’Afrique du Sud reflète de manière très franche et détaillée les difficultés concrètes auxquelles est confronté le Gouvernement sud-africain dans l’action qu’il mène pour assurer l’élimination de la discrimination raciale. Relevant dans le paragraphe 33 que, «pratiquement toutes les dispositions qui constituaient des discriminations de jure ont été supprimées de la législation sud-africaine (…)» et que «la principale difficulté à laquelle se heurte l’application de la Convention est la discrimination résiduelle, qui est généralement de facto et indirecte», il aimerait savoir si des lois contenant des dispositions discriminatoires sont toujours en vigueur.

24.S’agissant de la situation des étrangers et des immigrants, M. Kjaerum croit comprendre, à la lecture du rapport, que les migrants sont victimes de plus en plus souvent de la xénophobie et de la haine raciale et qu’ils sont tenus pour responsables par l’opinion publique de la violence, de la délinquance et du taux de chômage dans le pays. Notant que les non‑ressortissants seraient, en outre, beaucoup plus fréquemment harcelés par les forces de police que les citoyens sud‑africains, M. Kjaerum souhaiterait savoir si le Gouvernement sud-africain envisage de prendre des mesures pour veiller à ce que les magistrats et les membres des forces de l’ordre reçoivent une formation portant sur les droits de l’homme et plus particulièrement sur les principes énoncés dans la Convention.

25.Relevant avec intérêt que la Campagne pour faire reculer la xénophobie lancée fin 1998 a eu un impact relativement positif sur l’opinion et les médias (par. 148 et 149), M. Kjaerum demande à la délégation sud-africaine d’indiquer si d’autres mesures ont été prises pour sensibiliser les médias et l’opinion publique à la nécessité de faire preuve de tolérance à l’égard des étrangers. Il voudrait également savoir s’il existe un rapport de synthèse concernant les auditions publiques tenues en novembre 2005 par la Commission sud-africaine des droits de l’homme sur la xénophobie et les droits de l’homme.

26.M. Kjaerum note qu’en adoptant la loi de 1998 relative aux réfugiés l’Afrique du Sud s’est dotée d’un cadre juridique complet dans ce domaine mais que des problèmes demeurent, notamment au niveau de l’application de cette législation. Selon des informations émanant d’organisations non gouvernementales, le processus de détermination du statut de réfugié dure en moyenne 12 mois au lieu des six mois fixés par la loi. En raison de ce dysfonctionnement, entre 80 000 et 115 000 demandes seraient en souffrance. En outre, la corruption régnant au sein de certains centres d’accueil des demandeurs d’asile aurait eu pour conséquence de retarder le traitement des demandes et, dans certains cas, causé leur rejet. M. Kjaerum aimerait savoir ce que les autorités sud-africaines comptent faire pour combler le retard et lutter contre la corruption.

27.Notant que 55 000 tentatives de viol ont été commises contre des femmes en Afrique du Sud durant la période 2004-2005 et que les homosexuels et les lesbiennes seraient victimes de violences lorsque leur partenaire n’est pas d’origine sud-africaine, M. Kjaerum souhaite savoir si le Gouvernement entend prendre des mesures pour promouvoir la tolérance et assurer le plein respect de la Constitution qui prohibe toute forme de discrimination, directe ou indirecte, fondée sur l’orientation sexuelle.

28.M. AVTONOMOV estime que le rapport à l’examen présente de manière extrêmement sincère et claire les principaux problèmes qui se posent à l’État partie en matière de racisme et qui sont pour la plupart des séquelles du régime d’apartheid. Il souhaite obtenir des éclaircissements au sujet de l’affaire mentionnée au paragraphe 35 du rapport concernant la décision rendue par le tribunal dans le cadre de l’affaire Harksen v. Lane NO and Another, et plus particulièrement concernant l’argumentation du tribunal en l’espèce. Il aimerait parallèlement savoir si des mesures sont envisagées afin de fournir des services d’interprétation dans les institutions judiciaires aux étrangers et aux migrants qui ne parlent ni l’anglais ni l’afrikaans (par. 64).

29.M. Avtonomov souhaiterait également savoir si les us et coutumes de droit coutumier utilisés pour le règlement des différends sont pris en compte par la législation sud-africaine. De plus amples informations seraient par ailleurs nécessaires sur l’exercice du droit à la citoyenneté, notamment par les enfants de couples mixtes et les femmes.

30.M. TANG Chengyan salue les autorités sud-africaines qui ont élaboré le rapport très objectif à l’examen, qui met adéquatement en relief les problèmes qui se posent à la société sud‑africaine en matière de discrimination raciale.

31.Notant qu’il ressort du rapport que différentes mesures ont été prises sur les plans constitutionnel, législatif et réglementaire pour éliminer la discrimination raciale, M. Tang Chengyan en déduit que la discrimination raciale persiste dans le pays, directement ou indirectement. Selon le paragraphe 65 du rapport périodique à l’examen, les justiciables noirs se plaignent des attitudes racistes notamment de la police, des magistrats, des juges et des avocats, et de la suspicion automatique à l’égard des Noirs, du caractère discriminatoire des poursuites et des sentences et, de manière générale, des comportements racistes de la justice. M. Tang Chengyan en déduit également que, même si la législation du pays a été améliorée et renforcée, il subsiste dans l’esprit de la population sud-africaine des survivances du régime d’apartheid qui induisent des comportements discriminatoires. De plus amples informations seraient donc nécessaires concernant les mesures qu’envisage de prendre le Gouvernement sud‑africain pour supprimer les séquelles, notamment psychologiques, de l’apartheid.

32.M. EWOMSAN félicite le Gouvernement sud-africain pour la qualité de son premier rapport périodique au Comité et pour la franchise avec laquelle il décrit les problèmes concrets de discrimination raciale auxquels la société sud-africaine est confrontée aujourd’hui. Il rappelle que le régime d’apartheid a constitué l’exemple le plus achevé de la discrimination raciale puisqu’il en était le stade suprême. Ce régime a eu des conséquences très graves et très profondes qui ne peuvent bien évidemment pas être gommées du jour au lendemain. L’Afrique du Sud mérite d’être saluée non seulement pour les nombreuses mesures constitutionnelles et législatives qui ont été prises pour éliminer la discrimination raciale mais aussi parce que ce pays a su amorcer une transition pacifique vers une société démocratique par le biais de la réconciliation. Grâce à la Commission Vérité et Réconciliation, nous savons désormais qu’il ne peut y avoir d’avenir sans pardon. Il importe également de se souvenir que l’Afrique du Sud est le seul pays du monde qui ne peut nier l’existence de la discrimination raciale et qu’il s’agit là d’un héritage très lourd.

33.Plus concrètement, M. Ewomsan aimerait savoir quelles mesures ont été prises par le Gouvernement en faveur des victimes du VIH/sida, qui sont traditionnellement des personnes issues des couches de population les plus défavorisées et marginalisées.

34.M. AMIR rappelle que l’Afrique du Sud était un pays comateux et exsangue lorsque Nelson Mandela, qu’il a personnellement côtoyé au moment du mouvement de libération de l’Algérie, a libéré le pays du joug de l’apartheid. Nul ne peut espérer qu’un peuple soumis à l’exclusion raciale pendant des siècles puisse résoudre en quelques années les problèmes qui découlent d’un mode de gouvernement inhumain.

35.Relevant que plusieurs membres du Comité ont évoqué la xénophobie et la discrimination dont les étrangers seraient victimes en Afrique du Sud, M. Amir estime que le peuple sud‑africain, qui a vécu l’apartheid et subi une politique de discrimination raciale institutionnalisée, ne peut être devenu à son tour xénophobe. À son sens, l’intolérance ressentie par les migrants étrangers est davantage imputable à la pauvreté généralisée qu’à un problème de racisme intériorisé.

36.M. YUTZIS dit que l’un des grands mérites de l’Afrique du Sud est d’être parvenue à démanteler l’arsenal administratif, judiciaire, législatif et économique mis sur pied par les fondateurs de l’apartheid, qui a sévi pendant de longues années. À cet égard, la loi sur la promotion de l’égalité (par. 71) a joué un rôle crucial dans ce processus de démantèlement. En effet, bien que la situation n’ait pas suffisamment évolué de facto, elle a du moins changé de jure. Se référant aux articles 71 et 74 du rapport, M. Yutzis voudrait savoir si les agents de l’État qui sont jugés par les tribunaux pour des actes de racisme sont des Noirs ou des Blancs et quel est le nombre d’affaires de discrimination raciale dans lesquelles l’auteur des faits est un Noir. En ce qui concerne le problème de la partialité des poursuites, des condamnations et de la libération conditionnelle évoqué au paragraphe 76 du rapport, M. Yutzis prie la délégation sud‑africaine de fournir de plus amples précisions sur les personnes qui bénéficient de tels traitements de faveur.

37.En ce qui concerne la représentation des Noirs au sein de la magistrature qui, comme indiqué dans le rapport, est encore très faible (par. 87), M. Yutzis voudrait savoir si des mesures sont prises afin d’établir un meilleur équilibre, notamment lorsqu’un poste doit être repourvu à la suite d’un départ à la retraite.

Constatant à la lecture du paragraphe 156 du rapport que les médias encouragent les préjugés à l’égard des migrants, M. Yutzis souhaiterait savoir quelles mesures les pouvoirs publics prennent pour empêcher la diffusion de telles idées. En outre, il demande si les activités menées par la Commission des droits de l’homme afin de lutter contre les préjugés à l’égard des migrants ont donné des résultats encourageants. Faisant observer que le nombre de migrants désireux de s’installer en Afrique du Sud va immanquablement augmenter dans les années à venir, M. Yutzis souhaiterait savoir si la Commission des droits de l’homme s’est préparée à cet afflux et, le cas échéant, comment elle prévoit de réagir. Par ailleurs, il prie la délégation sud‑africaine d’indiquer si une loi sur la propriété foncière est en vigueur en Afrique du Sud et de fournir des statistiques concernant l’accès des groupes marginalisés de la société à la propriété foncière. Enfin, il souhaiterait connaître les résultats de l’initiative que Nelson Mandela a lancée afin d’inciter les entreprises à faire des dons en faveur de la rénovation d’écoles et d’hôpitaux (par. 104).

38.M. LINDGREN ALVES, rappelant que la Convention internationale pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale a été élaborée en réaction, notamment, à l’institutionnalisation de l’apartheid en Afrique du Sud, se félicite de la présence de la délégation sud-africaine devant le Comité, qui illustre en soi tout le chemin parcouru par l’État partie. Il se félicite également de la franchise avec laquelle certaines difficultés sont reconnues dans le rapport, notamment les problèmes de racisme résiduel (par. 26) et les violences dont sont victimes les migrants (par. 156). Étant donné les similitudes entre la situation actuelle de l’Afrique du Sud et celle de son pays, le Brésil, et les nombreux enseignements qui pourraient être tirés du rapport à l’examen, M. Lindgren Alves a jugé utile d’envoyer ce dernier au secrétariat chargé de la promotion de la population d’ascendance africaine au Brésil.

39.M. CALITZAY se dit très honoré de siéger au sein du Comité au moment où ce dernier examine le rapport d’un État qui s’est libéré d’une des pires formes de racisme. En outre, il se sent personnellement concerné car son pays, le Guatemala, est souvent comparé à l’Afrique du Sud du fait que l’apartheid, pour y être illégal, n’en demeure pas moins une réalité quotidienne. Le rapport à l’examen a donc une valeur exemplaire et éducative pour les Guatémaltèques. Aussi M. Calitzay a-t-il prévu de suivre l’exemple de M. Lindgren Alves en envoyant un exemplaire du rapport dans son pays, à la Commission présidentielle contre la discrimination et le racisme à l’égard des peuples autochtones (CODISRA).

40.Par ailleurs, M. Calitzay souhaiterait obtenir de plus amples informations sur les décisions prises par la justice dans les affaires de discrimination raciale et sur les mesures d’action positives appliquées actuellement dans les domaines éducatif, politique et social. Enfin, il voudrait savoir s’il existe en Afrique du Sud des structures offrant un appui psychologique aux victimes d’actes de racisme qui souffrent de traumatismes.

41.S’associant aux propos des intervenants précédents, Mme DAH se dit honorée de pouvoir participer à ce moment historique que constitue le tout premier examen du rapport de l’Afrique du Sud. En effet, dans la culture politique africaine, ce pays représente un exemple, non seulement en raison de la longue lutte que des Noirs ainsi que certains Blancs y ont menée contre l’apartheid, mais aussi du fait que cette lutte a abouti à un dénouement pacifique et rapide. En outre, s’inspirant du processus de réconciliation nationale engagé en Afrique du Sud, de nombreux pays africains qui n’ont pas connu l’apartheid ont commencé à se doter eux aussi de commissions «vérité et réconciliation».

42.Mme Dah salue la qualité et l’honnêteté du rapport. Elle se dit toutefois surprise de voir que tous les problèmes, dont les inégalités sociales et les problèmes d’immigration, sont systématiquement ramenés aux problèmes économiques actuels et à venir. Enfin, elle souhaite que le mouvement actuel de réappropriation des identités ethniques niées dans le passé n’entraîne pas de dérives similaires à celles qu’ont connues d’autres pays africains et ne favorise pas un racisme anti‑Blancs.

La séance est levée à 18 h 5.

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