Nations Unies

CAT/OP/BGR/ROSP/1

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

28 octobre 2022

Français

Original : anglais

Anglais, espagnol et français seulement

Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Visite effectuée en Bulgarie du 24 au 30 octobre 2021 : recommandations et observations adressées à l’État partie

Rapport établi par le Sous-Comité * , **

Table des matières

Page

I.Introduction3

II.Mécanisme national de prévention4

A.Fondement juridique4

B.Indépendance fonctionnelle et ressources4

C.Activités et visibilité6

III.Pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19)7

IV.Questions générales8

A.Définition de la torture et incrimination de la torture en tant qu’infraction distincte8

B.Garanties juridiques fondamentales9

C.Délinquance juvénile et justice pour mineurs10

D.Peines de réclusion à perpétuité avec et sans possibilité de libération conditionnelle10

E.Mesures de substitution à la détention11

V.Situation des personnes privées de liberté11

A.Postes de police11

B.Prisons et lieux de détention aux fins d’enquête13

C.Centre spécial pour l’hébergement temporaire des étrangers17

VI.Étapes suivantes20

Annexes

I.List of places of deprivation of liberty jointly visited by the national preventive mechanism and the Subcommittee22

II.List of places of deprivation of liberty visited by the Subcommittee23

III.List of government officials and other interlocutors with whom the Subcommittee met24

I.Introduction

1.Conformément au mandat que lui confère le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a effectué sa première visite en Bulgarie du 24 au 30 octobre 2021.

2.La Bulgarie est devenue partie à la Convention contre la torture le 16 décembre 1986 et au Protocole facultatif le 1er juin 2011.

3.La délégation du Sous-Comité était composée des membres dont le nom suit : Nora Sveaass (chef de la délégation), Vasiliki Artinopoulou, Marie Brasholt, Jakub Czepek, Zdenka Perović et María Luisa Romero. Elle était assistée de deux spécialistes des droits de l’homme et d’un agent de sécurité du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

4.Les objectifs principaux de la visite étaient les suivants :

a)Apporter des conseils et une assistance technique au mécanisme national de prévention et à l’État partie au sujet des obligations mises à leur charge par le Protocole facultatif, compte tenu des directives du Sous-Comité concernant les mécanismes nationaux de prévention ;

b)Se rendre dans divers lieux de privation de liberté afin d’aider l’État partie à s’acquitter pleinement des obligations mises à sa charge par le Protocole facultatif et de renforcer ainsi la protection des personnes privées de liberté contre le risque de torture et de mauvais traitements.

5.Pour planifier sa visite, le Sous-Comité a tenu compte des échanges informels et confidentiels qu’il avait eu en octobre 2021 avec le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du Conseil de l’Europe en vue de renforcer la complémentarité de leurs mandats et travaux respectifs. Étant donné que le Comité européen s’était rendu en Bulgarie à plusieurs reprises, en particulier peu de temps auparavant, le Sous-Comité a décidé d’axer principalement sa visite sur le fonctionnement du mécanisme national de prévention et d’effectuer des visites dans les lieux de privation de liberté oùle Comité européen ne s’était pas rendu dernièrement.

6.Le Sous-Comité a effectué des visites conjointes avec le mécanisme national de prévention (voir l’annexe I pour la liste des lieux de privation de liberté concernés) afin d’observer directement le mécanisme à l’œuvre, d’échanger avec lui des informations sur leurs activités respectives et d’instaurer entre eux une coopération sur le terrain. Le mécanisme a choisi les lieux visités. Les visites ont été menées conjointement par la délégation du Sous-Comité et par les membres du mécanisme. Le Sous-Comité a également mené des visites seul (voir l’annexe II pour la liste des lieux de privation de liberté concernés). En outre, il s’est entretenu avec des personnes privées de liberté, des membres des forces de l’ordre, des agents pénitentiaires, des membres du personnel médical et d’autres personnes (voir l’annexe III).

7.À la fin de la visite, la délégation a présenté oralement ses observations préliminaires confidentielles aux autorités ainsi qu’au mécanisme national de prévention.

8.On trouvera dans le présent rapport les observations, les conclusions et les recommandations du Sous-Comité concernant la prévention des actes de torture et des mauvais traitements dont pourraient être victimes les personnes privées de liberté qui sont placées sous la juridiction de la Bulgarie.

9.Le Sous-Comité se réserve le droit de formuler des observations complémentaires sur tous les lieux visités, qu’ils soient ou non mentionnés dans le présent rapport, au cours de ses échanges avec la Bulgarie concernant le présent rapport. L’absence dans le présent rapport d’observations sur un établissement ou lieu de détention donné que le Sous-Comité a visité ne signifie pas que le Sous-Comité a un avis positif ou négatif sur l’établissement ou le lieu en question.

10. Le Sous-Comité recommande que le présent rapport soit distribué à tous les organes, services et établissements concernés, notamment − mais pas exclusivement – à ceux qu ’ il mentionne expressément.

11.Comme le prévoit l’article 16 (par. 2) du Protocole facultatif, le présent rapport restera confidentiel jusqu’à ce que la Bulgarie décide de le rendre public. Le Sous-Comité est fermement convaincu que la publication du présent rapport contribuerait positivement à la prévention de la torture et des mauvais traitements en Bulgarie.

12. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de demander la publication du présent rapport en vertu de l ’ article 16 (par. 2) du Protocole facultatif.

13. Afin de renforcer l ’ efficacité de la coopération régionale et la cohérence des activités de prévention de la torture et des mauvais traitements en Europe, le Sous ‑Comité encourage vivement les autorités bulgares à envisager de l ’ autoriser à communiquer au Comité européen les informations figurant dans le présent rapport, ou à faire en sorte que le Comité européen ait accès au rapport, que le document ait ou non été rendu public conformément à l ’ article 16 (par. 2), et à lui confirmer que l ’ accès a bien été accordé.

14.Le Sous-Comité appelle l’attention de l’État partie sur le Fonds spécial créé en application de l’article 26 du Protocole facultatif. Seules les recommandations formulées dans les rapports de visite du Sous-Comité qui ont été rendus publics peuvent servir de fondement aux demandes soumises au Fonds spécial, conformément aux critères établis par celui-ci.

15.Le Sous-Comité tient à remercier les autorités et l’attaché de liaison pour l’aide et l’assistance qu’ils lui ont apportées pendant la planification et la réalisation de sa visite.

II.Mécanisme national de prévention

A.Fondement juridique

16.La Bulgarie a ratifié le Protocole facultatif le 1er juin 2011. Le 18 février 2013, la Mission permanente de la Bulgarie auprès de l’Office des Nations Unies à Genève a informé le Sous-Comité que le 28 mars 2012, l’Assemblée nationale avait adopté des modifications de la loi sur le Médiateur, désignant le Médiateur de la Bulgarie comme mécanisme national de prévention. Lesdites modifications et les compléments à la loi sur le Médiateur définissant les fonctions confiées au Médiateur en tant que mécanismeont été promulgués dans le Journal officiel no 29 du 10 avril 2012.

17.La loi confère au Médiateur les attributions nécessaires pour s’acquitter de son mandat de mécanisme national de prévention, comme le prévoient les articles 19 et 20 du Protocole facultatif. Concrètement, le Médiateur peut exercer son mandat dans les lieux de privation de liberté ou les lieux où des personnes sont placées ou hébergées à la suite d’un acte ou avec le consentement d’une autorité publique sans avoir la possibilitéd’en partir de leur plein gré, afin de protéger ces personnes contre la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En outre, ladite loi garantit l’interdiction d’ordonner, d’appliquer, d’autoriser ou de tolérer toute sanction à l’égard d’une personne ou d’une organisation qui a communiqué des renseignements, qu’ils soient vrais ou faux, et ladite personne ou organisation ne doit subir de préjudice d’aucune autre manière.

B.Indépendance fonctionnelle et ressources

18.Le Sous-Comité observe que la désignation du Bureau du Médiateur comme mécanisme national de prévention de la Bulgarie ne s’est pas accompagnée de l’affectation de ressources supplémentaires, y compris de ressources humaines, suffisantes. En 2013, lorsque le mécanisme a été désigné, le budget du Bureau du Médiateur a été augmenté de 300 000 leva bulgares. Toutefois, en 2014, il a été réduit de 420 000 leva, ce qui a entravé et limité les activités du Médiateur en tant que mécanisme national de prévention. Le Sous‑Comité note en outre que le nombre de visites effectuées par le mécanisme dans des lieux de détention a diminué, passant de 199 en 2013 à 100 en 2014.

19.Cependant, le Sous-Comité a été heureux d’apprendre lors de la réunion avec le Médiateur que les fonds alloués à ses servicesavaient régulièrement augmenté ces dernières années, et que le budget actuel était d’environ 3,5 millions de leva bulgares. Il note avec satisfaction que depuis 2012, le budget du Médiateur a augmenté de près d’un million de leva.

20. Le Sous-Comité rappelle à l ’ État partie qu ’ aux termes de l ’ article 18 (par. 3) du Protocole facultatif, les États parties s ’ engagent à dégager les ressources nécessaires au fonctionnement des mécanismes nationaux de prévention. Sans ressources humaines et autres suffisantes, le mécanisme ne peut pas accomplir pleinement et efficacement sa mission de prévention.

21.Au cours des visites qu’il a effectuées conjointement avec le mécanisme national de prévention, le Sous-Comité a été heureux de constater que les membres du personnel du mécanisme étaient bien considérés tant par les autorités pénitentiaires que par les détenus. Il a constaté qu’ils avaient pleinement accès à tous les lieux de privation de liberté dans la prison, ainsi qu’à toutes les informations concernant le nombre de détenus et les conditions de détention.

22.Lors de la visite du Sous-Comité, l’équipe du mécanisme national de prévention comptait cinq membres, car une personne était en congé de maternité et deux postes étaient vacants. Le Sous-Comité note avec satisfaction que le personnel du mécanisme était composé de professionnels formant une équipe multidisciplinaire dévouée, avec des spécialistes en droit, en administration publique, en psychologie et en médecine. Il fait toutefois observer que pour s’acquitter plus efficacement du mandat qu’il tient du Protocole facultatif, le mécanisme doit augmenter le nombre de ses membres et renforcer son personnel administratif spécialisé.

23.Le Sous-Comité a été informé que le Bureau du Médiateur avait rédigé une proposition pour son propre budget annuel, qui a ensuite été incluse dans le budget de l’État et soumise au Parlement. Il note que le budget du mécanisme national de prévention fait partiedu budget du Bureau du Médiateur et qu’il n’y a dans la législation aucune disposition expresse concernant l’allocation au mécanisme de ressources préaffectées, bien que les fonds reçus par le mécanisme pour ses activités ne semblent pas limitées. À cet égard, il souligne que le manque d’autonomie budgétaire peut avoir un effet négatif sur l’indépendance perçue du mécanisme vis-à-vis du Bureau du Médiateur.

24. Afin de garantir l ’ indépendance fonctionnelle et opérationnelle du mécanisme national de prévention, l ’ État partie devrait instaurer un dialogue constructif avec le mécanisme en vue de déterminer la nature et le volume des ressources dont celui-ci a besoin pour s ’ acquitter correctement de son mandat, conformément à l ’ article 18 (par. 3) du Protocole facultatif et aux directives du Sous-Comité .

25.En outre, le Sous-Comité prend note du travail accompli par le mécanisme national de prévention pour ce qui est du traitement des plaintes, qui complète celui du Bureau du Médiateur en la matière.

26. Le Sous-Comité recommande de faire en sorte que le mécanisme national de prévention complète plutôt que remplace les systèmes de surveillance existants dans le pays , et que son fonctionnement favorise une coopération et une coordination efficaces entre les mécanismes de prévention et de plainte dans le pays. Le mécanisme national de prévention et le Bureau du Médiateur devraient séparer clairement leurs mandats −  c ’ est-à-dire leurs budgets, leurs ressources humaines et le traitement des plaintes reçues de personnes en détention  − afin que chacun dispose de moyens suffisants pour s ’ acquitter de l ’ ensemble des aspects de son mandat efficacement et en toute indépendance.

27. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ allouer au mécanisme national de prévention les ressources financières dont il a besoin, comme l ’ exigent ses directives et les dispositions de l ’ article 18 (par. 3) du Protocole facultatif . Le mécanisme doit fonctionner de manière totalement indépendante et ne pas être tributaire des décisions d ’ autres organes publics.

28. Le mécanisme national de prévention devrait jouir d ’ une entière autonomie financière et opérationnelle dans l ’ exercice de ses fonctions. Une ligne budgétaire spécifique devrait être créée à cet effet dans le budget annuel national .

C.Activités et visibilité

29.Le Sous-Comité note que ces dernières années, le mécanisme national de prévention a pu exercer son mandat en effectuant des visites dans divers lieux de privation de liberté, comme le prévoit l’article 4 du Protocole facultatif. Les lieux visités comprennent des postes de police, des centres de détention provisoire, des maisons d’arrêt, des foyers pénitentiaires, des locaux de la police des frontières, des centres de détention pour immigrés, des établissements psychiatriques et des foyers sociaux. En 2019, le mécanisme a effectué 46 visites ; en 2020, malgré les limitations liées à la pandémie et à l’état d’urgence, il a pu effectuer 49 visites programmées et ad hoc. Ces visites avaient pour objectif principal d’évaluer les mesures de lutte contre l’épidémie prises dans les établissements fermés et de contrôler l’application des recommandations formulées lors des visites précédentes. Pendant toute la période d’état d’urgence, le Médiateur a fait en sorte que les experts du mécanisme national de prévention puissent être joints directement sur leurs téléphones portables, afin d’assurer une protection efficace des droits de tous les citoyens placés enétablissement fermé. Les méthodes de surveillance des établissements fermés ont été modifiées en conséquence, en tenant compte des normes internationales et régionales actualisées, notamment de l’avis adressé par le Sous-Comité aux États parties et aux mécanismes nationaux de prévention concernant la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19), publié en avril 2020. Enfin, le Sous-Comité félicite le mécanisme national de prévention d’avoir fixé des priorités thématiques pour chaque année, ce qui est reflété dans les rapports annuels du mécanisme.

30.Le Sous-Comité note avec satisfaction qu’en plus de visiter les lieux de privation de liberté, le mécanisme national de prévention mène d’autres activités, telles que la soumission d’observationssur les projets de loi et l’organisation d’activités de sensibilisation et de formation, comme prévu à l’article 19 (al. b) et c)) du Protocole facultatif. Il note que le Médiateur, agissant en tant que mécanisme national de prévention, a le pouvoir et l’obligation de formuler des propositions et des conseils sur les projets de loi et la législation existante, compte tenu des obligations mises à la charge de l’État par le Protocole facultatif. La modification récente de la loi sur le Médiateur prévoit que l’État informe le mécanisme national de prévention afin qu’il fasse des propositions ou des observations sur toute politique ou législation en vigueur ou à l’état de projet. Le mécanisme peut soumettre au Gouvernement, au Parlement et à toute autre autorité compétente ses avis et propositions sur toute question concernant les personnes privées de liberté et autre question relevant du mandat du mécanisme. Il examine les règles de détention, notamment celles qui régissent les interrogatoires, en vue de prévenir la torture et les mauvais traitements.

31.Il ressort toutefois des réunions tenues avec certaines autorités compétentes que le mécanisme national de prévention est méconnu en tant qu’organe de prévention de la torture. Le mécanisme manque de visibilité et la différence entre son rôle et celui du Bureau du Médiateur n’est pas forcément bien comprise. Il faudrait donner davantage de publicité à ses rapports et, surtout, à la suite donnée aux recommandations qui y sont formulées. L’article 28 d) de la loi sur le Médiateur dispose qu’après chaque visite, le Médiateur doit établir un rapport contenant des recommandations et des propositions visant à améliorer les conditions dans les établissements visités et à prévenir la torture et les mauvais traitements. Ledit rapport doit être présenté aux autorités compétentes concernées, qui doivent informer le Médiateur dans un délai d’un mois de toute action qu’elles ont entreprise pour appliquer les recommandations du mécanisme national de prévention.

32. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de continuer de faire participer le mécanisme national de prévention au processus législatif et aux activités de sensibilisation, comme le prévoit l ’ article 19 du Protocole facultatif, ce qui permettra de renforcer les garanties contre la torture et de faire mieux connaître le mécanisme.

33.Le Sous-Comité recommande également à l ’ État partie de prendre immédiatement des mesures visant à accroître la visibilité mécanisme national de prévention, notamment en menant des activités destinées à faire mieux connaître le Protocole facultatif et le mandat du mécanisme. Les recommandations formulées par le mécanisme devraient donner lieu à un examen approfondi et à un suivi. À cette fin, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les conditions nécessaires soient en place pour permettre au mécanisme de renforcer son action de sensibilisation auprès des établissements dans lesquels des personnes sont privées de liberté, des ministères concernés et des législateurs.

34. Le Sous-Comité recommande en outre à l ’ État partie d ’ entretenir un dialogue constant avec le mécanisme national de prévention, dans le but de renforcer le suivi des recommandations du mécanisme afin d ’ améliorer le traitement et la situation des personnes privées de liberté et de prévenir la torture et les autres peines ou mauvais traitements.

III.Pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19)

35.La visite du Sous-Comité a eu lieu au moment où la Bulgarieétait frappée par la troisième vague de la pandémie de COVID-19, avec une forte augmentation du nombre quotidien de cas, qui a atteint le niveau le plus élevé jamais enregistré dans le pays précisément pendant la semaine de la visite. Dans le même temps, la Bulgarie affichait l’un des taux de vaccination les plus faibles d’Europe, avec environ 21 % de la population entièrement vaccinée.

36.Au cours de l’année et demie ayant précédé la visite du Sous-Comité, différentes mesures avaient été prises dans le pays pour atténuer les effets de la pandémie. Le Sous‑Comité a noté avec satisfaction que les autorités bulgares − en particulier la Direction générale de l’exécution des peines, le Bureau du Médiateur et le mécanisme national de prévention − avaient répondu en 2020 à sa demande d’informations concernant les mesures prises dans le contexte de la pandémie de COVID-19 et avaient pris en compte l’avis qu’il avait adressé aux États parties et aux mécanismes nationaux de prévention au sujet de la pandémie de COVID-19.

37.Le Sous-Comité a pris note des mesures préventives en vigueur, mais s’est inquiété du très faible taux de vaccination du personnel et des détenus dans les lieux de privation de liberté, qui reflétait le faible taux de vaccination général dans le pays. Il a reçu des informations selon lesquelles il y avait eu des flambées de COVID-19 dans presque tous les établissements pénitentiaires et les centres de détention provisoire en Bulgarie, généralement déclenchées par des personnes venues de l’extérieur. Le personnel semble avoir été plus durement touché que les détenus. Le Sous-Comité a été informé de l’absence de membres du personnel en raison de la pandémie dans les lieux visités.

38.Les informations fournies au Sous-Comité au sujet des mesures de lutte contre la COVID-19 étaient plus ou moins détaillées selon les institutions visitées. L’utilisation de masques faciaux était obligatoire pour le personnel depuis mars 2020, mais le Sous-Comité a été informé que les équipements de protection individuelle n’étaient pas facilement accessibles pour les personnes privées de liberté. Selon les informations fournies par le Médiateur, les plaintes avaient augmenté de 30 % et concernaient principalement les contacts avec les proches, notamment les enfants, l’impossibilité de recevoir des colis et les prix dans les magasins des lieux de privation de liberté.

39.Au moment de la visite, des mesures temporaires de contrôle des entrées sur le territoire bulgare étaient en place, mais tous les membres de la délégation du Sous-Comité ont été autorisés à entrer dans le pays sans aucun problème. La semaine précédant la visite, de nouvelles mesures préventives ont été introduites, parmi lesquelles l’obligation de présenter un certificat de vaccination contre la COVID-19 pour entrer dans les espaces publics intérieurs, et la nécessité de porter un masque dans les espaces publics extérieurs bondés.

40.Compte tenu des restrictions d’accès aux espaces publics et de la disponibilité des tests, le Sous-Comité a été surpris de constater qu’un certificat de vaccination COVID-19 n’était pas demandé au personnel et aux autres personnes entrant dans les lieux de détention visités.

41. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de suivre les recommandations de l ’ Organisation mondiale de la Santé concernant les lieux de privation de liberté dans le contexte de la pandémie de COVID-19 , ainsi que les avis qu ’ il a adressés aux États parties et aux mécanismes nationaux de prévention concernant la pandémie de COVID ‑ 19 , pour ce qui est tant des mesures de prévention de la COVID-19 que des mesures visant à atténuer les incidences des restrictions sur les droits de l ’ homme.

IV.Questions générales

A.Définition de la torture et incrimination de la torture en tant qu’infraction distincte

42.Le Sous-Comité prend note de la déclaration des autorités confirmant l’applicabilité directe de la Convention contre la torture en Bulgarie. Toutefois, à ce jour, le Code pénal bulgare n’érige pas la torture en infraction pénale conformément à la Convention. Le Sous‑Comité est préoccupé par le fait que, malgré les recommandations répétées du Comité contre la torture, le Code pénal ne contient toujours pas de définition complète de la torturereprenanttous les éléments énoncés à l’article premier de la Convention. La torture n’est toujours pas érigée en infraction pénale distincte et les actes constitutifs de torture continuent de faire l’objet de poursuites fondées sur différents articles du Code pénal, généralement prescriptibles, sauf dans les cas de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

43. Le Sous-Comité demande instamment à la Bulgarie d ’ adopter une définition de la torture conforme à la Convention contre la torture et d ’ ériger la torture en infraction pénale distincte et imprescriptible, afin d ’ écarter tout risque d ’ impunité et de garantir que les cas de mauvais traitements et de torture donnent lieu à une enquête en bonne et due forme.

44. Le Sous-Comité recommande également à la Bulgarie de dispenser aux juges et aux procureurs une formation visant à renforcer leurs capacités concernant les dispositions de la Convention et de son Protocole facultatif, notamment l ’ interdiction absolue de la torture et l ’ obligation de poursuivre les auteurs d ’ actes de torture et de les condamner à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes.

B.Garanties juridiques fondamentales

45.Le Sous-Comité note que les garanties juridiques en place contre la torture et les mauvais traitements et les dispositions législatives protégeant les droits des personnes privées de liberté sont globalement conformes aux normes internationales. Il est toutefois préoccupé par le décalage entre la législation en vigueur et son application dans la pratique. Certaines protections juridiques ne semblent pas être appliquées de manière cohérente, et ne sont parfoispas prises en compte.

46.La période actuelle de garde à vue d’une durée de vingt-quatre heures − pendant laquelle les personnes ne sont pas formellement inculpées, mais seulement interrogées par la police − est régie par la loi sur le Ministère de l’intérieur. De l’avis du Sous-Comité, la nature « administrative » de cette période initiale de détention par la police pourrait donner lieu à une application insuffisante des garanties juridiques fondamentales contre la torture et les mauvais traitements.

47. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de modifier la loi sur le Ministère de l ’ intérieur et le Code de procédure pénale afin que soit assurée l ’ application effective de toutes les garanties juridiques fondamentales pendant la période initiale de garde à vue.

48.Le Sous-Comité a constaté avec inquiétude que pendant cette période de vingt‑quatre heures, les détenus étaient en pratique moins protégés. En particulier :

a)Il est demandé aux détenus de signer une lettre se rapportant à leurs droits, qui n’est disponible qu’en bulgare et ne s’accompagne d’aucune explication orale. Ce document énumère des droits et des références à des normes, sans donner aucune explication pratique, et sans faire mention du droit de la personne détenue de garder le silence ;

b)Les interrogatoires menés par la police se déroulent souvent sans la présence d’un avocat. Certaines personnes ont affirmé qu’elles avaient été découragées de demander à être assistées par un avocat, au motif que cela n’était « pas vraiment nécessaire ».

49. Les garanties applicables pendant les premiers moments de la garde à vue, notamment celles énoncées dans la Convention et dans l ’ observation générale n o 2 (2007) du Comité contre la torture, sont au nombre des mesures les plus efficaces de prévention de la torture et des mauvais traitements. Le Sous-Comité recommande donc à l ’ État partie de veiller au respect des garanties fondamentales suivantes :

a) Toute personne détenue doit être immédiatement informée, au moment où elle est arrêtée, des motifs de son arrestation ainsi que de ses droits, dans une langue qu ’ elle comprend ;

b) Toute personne détenue doit pouvoir faire appel aux services d ’ un avocat de son choix dès son arrestation, et l ’ avocat doit être présent dès le premier interrogatoire. Un système d ’ aide juridictionnelle doit être proposé et être opérationnel afin que tous les détenus bénéficient sans délai et dans des conditions d ’ égalité d ’ une représentation en justice efficace et de qualité ;

c) Toute personne détenue doit pouvoir être examinée par un médecin indépendant et, si elle le souhaite, par le médecin de son choix aussitôt que possible après l ’ arrestation et dans le plus strict respect de l ’ éthique et de la déontologie médicales ;

d) Toute personne privée de liberté doit pouvoir informer sans délai un tiers de son choix (membre de la famille, proche ou, pour les étrangers, représentant consulaire ou diplomatique) de sa détention. L ’ exercice de ce droit ne doit pas dépendre de la bonne volonté ou des décisions des autorités détentrices, du procureur, de l ’ enquêteur ou de l ’ administration du lieu de détention ;

e) Toute personne détenue doit être présentée en personne, dans les quarante-huit heures qui suivent son arrestation, devant une autorité judiciaire afin que celle-ci puisse se prononcer sur la nécessité du placement en détention et que la décision puisse être contestée.

C.Délinquance juvénile et justice pour mineurs

50.Par manque de temps, le Sous-Comité n’a pas pu effectuer de visite dans les centres de détention pour mineurs, les internats sociopédagogiques, les centres de redressement et les établissements de placement temporaire pour mineurs et jeunes. Or il est nécessaire que le Sous-Comité, le mécanisme national de prévention et d’autres organes similaires effectuent des visites dans tous les lieux où des enfants sont privés de liberté, afin de surveiller de plus près leurs conditions de vie et de traiter toute allégation de violation non couverte par le présent rapport. Le Sous-Comité observe avec inquiétude que, comme l’a également constaté le Comité des droits de l’enfant, les cadres juridiques applicables aux enfants détenus en conflit avec la loi ayant dépassé l’âge minimum de la responsabilité pénale et à ceux qui, en dessous de cet âge, sont privés de leur liberté en vertu de la loi de 1958 sur la délinquance juvénile, ne mettent pas l’accent sur les mesures de substitution à la privation de liberté et sur la facilitation de la réinsertion.

51. Le Sous-Comité partage les préoccupations du mécanisme national de prévention et recommande à la Bulgarie de réformer son système de justice pour mineurs et de traitement de la délinquance juvénile conformément aux normes internationales applicables , notamment en remplaçant la loi de 1958 sur la délinquance juvénile. À cet égard, il encourage la Bulgarie à solliciter l ’ assistance technique des entités des Nations Unies, notamment du Fonds des Nations Unies pour l ’ enfance.

D.Peines de réclusion à perpétuité avec et sans possibilité de libération conditionnelle

52.Le Sous-Comité note avec préoccupation que le Code pénal bulgare contient des dispositions prévoyant une peine de réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle. Il accueille avec satisfaction les informations selon lesquelles le Gouvernement envisage de revoir ces dispositions. Il a interrogé des détenus condamnés à trente ans d’emprisonnement et d’autres condamnés à la réclusion à perpétuité sans possibilité libération conditionnelle (sauf grâce présidentielle). Il est préoccupé par le fait que ces détenus sont généralement soumis à des régimes carcéraux plus stricts et à des conditions de vie purement punitives, dont :

a)La séparation du reste de la population carcérale ;

b)Une limitation des droits de visite ;

c)L’exclusion partielle ou totale des possibilités de travail et des activités visant à la resocialisation ;

d)Le placement à l’isolement pendant de longues périodes.

53.Comme l ’ a déjà recommandé le Comité des droits de l ’ homme , le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de modifier sa législation afin que tous les détenus, y compris ceux qui ont été condamnés à la réclusion à perpétuité, aient la possibilité de bénéficier d ’ une libération conditionnelle. Il recommande également à l ’ État partie de prendre des mesures efficaces pour réformer sa législation afin de la rendre conforme aux normes fixées par l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) et les autres instruments pertinents . Il lui recommande en outre de garantir l ’ égalité des droits entre toutes les catégories de détenus et de s ’ abstenir de maintenir à l ’ isolement les détenus condamnés à la réclusion à perpétuité uniquement en raison de la gravité des infractions qu ’ ils ont commises ou du type de peine prononcée.

E.Mesures de substitution à la détention

54.Le Sous-Comité note avec préoccupation que le système pénitentiaire et le système pénal bulgares reposent sur une approche fortement punitive. Il a constaté que les mesures non privatives de liberté existantes semblaient limitées et peu utilisées. Il rappelle que la détention provisoire des personnes en attente de jugement devrait être une mesure de dernier ressort. La détention avant jugement doit reposer sur une évaluation au cas par cas déterminant qu’elle est raisonnable et nécessaire.

55.Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour introduire des peines non privatives de liberté comme mesures de substitution à la détention et les appliquer lorsque cela est raisonnable, conformément aux Règles minima des Nations Unies pour l ’ élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo). Il lui recommande également de faire le nécessaire pour que sa politique en matière de détention provisoire soit conforme aux normes internationales, en veillant à ce que le recours à la détention soit toujours une mesure de dernier ressort. Il lui recommande en outre d ’ envisager de réduire la détention provisoire dans les locaux de la police et d ’ utiliser des mesures de substitution à la détention provisoire.

V.Situation des personnes privées de liberté

A.Postes de police

56.Le Sous-Comité a constaté que la taille des cellules variait d’un poste de police à l’autre. Si les cellules dans les locaux de la police qu’il a visités à Sofia lui ont semblé d’une superficie adéquate, il est en revanche préoccupé par l’exiguïté des cellules et l’absence de matelas et/ou de lits dans le poste de police du district de Pazardzhik, qui a besoin d’être rénové. Les conditions matérielles observées étaient globalement mauvaises dans la plupart des postes de police visités. Le Sous-Comité a notamment constaté l’état de saleté, l’accès limité à la lumière naturelle et la mauvaise ventilation des cellules, ainsi que l’insuffisance de la nourriture et de la literie. À cela s’ajoutait l’absence de système régulier pour la distribution de nourriture.

57. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures efficaces pour remédier aux insuffisances dans les locaux de détention de la police, notamment en améliorant la propreté, l ’ accès à la lumière naturelle et la ventilation , et en mettant en place un système uniforme et adéquat pour la fourniture de nourriture et de literie. Il recommande également à l ’ État partie de remédier rapidement à l ’ exiguïté des cellules et aux mauvaises conditions de détention dans le poste de police du district de Pazardzhik .

58.Si certains droits − tels que le droit de contacter ses proches et un avocat et le droit d’être examiné par un médecin − étaient généralement accordés aux détenus à leur demande, le Sous-Comité a noté avec préoccupation que ce n’était pas toujours le cas. La possibilité d’exercer ces droits dépendait du lieu visité et de la disponibilité du personnel, et non de pratiques uniformes visant à assurer le plein respect des garanties fondamentales reconnues aux détenus par la loi.

59. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les détenus puissent jouir pleinement des garanties juridiques fondamentales susvisées .

60.Le Sous-Comité a observé que les dossiers individuels des détenus étaient pour la plupart conservés sous forme écrite et non électronique, et qu’ils n’étaient pas tenus conformément à un système normalisé, ce qui rendait difficile le suivi de l’historique et du statut des détenus. Il a été informé que les postes de police ne disposaient pas tous d’un système de vidéosurveillance. Il rappelle que la tenue de dossiers complets et fiables sur les personnes privées de liberté est l’une des garanties fondamentales contre la torture ou les mauvais traitements et constitue une condition essentielle à l’exercice effectif des garanties d’une procédure régulière, telles que le droit du détenu d’être présenté sans délai devant un juge et le droit de contester la légalité de la détention. Il est préoccupé par le fait que, bien que la plupart des éléments nécessaires soient consignés par écrit, il y a un manque d’uniformisation entre les différents postes de police.

61.Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que ses systèmes d ’ enregistrement et d ’ archivage concernant les détenus soient normalisés, que la vidéosurveillance soit installée partout où cela est nécessaire et que les registres soient correctement tenus. Les informations relatives à une personne en détention doivent pouvoir être retrouvées dans l ’ ensemble du système et comprendre les données suivantes: date et heure exactes de l ’ arrestation ; heure exacte d ’ arrivée dans l ’ établissement ; motifs de l ’ arrestation ; autorité ayant ordonné l ’ arrestation ; identité de l ’ agent ou des agents ayant procédé à l ’ arrestation ; date, heure et raisons du transfert ou de la libération ; informations précises sur le lieu où la personne a été placée pendant toute la durée de la détention (par exemple, numéro de la cellule) ; identité de la personne à qui la détention a été notifiée, y compris la date et l ’ heure de la notification et la signature de l ’ agent qui a procédé à celle-ci ; date et heure des visites de membres de la famille ; date et heure des demandes d ’ entretien ou des rencontres avec un avocat ; date et heure des demandes de consultation ou des visites d ’ un professionnel de la santé ; date et heure de la première comparution de la personne détenue devant une autorité judiciaire ou autre.

62.Les policiers et les agents pénitentiaires devraient être correctement formés à la tenue des registres, et saisir rapidement les informations concernant les détenus, dès leur arrivée. Les registres devraient être régulièrement inspectés par les procureurs et par les organes de contrôle interne de la police et de l ’ administration pénitentiaire, et être disponibles pour examen par le mécanisme national de prévention. Le non-respect des dispositions relatives à l ’ établissement de registres précis dans les délais impartis devrait faire l ’ objet de mesures disciplinaires.

63. Le Sous-Comité recommande que des registres électroniques soient progressivement mis en place dans tout le pays, et que leur présentation soit harmonisée. Il recommande également la création d ’ une base de données nationale standard, conforme aux politiques de protection des données, et sa mise à jour systématique, ce qui permettrait aux autorités de suivre plus efficacement chaque détenu dans tout le système.

64.Le Sous-Comité a été satisfait d’apprendre que dans les trois postes de police visités, des procédures étaient en place pour que les personnes arrêtées puissent avoir accès à un examen médical. Les modalités et les prestataires médicaux variaient d’un poste de police à l’autre, mais dans les postes visités, le personnel a pu fournir des informations sur les examens médicaux, dont les résultats étaient consignés dans des formulaires types. Certains examens étaient effectués à la demande du détenu, et les policiers savaient qu’ils ne pouvaient pas refuser à un détenu de se faire examiner par un médecin. Le personnel rencontré a également souligné qu’en cas de signes de violences, l’examen médical était obligatoire. Des modalités particulières étaient appliquées pour la réalisation de cet examen, et tous les dossiers étaient conservés dans des classeurs dans les postes de police et pouvaient être consultés par le Sous-Comité. Cependant, le Sous-Comité n’a pas reçu d’informations sur le suivi des dossiers et sur les enquêtes concernant les blessures constatées.

65.Le Sous-Comité a constaté avec préoccupation que les problèmes de santé repérés lors de l’examen médical ne donnaient pas toujours lieu à un suivi par un médecin. Par exemple, un détenu avait un taux d’alcoolémie très élevé et un autre présentait des symptômes de sevragede l’héroïne et des amphétamines, mais aucune instruction n’avait été donnée aux policiers sur la manière d’observer et de préserver l’état de santé des détenus. Lors des entretiens, un détenu s’est également plaint que le médecin avait refusé de traiter son infection dentaire parce qu’il ne se souvenait pas du nom de l’antibiotique prescrit.

66. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour que les médecins assurent un suivi adéquat des résultats des examens médicaux des personnes détenues par la police, dans le plein respect du secret médical. Il recommande en outre que toute information concernant des blessures donne lieu à une enquête appropriée.

67.Dans un poste de police, le Sous-Comité a constaté que les grilles métalliques couvrant les fenêtres et les puits de ventilation offraient de nombreuses possibilités de suspendre des attaches et de se blesser sur le métal.

68. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour veiller à ce que les cellules de détention de la police ne contiennent aucun élément permettant les tentatives de suicide et l ’ automutilation.

69.Le Sous-Comité a relevé l’absence de procédures claires et uniformes pour les cas où des enfants de moins de 14 ans étaient « appréhendés » et emmenés dans les locaux de la police.

70. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les enfants de moins de 14 ans ne soient pas arrêtés ni détenus. En cas d ’ «  appréhension  » , il lui recommande de faire en sorte qu ’ une protection de remplacement soit assurée et que l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant soit respecté.

B.Prisons et lieux de détention aux fins d’enquête

1.Conditions matérielles, hygiène et alimentation

71.Le Sous-Comité est conscient des efforts entrepris par la Bulgarie pour améliorer les conditions matérielles dans les prisons de Sofia et de Pazardzhik, et se félicite du projet de construction d’une nouvelle prison dans le pays. Il fait observer toutefois que la construction de nouvelles prisons ne résout pas en soi les problèmes structurels et que l’application de mesures de substitution à la détention doit rester une priorité, comme indiqué plus haut. Les deux prisons visitées ont été construites il y a de nombreuses années (la prison de Sofia, par exemple, a plus de 100 ans) et le Sous-Comité a constaté que, malgré les travaux de rénovation, plusieurs cellules présentaient un taux d’humidité élevé, des fissures dans les murs, des sols sales et des fenêtres cassées.

72.Bien que les cellules soient périodiquement désinfectées, le Sous-Comité est vivement préoccupé par la présence généralisée de punaises de lit dans les matelas et de cafards dans les cellules, et plus encore par ses répercussions sur les conditions de vie, l’hygiène et la santé des détenus. Il a remarqué que plusieurs prisonniers présentaient des éruptions cutanées et des plaies non traitées causées par des punaises de lit. Dans le foyerde Pazardzhik, qui est rattaché à la prison, il a également constaté que les effets personnels des prisonniers étaient infestés de cafards.

73.Le Sous-Comité a observé avec inquiétude que l’accès à l’eau chaude et aux articles d’hygiène personnelle de base était insuffisant. De plus, il a reçu des plaintes concernant la quantité et la qualité de la nourriture et le manque de diversité dans les menus.

74.Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que tous les prisonniers aient un niveau de vie adéquat et à ce qu ’ ils soient détenus dans des locaux salubres et propres. Il recommande également à l ’ État partie de s ’ attaquer rapidement à la présence généralisée de punaises de lit et de cafards dans les cellules en adoptant des solutions efficaces et à long terme, notamment en remplaçant les matelas. Il lui recommande aussi de fournir des articles d ’ hygiène personnelle de base à tous les détenus, d ’ augmenter la quantité et d ’ améliorer la qualité de la nourriture et de diversifier les menus. Il recommande en outre à l ’ État partie d ’ allouer les fonds et les ressources nécessaires à ces fins.

2.Recours au placement à l’isolement

75.Le Sous-Comité a constaté que le placement à l’isolement était utilisé comme mesure disciplinaire en cas de violation du règlement interne de la prison. Bien qu’il ait été informé par les autorités pénitentiaires que cette mesure était limitée à un maximum de quatorze jours, il a également reçu des allégations de prisonniers affirmant qu’elle était parfois renouvelée après une courte pause allant de cinq heures à un jour, ce qui se traduisait par des périodes quasi consécutives d’isolement d’une durée totale supérieure à quatorze jours. Le Sous‑Comité a constaté avec préoccupation que le placement à l’isolement était aussi utilisé comme mesure de protection ou pour prévenir la violence entre détenus, ou pour d’autres raisons qui n’étaient pas liées à des mesures disciplinaires.

76.Si certaines des cellules d’isolement visitées étaient d’une taille acceptable, d’autres − notamment dans les zones de séparation, y compris les « zones tampons » de la prison de Sofia − étaient d’une taille insuffisante. Dans la prison de Sofia, le Sous-Comité a trouvé une « cellule » ressemblant à une cage avec des barreaux, d’une superficie de moins d’un mètre carré et dans laquelle une personne ne pouvait tenir que debout, sans pouvoir étendre les bras vers le haut ou sur les côtés. Il a dans un premier temps été informé que cette cage n’était pas utilisée comme cellule, mais comme espace de stockage. Toutefois, lors des derniers entretiens avec le directeur de la prison, il a eu confirmation que des prisonniers yétaient parfois placés, mais pour une durée maximale d’une heure.

77. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que le placement à l ’ isolement ne soit utilisé qu ’ en dernier ressort, pour une durée aussi brève que possible, et jamais pour plus de quatorze jours consécutifs. Il recommande également à l ’ État partie de veiller à ce que les prisonniers placés à l ’ isolement disposent d ’ un espace suffisant dans leur cellule et à ce qu ’ ils aient chaque jour une activité utile et un contact humain réel .

3.Réadaptation et réintégration, activités utiles et récréatives, temps passé hors de la cellule et visites

78.Le Sous-Comité a constaté l’absence de programmes de réadaptation visant à renforcer les capacités des détenus afin de faciliter leur intégration dans la société une fois purgée leur peine. À celle-ci s’ajoutait l’absence d’activités utiles ou constructives à l’intérieur de la prison. Le Sous-Comité a noté que les prisonniers passaient entre soixante et quatre-vingt-dix minutes par jour en dehors de leur cellule. Il a toutefois observé que certains groupes de prisonniers n’étaient pas toujours exposés à la lumière du jour et au soleil, n’ayant accès qu’à des cours fermées avec des ouvertures partielles dans le toit, et n’avaient généralement pas accès à des équipements permettant de faire de l’exercice ou de pratiquer un sport pendant ce temps à l’extérieur. Une personne n’était pas sortie pendant quatre jours consécutifs. Exceptionnellement, les détenus du foyer de la prison de Pazardzhik − soumis à un régime ouvert − pouvaient sortir et étaient libres de leurs mouvements à l’intérieur et à l’extérieur des locaux de 8 h 30 à 19 heures.

79.Si la norme minimale est d’une heure d’exercice en plein air par jour, le Sous-Comité estime que la possibilité de passer un temps non négligeable en dehors de la cellule et de faire de l’exercice peut contribuer à prévenir l’apparition et de la persistance de la violence entre détenus en abaissant le niveau général de frustration des détenus.

80.Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer des programmes visant à renforcer la capacité de réintégration dans la société, en mettant en place différents types de services de réadaptation, notamment des services de formation et d ’ éducation et des services psychosociaux . En outre, l ’ État partie devrait veiller à ce que tous les prisonniers − y compris ceux qui sont en détention aux fins d ’ enquête − bénéficient d ’ au moins une heure d ’ exercice par jour. Le Sous-Comité lui recommande d ’ évaluer la corrélation entre le fait de n ’ autoriser que de courts moments hors de la cellule et la persistance de la violence entre détenus, et d ’ envisager de prolonger le temps passé hors de la cellule lorsque cela est pertinent, afin de contribuer, entre autres, à prévenir la violence entre détenus et à y remédier.

81.Si le Sous-Comité a été informé que plusieurs activités et visites avaient été suspendues ou limitées en raison des mesures liées à la pandémie de COVID-19, la majorité des personnes interrogées se sont plaintes de l’absence d’activités utiles et récréatives ou de l’insuffisance de ces activités, ainsi que des modalités des visites et des restrictions en la matière, même avant la pandémie. En particulier, en ce qui concerne les visites, il aété signalé que :

a)Leur durée était généralement courte, de quarante-cinq minutes maximum ;

b)Leur fréquence était irrégulière, allant d’une fois par mois à une fois tous les trois mois ;

c)Même avant la pandémie de COVID-19, les détenus étaient généralement séparés des visiteurs par des vitres ou des grillages, ne permettant aucun type de contact physique ;

d)Les visites conjugales étaient rares, ou bien elles faisaient l’objet d’un échange de faveurs avec les gardiens ou étaient accordées en récompense d’un bon comportement.

82.Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures efficaces pour garantir que tous les détenus se voient offrir la possibilité de s ’ adonner à des activités utiles ou récréatives et les ressources nécessaires à cette fin. Il recommande également que la durée des visites soit prolongée et que leur fréquence soit augmentée. Bien que les mesures liées à la pandémie de COVID-19, notamment les mesures de distanciation physique, doivent être respectées, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ évaluer les locaux utilisés pour les visites et d ’ envisager de retirer les séparations en verre et en grillage et d ’ apporter les autres changements nécessaires pour améliorer la communication entre les détenus et leurs visiteurs. Enfin, il recommande à l ’ État partie d ’ accorder et d ’ organiser les visites conjugales sans discrimination, et de prévenir la corruption ou tout échange de faveurs avec les gardiens concernant le droit aux visites.

4.Soins de santé dans les établissements pénitentiaires

83.Le Sous-Comité a constaté avec préoccupation qu’il y avait un nombre limité de médecins dans les prisons et que leurs fonctions étaient assurées par des assistants médicaux et un nombre limité d’infirmiers. Cela signifie que les détenus finissent donc souvent par être désignés comme soignants à l’initiative des travailleurs sociaux des prisons, ce qui leur permet dans certains cas d’obtenir une réduction de peine. Il convient également de noter que dans les deux prisons visitées, le personnel disponible a évoqué l’absence de collègues, qui faisait que les effectifs réels étaient sensiblement inférieurs à ceux normalement prévus. Le manque général de personnel et la réaffectation des tâches à d’autres personnes peuvent entraîner non seulement une baisse de la qualité des services de santé mais aussi des violations du secret médical et l’émergence de rapports de pouvoir inappropriés entre les détenus.

84.Du matériel médical et des médicaments étaient disponibles, mais certains équipements étaient très anciens, et dans la clinique dentaire de l’une des prisons, il y avait des quantités importantes de médicaments dont la date de péremption était largement dépassée.

85.Les résultats des examens médicaux effectués à l’arrivée et ceux des évaluations des blessures traumatiques étaient consignés sur des formulaires séparés. Dans le deuxième cas, le consentement du détenu est obtenu pour la prise de photos et pour la réalisation d’examens complémentaires en dehors de la prison. Cela pose particulièrement problème, car une copie du formulaire est censée être présentée au garde de service, et une autre doit être versée au dossier du détenu, ce qui peut exposer le détenu à des risques de représailles.

86.Le Sous-Comité a constaté avec préoccupation que le personnel de santé ne connaissait pratiquement pas le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul).

87.Un autre aspect problématique était le temps d’attente pour la réalisation des examens médico-légaux sur demande du procureur, qui pouvait aller jusqu’à un mois, délai pendant lequel les signes de violence pouvaient disparaître.

88. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De doter les services de santé dans les prisons de ressources humaines et matérielles suffisantes. Lorsque des détenus font office de soignants, il convient de définir clairement leur rôle et de veiller au respect du secret médical ;

b) De veiller à ce que, lorsque des mauvais traitements et des actes de violence sont signalés, cela soit fait avec le consentement éclairé de la victime. Ce consentement doit être consigné dans le dossier médical ;

c) De veiller à ce que les demandes d ’ examen médical des victimes d ’ actes de violence commis dans un lieu de détention formulées par le parquet soient traitées sans retard indu ;

d) De faire en sorte que les professionnels de la santé travaillant dans les lieux de détention soient formés au Protocole d ’ Istanbul.

5.Enregistrement des blessures dans les prisons et enquêtes s’y rapportant

89.Le Sous-Comité aobservéqu’il existait des registres des blessures et des formulaires pour le signalement des cas de violence. Même si le personnel médical consignait les blessures à l’aide des formulaires susmentionnés, les informations étaient enregistrées uniquement dans le dossier médical personnel du détenu. La réalisation d’enquêtes efficaces sur les blessures et les mauvais traitements dans tous les lieux de détention est donc un sujet de préoccupation.

90.Le Sous-Comité recommande que tous les cas de blessures compatibles avec des allégations de mauvais traitements ou clairement révélatrices de mauvais traitements, même en l ’ absence d ’ allégation ou de plainte, soient immédiatement portés à l ’ attention du procureur compétent. L ’ État partie devrait veiller à ce que le personnel médical redouble d ’ efforts pour repérer ces blessures lors des examens médicaux et pour les enregistrer et, avec le consentement des intéressés, les signaler . Ces blessures devraient faire l ’ objet d ’ une enquête en bonne et due forme ; leurs auteurs devraient être poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, punis ; et les victimes devraient recevoir un traitement médical adéquat et une indemnisation.

C.Centre spécial pour l’hébergement temporaire des étrangers

91.Le Sous-Comité a visité lecentre spécial pourl’hébergement temporaire des étrangers à Busmantsi, village de la province de Sofia. Dans ce centre, les migrants − y compris les enfants − sont détenus à des fins d’identification ou dans l’attente de leur expulsion.

92.Le Sous-Comité a observé que les personnes détenues dans cet établissement étaient privées de liberté et qu’elles étaient généralement gardées par des policiers en uniforme. Il a eu l’impression que le placement des migrants en détention était une mesure par défaut. Il est d’avis que la politique consistant à placer les migrants sans-papiers et ceux en attente d’expulsion dans des « centres d’accueil spéciaux » où ils sont de facto privés de leur liberté porte atteinte aux droits fondamentaux des migrants et peut affaiblir leur protection contre la torture et les mauvais traitements.

93.Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de ne placer les migrants en détention qu ’ en dernier ressort. Lorsqu ’ elle est strictement nécessaire, cette détention devrait se faire dans un environnement qui ne ressemble pas à une prison. Le Sous ‑ Comité rappelle en outre à l ’ État partie que la détention d ’ enfants migrants est interdite en toutes circonstances.

94.Le Sous-Comité a constaté que les migrants détenus manquaient gravement d’informations sur leur situation personnelle et juridique. Le fait de ne pas être informé peut être source de stress et d’anxiété et exacerber les sentiments de désespoir et d’incertitude. De nombreux migrants en ont fait part lors des entretiens. Une telle situation peut avoir un effet négatif sur leur santé mentale. Nombre d’entre eux ont aussi indiqué que depuis leur arrivée dans le centre, ils n’avaient pas pu s’entretenir, même sommairement, avec les autorités, car il n’y avait pas d’interprètes dans le centre. Certains des migrants interrogés ont exprimé leur incompréhension quant à la raison pour laquelle ils se trouvaient dans ce centre de détention particulier, ou en détention tout court. Ils manquaient également d’informations sur ce qui allait leur arriver ensuite. En général, les migrants semblaient ne pas connaître leurs droits, les services qui leur étaient offerts et les procédures légales les concernant, en raison d’un défaut de communication entre eux et les autorités. Tous ces facteurs réunis peuvent constituer un traitement inhumain et dégradant à l’égard des migrants.

95. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ établir des procédures visant à garantir que les migrants reçoivent rapidement des informations concernant leur situation personnelle, y compris leur situation juridique, sous une forme accessible et dans une langue qu ’ ils comprennent. Les migrants devraient aussi être dûment informés de l ’ aide et des autres services auxquels ils peuvent prétendre, des moyens d ’ y accéder, de leurs droits et obligations dans le cadre des procédures juridiques pertinentes, des conséquences possibles du non-respect des règles ou de la non ‑ coopération et des recours qui leurs sont ouverts. En particulier, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prévoir les ressources financières et humaines nécessaires pour permettre l ’ embauche d ’ interprètes qualifiés pour travailler avec les autorités et les migrants dans l ’ établissement.

1.Enfants migrants détenus

96.Le Sous-Comité note que la législation nationale interdit la détention des enfants non accompagnés. Lors de la visite, les autorités lui ont indiqué que seuls les enfants accompagnés de membres de leur famille étaient placésdans l’établissement. Le Sous‑Comité a été informé que les enfants présents dans l’établissement étaient accompagnés d’adultes de leur famille. Toutefois, il n’a pas pu déterminer clairement si ces enfants avaient effectivement voyagé accompagnés ou seuls. Il avait été mis au courant de la pratique consistant à « attacher » les enfants migrants non accompagnés à des adultes sans lien de parenté avec eux. Il est d’avis qu’il s’agit là d’une pratique inacceptable qui peut conduire à placer des enfants dans des établissements pour adultes. Un autre sujet de préoccupation est que, comme l’a indiqué le directeur, la plupart des 27 enfants présents dans l’établissement au moment de la visite étaient détenus avec des adultes migrants de sexe masculin, sans qu’il existe pour eux d’espace séparé adapté aux enfants et sans qu’ils bénéficient d’un traitement spécial de la part du personnel.

97. Le Sous-Comité exhorte l ’ État partie à prendre toutes les mesures voulues pour que les enfants migrants ne soient pas détenus, comme l ’ exigent les normes internationales relatives aux droits de l ’ homme, et qu ’ ils soient hébergés dans des institutions offrant un niveau de vie adéquat et respectant les intérêts de l ’ enfant. Il recommande également à l ’ État partie de garantir des conditions de vie et un traitement appropriés pour tous les enfants dans l ’ établissement, notamment en leur réservant un espace séparé, adapté à leurs besoins.

2.Conditions matérielles, surpopulation, hygiène et assainissement

98.Le Sous-Comité est vivement préoccupé par les conditions de vie des migrants, y compris des enfants, qu’il a observées dans l’établissement.

99.Même si d’après les informations reçues par le Sous-Comité, les couvertures et les oreillers étaient périodiquement désinfectés par le personnel, la présence de punaises de lit dans les matelas était répandue et même pire que dans les prisons visitées. Plusieurs des migrants interrogés, y compris des enfants, présentaient des éruptions cutanées non traitées typiques des punaises de lit, dont certaines avaient formé de grandes plaies infectées.

100.Le Sous-Comité a reçu plusieurs plaintes concernant le manque de couvertures, de chauffage, d’eau chaude, de vêtements, de chaussures et d’articles d’hygiène personnelle. Plusieurs des migrants interrogés ont expliqué qu’ils n’avaient pas accès à leurs effets personnels et à leur argent, après avoir fui leur pays, généralement touché par un conflit armé, avec pour toute possession les vêtements qu’ils portaient. Certains les portaient encore, car rien ne leur avait été fourni par les autorités. Le Sous-Comité a également reçu des plaintes concernant la quantité et la qualité de la nourriture. Il a en outre été informé lors des entretiens que les migrants n’avaient pas accès aux toilettes pendant la nuit, ce qui les obligeait à utiliser des bouteilles ou les fenêtres. La ventilation était insuffisante. Il était permis de fumer dans l’établissement et à l’intérieur des dortoirs. Il n’y avait aucune possibilité de séparer les fumeurs des non-fumeurs, ce qui rendait la situation assez difficile pour les non-fumeurs et préjudiciable à la santé des détenus, en particulier pour les enfants.

101.Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que tous les migrants aient un niveau de vie adéquat et à ce qu ’ ils soient détenus dans des locaux salubres et propres. Il lui recommande de s ’ attaquer rapidement à la présence généralisée de punaises de lit en adoptant des solutions efficaces et à long terme, notamment en remplaçant les matelas. En outre, il recommande à l ’ État partie de fournir des articles d ’ hygiène personnelle de base à tous les migrants, d ’ augmenter la quantité et d ’ améliorer la qualité de la nourriture et de prendre les mesures nécessaires pour que les migrants puissent avoir accès aux toilettes à tout moment, y compris pendant la nuit. Il lui recommande de faire en sorte qu ’ il y ait un système de chauffage adéquat et fonctionnel, adapté aux conditions climatiques. Il lui recommande également d ’ allouer les fonds et les ressources nécessaires à ces fins.

102.Le Sous-Comité a constaté que certaines parties de l’établissement étaient surpeuplées. Par exemple, il a visité des dortoirs très petits dans lesquels étaient placées plus de 30 personnes, dont des enfants. Les lits superposés étaient en très mauvais état. Cette situation est inacceptable du fait de la promiscuité et du risque accru de problèmes de santé, d’intimidation et de violence qu’elle engendre. Elle est également source de difficulté pour le personnel qui s’efforce d’exercer une surveillance adéquate des locaux.

103. Le Sous-Comité recommande que des solutions de substitution à la privation de liberté des migrants soient adoptées et que des mesures efficaces soient prises pour lutter contre la surpopulation et remédier aux conditions de vie problématiques dans l ’ établissement.

3.Temps passé à l’extérieur, activités récréatives et contacts avec le monde extérieur

104.Le Sous-Comité a été informé par les autorités que les activités éducatives et récréatives organisées dans l’établissement par des organisations extérieures avaient cessé pendant la pandémie. Les enfants et les adultes migrants n’avaient pas non plus réellement d’activité en plein air. Ce n’est que pendant la visite du Sous-Comité qu’un groupe de migrants a été autorisé à sortir. Beaucoup d’entre eux ont fait savoir que, pour eux, il s’agissait là d’une occasion unique de sortir. Certains migrants ont même déclaré qu’ils n’étaient pas sortis de leur dortoir depuis neuf jours.

105. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de doter l ’ établissement d ’ espaces adéquats destinés aux activités récréatives, sportives et culturelles, auxquels les migrants aient effectivement accès, et de veiller à ce que tous les migrants, sans discrimination, puissent passer chaque jour suffisamment de temps en dehors de leur dortoir.

106.Le Sous-Comité est préoccupé par les difficultés rencontrées par les migrants en détention pour ce qui est des possibilités de communication audio et vidéo avec le monde extérieur, leur famille, leurs amis et leur pays d’origine. Il convient de rappeler que la plupart d’entre eux ne reçoivent pas de visites et que, compte tenu de la longueur des périodes de détention, cela finit par avoir des effets négatifs sur leur santé mentale. De nombreux migrants se sont plaints du coût élevé des cartes téléphoniques pour appeler à l’étranger en utilisant la seule et unique cabine téléphonique disponible dans un établissement accueillant actuellement plus de 400 personnes.

107. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que les migrants en détention aient des contacts réguliers avec le monde extérieur, en particulier avec leur famille et leurs amis, par des moyens appropriés de communication audio et vidéo, et de mettre à leur disposition un accès fiable à Internet. Il lui recommande également d ’ allouer les ressources budgétaires nécessaires pour que ces services soient fournis gratuitement aux migrants.

4.Allégations de mauvais traitements

108.Le Sous-Comité est préoccupé par les allégations de mauvais traitements dans l’établissement formulées par certains migrants, y compris des enfants migrants, qui ont déclaré avoir été frappés à coups de pied ou de poing, bousculés et insultés par le personnel de surveillance. Certains migrants adultes ont montré à la délégation du Sous-Comité des ecchymoses récentes sur leur dos et leurs jambes, dont ils ont affirmé qu’elles résultaient d’actes de ce type. Le Sous-Comité est également préoccupé par l’absence d’enquête sur ces allégations.

109. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie, à titre prioritaire, de procéder immédiatement à une enquête impartiale et efficace sur toute allégation ou plainte dénonçant des actes de torture ou des mauvais traitements, conformément à l ’ article 12 de la Convention contre la torture. Il rappelle que la lutte contre l ’ impunité est un moyen important de prévenir la torture et les mauvais traitements.

5.Soins de santé pour les migrants en détention

110.Le Sous-Comité a constaté qu’un seul médecin était employé dans l’établissement visité, les autres membres du personnel médical étant des assistants médicaux et des infirmiers. Le médecin n’était pas formellement tenu de donner des instructions aux autres membres de l’équipe de santé, et aucune instruction écrite destinée au personnel n’a été vue. Cette situation était préoccupante en ce qu’elle pouvait porter atteinte à la qualité des services fournis. Le centre de détention recevait jusqu’à 80 nouveaux arrivants par jour, ce qui, les jours de grande affluence, laissait très peu de temps pour l’examen médical à l’arrivée. Lors des consultations, d’autres détenus servaient d’interprètes, ce qui compromettait le secret médical.

111.Certains détenus ne savaient pas qu’ils pouvaient accéder gratuitement aux services de santé, d’autres détenus ou même des gardiens leur ayant dit qu’ils devaient leur verser une certaine somme pour être conduits à l’infirmerie, située dans un autre bâtiment. Cela dissuadait les détenus de demander une assistance médicale lorsqu’ils en avaient besoin, comme dans les cas d’éruptions cutanées graves non traitées et de plaies infectées à la suite d’une infestation de punaises de lit.

112.Les dossiers médicaux étaient disponibles et bien tenus, et comme suite à une recommandation du mécanisme national de prévention, ils devaient être fournis aux détenus lors de leur départ. Cependant, le système dans son ensemble était très complexe, les informations médicales concernant un détenu étant conservées à de nombreux endroits différents, dont un classeur pour les dossiers constitués à l’arrivée, un autre classeur pour les comptes rendus des consultations à l’hôpital et un registre séparé pour les consultations quotidiennes. Il est difficile dans ces conditions pour le personnel de santé d’assurer un suivi global de chaque patient.

113. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De faire en sorte que les services de santé du centre pour migrants soient dotés de ressources humaines suffisantes et que le personnel de santé remplaçant les médecins en leur absence reçoive des instructions formelles concrètes ;

b) De garantir l ’ accès à des interprètes professionnels lors des consultations médicales afin d ’ éviter toute violation du secret médical et tout risque ultérieur d ’ abus ;

c) D ’ analyser le problème de la corruption dans les lieux de détention pour migrants et de prendre les mesures nécessaires pour atténuer celui-ci, notamment en fournissant aux détenus nouvellement arrivés des informations suffisantes, dans une langue qu ’ ils comprennent, sur la manière d ’ accéder aux services de santé ;

d) De mettre sur pied un système de dossiers médicaux individuels. Lorsque cela est nécessaire pour des raisons administratives, des registres supplémentaires peuvent compléter les dossiers médicaux individuels, mais tous les renseignements relatifs à la santé d ’ un détenu doivent être disponibles en un seul endroit afin de minimiser le risque de perte d ’ information.

VI.Étapes suivantes

114.Le Sous-Comité demande qu ’ une réponse lui soit communiquée dans les six mois à compter de la date de transmission du présent rapport à la Mission permanente de la Bulgarie. Dans ce document, l ’ État partie devrait répondre directement à toutes les recommandations et demandes de renseignements complémentaires formulées dans le rapport, et rendre compte en détail des mesures déjà prises ou prévues (accompagnées de calendriers d ’ exécution) pour donner suite aux recommandations. Cette réponse devrait contenir des détails sur la suite donnée aux recommandations concernant certaines institutions en particulier, et sur les politiques et les pratiques en général .

115. L ’ article 15 du Protocole facultatif interdit toutes les sanctions et représailles, quelles qu ’ en soient la forme et la source, visant une personne qui a été en contact ou a tenté d ’ être en contact avec le Sous-Comité. Le Sous-Comité rappelle à la Bulgarie l ’ obligation qui lui incombe de prévenir de telles sanctions ou représailles et la prie de donner, dans sa réponse, des renseignements détaillés sur les mesures qu ’ elle aura prises pour s ’ acquitter de cette obligation .

116. Le Sous-Comité rappelle que la prévention de la torture et des mauvais traitements constitue une obligation continue et de large portée . Il demande donc à la Bulgarie de l ’ informer de toute mesure législative, réglementaire ou stratégique et de tout fait nouveau pertinent touchant le traitement des personnes privées de liberté et les travaux du mécanisme national de prévention.

117.Le Sous-Comité considère que sa visite et le présent rapport s ’ inscrivent dans le cadre d ’ un dialogue continu. Il sera heureux d ’ aider la Bulgarie à s ’ acquitter des obligations qui lui incombent au regard du Protocole facultatif en continuant de la conseiller et de lui apporter une assistance technique en vue d ’ atteindre leur objectif commun, qui est de prévenir la torture et les mauvais traitements dans les lieux de privation de liberté. Il estime que le moyen le plus efficace de poursuivre le dialogue serait pour lui de rencontrer les autorités nationales chargées de l ’ application de ses recommandations dans les six mois qui suivent la réception de la réponse au présent rapport.

118. Le Sous-Comité recommande que, comme le prévoit l ’ article 12 (al. d)) du Protocole facultatif, les autorités nationales de la Bulgarie engagent le dialogue avec lui au sujet de la suite donnée à ses recommandations dans les six mois qui suivent la réception de la réponse au présent rapport. Il recommande également à la Bulgarie d ’ entamer avec lui des discussions sur les modalités de ce dialogue au moment où sera soumise la réponse au présent rapport .

Annex I

List of places of deprivation of liberty jointly visited by the national preventive mechanism and the Subcommittee

Central prison, Sofia

Special home for temporary accommodation of foreigners, Busmantsi

Annex II

List of places of deprivation of liberty visited by the Subcommittee

2nd district police directorate, Sofia

3rd district police directorate, Sofia

Pazardzhik prison

Pazardzhik investigation detention facility

Pazardzhik hostel

Pazardzhik district police station

Annex III

List of government officials and other interlocutors with whom the Subcommittee met

Government of Bulgaria

Ministry of Foreign Affairs

Ministry of Education and Science

Ministry of Defence

Ministry of Justice

Ministry of Health

Ministry of Interior

Ministry of Labour and Social Policy

National Bureau for Legal Aid

Prosecutor’s Office

Other national authorities

Ombudsperson of Bulgaria

Members of the national preventive mechanism team

Representatives of international organizations

International Organization for Migration

United Nations Children’s Fund

United Nations High Commissioner for Refugees

Civil society representatives

Bulgarian Helsinki Committee

Bulgarian Lawyers for Human Rights

Centre for the Study of Democracy

Independent human rights activist