Nations Unies

CRC/C/ARG/CO/5-6

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

1er octobre 2018

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’enfant

Observations finales concernant le rapport de l’Argentine valant cinquième et sixième rapports périodiques *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport de l’Argentine valant cinquième et sixième rapports périodiques (CRC/C/ARG/5-6) à ses 2283e et 2284e séances (CRC/C/SR.2283 et CRC/C/SR.2284), les 14 et 15 mai 2018, et a adopté les présentes observations finales à sa 2310e séance, le 1er juin 2018.

2.Le Comité accueille avec satisfaction rapport de l’Argentine valant cinquième et sixième rapport périodique, ainsi que les réponses écrites à la liste de points (CRC/C/ARG/Q/5-6/Add.1), qui lui ont permis de mieux appréhender la situation des droits de l’enfant dans l’État partie. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de l’État partie.

II.Mesures de suivi adoptées et progrès réalisés par l’État partie

3.Le Comité salue les progrès réalisés par l’État partie dans différents domaines et le félicite d’avoir ratifié le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, en 2015, et d’avoir étendu à l’échelon provincial l’application de la loi no 26061 sur la protection des enfants et des adolescents et de la loi no 27234 sur l’éducation pour l’égalité. Il accueille également avec satisfaction les efforts déployés pour lutter contre la traite, notamment la création d’unités d’enquête dans plusieurs provinces.

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

4.Le Comité rappelle à l’État partie que tous les droits consacrés par la Convention sont indivisibles et interdépendants et souligne l’importance de toutes les recommandations faites dans les présentes observations finales. Il appelle l’attention de l’État partie sur les recommandations se rapportant aux domaines ci-après, qui appellent d’urgence des mesures : droit à la survie et au développement (par. 16) ; torture et violence dans les institutions (par. 22) ; exploitation sexuelle et violences sexuelles (par. 25) ; enfants privés de milieu familial (par. 28) ; niveau de vie (par. 36) ; justice pour mineurs (par. 44).

A.Mesures d’application générales (art. 4, 42 et 44 (par. 6))

Réserves et déclarations

5. Le Comité renouvelle les recommandations qu’il avait déjà formulé es (voir CRC/C/ARG/CO/3-4, par.  10 à 12) et encourage l’État partie à retirer sa réserve aux alinéas b) à e) de l’article 21 concernant l’adoption à l’étranger. Il recommande à l’État partie de faire en sorte que la déclaration interprétative émise à l’égard de l’alinéa f) de l’article 24 soit rendue caduque dans toutes les provinces restantes, en vue de la retirer.

Législation

6. Le Comité renouvelle les recommandations qu’il a déjà formulées et encourage l’État partie à mener à bonne fin les réformes législatives entreprises dans toutes les provinces (voir CRC/C/ARG/CO/3-4 , par. 14 ). En outre, il recommande que les législations provinciales et municipales soient mises en conformité avec le cadre juridique national relatif aux droits de l’enfant, en particulier la loi nationale relative à la protection générale des enfants et des adolescents (loi n o 26061), afin de garantir leur application uniforme .

Politique et stratégie globales

7. Le Comité accueille avec satisfaction l’élaboration du Plan national d’action en faveur des droits des enfants et des adolescents 2016- 2019. Il renouvelle toutefois ses recommandations précédentes (voir CRC/C/ARG/CO/3 - 4, par. 18) et encourage l’État partie à :

a ) Veiller à ce que le Plan fasse partie intégrante d’une politique globale et d’une stratégie harmonisée visant la mise en œuvre sans réserve de la Convention ;

b) Prévoir dans la stratégie harmonisée des objectifs et des cibles précis, assortis de délais et mesurables, permettant de suivre les progrès accomplis dans l’exercice par tous les enfants de l’ensemble de leurs droits.

Coordination

8. Le Comité reconnaît le rôle que joue le Conseil fédéral pour l’enfance, l’adolescence et la famille (COFENAF) pour assurer la liaison entre le Secrétariat national à l’enfance, à l’adolescence et à la famille (SENNAF) et ses homologues dans les provinces, mais il recommande à l’État partie de renforcer les capacités de ces deux organes en veillant à définir clairement leur mandat et leurs responsabilités en tant que mécanisme national chef de file chargé de la coordination des activités de gestion et de la coordination du système de protection générale. Il recommande également à l’État partie de faire en sorte que les critères de décentralisation énoncés dans la loi n o 26061 n’entravent pas la coordination entre les entités provinciales qui s’occupent de la protection de l’enfance, en particulier dans les zones rurales et reculées.

Allocation de ressources

9.Le Comité donne à l’État partie acte des efforts qu’il déploie pour accroître durablement l’investissement social mais il est toujours sérieusement préoccupé par le fait que les investissements consentis par l’État en faveur des enfants n’atteignent pas un niveau suffisant pour compenser les incidences négatives de la grave crise économique et sociale qui a commencé en 2002, et qu’il en est résulté une aggravation de la pauvreté et des inégalités sociales.

10. Compte tenu de son observation générale n o 19 (2016) sur l’élaboration des budgets publics aux fins de la réalisation des droits de l’enfant, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’allouer des ressources humaines, financières et techniques suffisantes à tous les échelons des pouvoirs publics afin de garantir la mise en œuvre de tous les plans, politiques et programmes et de toutes les mesures législatives concernant les enfants, et d’établir des mécanismes appropriés et des procédures ouvertes qui permettent d’associer la société civile, la population et les enfants à toutes les étapes du processus budgétaire, y compris son élaboration, son exécution et son évaluation ;

b) De définir des lignes budgétaires pour les enfants défavorisés ou marginalisés, en particulier les enfants handicapés et les enfants autochtones, dont la situation pourrait exiger des mesures sociales d’action positive, et de veiller à ce que ces lignes budgétaires soient protégées, même en cas de crise économique et de catastrophe naturelle ou dans d’autres situations d’urgence ;

c) De procéder à une évaluation des résultats de toutes les mesures législatives et les mesures de politique générale qui ont une incidence sur les droits des enfants ;

d) De faire en sorte, notamment par l’élimination de la corruption dans les procédures d’attribution des marchés publics et de la surfacturation des contrats de fourniture de biens et de services publics, que les fonds alloués à tous les programmes contribuant à la réalisation des droits des enfants aux échelons national, provincial et local soient utilisés entièrement et utilement.

Collecte de données

11. Compte tenu de son observation générale n o  5 (2003) sur les mesures d’application générales de la Convention, le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer les capacités de l’Institut national de la statistique et du recensement ;

b) D’accroître les moyens dont cet organisme est doté pour qu’il puisse recueillir des données ventilées sur les enfants, en particulier les enfants ayant besoin d’une protection spéciale, dans tous les domaines visés par la Convention et aux différents niveaux territoriaux ;

c) De faire en sorte que les ministères compétents partagent les données et les indicateurs et les utilisent pour formuler, suivre et évaluer les politiques, les programmes et les projets tendant à la mise en œuvre effective de la Convention ;

d) De prendre des mesures pour assurer pleinement la mise en œuvre du système intégré d’information sur les politiques publiques relatives aux enfants, aux adolescents et aux familles ;

e) De solliciter une coopération technique auprès du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).

Mécanisme de suivi indépendant

12. Le Comité accueille avec satisfaction la nomination d’un défenseur dans cinq provinces, et recommande à l’État partie de faire le nécessaire pour que la Commission bicamérale accélère la nomination d’un défenseur national des enfants en le dotant de ressources humaines, techniques et financières suffisantes. Il recommande également de faire en sorte qu’une fois nommé, le défenseur :

a) Soit habilité à recevoir des plaintes émanant d’enfants, à enquêter sur ces plaintes et à les traiter d’une manière qui soit adaptée aux enfants ;

b) Garantisse le respect de la vie privée des victimes mineures et mène des activités de contrôle, de suivi et de vérification dans l’intérêt des victimes ;

c) Sollicite une coopération technique auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) et de l’UNICEF, entre autres organismes.

Droits de l’enfant et entreprises

13. Constatant de nouveau avec préoccupation qu’il n’existe aucunes directives ni réglementation précises applicables aux entreprises, tant nationales qu’internationales, visant la protection et le respect des droits des enfants, et compte tenu de son observation générale n o  16 (2013) sur les obligations des États concernant les incidences du secteur des entreprises sur les droits de l’enfant, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’instituer un cadre juridiquement contraignant applicable aux entreprises nationales et étrangères, faisant en sorte qu’elles rendent des comptes et que leurs activités n’aient pas d’incidences négatives sur les droits de l’homme et n’enfreignent pas les normes environnementales et les autres normes, en particulier celles qui se rapportent aux droits des enfants, y compris les opérations à l’étranger ;

b) D’exiger de toutes les entreprises qu’elles fassent preuve de diligence pour veiller au respect des droits de l’enfant et en particulier qu’elles procèdent à des évaluations périodiques des effets de leurs activités sur les droits de l’enfant, mènent des consultations, rendent publiques les données relatives aux effets de leurs activités sur l’environnement, la santé et les droits de l’homme, et fassent connaître les mesures qu’elles prévoient de prendre pour réduire ces effets.

B.Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12)

Non-discrimination

14. Le Comité prend note de l’adoption d’une législation antidiscrimination et de l’élaboration d’un plan national de lutte contre la discrimination. Toutefois, il demeure profondément préoccupé par les informations faisant état de la persistance de la discrimination de fait, de l’exclusion sociale et des violences physiques, sexuelles et psychologiques à l’égard des enfants fondées sur le handicap, l’appartenance à un peuple autochtone et la situation socioéconomique. À ce propos, le Comité renouvelle les recommandations qu’il avait déjà fo rmulées (CRC/C/ARG/CO/3-4, par.  33) et prie instamment l’État partie :

a) De veiller à ce que les lois en vigueur qui interdisent la discrimination soient appliquées intégralement, notamment en intensifiant les campagnes de sensibilisation visant à combattre les attitudes sociales négatives envers les enfants autochtones, les enfants handicapés, les enfants de communautés minoritaires, les enfants issus de l’immigration et les enfants homosexuels, bisexuels, transgenres et intersexués ;

b) De veiller à ce que les enfants vivant dans les zones rurales et les communautés autochtones ne subissent aucune discrimination dans l ’ accès à une éducation de qualité, ainsi qu’à des soins de santé et à un logement adéquats ;

c) De créer, au sein de l’Institut national contre la discrimination, la xénophobie et le racisme, une unité chargée de traiter les cas de discrimination envers des enfants ;

d) De veiller à ce que tous les cas de discrimination envers des enfants soient traités avec diligence, notamment par la diffusion d’une information accessible sur ce qui constitue la discrimination, d’établir des sanctions disciplinaires, administratives ou, si nécessaire, des sanctions pénales et de garantir l’accès des enfants aux conseils psychosociaux et juridiques en cas de discrimination.

Droit à la vie, à la survie et au développement

15.Le Comité prend note de la baisse générale de la mortalité infantile, mais il est gravement préoccupé par le fait que le taux de mortalité infantile reste élevé dans certaines provinces en raison de l’absence de soins de santé adéquats, notamment de soins prénatals pour les femmes enceintes non assurées, de la pauvreté et d’une alimentation insuffisante. Il est également préoccupé par l’augmentation du nombre de cas de suicide et d’automutilation, en particulier chez les enfants en détention.

16. Le Comité demande instamment à l’État partie :

a) De redoubler d’efforts pour éliminer les causes profondes de la mortalité infantile, en particulier dans les familles les plus vulnérables, notamment celles qui vivent dans les communautés autochtones et dans des zones reculées ;

b) De procéder à une évaluation complète de l’ampleur du suicide et de ses causes en vue d’adopter une politique de prévention ;

c) De prendre des mesures efficaces pour remédier aux effets que l’environnement carcéral a sur la santé mentale des enfants et pour prévenir les suicides d’enfants placés en détention.

Droit d’être entendu

17. Le Comité renouvelle ses précédentes recommandations (voir CRC/C/ARG/CO/3 -4, par.  37) et, compte tenu de son observation générale n o  12 (2009) sur le droit de l’enfant d’être entendu, engage l’État partie à veiller à ce que l’opinion de l’enfant soit dûment prise en considération dans la famille, à l’école, devant les tribunaux et dans toute procédure administrative ou autre l’intéressant, par exemple en adoptant des lois appropriées, en formant des professionnels, notamment en faisant une plus grande place aux avocats qui représentent des enfants afin de garantir pleinement leur droit d’être entendus dans toute procédure judiciaire, en mettant en place des activités d’apprentissage spécifiques à l’école et des mesures de sensibilisation générale.

C.Libertés et droits civils (art. 7, 8 et 13 à 17)

Enregistrement des naissances

18. Le Comité salue les efforts déployés pour assurer l’enregistrement des naissances mais il demeure préoccupé par le fait que l’enregistrement des naissances n’est pas homogène dans toutes les provinces et qu’un certain nombre de naissances ne sont pas enregistrées dans certains groupes, en particulier chez les mères célibataires adolescentes. Prenant note de la cible 16.9 des objectifs de développement durable, qui est de garantir à tous une identité juridique, notamment grâce à l’enregistrement des naissances, et rappelant ses recommandations préc édentes (CRC/C/ARG/CO/3-4, par.  41), le Comité recommande à l’État partie de renforcer les mesures visant à assurer l’enregistrement gratuit et rapide de toutes les naissances dans tout le pays, d’accroître les ressources allouées aux bureaux de l’état civil et d’améliorer la coordination avec les services de santé. Il lui recommande également de redoubler d’efforts pour garantir l’accès aux bureaux d’état civil ou aux bureaux itinérants, en particulier pour les personnes vivant dans les zones rurales et reculées et pour les communautés autochtones.

Accès à une information appropriée

19. Compte tenu de son observation générale n o  20 (2016) sur la mise en œuvre des droits de l’enfant pendant l’adolescence, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’accélérer l’adoption de la nouvelle loi relative à la communication audiovisuelle intégrant les principes relatifs aux droits de l’enfant, comme il a été recommandé au cours du dialogue, et veille à sa mise en œuvre sans réserve ;

b) De prendre des dispositions pour améliorer l’accès des enfants à une information appropriée, y compris en ligne, en particulier dans le cas des enfants vivant dans des zones reculées et rurales et des enfants autochtones et migrants, qui soit adaptée à leur âge, à leur maturité et au contexte culturel ;

c) De prendre des mesures visant à protéger les enfants contre les informations et produits nuisibles, les risques encourus en ligne ainsi que les représentations négatives et la discrimination dans les médias ;

d) De dispenser aux acteurs sociaux et aux journalistes une formation sur les droits de l’enfant ;

e) D’élargir la couverture d’Internet et donner aux enfants vivant dans les zones rurales l’accès au réseau.

D.Violence à l’égard des enfants (art. 19, 24 (par. 3), 28 (par. 2), 34, 37 a) et 39)

Châtiments corporels

20. L’État partie accueille avec satisfaction l’interdiction des châtiments corporels dans tous les contextes. Renvoyant à son observation générale n o 8 (2006) sur le droit de l’enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments, le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que le respect de l’interdiction des châtiments corporels soit dûment contrôlé et assuré dans tous les contextes. Il recommande également de promouvoir des formes positives, non violentes et participatives d’éducation et de discipline par des campagnes de sensibilisation, et de garantir que les délinquants soient déférés devant les autorités administratives et judiciaires compétentes.

Torture et violence institutionnelle

21.Le Comité accueille avec satisfaction la création, en 2017, d’un mécanisme national de prévention de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, mais il continue d’être profondément préoccupé par :

a)Les conditions de vie inacceptables, les mauvais traitements et les violences dont sont victimes les enfants placés dans des institutions de protection de remplacement, qui touchent particulièrement les filles et les enfants handicapés ;

b)La surpopulation et les mauvaises conditions de vie dans les centres de détention et les prisons pour mineurs, lesquelles peuvent être assimilées à de la torture et à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

c)Les informations dénonçant les cas de violences commises par les forces de sécurité fédérales et provinciales pendant la garde à vue, souvent dans des affaires concernant des enfants et des adolescents marginalisés, et l’emploi disproportionné de la force contre des enfants et des adolescents par les forces de sécurité, y compris dans les écoles, de même que par la justification de ces mesures ;

d)Le taux d’impunité élevé et le faible nombre de poursuites et de condamnations prononcées contre les auteurs de violences à l’égard d’enfants placés dans des institutions d’accueil et des centres de détention publics ;

e)L’insuffisance des renseignements sur les recours et les réparations offerts aux enfants placés sous la protection de l’État qui sont victimes de violence, de maltraitance et de négligence.

22. Renvoyant à son observation générale n o  13 (2011) sur le droit de l’enfant d’être protégé contre toutes les formes de violence, et prenant note de la cible 16.2 des objectifs de développement durable, qui consiste à mettre un terme à la maltraitance, à l’exploitation et à la traite, et à toutes les formes de violence et de torture dont sont victimes les enfants, le Comité engage instamment l’État partie à :

a) Adopter une stratégie globale pour mettre fin à toute maltraitance d’enfants placés en établissements d’accueil , suivre systématiquement la situation des enfants placés en institutions et faire ouvrir en priorité des enquêtes sur tous les cas de violence, de façon à identifier les membres du personnel responsables d’actes de violence et de maltraitance et à les renvoyer immédiatement ;

b) Adopter rapidement une stratégie globale de réduction de la surpopulation dans les centres de détention pour mineurs et améliorer les conditions de vie des enfants privés de liberté ;

c) Prendre des mesures pour faire cesser l’emploi disproportionné de la force contre des enfants par les forces de sécurité et prendre d’urgence des mesures pour mettre fin aux interventions policières en milieu scolaire ;

d) Conduire des enquêtes approfondies et impartiales sur toutes les plaintes dénonçant des cas de torture, de violence, de harcèleme nt et de mauvais traitements, y  compris par la police, et veiller à ce que les auteurs soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines à la mesu re de la gravité de leurs actes ;

e) Mettre en place un système de gestion de l’information permettant de connaître le nombre de cas de torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants infligés à des enfants dans tous les contextes, ainsi que le nombre d’actions en justice engagées contre les auteurs et les peines prononcées ;

f) Établir une procédure de plainte pour tous les enfants placés dans une institution d’accueil et un centre de détention, et d’offrir des voies de recours appropriées.

Maltraitance et négligence

23. À la lumière de son observation générale n o  13 (2011) sur le droit de l’enfant d’être protégé contre toutes les formes de violence, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’accélérer l’adoption d’une législation garantissant la protection complète des enfants contre la violence, et d’en assurer l’application à tous les niveaux ;

b) De procéder à une évaluation générale de l’ampleur, des causes profondes, des facteurs de risque et de la nature des violences, de la maltraitance et de la négligence dont les enfants sont victimes en vue d’élaborer une stratégie nationale globale visant à prévenir et combattre ces pratiques ;

c) De mettre en place un cadre national de coordination entre les services administratifs et les institutions au niveau national et au niveau provincial afin de prendre les mesures voulues en cas de violences, de maltraitance ou de négligence à l’égard d’enfants, en accordant une attention particulière aux aspects liés au genre ;

d) De promouvoir des programmes communautaires visant à prévenir et à combattre la violence intrafamiliale, la maltraitance et la négligence envers des enfants.

Exploitation sexuelle et violences sexuelles

24.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de différentes mesures d’ordre juridique et de politiques générales visant à lutter contre les violences sexuelles et l’exploitation sexuelle des enfants, notamment la création d’une unité d’enquête spécialisée dans les atteintes à l’intégrité sexuelle des filles et des garçons. Toutefois, il demeure préoccupé par le grand nombre de violences sexuelles commises sur des enfants, en particulier dans la famille, et se déclare particulièrement préoccupé par les chiffres cités par l’État partie, qui indiquent que 35 % des victimes de sexe féminin souffrant d’un handicap ont subi une forme ou une autre d’atteintes sexuelles, et que dans environ 50 % des cas où des femmes handicapées avaient été victimes d’infractions à l’intégrité sexuelle les actes avaient été commis avec emploi de la force (voir CRC/C/ARG/Q/5-6/Add.1, par. 129).

25. Le Comité appelle l’attention sur la cible 16.2 des objectifs de développement durable, qui est de mettre un terme à la maltraitance, à l’exploitation, à la traite et à toutes les formes de violence et de torture dont sont victimes les enfants et recommande à l’État partie :

a) D’établir des dispositifs permettant de déceler de façon précoce et de dénoncer les violences et les atteintes sexuelles commises par les parents, les membres de la famille ou toute personne qui s’occupe de l’enfant, en collaboration étroite avec les organisations dirigées par des enfants et les autres organisations de défense des droits de l’enfant ;

b) D’intensifier les activités de sensibilisation pour lutter contre la stigmatisation des enfants victimes d’exploitation sexuel le et de violences sexuelles, y  compris d’inceste, et de mettre en place des dispositifs de signalement et des procédures judiciaires accessibles, confidentiels, adaptés aux enfants et efficaces pour ce type de violations ;

c) D’accroître les compétences des professionnels et la coordination intersectorielle pour traiter des cas de violence à l’égard d’enfants, et d’accélérer l’élaboration de protocoles de prise en charge aux niveaux national et provincial ;

d) D’élaborer des directives et des stratégies devant guider les poursuites pénales engagées dans les cas d’exploitation sexuelle et de violences sexuelles, qui tiennent compte des besoins spécifiques des femmes et des enfants, et d’accroître les moyens dont dispose l’unité d’enquête spécialisée dans les infractions d’atteinte à l’intégrité sexuelle des enfants, en particulier des filles, pour traiter ce type d’affaire ;

e) D’enquêter avec diligence sur les cas d’exploitation et de violences sexuelles visant des enfants, de poursuivre les auteurs et, s’ils sont reconnus coupables, de veiller à ce que des peines appropriées soient prononcées .

Pratiques préjudiciables

26. Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre un protocole de santé pour les enfants intersexués qui soit fondé sur les droits et garantisse qu’aucun enfant ne subisse une intervention chirurgicale ou un traitement non nécessaire et que les enfants participent, dans toute la mesure possible, aux décisions concernant le traitement et les soins qu’ils reçoivent. Les familles d’enfants intersexués devraient bénéficier de services de conseil et d’accompagnement adéquats.

E.Milieu familial et protection de remplacement (art. 5, 9 à 11, 18 (par. 1 et 2), 20, 21, 25 et 27 (par. 4))

Enfants privés de milieu familial

27.Le Comité considère comme une avancée l’adoption de la loi no 27364 de 2017, qui vise à aider les adolescents et les jeunes privés de protection parentale à mener une vie indépendante, mais il demeure profondément préoccupé par :

a)Le grand nombre d’enfants placés en institution et le fait que, dans la pratique, ce type de placement soit la principale modalité de protection de remplacement ;

b)Le manque de ressources, l’inadéquation des installations et la surpopulation dans certains centres d’accueil ;

c)Les cas de mauvais traitements et de traitements dégradants infligés aux enfants dans les centres d’accueil, notamment les allégations de mise à l’isolement, d’erreur de diagnostic médical et de traitement médical inadapté, ainsi que l’absence de systèmes de surveillance et de communication d’informations axés sur les besoins de l’enfant et de dispositifs de plainte à la disposition des enfants ;

d)L’insuffisance du soutien apporté aux enfants dans le passage de l’enfance à l’âge adulte.

28. Rappelant les lignes directrices relatives à la protection de remplacement pour les enfants et ses recommandations précédent es (voir CRC/C/ARG/CO/3-4, par.  53), le Comité recommande à l’État partie d’accroître les ressources consacrées aux actions visant à éviter la séparation des enfants d’avec leur famille et de veiller à fournir un appui et une aide suffisants, notamment sous forme de subventions et d’appui professionnel, tout particulièrement aux familles défavorisées ou marginalisées. En outre, il recommande à l’État partie :

a) D’accélérer le processus de désinstitutionnalisation en veillant à ce que le placement en établissement soit une mesure de dernier recours et à ce que tous les centres d’accueil respectent à tout le moins les normes minimales de qualité ;

b) De définir des critères précis pour décider du placement de l’enfant dans une structure offrant une protection de remplacement et de faire en sorte que la décision de retirer un enfant de sa famille soit toujours prise ou examinée par un juge, et seulement après une évaluation approfondie de l’intérêt supérieur de l’enfant dans chaque cas particulier ;

c) D’intensifier les efforts pour promouvoir le placement familial et de renforcer et d’améliorer les compétences des parents et des familles d’accueil, ainsi que celles des personnes spécialisées dans la prise en charge des enfants ;

d) De garantir des conditions humaines et dignes dans les autres centres comme ceux qui accueillent des enfants présentant des troubles du comportement ou en situation sociale difficile, et d’enquêter de manière approfondie sur toute allégation de violences ou de mauvais traitements commis dans ces centres ;

e) De surveiller en permanence la qualité de la protection de remplacement offerte aux enfants, notamment en établissant des dispositifs accessibles pour signaler et suivre tout cas de mauvais traitement et en prenant des mesures pour y remédier, et de faire en sorte que des dispositifs de plainte soient accessibles aux enfants placés dans des institutions ou des familles d’accueil ;

f) D’assurer la mise en œuvre sans réserve de la loi n o 27364 et des programmes qu’elle prévoit pour accompagner les enfants placés dans leur passage à l’âge adulte.

F.Handicap, santé de base et bien-être (art. 6, 18 (par. 3), 23, 24, 26, 27 (par. 1 à 3) et 33)

Enfants handicapés

29. Notant avec satisfaction de la création de l’Agence nationale pour les personnes handicapées en vertu du décret n o  698/2017, le Comité renvoie à son observation générale n o  9 (2006) sur les droits des enfants handicapés et engage instamment l’État partie à appliquer pleinement une approche du handicap fondée sur les droits fondamentaux ; il lui recommande :

a) D’introduire des dispositions relatives au handicap dans la loi n o 26061 et dans le système de protection globale des droits de l’enfant ;

b) D’achever rapidement le deuxième plan national pour l’accessibilité et de garantir son application en ce qui concerne l’inclusion des enfants handicapés ;

c) De garantir aux enfants handicapés l’égalité d’accès à une éducation inclusive de qualité dans les écoles ordinaires et de veiller à ce que l’éducation inclusive soit préférée au placement en institution ou en classe spécialisée ;

d) De créer des dispositifs appropriés permettant de contester les décisions de placement dans un établissement d’enseignement ;

e) D’organiser la collecte de données sur les enfants handicapés, d’accroître les ressources dont disposent les écoles ordinaires pour leur permettre de s’adapter à la diversité des élèves, et mettre au point un système efficace pour déterminer les besoins d’assistance de chaque enfant ;

f) De prendre des mesures de grande ampleur pour s’attaquer aux différences entre les provinces dans le contexte de la transition vers un système d’éducation inclusif ;

g) D’offrir une formation continue de qualité à tout le personnel enseignant dans les classes ordinaires et de veiller à ce que les enfants ayant des difficultés d’apprentissage bénéficient d’un accompagnement individuel suffisant et de toute l’attention nécessaire ;

h) De faire en sorte que les enfants handicapés aient accès aux soins de santé, y compris aux programmes de dépistage et d’intervention précoce ;

i) De mener des campagnes de sensibilisation à l’intention des agents de l’État, de la population et des familles pour combattre la stigmatisation et les préjugés dont sont victimes les enfants handicapés, et de donner une image positive de ces enfants en tant que titulaires de droits ;

j) De redoubler d’efforts pour faire disparaître la discrimination à l’égard des enfants handicapés et de veiller à ce que ces derniers soient couverts par les régimes d’assurance maladie et bénéficient des services et prestations auxquels ils ont droit, notamment en matière de pension et de logement.

Santé et services de santé

30. Compte tenu de son observation générale n o 15 (2013) sur le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de ses précédentes recommandatio ns (voir CRC/C/ARG/CO/3-4, par.  59), le Comité recommande à l’État partie :

a) De procéder à une révision complète du système national de soins de santé, l’objectif étant de supprimer les disparités dans les services de santé, en particulier les services de santé maternelle et infantile, et d’élaborer des normes nationales de qualité des soins afin d’uniformiser les pratiques cliniques suivies dans toutes les provinces ;

b) De prendre d’urgence des mesures pour faire baisser les taux de mortalité maternelle et néonatale, qui restent élevés ;

c) De veiller à ce que les enfants de toutes les provinces, en particulier ceux qui appartiennent à des groupes socialement et économiquement défavorisés, comme les enfants autochtones, aient accès, dans des conditions d’égalité, à des soins de santé primaires et spécialisés de qualité ;

d) D’augmenter le nombre de pédiatres et de faire en sorte que tous les médecins spécialistes qui s’occupent des enfants acquièrent des compétences et une expérience spécialisées supplémentaires et reçoivent une formation complémentaire sur les soins aux enfants et aux adolescents.

Santé mentale

31. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire le nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la loi sur la santé mentale ( n o 26657) dans toutes les provinces ;

b) De promouvoir l’élaboration d’une politique de santé mentale pour les enfants et de faire en sorte qu’il y ait dans toutes les provinces du personnel qualifié, notamment des pédopsychiatres ;

c) De mettre en place des services et des programmes de santé mentale à l’intention des enfants, d’assurer des services ambulatoires de soins psychosociaux et de réadaptation dans les zones rurales et urbaines, en mettant particulièrement l’accent sur la prévention du suicide ;

d) D’établir un protocole pour le diagnostic et le traitement du trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité et d’autres troubles du comportement chez les enfants, d’encourager l’utilisation de méthodes de traitement sans médicaments et de veiller à ce que les psychotropes et les psychostimulants ne soient prescrits qu’en dernier recours.

Santé des adolescents

32. Compte ten u de son observation générale n o 20 (2016) sur la mise en œuvre des droits de l’enfant pendant l’adolescence et de son observation générale n o 4 (2003) sur la santé et le développement de l’adolescent dans le contexte de la Convention relative aux droits de l’enfant, et constatant avec inquiétude les obstacles que les adolescents rencontrent toujours pour obtenir des services et une information en matière de santé sexuelle et procréative, le grand nombre de grossesses d’adolescentes et les risques élevés de mortalité maternelle chez les mères adolescentes, ainsi que l’accès insuffisant aux méthodes modernes de contraception et de planification de la famille, le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que l’éducation à la santé sexuelle et procréative soit inscrite au programme de l’enseignement obligatoire et soit élaborée avec la participation des adolescents, filles et garçons , une attention particulière devant être accordée à la prévention des grossesses précoces et des infections sexuellement transmissibles ;

b) De garantir l’accès des adolescentes à des services d’avortement médicalisé et de soins après un avortement, en veillant à ce que l’avis des intéressées soit toujours sollicité et qu’il en soit tenu compte quand il s’agit de prendre la décision ;

c) De veiller à ce qu’une information sur les méthodes de planification familiale et sur les méthodes de contraception modernes soit donnée aux adolescents par des moyens accessibles, assurant la confidentialité, et dans les langues autochtones.

Nutrition

33. Le Comité demeure préoccupé par la persistance d’informations sur la malnutrition qui touche les enfants dans les provinces du nord-ouest, et recommande à l’État partie :

a) De prendre d’urgence des mesures pour s’occuper des cas de malnutrition dans les provinces concernées et de recueillir systématiquement des données sur la sécurité alimentaire et la nutrition des enfants, notamment des chiffres sur l’allaitement, sur la surcharge pondérale et l’obésité, afin de déterminer les causes profondes de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition des enfants ;

b) De suivre et d’évaluer régulièrement l’efficacité des politiques et programmes relatifs à la sécurité alimentaire et à l a nutrition chez les enfants, y  compris ceux qui portent sur les repas scolaires et ceux qui concernent les nourrissons et les jeunes enfants ;

c) De veiller à ce que toutes les dispositions du Code international de commercialisation des substituts du lait maternel soient intégrées dans les lois nationales de façon à réglementer comme il convient la promotion des substituts du lait maternel et d’encourager encore davantage l’allaitement exclusif pendant au moins six mois.

Hygiène du milieu

34. Le Comité est préoccupé par les effets nocifs démontrés que les activités minières à ciel ouvert et l’utilisation de produits agrochimiques , en particulier par des tiers tels que les sociétés privées et transnationales, ont sur l’environnement et la santé des enfants vivant dans les zones d’exploitation minière et de production de soja. Il recommande à l’État partie de renforcer l’application des mesures législatives et autres visant à protéger la santé physique et mentale des enfants, en particulier des enfants autochtones, des atteintes à l’environnement commises par des tiers, et de veiller à ce que les incidences des activités minières et agrochimiques sur les déterminants fondamentaux de la santé, comme la nourriture, l’eau potable et les installations sanitaires, soient réduites au minimum, à ce que les entités responsables aient à répondre de leurs actes et à ce que les victimes aient accès à des recours utiles.

Niveau de vie

35.Le Comité est gravement préoccupé par les taux élevés de pauvreté multidimensionnelle et de pauvreté des enfants, tandis que les systèmes de protection sociale pour les enfants sont limités, en particulier durant la petite enfance et pour les enfants autochtones, les enfants handicapés et les enfants vivant dans les zones reculées. Il est également préoccupé par le fait que la crise financière a eu des effets négatifs sur les systèmes de protection sociale de l’État partie, ce qui a entraîné une couverture insuffisante et des retards dans le versement des allocations accordées aux enfants et à leurs familles, en particulier à l’échelon des provinces. Il est préoccupé en outre par la situation des enfants qui vivent dans de mauvaises conditions de logement, avec un accès insuffisant aux services de base comme l’eau potable et l’assainissement, en particulier les enfants autochtones et les enfants issus de l’immigration.

36. Le Comité appelle l’attention sur la cible 1.3 des objectifs de développement durable, qui est de mettre en place des systèmes et mesures de protection sociale pour tous adaptés au contexte national, et recommande à l’État partie de renforcer les politiques assurant une protection sociale complète pour les enfants et leur famille, qui fassent une place spéciale aux enfants et aux familles en situation de risque, qui ont le plus besoin d’aide. Il recommande aussi à l’État partie :

a) De renforcer le soutien apporté aux enfants vivant sous le seuil de pauvreté, en particulier en aidant les familles monoparentales, les familles de trois enfants ou plus, les familles ayant un enfant handicapé et les familles des enfants autochtones, et de veiller à ce que les mesures de protection sociale couvrent le coût réel d’un niveau de vie décent pour les enfants, notamment les dépenses nécessaires à la réalisation du droit à la santé, à une alimentation nutritive, à l’éducation, à un logement adéquat, et à l’eau et à l’assainissement ;

b) De simplifier les procédures afin que les familles avec des enfants en situation de vulnérabilité puissent avoir rapidement et facilement accès à diverses formes de protection sociale, notamment à une aide financière, à des services et des conseils, en plus des avantages fiscaux existants ;

c) D’envisager d’organiser des consultations ciblées avec les familles, les enfants et les organisations qui travaillent dans le domaine des droits de l’enfant sur la question de la pauvreté des enfants afin d’en déterminer les causes et de rechercher des solutions ;

d) D’améliorer l’offre de logements et de services essentiels et de mettre en place un cadre juridique et des politiques permettant de garantir l’exercice du droit à l’eau potable et à l’assainissement ;

e) De ne pas oublier que, conformément au paragraphe 31 de l’observation générale n o 19 (2016) sur l’élaboration des budgets publics aux fins de la réalisation des droits de l’enfant, en période de crise économique, des mesures régressives ne peuvent être envisagées qu’après que toutes les autres possibilités ont été envisagées et qu’après s’être assuré que les enfants seront les derniers touchés, en particulier les enfants vulnérables, et que les obligations d’application immédiate et les obligations fondamentales minimales découlant des droits de l’enfant ne doivent pas être compromises par des mesures régressives, même en période de crise économique.

G.Éducation, loisirs et activités culturelles (art. 28 à 31)

Éducation, y compris la formation et l’orientation professionnelles

37. À la lumière de son observation générale n o 1 (2001) sur les buts de l’éducation et prenant note de la cible 4.1 des objectifs de développement durable, qui vise à garantir que toutes les filles et tous les garçons suivent, sur un pied d’égalité, un cycle complet d’enseignement primaire et secondaire gratuit et de qualité les dotant d’acquis véritablement utiles, le Comité engage l’État partie à promouvoir le dialogue national sur les caractéristiques fondamentales et structurelles du système éducatif et à préserver les ressources consacrées à l’éducation et à la formation des enfants dans toutes les provinces. Il recommande également à l’État partie :

a) De consacrer des ressources financières suffisantes au renforcement et à l’élargissement de l’enseignement préscolaire, sur la base d’une politique globale et complète de prise en charge et de développement de la petite enfance, et de renforcer les mesures visant à étendre l’accès aux places à l’école et aux services d’accompagnement dans toutes les provinces, en particulier pour les enfants âgés de 3 à 4  ans ;

b) De garantir l’accès de tous les enfants à un enseignement obligatoire de qualité, ce qui comprend la prise en charge des coûts indirects de la scolarité ;

c) De travailler activement à la mise en place de mesures de nature à garantir que les enfants autochtones et les enfants issus de l’immigration bénéficient d’un soutien adéquat leur permettant de rester scolarisés et de pouvoir bénéficier, dans des conditions d’égalité, d ’ un enseignement de qualité ;

d) De prendre des mesures pour lutter contre l’abandon scolaire, dont le taux est élevé en particulier dans l’enseignement secondaire, en tenant compte de l’existence des obstacles à l’accès à l’éducation qui tiennent aux inégalités socioéconomiques ;

e) D’élaborer une stratégie de lutte contre les toutes les formes de harcèlement, notamment le cyberharcèlement, prévoyant des mesures de prévention, des dispositifs de détection précoce, l’autonomisation des enfants et des professionnels, des protocoles d’intervention et des directives harmonisées pour la collecte des données pertinentes ;

f) De solliciter l’assistance technique de l’UNICEF.

H.Mesures de protection spéciales (art. 22, 30, 32, 33, 35, 36, 37 b) à d) et 38 à 40)

Enfants réfugiés ou demandeurs d’asile

38. Le Comité renvoie à ses observations générales n o  22 (2017) sur les principes généraux relatifs aux droits de l’homme des enfants dans le contexte des migrations internationales et n o 23 (2017) sur les obligations des États en matière de droits de l’homme des enfants dans le contexte des migrations internationales dans les pays d’origine, de transit, de destination et de retour, publiées conjointement avec le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, ainsi qu’à son observation générale n o  6 (2005) sur le traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine, et rappelle ses recommandations précédentes (voir CRC/C/ARG/CO/3-4, par. 72), et il recommande à l’État partie :

a) De prendre tous les décrets et d’arrêter toutes les procédures administratives nécessaires pour assurer l’application effective de la loi n o  26165 sur les réfugiés, conformément au droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale dans toutes les décisions concernant le transfert des enfants demandeurs d’asile ou réfugiés d’Argentine ;

b) De garantir aux enfants non accompagnés une protection juridique effective sur l’ensemble de son territoire, et de garantir également le respect du principe de non-refoulement ; de veiller à ce que l’intérêt supérieur de l’enfant soit une considération primordiale et de fournir aux professionnels concernés une formation professionnelle et des directives complémentaires pour leur permettre de déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant ;

c) D’élaborer et de mettre en œuvre une politique ou une stratégie nationale qui garantisse une assistance adéquate aux demandeurs d’asile et prévoie notamment l’accès aux services sociaux, une réelle intégration locale et des mesures permettant aux parents et aux personnes qui s’occupent des enfants réfugiés d’obtenir un travail et d’avoir des possibilités de création de revenus ;

d) De créer des centres d’accueil pour enfants adaptés à leurs besoins, avec des mécanismes de plainte accessibles et efficaces, et de mener des enquêtes approfondies sur tous les cas de violations des droits de l’enfant.

Enfants dans les situations de migration

39. Le Comité constate avec préoccupation que le décret de nécessité et d’urgence n o  70/2017 est toujours appliqué alors qu’il est jugé inconstitutionnel, et s’inquiète des effets négatifs que ce texte peut avoir sur l’unité familiale et l’intérêt supérieur des enfants migrants. Il demande instamment à l’État partie d’abroger le décret n o  70/2017 de façon que soit respecté, dans les cas de migration, le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit considéré comme une considération primordiale et que l’unité familiale soit préservée.

Exploitation économique, y compris travail des enfants

40. Le Comité se félicite de l’adoption de la loi n o  26390 sur l’interdiction du travail des enfants et la protection du travail des adolescent s, et de la ratification de la c onvention ( n o 182) de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants, 1999, et il recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour éliminer dans la pratique le travail des enfants en établissant, aux niveaux local et régional, des programmes multisectoriels de lutte contre le travail des enfants.

Enfants des rues

41. Le Comité regrette d’avoir reçu peu d’informations sur les enfants des rues. Il recommande à l’État partie de prendre des mesures pour surveiller la situation de ces enfants, compte tenu en particulier du contexte économique actuel, et d’élaborer des politiques visant à protéger et accompagner les enfants vivant dans la rue et, si nécessaire, leur famille.

Vente, traite et enlèvement d’enfants

42. Le Comité salue les efforts considérables faits par l’État partie pour lutter contre la traite, notamment l’adoption de la loi n o 26842 sur la prévention et la répression de la traite des personnes et l’assistance aux victimes, et il lui recommande :

a) De renforcer la mise en œuvre du programme national de secours et d’assistance aux victimes de la traite, en veillant à ce qu’elles bénéficient d’un hébergement adéquat dans toutes les provinces ;

b) D’accroître la formation des policiers, des gardes frontière , des fonctionnaires des services consulaires, des inspecteurs du travail et des travailleurs sociaux, entre autres personnels, afin qu’ils puissent repérer les enfants victimes de la traite ;

c) De promouvoir des mesures visant à accroître la collaboration entre les provinces et d’augmenter les ressources afin d’assurer aux enfants victimes une aide juridictionnelle gratuite et l’appui de psychologues pour enfants et de travailleurs sociaux dans les foyers chargés de répondre aux besoins des enfants victimes ;

Administration de la justice pour mineurs

43.Le Comité est profondément préoccupé de constater que dans leur majorité ses recommandations précédentes concernant l’administration de la justice pour mineurs (voir CRC/C/ARG/CO/5-6, par. 80) n’ont pas été appliquées. Il est particulièrement préoccupé de relever ce qui suit :

a)Le système de justice pour mineurs continue d’être régi par la loi no 22278, alors que ce texte est incompatible avec la Convention ;

b)Le placement discrétionnaire d’enfants et d’adolescents en détention pour les « protéger » et non pas nécessairement parce qu’ils ont commis une infraction, est toujours pratiqué ;

c)La surpopulation, l’alimentation de mauvaise qualité, l’insuffisance de la literie et des installations sanitaires, ainsi que l’absence de possibilités de suivre des études et une formation font que les conditions de vie sont déplorables dans de nombreux centres de détention pour mineurs ;

d)Un grand nombre d’enfants continuent d’être placés dans des établissements pénitentiaires ou éducatifs pour mineurs qui sont isolés de la communauté, et ils ont peu de contacts avec leur famille ;

e)Même si l’État partie a respecté l’arrêt rendu en 2013 par la Cour interaméricaine des droits de l’homme lui demandant de ne pas condamner des enfants à la réclusion à perpétuité ou à des peines équivalentes, des tribunaux ont par la suite prononcé des peines allant de vingt à vingt-sept ans dans certaines provinces.

44. Compte tenu de ses précédentes recommandations et de son observation générale n o  10 (2007) sur les droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurs, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter une loi générale sur la justice pour mineurs qui soit conforme à la Convention et aux normes internationales relatives à la justice pour mineurs, en particulier qui permette de garantir que la détention soit une mesure de dernier recours, imposée pour une durée aussi brève que possible, texte qui ne doit pas comporter de dispositions aggravant les peines ou abaissant l’âge de la responsabilité pénale ;

b) De remédier d’urgence à la situation dans les centres de détention de toutes les provinces, et de faire en sorte qu’ils répondent aux normes internationales et qu’un système indépendant de surveillance soit en place ;

c) D’encourager l’application de mesures non judiciaires, par l’introduction de mesures comme la déjudiciarisation, la médiation et les conseils, et en recourant chaque fois que possible à des mesures de substitution à la peine telles que le sursis probatoire ou le travail d’intérêt général ;

d) Dans les cas où le placement en détention est inévitable, de faire en sorte que l ’ enfant soit séparé des adultes et qu’il puisse maintenir des contacts avec sa famille ou son tuteur ;

e) De respecter toutes les dispositions de l’arrêt de la Cour interaméricaine des droits de l’homme et de s’abstenir de condamner des enfants à des peines qui peuvent être équivalentes à la réclusion à perpétuité  ;

f) De garantir aux enfants en conflit avec la loi l’accès à une aide juridictionnelle assurée par des professionnels qualifiés et indépendants, dès le début et tout au long de la procédure ;

g) De solliciter la coopération technique du HCDH et de l’UNICEF, entre autres organismes.

Suite donnée aux précédentes observations finales et recommandations du Comité concernant le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants

45. Le Comité prend note des efforts faits par l’État partie pour donner suite aux recommandations qu’il a formulées au sujet du rapport soumis en application du Protocole facultatif à la Convention, concernant la vente d’enfant s , la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (voir CRC/C/OPSC/ ARG/CO/1), et il recommande à l’État partie :

a) De renforcer la coordination aux niveaux provincial et municipal et de mettre en place des dispositifs de contrôle permettant l’évaluation périodique de la mise en œuvre des recommandations relatives à l’application du Protocole facultatif ;

b) D’accroître les ressources allouées aux campagnes de sensibilisation et de mettre au point des supports de formation et des cours à l’intention des professionnels concernés, comme les policiers et les inspecteurs du travail ;

c) D’intensifier l’action menée pour prévenir et combattre l’exploitation sexuelle des enfants dans le contex te des voyages et du tourisme ;

d) De rendre le Code pénal entièrement conforme aux articles 2 et 3 du Protocole facultatif, et de mettre en place un système de protection juridique efficace contre la vente et la traite d’enfants, ainsi qu’un système d’adoption sûre qui respecte l’intérêt supérieur de l’enfant.

Suite donnée aux précédentes observations finales et recommandations du Comité au sujet du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés

46. Le Comité regrette l’insuffisance des informations données sur la suite donnée à ses recommandations concernant le rapport soumis en application du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (voir CRC/C/OPAC/ARG/CO/1). Il demande à l’État partie de faire figurer ces informations dans le prochain rapport qu’il présentera au titre de la Convention. Le Comité renouvelle les recommandations qu’il avait déjà formulées, en particulier celles tendant à ce que l’État partie fasse en sorte que les violations des dispositions du Protocole facultatif relatives à l’enrôlement et l’implication d’enfants dans des hostilités soient expressément incriminées par les lois en vigueur (vo ir CRC/C/OPAC/ARG/CO/1, par. 14  a)).

I.Coopération avec les organismes régionaux

47. Le Comité recommande à l’État partie de coopérer avec l’Organisation des États américains (OEA) à la mise en œuvre de la Convention et des autres instruments relatifs aux droits de l’homme, dans l’État partie et dans les autres États membres de cette organisation.

IV.Mise en œuvre et soumission de rapports

A.Suivi et diffusion

48. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que les recommandations figurant dans les présentes observations finales soient pleinement mises en œuvre. Il recommande également que le rapport périodique valant cinquième et sixième rapports périodiques, les réponses écrites de l’État partie et les présentes observations finales soient largement diffusés dans les langues du pays.

B.Prochain rapport

49. Le Comité invite l’État partie à soumettre son s eptième rapport périodique le 2  janvier 2023 au plus tard et à y faire figurer des renseignements sur la suite donnée aux présentes observations finales. Ce rapport devra être conforme aux directives spécifique s à l’instrument adoptées le 31  janvier 2014 (CRC/C/ 58/Rev.3) et ne pas dépasser 21  200 mots (voir la résolution 68/26 8 de l’Assemblée générale, par.  16). Si l’État partie soumet un rapport dont le nombre de mots excède la limite fixée, il sera invité à en réduire la longueur de manière à se conformer à la résolution susmentionnée. S’il n’est pas en mesure de remanier son rapport et de le soumettre à nouveau, la traduction du rapport aux fins d’examen par le Comité ne pourra pas être garantie.

50. Le Comité invite en outre l’État partie à soumettre un document de base actualisé qui ne dépasse pas 42  400 mots et soit conforme aux prescriptions applicables aux documents de base figurant dans les directives harmonisées concernant l’établissement des rapports à présenter en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque ins trument (HRI/GEN/2/Rev.6, chap.  I), et au paragraphe 16 de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale.