Nations Unies

CRPD/C/ESP/CO/2-3

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

13 mai 2019

Français

Original : anglais

Comité des droits des personnes handicapées

Observations finales concernant les deuxième et troisième rapports périodiques de l’Espagne (présentés en un seul document) *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport de l’Espagne valant deuxième et troisième rapports périodiques (CRPD/C/ESP/2-3) à ses 445e et 446e séances (voir CRPD/C/SR/445 et 446), les 18 et 19 mars 2019. Il a adopté les observations finales ci-après à sa 463e séance, le 29 mars 2019.

2.Le Comité accueille avec satisfaction les deuxième et troisième rapports périodiques de l’Espagne, combiné en un seul document, qui avait été élaboré conformément aux directives du Comité concernant l’établissement des rapports et en réponse à la liste des points à traiter avant la soumission des rapports (CRPD/C/ESP/QPR/2-3).

3.Le Comité se félicite du dialogue fructueux qu’il a eu avec l’importante délégation de l’État partie et remercie l’État partie d’avoir dépêché une délégation de haut niveau, notamment composée de représentants des ministères compétents.

II.Aspects positifs

4.Le Comité salue les mesures législatives et institutionnelles ci-après prises par l’État partie :

a)La loi organique no 2/2018, qui porte modification de la loi organique no 5/1985 sur le régime électoral général, comme première étape pour garantir le droit de toutes les personnes handicapées de voter sans discrimination ;

b)La loi sur les droits et l’inclusion sociale des personnes handicapées (approuvé par le décret-loi royal no 1/2013), qui vise à accroître l’activité, l’emploi et l’insertion sociale des personnes handicapées, notamment en améliorant l’accès à des possibilités de travail décent et en luttant contre la discrimination ;

c)Les modifications apportées au texte révisé de la loi no 9/2017 sur les contrats du secteur public, qui établissent l’obligation légale de fixer des quotas d’emploi pour les personnes handicapées ;

d)La loi organique no 13/2015 portant modification du Code de procédure pénale, en vue de renforcer les garanties de procédure, de réglementer les méthodes d’enquête technologiques et de renforcer les droits des personnes handicapées inculpées ou arrêtées pour une infraction pénale ;

e)La loi organique no 1/2015, qui modifie le Code pénal de façon à prendre en considération la Convention ;

f)La loi organique no 1/2017, qui garantit aux personnes handicapées de ne pas être écartées des jurys des tribunaux.

5.Le Comité félicite l’État partie d’avoir adopté le Plan d’action pour la mise en œuvre au niveau national de la stratégie espagnole sur le handicap de 2014-2020 et d’autres plans élaborés par les différentes communautés autonomes.

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

A.Principes généraux et obligations générales (art. 1er à 4)

6.Le Comité est préoccupé par le fait que plusieurs lois et politiques nationales, régionales et municipales, en particulier le texte révisé de la loi générale sur les droits des personnes handicapées et leur insertion sociale (2013) et la loi sur la promotion de l’autonomie personnelle (2006), ne sont pas conformes à la Convention ou au modèle de prise en compte du handicap fondé sur les droits de l’homme. Il est préoccupé par le fait que ce non-respect des dispositions se traduit par le recours à une approche médicale du handicap, laquelle consiste à catégoriser les personnes en fonction du diagnostic qui les concerne et à les exclure du champ d’application pourtant vaste qu’offre la Convention, laquelle dispose que les handicaps, notamment les handicaps psychosociaux, sont reconnus en fonction des déficiences et des obstacles rencontrés dans le milieu social. Il est également préoccupé par :

a)La prédominance d’une approche paternaliste et l’absence de dispositions fondées sur les droits de l’homme dans les structures de santé mentale, ainsi que l’absence de stratégies explicites visant à garantir que les personnes handicapées sont protégées contre la discrimination et les mauvais traitements ;

b)L’absence de progrès dans la mise en œuvre de la recommandation faite par le Comité dans ses précédentes observations finales (CRPD/C/ESP/CO/1, par. 18) tendant à abolir les dispositions juridiques qui renforcent la perception négative du handicap en autorisant l’interruption de grossesse tardive pour cause de malformation fœtale, et l’absence de progrès dans l’abandon des initiatives législatives visant à autoriser l’euthanasie en cas de handicap ;

c)Les progrès limités accomplis pour assurer la pleine participation des personnes handicapées, sur un pied d’égalité, par l’intermédiaire de leurs organisations représentatives, à l’examen de toutes les questions qui les concernent, y compris à l’élaboration des politiques publiques et des lois ;

d)Le manque de la formation dont les professionnels dans des domaines tels que l’éducation, la santé et la justice auraient besoin pour sensibiliser sur les droits des personnes handicapées et sur les normes consacrées par la Convention.

7.Le Comité recommande à l ’ État partie de réviser et de modifier toutes les lois, politiques et pratiques relatives à la prestation de services aux personnes handicapées à tous les niveaux et dans toutes les communautés autonomes, conformément aux principes consacrés par la Convention et à l ’ approche du handicap fondé sur les droits de l ’ homme. Il recommande également à l ’ État partie de  :

a) Concevoir et mettre en œuvre une politique visant à assurer le plein respect des droits des personnes handicapées, en particulier de celles qui présentent des handicaps psychosociaux, notamment en veillant à ce que des dispositions fondées sur les droits de l ’ homme soient appliquées dans les structures de santé mentale  ;

b) Abolir toute distinction juridique quant à la période pendant laquelle une grossesse peut être interrompue en raison d ’ un risque de malformation fœtale et de veiller à ce qu ’ il n ’ existe aucune disposition permettant l ’ euthanasie pour cause de handicap, car ces dispositions contribuent à la stigmatisation du handicap, ce qui peut donner lieu à des discriminations  ;

c) De veiller à ce que les diverses organisations de personnes handicapées, notamment celles qui représentent les femmes, les enfants, les réfugiés et les demandeurs d ’ asile, les lesbiennes, les gays, les bisexuels, les personnes transgenre et les personnes intersexuées, les personnes présentant un handicap psychosocial ou une déficience intellectuelle, auditive ou visuelle, les personnes vivant dans les zones rurales et celles qui ont besoin d ’ un appui important, continuent de participer et soient dûment consultées pour élaborer et modifier les lois, politiques et programmes nouveaux ou existants afin d ’ être en mesure de respecter la Convention, conformément à l ’ observation générale n o 7 (2018) du Comité concernant la participation des personnes handicapées, dont les enfants handicapés, à travers leurs organisations représentatives, à la mise en œuvre et au suivi de la Convention  ;

d) Continuer de dispenser aux professionnels concernés, y compris aux juges et aux responsables de l ’ application des lois, aux professionnels de la santé, aux enseignants et aux professionnels qui travaillent avec des personnes handicapées, une formation pour les sensibiliser aux droits consacrés par la Convention  ;

B.Droits particuliers (art. 5 à 30)

Égalité et non-discrimination (art. 5)

8.Le Comité est préoccupé par l’absence de reconnaissance et d’interdiction explicites des formes multiples et croisées de discrimination fondée sur le handicap, le sexe, l’âge, l’appartenance ethnique, l’identité de genre, l’orientation sexuelle et tout autre motif, dans tous les domaines de la vie. Il regrette qu’un certain nombre de problèmes de santé mentale ne soient pas considérés comme des handicaps par la législation espagnole. Il note en outre avec préoccupation que le refus de l’aménagement raisonnable n’a pas été reconnu comme une forme de discrimination dans tous les domaines de la vie.

9.Le Comité recommande à l ’ État partie de se référer à son o bservation générale n o 6 (2018) sur l ’ égalité et la non-discrimination et aux cibles 10.2 et 10.3 des objectifs de développement durable, de réviser sa législation, ses politiques et ses stratégies de lutte contre la discrimination, notamment la loi sur l ’ égalité, d ’ appliquer la Convention et de reconnaître et interdire expressément les formes de discrimination multiple et croisée fondée sur le handicap, le sexe, l ’ âge, l ’ appartenance ethnique, l ’ identité de genre, l ’ orientation sexuelle et toute autre motif, dans tous les domaines de la vie. À cet égard, le Comité rappelle à l ’ État partie que le champ d ’ application de la Convention s ’ étend à toutes les personnes présentant une déficience mentale qui sont considérées comme des personnes présentant un handicap psychosocial. Le Comité recommande à l ’ État partie de reconnaître que le refus de l ’ aménagement raisonnable constitue une forme de discrimination et de mettre en place des voies de recours juridique et des mécanismes de réparation efficaces.

Femmes handicapées (art. 6)

10.Le Comité note avec préoccupation que :

a)Les femmes handicapées font l’objet de multiples formes de discrimination en raison de leur sexe et de leur handicap, et peuvent également être exposées à la violence sexiste ;

b)Les politiques publiques sur le handicap et l’égalité des sexes sont dépourvues de mesures pour lutter contre les formes multiples et croisées de discrimination envers les femmes handicapées.

11. Rappelant son observation générale n o 3 (2016) sur les femmes et les filles handicapées et compte tenu des cibles 5.1, 5.2 et 5.5 des objectifs de développement durable ainsi que de la Convention du Conseil de l ’ Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l ’ égard des femmes et la violence domestique, le Comité recommande instamment à l ’ État partie de  :

a) Prendre d ’ urgence des mesures efficaces pour détecter et prévenir les formes multiples de discrimination dont font l ’ objet les femmes et les filles handicapées, en particulier celles qui présentent des handicaps intellectuels ou psychosociaux et pour les protéger contre ces discriminations, et allouer des ressources suffisantes à l ’ appui de ces mesures  ;

b) Prend re, dans le cadre des politiques en faveur de l ’ égalité des sexes, des mesures spécifiques efficaces pour assurer l ’ égalité et prévenir les formes multiples et croisées de discrimination dont les femmes et les filles handicapées font l ’ objet, et intégrer les considérations liées au genre dans la législation et les politiques relatives au handicap.

Enfants handicapés (art. 7)

12. Le Comité note avec préoccupation que :

a)Les enfants handicapés sont placés en institution dans l’État partie et les mesures prises pour assurer la désinstitutionalisation complète de tous les enfants handicapés sont encore insuffisantes ;

b)Les enfants handicapés, en particulier ceux qui vivent dans les zones rurales, n’ont pas accès à des services de santé universels et accessibles ;

c)L’absence de mesures visant à permettre aux enfants handicapés d’exprimer librement et à égalité avec tous les autres enfants leurs opinions sur toutes les questions les concernant.

13. Le Comité recommande à l ’ État partie de  :

a) Prendre des mesures immédiates pour mettre fin au placement en institution des enfants handicapés, notamment en élaborant et en mettant en œuvre une stratégie visant à promouvoir des environnements familiaux sûrs et protégés au sein de la société, assortie d ’ un calendrier précis et dotée de ressources budgétaires suffisantes  ;

b) Garantir à tous les enfants handicapés l ’ accès universel aux services de soins de santé primaires, y compris les services d ’ intervention précoce  ;

c) Veiller à ce que tous les enfants handicapés puissent exprimer librement leurs opinions sur toutes les questions les concernant, notamment en leur apportant une assistance adaptée à leur handicap et à leur âge.

Sensibilisation (art. 8)

14.Le Comité note avec préoccupation que :

a)Les programmes de sensibilisation, qui n’ont pas suffisamment mis en avant la dignité et les droits des personnes handicapées, n’ont produit qu’une évolution limitée du regard porté sur ces personnes ;

b)La stigmatisation envers les personnes présentant un handicap psychosocial persiste dans les médias et au sein de l’industrie pharmaceutique, ce qui constitue un danger pour la société ;

c) Les stéréotypes négatifs et les représentations dégradantes dont les personnes handicapées font l’objet persistent. Ainsi, les programmes de divertissement diffusés par les grandes chaînes de télévision continuent de montrer des personnes de petite taille en train de combattre des taureaux.

15. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre, en partenariat avec les organisations de défense des personnes handicapées, des mesures en vue de concevoir, organiser et mener des campagnes de sensibilisation du public et des campagnes médiatiques visant à éliminer les stéréotypes négatifs concernant les personnes handicapées, promouvoir la reconnaissance et le respect de leurs droits, inciter la société à porter sur elles un regard positif et améliorer l ’ effort de sensibilisation.

Accessibilité (art. 9)

16.Le Comité est préoccupé par le fait qu’à l’heure actuelle, seuls 0,6 % des bâtiments sont accessibles dans l’État partie, qui s’était pourtant engagé à parvenir à l’accessibilité universelle d’ici à la fin de 2017. Il note en outre avec préoccupation que les mesures prises pour assurer l’accessibilité universelle des bâtiments, en particulier des bâtiments privés, sont insuffisantes ou inefficaces. En particulier, le Comité relève avec préoccupation :

a)L’inefficacité des politiques en matière d’accessibilité dans l’administration publique, l’insuffisance des budgets et l’absence de critères obligatoires d’accessibilité dans la passation des commandes publiques à tous les niveaux ;

b)L’absence de progrès dans la mise en œuvre des mesures d’accessibilité pour les personnes handicapées, en particulier pour les personnes présentant une déficience intellectuelle ou psychosociale ou les personnes aveugles, sourdes, autistes ou de petite taille.

17.Se référant à son o bservation générale n o 2 (2014) sur l ’ accessibilité et à l ’ objectif 9 et aux cibles 11.2 et 11.7 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures législatives et budgétaires voulues pour assurer l ’ accessibilité dans tous les domaines, y compris l ’ accessibilité des bâtiments et installations ouverts ou accessibles au public, tels que les moyens de transport et les outils d ’ information et de communication. Le Comité recommande également à l ’ État partie de veiller à ce que les lieux ouverts au public ou mis à sa disposition soient équipés d ’ une signalisation et d ’ informations en braille et en format facile à lire et à comprendre, et à ce qu ’ une assistance individuelle et des interlocuteurs tels que des guides, des lecteurs et des interprètes professionnels en langue des signes, soit proposée pour faciliter l ’ accessibilité des bâtiments et des services publics, notamment pour les personnes présentant un handicap sensoriel ou mental. En particulier, le Comité recommande à l ’ État partie de  :

a) Veiller à ce que toutes les lois et mesures relatives à l ’ administration publique et à la passation des commandes publiques établissent l ’ obligation d ’ accessibilité pour les personnes handicapées, y compris au moyen de la conception universelle  ;

b) Établir des mécanismes de surveillance avec la participation des organisations de personnes handicapées de manière à faire en sorte que les normes d ’ accessibilité soient respectées et que des sanctions appropriées pour non-respect des normes d ’ accessibilité soient appliquées.

Droit à la vie (art. 10)

18.Le Comité est préoccupé par :

a)Les cas signalés de femmes présentant des handicaps psychosociaux victimes de violence de la part de leur partenaire, actes ayant parfois entraîné leur décès ;

b)Les cas signalés de personnes présentant un handicap psychosocial décédées après avoir fait l’objet contre leur gré d’une contention et d’un traitement médical inapproprié dans des hôpitaux psychiatriques ;

c)Les cas signalés de personnes handicapées décédées faute d’avoir reçu une assistance et un appui qualifiés suffisants.

19.Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures législatives, stratégiques et pratiques efficaces pour combattre la violence sexiste à l ’ égard des femmes présentant un handicap psychosocial qui vivent toujours en institution et pour prévenir les violations des droits de l ’ homme dont elles font l ’ objet, enquêter sur ces violations, permettre aux victimes d ’ obtenir réparation et traduire les responsables en justice. Le Comité recommande également à l ’ État partie de veiller à ce que les services et structures, y compris les structures d ’ hébergement, les services d ’ appui aux victimes et les mécanismes de signalement et de plainte, mis à la disposition des personnes victimes de violence dans les domaines public ou privé, soient accessibles aux personnes handicapées, prennent en compte la problématique hommes-femmes et les droits de l ’ enfant et soient confidentiels. Le Comité recommande également à l ’ État partie de veiller à ce que les professionnels chargés de l ’ application des lois, le personnel judiciaire, les professionnels de santé et les travailleurs sociaux reçoivent une formation obligatoire et régulière sur la prévention et la détection de la violence et des abus contre les personnes handicapées.

Situations de risque et situations d’urgence humanitaire (art. 11)

20.Le Comité constate avec préoccupation que les besoins propres aux personnes handicapées ne sont pas suffisamment pris en considération dans la législation, les protocoles et les plans applicables aux situations de risque et aux situations d’urgence humanitaire.

21. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer et d ’ adopter des lois, des protocoles, des plans et des mesures spécifiques pour protéger et secourir toutes les personnes handicapées en situation de risque ou d ’ urgence humanitaire, qui tiennent compte des besoins spécifiques de toutes les personnes handicapées, conformément au Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe (2015-2030).

Reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité (art. 12)

22.Le Comité note avec préoccupation que le Code civil de l’État partie autorise la privation de la capacité juridique d’une personne en raison d’un handicap et que les régimes de prise de décisions substitutive sont toujours en vigueur.

23. Rappelant son observation générale n o 1 (2014) sur la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d ’ égalité, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ abroger toutes les dispositions juridiques discriminatoires en vue d ’ abolir les régimes de prise de décisions substitutive, de reconnaître la pleine capacité juridique de toutes les personnes handicapées et de mettre en place des systèmes de prise de décisions accompagnée qui respectent la dignité, l ’ autonomie, la volonté et les préférences des personnes handicapées.

Accès à la justice (art. 13)

24.Le Comité note avec préoccupation :

a)Que les bâtiments abritant les services de police et de justice sont souvent inaccessibles et que les procédures judiciaires sont fréquemment dépourvues des aménagements adaptés à chaque sexe et à chaque âge qui seraient nécessaires pour tenir compte de la diversité des personnes handicapées, notamment des personnes présentant des handicaps sensoriels, intellectuels ou psychosociaux ;

b)Les obstacles qui empêchent les personnes soumises à des régimes de prise de décisions substitutive de participer aux procédures judiciaires à égalité avec les autres, notamment en fragilisant la crédibilité des témoignages des personnes présentant un handicap psychosocial ou intellectuel ;

c)Que les avocats, le personnel des tribunaux, les juges, les procureurs et les forces de l’ordre méconnaissent fréquemment les dispositions de la Convention.

25. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter une législation visant à éliminer les obstacles auxquels se heurtent les personnes handicapées s ’ agissant de l ’ accès à la justice, de garantir la mise en place d ’ aménagements procéduraux adaptés à chaque sexe et à chaque âge et d ’ instituer des garanties pertinentes pour permettre aux personnes handicapées de participer à toutes les procédures judiciaires à égalité avec les autres, en facilitant l ’ utilisation du moyen de communication de leur choix lors des échanges avec la justice, notamment la langue des signes, le braille, la langue facile à lire et à comprendre (FALC), le sous-titrage pour personnes sourdes, les modes de communication améliorée et alternative et tous les autres moyens, modes et formats de communication accessibles  ;

b) De veiller, dans le cadre de l ’ application de la recommandation figurant au paragraphe 23, à ce que le fait pour une personne d ’ être placée sous tutelle et le type de handicap qu ’ elle présente ne l ’ empêchent pas d ’ avoir pleinement accès à la justice, et de fournir un appui spécifique aux personnes présentant un handicap psychosocial ou intellectuel et aux victimes de violence sexiste  ;

c) De mener régulièrement des programmes de formation et des campagnes de sensibilisation à l ’ intention des avocats, du personnel des tribunaux, des juges, des procureurs et des agents chargés de l ’ application des lois, y compris les policiers et le personnel pénitentiaire, sur la nécessité de garantir aux personnes handicapées l ’ accès à la justice  ;

d) De se conformer à l ’ article 13 de la Convention pour atteindre la cible 1 6.3 des objectifs de développement durable.

Liberté et sécurité de la personne (art. 14)

26.Le Comité relève avec préoccupation :

a)Que l’article 763 du Code de procédure civile autorise toujours le placement sans leur consentement des personnes présentant un handicap psychosocial ou intellectuel dans des institutions où elles peuvent être privées de liberté et soumises contre leur gré à des soins médicaux et à une contrainte mécanique ;

b)Que la prise de médicaments est imposée aux personnes présentant un handicap psychosocial comme condition préalable pour bénéficier d’un appui psychosocial et d’un logement ;

c)Que les professionnels de la santé méconnaissent souvent les obligations découlant de la Convention, ce qui fait que l’institutionnalisation forcée et le recours à la contrainte mécanique sont souvent invoqués à tort comme justification thérapeutique ;

d)Que les dispositions du Code de procédure pénale concernant l’accessibilité, les aménagements raisonnables individualisés et l’appui aux personnes handicapées détenues sont insuffisantes.

27. Le Comité recommande à l ’ État partie de  :

a) Réviser ou abroger toutes les dispositions juridiques, y compris l ’ article 763 du Code de procédure civile, de manière à interdire l ’ institutionnalisation d ’ une personne sans son consentement et l ’ administration de traitements contre son gré en raison de son handicap, et veiller à ce que les dispositions relatives à la santé mentale soient fondées sur les droits de l ’ homme  ;

b) Abroger la disposition exigeant la prise de médicaments de nature psychiatrique comme condition préalable à l ’ obtention d ’ un appui psychosocial ou d ’ un logement  ;

c) Sensibiliser les professionnels de la santé mentale et développer leurs capacités à travers une formation sur les droits des personnes handicapées et les obligations découlant de la Convention, dispensée en concertation avec les organisations de personnes handicapées  ;

d) Garantir l ’ accessibilité et des aménagements procéduraux, y compris à travers des dispositions visant à appuyer les personnes handicapées dans la prise de décisions et à garantir le droit des personnes handicapées visées par une enquête ou des poursuites d ’ être défendues à tous les stades de la procédure pénale.

28. Le Comité engage l ’ État partie à s ’ acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de l ’ article 14 de la Convention et à s ’ inspirer des directives du Comité concernant l ’ article 14 (2015) tout au long des discussions régionales sur le projet de protocole additionnel à la Convention pour la protection des droits de l ’ homme et de la dignité de l ’ être humain relatif aux applications de la biologie et de la médecine, intitulé «  Protection des droits de l ’ homme et de la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux en cas de placement ou traitement involontaire  » .

Droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 15)

29.Le Comité note avec préoccupation que l’article 9 de la loi sur l’autonomie des patients et l’article 763 du Code de procédure civile autorisent l’utilisation de moyens de contrainte physiques, mécaniques et chimiques à l’égard des personnes handicapées, y compris les médicaments forcés, la surmédication, la thérapie électroconvulsive et autres traitements ou contraintes sans leur consentement libre et éclairé. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles le consentement forcé serait, à tort et à dessein, présenté sous les traits d’un consentement éclairé. Il est également préoccupé par le fait que les personnes handicapées placées en institution, en particulier les personnes présentant un handicap intellectuel, sont exposées à des humiliations ou à des mauvais traitements. Il regrette en outre l’absence de mécanisme indépendant et fondé sur les droits de l’homme chargé de surveiller les établissements de santé mentale dans l’État partie.

30. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ éliminer le recours aux mesures de contention pour des raisons liées au handicap dans tous les environnements  ;

b) De garantir aux personnes concernées la possibilité d ’ exprimer leur consentement libre et éclairé dans toutes les procédures et à toutes les étapes de leur parcours au sein du système de santé mentale  ;

c) De prendre des mesures immédiates pour éliminer tout traitement cruel, inhumain ou dégradant envers les personnes handicapées  ;

d) De mettre en place, avec la participation active et à égalité des organisations de personnes présentant des handicaps psychosociaux, un mécanisme indépendant fondé sur les droits de l ’ homme chargé de surveiller les établissements et services de santé mentale dans toutes les communautés autonomes.

Droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à la violence et à la maltraitance (art. 16)

31.Le Comité note avec préoccupation :

a)Que les personnes handicapées qui vivent encore en institution, et en particulier les femmes présentant des déficiences intellectuelles ou psychosociales, sont exposées à un risque élevé d’humiliation, d’abus et de violence, y compris sexuelle ;

b)Qu’il n’existe pas de données concrètes ventilées par sexe et par âge sur les cas de violence et de maltraitance dans les hôpitaux, en particulier dans les établissements psychiatriques et les lieux de détention.

c)Que les femmes handicapées victimes de violence sexiste sont, dans certains cas, exclues des programmes d’appui en raison de l’inaccessibilité des centres d’hébergement et que le diagnostic de « handicap mental » peut être considéré comme un motif de refus des services d’appui ;

d)Qu’il n’existe aucune stratégie de prévention et de détection des cas de violence sexiste dans les établissements de santé mentale ;

e)Qu’il n’existe pas de registres et de données officiels sur la violence et la discrimination auxquelles les personnes handicapées, en particulier les femmes, sont exposées dans les sphères publique et privée, y compris sur le lieu de travail et dans les institutions spécialisées en santé mentale.

32. Compte tenu des efforts déployés par l ’ État partie pour mettre fin à l ’ institutionnalisation des personnes handicapées, le Comité lui recommande  :

a) De prendre toutes les mesures possibles pour faire en sorte que les institutions qui fonctionnent actuellement dans l ’ État partie préservent la sécurité et la dignité de toutes les personnes handicapées  ;

b) De renforcer les mécanismes et protocoles déjà en place pour prévenir la violence et les abus à l ’ égard des personnes handicapées, en particulier des femmes et des filles, et de surveiller, conformément au paragraphe 3 de l ’ article 16 de la Convention, les installations et programmes conçus pour les personnes handicapées  ;

c) De garantir à toutes les femmes handicapées le plein accès aux programmes d ’ assistance, y compris à des structures d ’ hébergement accessibles dans le cas des victimes de violence sexiste, et de supprimer tous les critères d ’ attribution qui pourraient empêcher les femmes présentant un handicap psychosocial de bénéficier de services d ’ appui  ;

d) D ’ intégrer la problématique du genre dans les politiques relatives aux services de santé mentale et de mettre en œuvre des stratégies visant à prévenir et détecter la violence sexiste et à intervenir de manière appropriée dans les situations de cette nature  ;

e) De collecter des données sur la violence et la discrimination auxquelles les personnes handicapées, en particulier les femmes, sont exposées dans les sphères publique et privée, y compris sur le lieu de travail et dans les institutions spécialisées en santé mentale et d ’ observer l ’ évolution de ce phénomène.

Protection de l’intégrité de la personne (art. 17)

33.Le Comité constate avec une profonde préoccupation que les femmes et les filles handicapées continuent de faire l’objet de stérilisation et d’avortements forcés. Il regrette en outre que les personnes concernées soient encore l’objet de soins médicaux sans pouvoir exprimer leur consentement libre et éclairé dans l’État partie.

34. Le Comité réitère la recommandation qu ’ il a formulée dans ses précédentes observations finales (CRPD/C/ESP/CO/1, par. 38) et prie instamment l ’ État partie d ’ abroger l ’ article 156 de la loi organique n o 10/1995 de façon à abolir totalement la pratique de la stérilisation, des traitements médicaux et de la recherche médicale sur toutes les personnes handicapées sans leur consentement plein et éclairé.

Droit de circuler librement et nationalité (art. 18)

35.Le Comité est profondément préoccupé par la situation précaire des réfugiés et des demandeurs d’asile handicapés dans l’État partie et relève avec inquiétude que les procédures de détermination du statut de réfugié ne sont pas accessibles. Il est en outre préoccupé par le fait que la problématique du genre n’est pas suffisamment prise en considération dans les politiques et les mesures en faveur des réfugiés et des demandeurs d’asile handicapés et par la méconnaissance générale des droits des personnes handicapées parmi les professionnels travaillant dans les centres d’accueil.

36.Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que toutes les procédures de détermination du statut de réfugié et tous les programmes de protection sociale, y compris les programmes d ’ aide aux personnes handicapées, soient accessibles à tous les étrangers handicapés résidant dans l ’ État partie et de veiller à ce que ces personnes ne fassent pas l ’ objet de discrimination en droit et en pratique. Le Comité recommande également à l ’ État partie d ’ élaborer des politiques spécifiques tenant compte de la problématique du genre et de veiller à ce que les centres d ’ accueil soient pleinement accessibles aux demandeurs d ’ asile. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place pour les professionnels et les fonctionnaires travaillant dans les centres d ’ accueil une formation aux droits de l ’ homme des personnes handicapées.

Autonomie de vie et inclusion dans la société (art. 19)

37.Le Comité est préoccupé par :

a)L’accès limité à une assistance personnelle, en dépit de l’évolution positive dans certaines communautés autonomes, en raison de critères d’attribution qui ne sont pas individualisés et de l’absence d’une approche de l’appui individualisé fondée sur les droits de l’homme ;

b)La poursuite des investissements publics dans la construction de nouvelles institutions résidentielles pour personnes handicapées ;

c)L’absence d’une stratégie de désinstitutionnalisation et d’un plan d’action visant à promouvoir l’autonomie de vie de toutes les personnes handicapées dans leur propre environnement.

38. Se référant à son observation générale n o 5 (2017) sur l ’ autonomie de vie et l ’ inclusion dans la société, le Comité recommande à l ’ État partie, en concertation avec les organisations de personnes handicapées  :

a) De reconnaître le droit à une aide personnelle dans la loi, en veillant à ce que toutes les personnes handicapées aient droit à une aide personnelle, avec des critères individualisés pour leur permettre de vivre de façon autonome au sein de la société et d ’ accéder à un large éventail de services d ’ appui centrés sur la personne ou choisis par le bénéficiaire et de gérer elles-mêmes la fourniture des prestations  ;

b) De cesser d ’ utiliser les fonds publics pour construire des établissements résidentiels pour personnes handicapées et d ’ investir dans des dispositifs permettant aux personnes handicapées de vivre de façon autonome au sein de la société ainsi que dans tous les services publics afin de rendre ces dispositifs inclusifs et dans tous les services généraux afin de les rendre inclusifs et de les rendre accessibles et disponibles pour toutes les personnes handicapées et de permettre ainsi l ’ inclusion et la participation de ces personnes dans tous les domaines de la vie  ;

c) De concevoir, adopter et mettre en œuvre une stratégie globale de désinstitutionnalisation et de mettre en place des mesures de sauvegarde en vue de garantir le droit de vivre de manière indépendante et d ’ être inclus dans la société dans toutes les régions, en réorientant les ressources des institutions vers les services communautaires et en augmentant l ’ appui budgétaire aux personnes handicapées afin d ’ améliorer leur accès aux services, y compris l ’ aide personnelle, sur la base de l ’ égalité avec les autres.

Liberté d’expression et d’opinion et accès à l’information (art. 21)

39.Le Comité est préoccupé par la disponibilité limitée :

a)D’interprètes en langue des signes dans l’État partie ;

b)D’aides techniques pour les personnes malentendantes en raison des limites d’âge concernant leur attribution et du manque de mesures visant à rendre ces aides abordables ;

c)De l’information et du contenu médiatique dans des formats accessibles et utilisables par les personnes handicapées.

40. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De garantir pleinement aux personnes sourdes l ’ accès à des services d ’ interprétation en langue des signes et de développer la formation des interprètes, en particulier dans les régions rurales  ;

b) De veiller à ce que toutes les personnes malentendantes puissent bénéficier d ’ aides techniques à un coût abordable  ;

c) De prendre des mesures pour promouvoir l ’ accessibilité des sites Web et des applications mobiles dans le secteur privé  ;

d) De développer et d ’ utiliser des formats de communication accessibles, tels que le b raille, l ’ interprétation pour personnes sourdes et aveugles, la langue des signes, la langue facile à lire et à comprendre, le langage simplifié, l ’ audiodescription, le sous-titrage pour personnes sourdes et les sous-titres, dans les médias et les contenus d ’ information accessibles au public, et allouer des fonds suffisants pour le développement, la promotion et l ’ utilisation de ces formats, conformément aux articles 24, paragraphe 3 et 29 b) de la Convention, à l ’ observation générale du Comité n o 2 (2014) sur l ’ accessibilité et à l ’ article 7 de la Directive 2018/1808 de l ’ Union européenne, modifiant la Directive 2010/13 portant coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires ou administratives des États m embres relatives à la fourniture de services audiovisuels compte tenu de l ’ évolution des réalités des marchés.

Respect de la vie privée (art. 22)

41.Le Comité note avec préoccupation que le droit à la vie privée des personnes présentant des déficiences intellectuelles ou psychosociales est très souvent violé dans les institutions et les établissements de santé mentale, notamment par la confiscation des effets personnels et par un régime de visites et de contacts avec des personnes extérieures à l’établissement particulièrement inflexible et restrictif. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles des caméras de vidéosurveillance seraient installées dans les chambres des patients et selon lesquelles des informations confidentielles sur certains patients auraient été diffusées à l’ensemble du système de santé mentale.

42. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures efficaces pour garantir le respect de la vie privée des personnes présentant une déficience intellectuelle ou psychosociale et protéger la confidentialité des informations et des dossiers médicaux personnels dans les institutions et les structures et services de santé mentale.

Respect du domicile et de la famille (art. 23)

43.Le Comité est préoccupé par :

a)L’absence de politiques adaptées et de services d’appui aux enfants handicapés et à leur famille ;

b)La persistance de préjugés et de stéréotypes au sein du personnel de l’appareil judiciaire et des services sociaux concernant la capacité parentale des personnes handicapées.

44. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ élaborer des politiques adéquates et d ’ apporter aux enfants handicapés l ’ appui nécessaire pour qu ’ ils puissent demeurer dans un environnement familial, y compris en développant le placement en famille d ’ accueil  ;

b) D ’ apporter aux parents handicapés l ’ appui dont ils ont besoin pour pouvoir exercer pleinement la responsabilité parentale sur leurs enfants et de promouvoir une image positive de leurs capacités de parents et de leur droit de fonder une famille.

Éducation (art. 24)

45.Le Comité est préoccupé par les progrès limités réalisés par l’État partie en matière d’éducation inclusive, notamment par l’absence de politique et de plan d’action clairs pour la promotion de l’éducation inclusive. Il est particulièrement préoccupé par le fait que l’État partie a maintenu toutes les dispositions réglementaires relatives à l’éducation spécialisée et continue d’appliquée une approche médicalisée du handicap. Il est préoccupé par le fait qu’un grand nombre d’enfants handicapés, notamment les enfants autistes, les enfants présentant des handicaps intellectuels ou psychosociaux et des handicaps multiples, continuent de recevoir une éducation spéciale séparée.

46.Rappelant son o bservation générale n o 4 (2016) sur le droit à une éducation inclusive et les cibles 4.5 et 4.A des objectifs de développement durable, le Comité réitère les recommandations formulées dans son rapport sur l ’ enquête concernant l ’ Espagne menée au titre de l ’ article 6 du Protocole facultatif à la Convention (CRPD/C/20/3), dans lesquelles il a invité instamment l ’ État partie à accélérer le processus d ’ harmonisation de sa législation avec la Convention, afin de définir clairement l ’ inclusion ainsi que ses objectifs spécifiques pour chaque niveau d ’ éducation. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures visant à ce que l ’ éducation inclusive soit considérée comme un droit et d ’ accorder à tous les élèves handicapés, quelles que soient leurs spécificités, le droit d ’ accéder à des possibilités d ’ apprentissage inclusif dans le système éducatif ordinaire tout en recevant l ’ appui dont ils ont besoin. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de mettre en œuvre toutes les recommandations pertinentes contenues dans le rapport d ’ enquête.

47. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer une politique globale sur l ’ éducation inclusive assortie de stratégies visant à promouvoir une culture d ’ inclusion dans le système d ’ enseignement ordinaire, comprenant des évaluations individualisées et fondées sur les droits de l ’ homme des besoins éducatifs et des aménagements nécessaires, un appui aux enseignants, le respect de la diversité pour garantir le droit à l ’ égalité et la non-discrimination et la participation pleine et effective des personnes handicapées à la vie de la société.

Santé (art. 25)

48.Le Comité est préoccupé par le manque d’accessibilité :

a)Des services de santé pour les personnes handicapées, en particulier dans les zones rurales ;

b)De l’information relative à la santé et des moyens de communication appropriés, en particulier pour les personnes sourdes ou aveugles et les personnes présentant une déficience intellectuelle ;

c)Des soins gynécologiques et obstétricaux pour les femmes handicapées.

49. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De garantir à toutes les personnes handicapées l ’ accessibilité et la disponibilité des services de santé, en particulier dans les zones rurales  ;

b) De veiller à ce que les personnes handicapées disposent d ’ une information accessible et à ce que les services de santé disposent de moyens de communication alternative, comme l ’ interprétation en langue des signes, le braille, la langue facile à lire et à comprendre et tous les moyens de communication améliorée nécessaires  ;

c) De garantir, particulièrement aux femmes et aux filles handicapées, l ’ accès universel aux services de santé sexuelle et procréative, notamment à la planification familiale, à l ’ information et à l ’ éducation dans ce domaine, et d ’ intégrer le droit à la santé procréative dans les stratégies et programmes nationaux, comme le prévoit la cible 3.7 des objectifs de développement durable.

Travail et emploi (art. 27)

50.Le Comité est préoccupé par :

a)L’absence de progrès dans la mise en œuvre de la recommandation faite par le Comité dans ses précédentes observations finales (CRPD/C/ESP/CO/1, par. 46) visant à accroître le faible taux d’emploi des personnes handicapées sur le marché du travail ordinaire, lequel touche particulièrement les femmes présentant des déficiences intellectuelles ou psychosociales et les personnes handicapées vivant dans les zones rurales ;

b)Le manque d’informations sur l’application des lois antidiscrimination, y compris les dispositions relatives à la discrimination directe et indirecte et au refus d’aménagements raisonnables sur le lieu de travail ;

c)Le non-respect du quota fixé dans la version révisée de la loi no 9/2017 sur le recrutement dans la fonction publique.

51. Le Comité recommande à l ’ État partie, conformément à la cible 8.5 des objectifs de développement durable.

a) D ’ analyser et de modifier les lois, règlements et politiques visant à promouvoir l ’ emploi des personnes handicapées dans les secteurs public et privé, en portant une attention particulière aux femmes handicapées et aux personnes handicapées vivant dans les zones rurales  ;

b) De veiller à mettre en place des aménagements raisonnables et accessibles aux personnes handicapées, assorties de garanties administratives, en particulier en cas d ’ accidents ayant entraîné un handicap sur le lieu de travail  ;

c) De prendre des mesures concrètes pour mettre pleinement en œuvre le quota légal établi dans la version révisée de la loi n o 9/2017 sur le recrutement dans la fonction publique.

Niveau de vie adéquat et protection sociale (art. 28)

52.Le Comité note avec préoccupation que :

a)Le niveau de pauvreté des personnes handicapées est élevé, en particulier s’agissant des femmes handicapées, en raison des difficultés rencontrées pour accéder au marché du travail, d’un niveau de revenus inférieurs et de l’absence de mesures d’accompagnement spécifiquement destinées aux personnes handicapées ;

b)Le système du ticket modérateur pour les services, qui a été introduit dans le cadre des mesures d’austérité, n’a pas été supprimé.

53. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De veiller à ce que la stratégie nationale de réduction de la pauvreté tienne compte du handicap, notamment à travers des mesures et un budget spécifiques  ;

b) D ’ abroger le système du ticket modérateur pour tous les services dont les personnes handicapées ont besoin pour vivre de façon autonome au sein de la société et de veiller à ce que les personnes handicapées aient pleinement accès à ces services.

Participation à la vie politique et à la vie publique (art. 29)

54.Le Comité note avec préoccupation que :

a)Les bureaux de vote et le matériel électoral ne sont pas accessibles aux personnes handicapées ;

b)Le niveau de participation et de représentation des personnes handicapées au sein des organes décisionnels nationaux et régionaux est extrêmement faible.

55. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour permettre aux personnes handicapées de participer à la vie publique et à la vie politique à égalité avec les autres. Il lui recommande également  :

a) De veiller à ce que les procédures électorales, les bureaux de vote et le matériel électoral soient accessibles à toutes les personnes handicapées, y compris en langue des signes, en b raille et en langage facile à lire et à comprendre  ;

b) De promouvoir la participation des personnes handicapées, y compris des femmes, à la vie politique et aux décisions publiques.

Participation à la vie culturelle et récréative, aux loisirs et aux sports (art. 30)

56.Le Comité constate avec inquiétude que l’État partie n’a pas encore ratifié le Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées.

57. Le Comité encourage l ’ État partie à prendre dans les meilleurs délais toutes les mesures appropriées pour ratifier et mettre en œuvre le Traité de Marrakech visant à faciliter l ’ accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d ’ autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées.

C.Obligations particulières (art. 31 à 33)

Statistiques et collecte des données (art. 31)

58.Le Comité est préoccupé par l’absence de progrès dans la production de données et de statistiques ventilées sur les personnes handicapées en vue d’éclairer comme il convient les politiques publiques. Il est également préoccupé par le manque de données et de statistiques ventilées sur les obstacles auxquels se heurtent les personnes handicapées dans la société et sur les violations des droits de l’homme, notamment la violence sexiste, les soins donnés sans le consentement de la personne, l’hospitalisation d’office, les contraintes mécaniques et autres formes de coercition dans les établissements de soins de santé mentale.

59. Compte tenu de la cible 17.8 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ élaborer des procédures systématiques de collecte et de communication de données, conformément aux dispositions de la Convention et au bref questionnaire du Groupe de Washington sur les situations de handicap  ;

b) De recueillir, analyser et diffuser des données ventilées sur la situation des personnes handicapées et sur les obstacles qu ’ elles rencontrent dans la société  ;

c) De créer un registre obligatoire pour consigner tous les traitements sous contrainte, y compris l ’ hospitalisation d ’ office, les contraintes mécaniques, la prise forcée de médicaments et la thérapie électroconvulsive, lesquels sont encore utilisés dans les établissements de soins de santé mentale  ;

d) De garantir la participation des organisations de personnes handicapées à l ’ élaboration des procédures de collecte et d ’ analyse des données.

Coopération internationale (art. 32)

60.Le Comité est préoccupé par le fait que les droits des personnes handicapées ne jouissent pas d’un degré de priorité suffisant et ne sont pas suffisamment pris en compte dans la mise en œuvre des mesures de coopération internationale, notamment en ce qui concerne le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et les objectifs connexes. Il est également préoccupé par le fait que la terminologie relative au handicap employée dans les projets de coopération internationale n’est pas toujours conforme à la Convention.

61. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les droits des personnes handicapées consacrés par la Convention et la terminologie relative au handicap soient intégrés dans toutes les mesures visant à mettre en œuvre les projets de coopération internationale, notamment en ce qui concerne le Programme de développement durable à l ’ horizon 2030 et les objectifs connexes. Le Comité recommande également à l ’ État partie de veiller à ce que, conformément au paragraphe 3 de l ’ article 4 de la Convention, les organisations de personnes handicapées soient consultées et associées à tous les niveaux de l ’ élaboration et de l ’ exécution des plans, programmes et projets de coopération internationale.

Application et suivi au niveau national (art. 33)

62.Le Comité est préoccupé par l’absence d’appui, notamment financier, pour assurer un suivi indépendant de l’application de la Convention.

63. Compte tenu de ses directives concernant les cadres de suivi indépendants et leur participation aux travaux du Comité (CRPD/C/1/Rev.1, annexe), le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer les capacités du Comité espagnol des représentants des personnes handicapées et son rôle en tant que mécanisme de suivi indépendant pour l ’ application de la Convention, et de lui fournir les ressources et financements nécessaires à son fonctionnement.

IV.Suivi

Diffusion d’information

64. Le Comité souligne l ’ importance de toutes les recommandations continues dans les présentes observations finales. S ’ agissant des mesures qu ’ il convient de prendre d ’ urgence, le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur les recommandations contenues aux paragraphes 34 (protection de l ’ intégrité de la personne) et 46 à 47 (éducation inclusive ) .

65.Le Comité prie l ’ État partie de mettre en œuvre les recommandations figurant dans les présentes observations finales. Il lui recommande de transmettre ces observations finales, pour examen et suite à donner, aux membres du Gouvernement et du Parlement, aux fonctionnaires des ministères compétents, aux autorités locales et aux membres des professions concernées, tels que les professionnels de l ’ éducation, de la santé et de la justice, ainsi qu ’ aux médias, en utilisant pour cela des stratégies de communication sociale modernes.

66. Le Comité encourage vivement l ’ État partie à associer les organisations de la société civile, en particulier les organisations de personnes handicapées, à l ’ élaboration de ses rapports périodiques.

67. Le Comité prie l ’ État partie de diffuser largement les présentes observations finales, notamment auprès des organisations non gouvernementales et des organisations de personnes handicapées, ainsi qu ’ auprès des personnes handicapées elles-mêmes et de leurs proches, dans les langues nationales et minoritaires, notamment en langue des signes, et sous des formes accessibles. Il lui demande aussi de les diffuser sur le site Web public consacré aux droits de l ’ homme.

Prochain rapport périodique

68.Le Comité prie l ’ État partie de lui soumettre son prochain rapport valant quatrième à cinquième rapports périodiques le 2 janvier 2025 au plus tard et d ’ y faire figurer des renseignements sur la mise en œuvre des recommandations contenues dans les présentes observations finales. Il invite également l ’ État partie à envisager de soumettre ce rapport selon la procédure simplifiée de présentation des rapports, dans le cadre de laquelle le Comité établit une liste de points au moins un an avant la date prévue pour la soumission du rapport. Les réponses de l ’ État partie à cette liste de points constituent son rapport périodique.