NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.165230 août 2004

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑cinquième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1652e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le vendredi 6 août 2004, à 15 heures

Président: M. SICILIANOSpuis: M. YUTZIS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Sixième et septième rapports périodiques de la Mauritanie

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Sixième et septième rapports périodiques de la Mauritanie (CERD/C/421/Add.1; HRI/CORE/1/Add.112)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation mauritanienne prend place à la table du Comité.

2.M. OULD MEIMOU (Mauritanie) se félicite de l’occasion qui lui est donnée de présenter les sixième et septième rapports périodiques de la Mauritanie en vertu de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, qui pose les principes chers à son pays que sont la dignité et l’égalité de tous les êtres humains. Il rappelle à cet égard que ces principes ont été solennellement affirmés par l’islam, religion d’État, il y a 14 siècles, et sont aujourd’hui consacrés dans la Constitution de la Mauritanie et ses lois et règlements pertinents.

3.M. Ould Meimou dit que la situation s’est beaucoup améliorée dans son pays depuis 1999, date de la présentation du rapport précédent, dans les domaines politique, économique, social et culturel. Depuis lors, le Gouvernement mauritanien a effectivement renforcé le cadre de l’application des droits de l’homme par la révision, l’adoption et la promulgation de différentes lois visant à améliorer le fonctionnement de la démocratie, à intégrer davantage les couches les plus vulnérables, à promouvoir les droits de la femme, à protéger les droits de l’enfant et à assurer la participation de la société civile aux efforts de développement du pays. Il ajoute que des projets de lois viendront compléter l’arsenal normatif consacrant l’égalité et la non‑discrimination, dont une loi sur l’aide juridictionnelle visant à améliorer l’accès des populations démunies à la justice et un code pénal ainsi qu’un code de procédure pénale pour mineurs. Il se félicite en outre de la signature d’un accord de coopération technique avec le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme visant à élaborer un plan d’action national de promotion et de protection des droits de l’homme.

4.M. Ould Meimou décrit ensuite de façon détaillée l’action menée par son pays pour éradiquer la pauvreté en vue d’améliorer les conditions de vie des populations, réduire les inégalités et renforcer la cohésion et la solidarité au sein de la nation, insistant sur le fait que les actions mises en œuvre ont bénéficié à tous les Mauritaniens, sans distinction aucune, et à toutes les régions.

5.M. KOITA (Mauritanie), répondant à une liste de questions écrites de la Rapporteuse pour la Mauritanie, dit que l’article premier de la Constitution énonce que la République assure à tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race, de sexe ou de condition sociale, l’égalité devant la loi, et que toute propagande particulariste de caractère ethnique ou racial est punie par la loi. À cette disposition s’ajoute un ensemble de dispositions législatives et réglementaires qui interdisent et sanctionnent toute discrimination, distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, l’ascendance nationale, la couleur, le sexe, la religion, les opinions politiques ou l’origine sociale, telles que l’ordonnance du 25 juillet 1991 relative à la liberté de presse, l’ordonnance de 1991 relative aux partis politiques ou encore la loi du 18 janvier 1993 portant statut général des fonctionnaires et agents contractuels de l’État.

6.En réponse à une autre question écrite de la Rapporteuse, M. Koita dit que le dernier recensement de la population remonte à 2000. Il précise qu’aux fins de l’unité de la nation, aucune question ayant trait à l’appartenance ethnique ou à la langue n’est posée à cette occasion.

7.M. Koita indique ensuite que le Gouvernement effectue un travail permanent d’harmonisation de la législation nationale avec les dispositions des conventions internationales ratifiées par la Mauritanie. La possibilité est en outre offerte aux citoyens, après épuisement des voies de recours internes, de saisir la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples.

8.M. Koita dit que le délit à caractère raciste n’est pas cité dans le Code pénal, mais est sanctionné par le Code du travail, et, par ailleurs, que l’ordonnance du 25 juillet 1991 relative à la liberté de la presse prévoit des sanctions pénales pour les publications incitant à la haine, aux préjugés ethniques et pour toute diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la discrimination raciale. Des mesures administratives d’interdiction ont notamment été prises à l’encontre des journaux Vérité et Bouchra à la suite de la publication d’articles xénophobes. Il explique que les dispositions de l’ordonnance du 25 juillet 1991 interdisent à tout groupement politique de s’identifier à une race, à une ethnie, à une région, à une tribu, à un sexe ou à une confrérie et obligent les parties à s’interdire toute propagande de caractère ethnique ou racial en vue de combattre les particularismes et de consolider l’unité nationale. Ces dispositions ont été mises en pratique avec l’interdiction des partis dénommés «Action pour le changement» et «Talia», dissous pour avoir tenu un discours incitant à la haine raciale.

9.M. Koita précise ensuite que l’accès au service public est ouvert à tous les citoyens, les «Maures noirs», qui ne sont pas tous descendants d’esclaves, et les non‑arabophones étant présents dans l’armée, la police, l’administration, le Gouvernement ainsi que dans toutes les autres institutions de l’État. Ces groupes ne font en effet l’objet d’aucune exclusion de la vie nationale, la loi prévoyant que les recrutements doivent se faire sur concours. Il n’existe donc aucune différence entre les citoyens. Dans la pratique, la représentation découle, pour les postes électifs, du suffrage universel, tandis que la compétence est la règle pour l’octroi des postes administratifs.

10.M. Koita reconnaît que les mariages mixtes entre les «Maures noirs», les «Maures blancs» et les non‑arabophones sont moins nombreux que les mariages au sein d’une même ethnie ou d’une même tribu. Ce phénomène s’explique par les traditions ancestrales, qui privilégient les mariages au sein du milieu d’origine, plus que par des considérations d’ordre racial. Toutefois, les personnes métissées n’ont jamais rencontré en Mauritanie un quelconque problème d’intégration sociale. L’on note actuellement, avec le développement de l’urbanisation et les mutations sociales qui en découlent, qu’un nombre croissant de Mauritaniens se marient en dehors de leur milieu d’origine.

11.M. Koita ajoute que le système des castes s’est érodé progressivement, grâce à l’action des pouvoirs publics et les avancées dans le domaine économique et social. Il n’existe donc plus de privilèges inhérents à certains groupes ethniques ni de métiers réservés exclusivement à un groupe social. Bien sûr, l’ascendance compte encore pour certains, qui peuvent rejeter, sur cette base, une demande en mariage, mais il s’agit là de préjugés qui existent dans toutes les sociétés. Pour combattre ces mentalités rétrogrades, le Gouvernement mène de vastes campagnes de sensibilisation et fait en sorte d’élargir l’accès à l’éducation, créant ainsi les conditions propices au débat d’idées, générateur de progrès social.

12.M. Koita affirme ensuite qu’il n’y a plus de pratiques «esclavagistes» ou discriminatoires à l’endroit des descendants des anciens esclaves. Ceux‑ci, au même titre que les personnes issues des autres couches sociales, occupent indifféremment des postes à tous les niveaux de responsabilité ou sont de toute condition socioéconomique. Il indique en particulier que plusieurs membres du gouvernement actuel, des parlementaires, des officiers, des administrateurs et des hauts fonctionnaires sont descendants d’anciens esclaves. M. Koita déplore que certaines ONG aient tendance à voir une manifestation d’esclavage dans tout litige dont l’une des parties peut être rattachée, de près ou de loin, aux anciens esclaves. En réalité, les pouvoirs publics engagent systématiquement une enquête en cas d’allégations de ce type.

13.M. Koita fait ensuite observer que le Gouvernement a mis en œuvre, directement ou indirectement, toutes les recommandations formulées par M. Bossuyt, expert de la Sous‑Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, à la suite de sa mission en Mauritanie. Aucun organe pour coordonner la lutte contre les séquelles de l’esclavage n’a été mis en place, mais le Gouvernement a donné pour directive à tous les départements ministériels concernés d’accorder la priorité à cette question. Dans ce cadre, de nouvelles écoles ont été ouvertes, des barrages ou des centres médicaux construits dans les villages et quartiers où vivaient essentiellement des descendants d’anciens esclaves, et ce, pour corriger les inégalités sociales et cibler particulièrement les personnes les plus défavorisées. Depuis juin 1998, le Commissariat aux droits de l’homme, à la lutte contre la pauvreté et à l’insertion coordonne toutes les activités dans ce domaine. Plusieurs hauts fonctionnaires descendants d’anciens esclaves ont joué un rôle de premier plan dans ces politiques, occupant des postes élevés dans les départements ministériels concernés dont ceux de la justice, de l’éducation nationale, du développement rural, de la santé et des affaires sociales, du travail et de la fonction publique. Toutes ces mesures et politiques ont eu un grand impact économique, psychologique, social et politique.

14.Le représentant de la Mauritanie dit que les «maîtres» qui s’approprient les biens de leurs «esclaves» ou «anciens esclaves» décédés relèvent de cas isolés. Pour éviter ce type de situations, le Ministre de la justice a menacé de poursuites pénales les magistrats jugeant recevable une réclamation de descendants d’anciens maîtres sur un héritage et un magistrat a été radié en 1983 pour ne pas s’être conformé à cette mise en garde. Il faut également noter que l’adoption, en juillet 2001, du Code portant statut personnel a comblé le vide juridique en matière de succession, mettant fin à ce type de litiges.

15.À la question de savoir combien de réfugiés mauritaniens noirs vivent encore au Sénégal et au Mali, M. Koita affirme qu’aucun Mauritanien résidant à l’étranger, notamment dans ces deux pays, ne peut être qualifié de «réfugié» au regard des conventions pertinentes. En effet, personne ne craint, en Mauritanie, d’être persécuté pour ses opinions ou ses origines. Aucun obstacle n’empêche donc un citoyen mauritanien, où qu’il soit, de rentrer dans son pays.

16.Concernant la définition de l’esclavage par un texte d’application ou par la jurisprudence, M. Koita explique que l’ordonnance no 81‑234 du 9 novembre 1981 portant abolition de l’esclavage n’a pas été suivie de décrets d’application parce qu’elle visait essentiellement à marquer l’adhésion de jurisconsultes de droit musulman à l’abolition décrétée auparavant en vertu du droit positif. Tous les textes juridiques de base ont été revus pour s’assurer de leur compatibilité avec le droit musulman. En plus de la loi du 17 juillet 2003 portant répression de la traite des personnes, l’article 5 du Code du travail adopté en juin 2004 interdit le travail forcé obligatoire ainsi que toute relation dans laquelle une personne fournit un travail ou un service contre son gré et prévoit des peines pour les contrevenants.

17.Concernant les résultats de la réforme de la propriété foncière engagée en 1983, le représentant dit que cette mesure a mis fin au monopole des familles issues de l’ancienne féodalité et permis ainsi à de larges groupes de la population de bénéficier des grands projets hydroagricoles.

18.Concernant la participation des Haratines, il explique que les pouvoirs publics ont mis en œuvre un large éventail de politiques et programmes de développement économique et social et de promotion politique en faveur de ce groupe dans le cadre d’un processus participatif. Des écoles ont été ouvertes et des activités génératrices d’emplois et de revenus ont été créées à leur intention. Cependant, il n’existe aucune statistique sur les Haratines car le recensement ne se fait pas sur la base de l’origine sociale. Les Haratines ne vivent donc pas en vase clos et sont pleinement associés par le Gouvernement à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi des initiatives de développement.

19.Concernant les mesures d’information, le représentant de la Mauritanie explique enfin que des campagnes d’information et de sensibilisation concernant les «séquelles de l’esclavage» ont été menées dans les années 80 à la suite de l’adoption de l’ordonnance portant abolition de l’esclavage. La question de l’esclavage ne préoccupe quasiment plus personne en Mauritanie, hormis quelques activistes qui en ont fait un fonds de commerce politique. Les zones habitées par des descendants d’anciens esclaves ont été privilégiées par les pouvoirs publics dans le cadre des programmes de développement et de lutte contre la pauvreté, lesquels ont contribué à l’épanouissement et à l’indépendance économique des personnes défavorisées. Les médias concourent à la promotion des principes relatifs aux droits de l’homme et les autorités religieuses participent pleinement aux initiatives de promotion des droits de l’homme et aux ateliers de sensibilisation et d’information concernant toutes les questions de société (polygamie, mendicité, pratiques traditionnelles nocives pour la santé des femmes…).

20.Mme DAH (Rapporteuse pour la Mauritanie) dit que, depuis 1998, la situation au regard des exigences de la Convention a évolué favorablement en Mauritanie dans un contexte de stabilité politique consolidée et de progrès économiques et sociaux appréciables. Le rapport à l’examen obéit dans sa forme aux exigences du Comité mais le souci de concision de l’État partie prive le Comité de certains éléments d’appréciation concernant en particulier la composition ethnolinguistique de la population mauritanienne. Les dernières statistiques officielles disponibles datent de 1977. Il serait donc utile que l’État partie et surtout le Commissariat aux droits de l’homme, à la lutte contre la pauvreté et à l’insertion fournissent des statistiques ventilées plus pertinentes.

21.La Rapporteuse relève que le rapport ne contient aucune définition de la discrimination raciale telle qu’elle figure à l’article premier de la Convention. Dans la mesure où la législation nationale fait référence à la discrimination raciale dans plusieurs textes, à commencer par la Loi fondamentale, et que la Convention a primauté sur la loi nationale, tous les éléments contenus dans la législation devraient être pris en compte dans un texte unique.

22.En ce qui concerne l’application du paragraphe 2 de l’article 2 de la Convention, la Rapporteuse prend note de la signature en 2001 d’un accord de coopération technique avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme pour l’élaboration d’un plan d’action national pour la promotion et la protection des droits de l’homme, avec la participation de la société civile, et de la mise en place d’un cadre stratégique de lutte contre la pauvreté mettant l’accent sur les groupes les plus vulnérables de la société. À cet égard, la Rapporteuse souhaite connaître les incidences du plan à court terme sur la réinsertion des diplômés chômeurs, des handicapés et des mendiants.

23.Concernant l’article 3 de la Convention, il y a lieu de saluer l’engagement passé de la Mauritanie dans la lutte multiforme contre l’apartheid en Afrique du Sud et d’encourager l’État partie à mettre en œuvre les recommandations de Durban en légiférant et en prenant davantage de mesures concrètes contre l’exclusion en Mauritanie.

24.S’agissant de l’article 4 de la Convention, les textes incriminant les actes d’incitation à la haine et à la discrimination raciale ne sont que rarement mis en œuvre. Les cas évoqués par la délégation ne concernent que des sanctions administratives et il n’est fait mention d’aucune sanction pénale ni de réparations. Le Comité pourrait inviter la Mauritanie à revoir sa législation car le Code pénal ne contient aucune disposition criminalisant les actes d’incitation à la haine raciale.

25.L’application de l’article 5 de la Convention est très détaillée dans le rapport en raison, d’une part, du champ couvert par cet article et, d’autre part, de la priorité accordée par la Mauritanie au développement économique et social en vue d’atteindre les objectifs de la Convention.

26.Mme Dah ne doute pas qu’il n’y ait plus d’esclavage en Mauritanie, ainsi que l’affirme la délégation. Toutefois, plusieurs ONG, dont Amnesty International, dénoncent des pratiques esclavagistes qui résultent en particulier de la faiblesse de l’administration de la justice. Dans un souci de bonne gouvernance, la Mauritanie devrait traquer ces pratiques d’un autre âge. Nul doute que l’adoption du Code du statut personnel en juillet 2001 permettra de lever un certain nombre d’équivoques. Cependant, la Rapporteuse s’interroge sur les mesures transitoires qui feraient coexister la juridiction traditionnelle des cadis et la justice moderne incarnée par le Code. Elle évoque les informations fournies par des ONG selon lesquelles les deux autorités se renvoient la balle sans trancher ou en bloquant purement et simplement la procédure. Par ailleurs, il serait utile que l’État partie rende compte de l’application de la loi de 2003 sur l’interdiction de la traite des êtres humains dans son prochain rapport.

27.La Rapporteuse indique que le Comité est préoccupé par la situation des réfugiés mauritaniens dans les pays voisins et par les conditions de leur retour et souhaite savoir quelles sont les garanties offertes pour faciliter leur réinsertion. Elle se félicite de la création en juin 2001 de l’Agence de promotion de l’accès universel aux services qui permettra de minimiser les conséquences des privatisations sur l’accessibilité aux services essentiels pour les groupes les plus vulnérables de la population.

28.En ce qui concerne l’article 6 de la Convention, les informations fournies par la délégation sont encourageantes. Toutefois, s’agissant de l’institution du Médiateur, Mme Dah juge regrettable que la Mauritanie comme d’autres pays africains n’ait pas tiré de leurs cultures un mécanisme plus conforme à leurs traditions, telles que celle de la palabre. Pour ce qui est de l’article 7, elle se félicite que la Mauritanie ait pratiquement atteint l’universalité dans ses efforts de scolarisation, en particulier des filles. Elle salue le projet de valorisation du patrimoine culturel mauritanien, qui est d’autant plus important que la Mauritanie est l’un des sanctuaires des origines de certaines civilisations négro‑africaines. Mme Dah demande néanmoins ce qu’il en est de la promotion de la culture et de la civilisation berbères.

29.Pour conclure, la Rapporteuse demande si la Mauritanie entend faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention et ratifier les amendements au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention.

30.M. de GOUTTES rend hommage à la qualité des informations fournies par la délégation mauritanienne et se félicite de l’initiative prise par la Rapporteuse pour la Mauritanie de soumettre une liste préliminaire de questions à l’État partie. Il demande des statistiques sur la composition de la population, et en particulier sur le pourcentage des populations noire, blanche, arabophone et non‑arabophone. Il cite des informations du Forum des organisations nationales des droits humains en Mauritanie (FONADH) selon lesquelles la distinction faite entre les Haratines et les Bidanes constituerait l’un des facteurs majeurs de différenciation sociale dans le pays et souhaite connaître le point de vue de la délégation à ce sujet. S’agissant de l’article 4 de la Convention, il demande si la Mauritanie prévoit de modifier sa législation pénale afin de criminaliser les délits à caractère raciste. Concernant l’article 5, M. de Gouttes évoque les «séquelles de l’esclavage» et demande s’il n’existe pas de liens entre les mentalités traditionnelles et le système des castes. Il engage l’État partie à redoubler d’efforts dans le domaine de l’information et de l’éducation pour faire évoluer les mentalités et souligne que les ONG et les autorités religieuses musulmanes ont un rôle essentiel dans ce domaine.

31.L’expert souhaiterait obtenir des précisions sur les informations fournies par des ONG selon lesquelles il existerait une politique d’arabisation et de discrimination de la langue et de la culture berbères. Notant au paragraphe 9 du rapport que le peuple mauritanien est exclusivement de religion musulmane, il demande quelles sont les garanties offertes aux non‑croyants et aux non-musulmans. Concernant l’article 6 de la Convention, il fait observer que l’absence de poursuites pénales pour discrimination raciale n’est pas forcément positive car elle peut être due au fait que les victimes ne sont pas informées de leurs droits fondamentaux par l’État partie. Par ailleurs, il aimerait obtenir un complément d’information sur le plan d’action national en matière de droits de l’homme cité au paragraphe 197 du rapport et sur la coopération entre les organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme et l’État partie.

32.M. VALENCIA RODRIGUEZ note une nette amélioration de l’accès aux services sanitaires et à la scolarisation, ce qui atteste des efforts importants déployés par le Gouvernement mauritanien. Il se félicite également de l’adoption d’un cadre stratégique de lutte contre la pauvreté et d’un programme national d’action sur les droits de l’homme axé sur les groupes les plus vulnérables de la population.

33.Concernant l’application de l’article 4 de la Convention, M. Valencia Rodriguez estime que l’affirmation selon laquelle les conventions internationales relatives aux droits de l’homme obligent les institutions publiques à interdire et à combattre la discrimination (par. 53) ne suffit pas à démontrer que les actes visés à l’article 4 de la Convention sont correctement incriminés.

34.S’agissant de l’article 5, M. Valencia Rodriguez souhaite savoir si un enfant né sur le territoire mauritanien d’une mère étrangère est considéré comme apatride.

35.La question des séquelles des vestiges de l’esclavage (par. 97) est très préoccupante car, même si ces séquelles n’existent que dans les mentalités, elles persistent en raison du faible niveau de développement socioéconomique du pays et de la pauvreté qui sévit dans de larges couches de la population.

36.M. Valencia Rodriguez souhaite également savoir quelles mesures ont été prises pour lutter contre le système des castes. Des efforts importants devront être déployés dans le domaine de l’éducation pour éradiquer cette pratique et des mesures supplémentaires devront être prises pour lutter contre la traite des êtres humains et alourdir les sanctions contre le travail forcé.

37.L’exode rural provoqué au début des années 70 par la sécheresse a eu pour conséquence un fort taux d’urbanisation qui a particulièrement affecté les couches les plus vulnérables de la population. Il serait très utile de disposer d’informations concrètes sur les résultats de la politique d’amélioration de l’habitat adoptée par le Gouvernement pour faire face à cette urbanisation massive.

38.Dans le domaine de la santé, la campagne de lutte contre le VIH/sida doit se poursuivre car le virus affecte une grande partie de la population. La lutte contre le paludisme et le ver de Guinée (par. 131) doit être intensifiée grâce au développement des infrastructures sanitaires.

39.M. PILLAI souhaite savoir si la Commission mauritanienne des droits de l’homme est rattachée au pouvoir exécutif, dispose d’un budget propre et est indépendante et autonome. Il souhaite également obtenir des données ventilées sur l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels selon les différents secteurs de la population.

40.S’agissant de l’exercice des droits civils et politiques, l’expert dispose d’informations selon lesquelles certains groupes et associations seraient interdits et n’auraient pas le droit de former des partis politiques. Il souhaite, partant, obtenir davantage d’informations sur la liberté d’expression, la liberté d’opinion et la liberté d’association en Mauritanie.

41.M. HERNDL estime que le septième rapport périodique de la Mauritanie ne répond pas aux recommandations formulées par le Comité lors de l’examen du précédent, en 1999, dans lesquelles le Comité avait recommandé à la Mauritanie de faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention et de ratifier les amendements apportés au paragraphe 6 de l’article 8. Cela n’a visiblement pas été fait.

42.M. Herndl estime que le rapport n’en dit pas aujourd’hui plus qu’en 1999 sur ce que la Mauritanie a fait pour mettre en œuvre l’article 4 de la Convention. Affirmer que les conventions internationales relatives aux droits de l’homme obligent les institutions publiques à interdire et à combattre la discrimination (par. 53) ne suffit pas à démontrer qu’une action appropriée a été prise pour déclarer délits punissables par la loi les actes de racisme et illégales les organisations incitant à la haine raciale. De même, déclarer que l’ordonnance de 1983 portant création du Code pénal permet au juge de puiser dans une large gamme de sanctions pénales pour sanctionner toute pratique raciste (par. 54) ne permet pas de vérifier si la législation en vigueur interdit effectivement les actes visés à l’article 4 de la Convention. Le prochain rapport devrait apporter des renseignements concrets sur la législation relative à la discrimination raciale et sur les poursuites engagées, les jugements rendus et les peines prononcées pour actes de discrimination raciale.

43.M. Herndl est en revanche impressionné par le nombre de mesures prises par la Mauritanie pour assurer son développement économique. Notant qu’une stratégie nationale a été adoptée pour assurer la sauvegarde et la valorisation du patrimoine culturel, il se demande si les différentes composantes de la population ont été consultées lors du processus d’élaboration de cette stratégie et dans quelle mesure celle-ci concerne les différents groupes de population.

44.M. AMIR souligne que les séquelles des pratiques d’esclavage et de servage non volontaire qui persistent en Mauritanie n’ont jamais pris la forme d’une domination raciale et que les pratiques d’esclavage qui demeurent ne se sont jamais apparentées à la traite négrière. L’abolition de l’esclavage a été proclamée dans le pays en 1905 puis réaffirmée au lendemain de l’indépendance du pays, en 1960.

45.M. Amir rappelle que la Mauritanie n’est indépendante que depuis 40 ans et qu’il convient de faire preuve d’un certain degré de tolérance vis-à-vis de ce pays qui est, par ailleurs, l’un des plus pauvres d’Afrique. Il faut lui laisser le temps de se développer davantage et de faire évoluer les mentalités concernant les pratiques apparentées à l’esclavage. L’esclavage a perduré pendant plus de deux siècles aux États-Unis et il a fallu attendre les années 60 pour que le Président Kennedy mette un terme définitif à la ségrégation raciale.

46.M. AVTONOMOV note avec satisfaction que l’État partie maintient le dialogue avec le Comité malgré les difficultés économiques considérables qu’il connaît, ce qui montre sa détermination à respecter ses engagements au regard de la Convention.

47.L’affirmation selon laquelle les pratiques esclavagistes ne seraient que des séquelles ponctuelles dont sont victimes certains groupes ethniques n’est pas convaincante faute de données sur la composition ethnique de la population. Il serait nécessaire de combler cette lacune, d’autant plus que plusieurs ethnies ayant entre elles des rapports hiérarchiques complexes cohabitent dans le pays. En outre, cette absence de statistiques fait qu’il n’est pas aisé d’évaluer les renseignements fournis dans le rapport sur le taux de scolarisation, qui est étonnamment élevé au niveau primaire malgré la pauvreté du pays, soit 84 % pour les filles et 86 % pour les garçons (tableau 1, p. 5). À ce propos, il serait utile que ces chiffres soient ventilés par groupe ethnique, ce qui permettrait notamment de savoir si les filles sont victimes d’une double discrimination.

48.En ce qui concerne les élections, M. Avtonomov prie la délégation mauritanienne d’indiquer si la législation prévoit des quotas afin de favoriser la représentation des femmes et des personnes appartenant aux groupes défavorisés de la population. Il lui demande de fournir au Comité de plus amples précisions sur le système d’octroi de la nationalité mauritanienne décrit dans le rapport (par. 76), notamment d’expliquer si un enfant né à l’étranger dont le père est mauritanien peut obtenir la nationalité mauritanienne. Enfin, M. Avtonomov souhaiterait obtenir davantage de renseignements sur les associations de développement et sur la procédure prévue dans le décret d’application dont il est question au paragraphe 90 du rapport.

49.M. SICILIANOS se félicite de la loi portant répression de la traite des êtres humains, adoptée en 2003, et préconise que les tribunaux l’appliquent avec détermination. Il accueille avec satisfaction le nouveau Code du travail de 2004 et demande si cette législation prévoit une protection contre la discrimination indirecte.

50.Les mesures d’action positive visant à favoriser l’intégration des groupes défavorisés devraient être poursuivies et intensifiées, en particulier dans le domaine de l’éducation, de la santé, du travail et du logement. On pourrait notamment envisager d’intégrer en plus grand nombre les Haratines et les Abids dans les services chargés de l’application des lois et dans l’appareil judiciaire. Enfin, M. Sicilianos voudrait savoir quelles mesures l’État partie a prises afin d’élaborer le rapport en collaboration avec des organisations non gouvernementales et quel est son degré d’ouverture à la société civile.

51.M. TANG, relevant dans le rapport que les délits racistes seraient étrangers à la société mauritanienne (par. 54), fait observer que la Convention ne porte pas uniquement sur la discrimination raciale, mais aussi sur la discrimination fondée sur l’origine ethnique. Aussi souhaiterait-il savoir, à cet égard, si certains groupes ethniques sont victimes de discrimination en Mauritanie.

52.Lisant dans le rapport que la religion du peuple mauritanien est un islam modéré caractérisé par la tolérance (par. 9), M. Tang voudrait toutefois savoir si d’autres religions sont pratiquées dans le pays et, dans l’affirmative, s’il existe des tensions entre les différentes communautés religieuses.

53.M. CALI TZAY, constatant que le taux de prévalence du sida n’est indiqué que pour les femmes enceintes dans le rapport (tableau 1, p. 5), prie la délégation d’indiquer le taux correspondant pour les hommes. Par ailleurs, il souhaiterait savoir à qui appartiennent les 2 % de terres arables du pays (tableau 1). En ce qui concerne les droits politiques des femmes, il demande combien de femmes font respectivement partie de l’Assemblée nationale et du Sénat et quel est le pourcentage de femmes au sein des partis politiques. Enfin, des précisions seraient utiles sur les groupes vulnérables cités au paragraphe 27 du rapport.

54.M. KJAERUM dit que, selon des organisations non gouvernementales mauritaniennes de défense des droits de l’homme, la corruption et le clientélisme seraient omniprésents et créeraient des inégalités de traitement entre minorités ethniques, en particulier dans le domaine de la justice. La délégation est priée de commenter ces allégations.

55.M. Kjaerum dit qu’il serait par ailleurs, intéressant de savoir lesquelles des mesures prises par les pouvoirs publics afin de lutter contre les mutilations génitales féminines se sont révélées efficaces. Compte tenu du fait que ces pratiques demeurent répandues chez certains groupes ethniques, il prie la délégation d’indiquer si le Gouvernement mauritanien envisage de lancer de nouvelles initiatives. Enfin, il aimerait savoir si les institutions nationales chargées de traiter les plaintes de particuliers sont habilitées à en assurer le suivi.

56.M. THORNBERRY considère que le type de discrimination existant en Mauritanie est couvert par l’une des catégories prévues dans la Convention, à savoir la discrimination fondée sur l’ascendance. À cet égard, il appelle l’attention de la délégation mauritanienne sur la recommandation générale n° 29 du Comité, qui porte spécifiquement sur cette question et vise à aider les États parties à résoudre ce problème.

57.En ce qui concerne les langues parlées en Mauritanie, l’expert demande à la délégation de fournir au Comité des précisions sur la distinction entre les notions de langue nationale et de langue officielle, en particulier d’indiquer si, dans ses rapports avec l’administration, une personne peut demander qu’on lui réponde dans sa langue et si la loi prévoit la possibilité de reconnaître plusieurs langues nationales ou officielles.

58.Enfin, M. Thornberry voudrait savoir quelle est la raison d’être des écoles privées, puisqu’il est indiqué dans le rapport que leurs programmes sont alignés sur ceux des écoles publiques. Il serait intéressé de savoir qui fréquente ces écoles et si les communautés (ethniques ou étrangères) ont la possibilité de créer des écoles dans lesquelles les programmes scolaires soient adaptés à leurs besoins.

59.Le PRÉSIDENT remercie la délégation mauritanienne et dit qu’elle pourra répondre aux questions et observations des membres du Comité à la séance suivante.

La séance est levée à 18 heures.

-----