Nations Unies

CERD/C/CHL/22-23

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

14 septembre 2018

Français

Original : espagnol

Anglais, espagnol et français seulement

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Rapport valant vingt-deuxième et vingt-troisième rapports périodiques soumis par le Chili en application de l’article 9 de la Convention, attendu en 2016 * , **

[Date de réception : 13 mars 2018]

I.Introduction

1.Conformément à l’article 9 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et au paragraphe 28 des observations finales concernant le rapport valant dix-neuvième à vingt et unième rapports périodiques adressés par le Comité au Chili en août 2013 (CERD/C/CHL/CO/19-21), le Chili présente son rapport valant vingt-deuxième et vingt-troisième rapports périodiques, dans lequel il rend compte des progrès et enjeux en matière de discrimination raciale pour la période comprise entre 2012 et 2016, à la lumière des obligations internationales qui s’imposent à lui depuis la ratification de la Convention en octobre 1971.

2.L’élaboration du présent rapport a été coordonnée par le Ministère du développement social et le Ministère de la justice et des droits de l’homme par l’entremise du Sous-Secrétariat aux droits de l’homme, compte tenu de la compétence du Ministère du développement social eu égard aux groupes vulnérables présentant un intérêt pour le Comité, parmi lesquels les peuples autochtones, et de la compétence générale de promotion et de protection des droits de l’homme du Sous-Secrétariat.

3.En amont de la transmission du présent rapport, l’État a organisé une réunion avec des organisations de la société civile concernées par les domaines dont traite le rapport. La structure du rapport et les thèmes abordés y ont été présentés. Il a ainsi été possible d’établir un dialogue qui a permis, d’une part, à la société civile de prendre connaissance du rapport et, d’autre part, à l’État de prendre en compte certains aspects à approfondir dans le rapport. Ont été conviées à cette réunion plus de 150 organisations représentant les groupes concernés. Des organisations représentant les personnes migrantes et les personnes d’ascendance africaine y ont participé. La réunion s’est tenue le 25 janvier 2018 dans les locaux du Ministère du développement social. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) était également présent, comme cela avait déjà été le cas lors d’autres occasions récentes.

II.Méthodologie

4.Le présent rapport est structuré de façon à présenter les grands progrès accomplis au cours de la période d’examen, puis de rendre compte des progrès et enjeux spécifiques auxquels est confronté le Chili eu égard aux articles 1 à 7 de la Convention sur l’élimination de la discrimination raciale, étant entendu que les articles 8 et suivants de la Convention concernent des questions institutionnelles dont la nature même ne justifie pas que l’État fasse rapport de leur application. Chaque article fait l’objet d’une analyse distincte, précisant les progrès enregistrés, sur le plan de la législation comme des politiques publiques, des programmes et des plans qui ont eu une incidence sur l’exercice des droits de l’homme. Tout au long de l’analyse, l’État développe des points qui restent à approfondir : en effet, il conçoit cette instance non seulement comme un espace de dialogue dans lequel il rend compte de son respect des obligations conventionnelles, mais également comme un espace de construction aux côtés du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale. Si, sur le plan méthodologique, ce sont les faits marquants survenus entre 2012 et 2016 qui sont rapportés dans le présent document, certains des domaines dont traite le rapport sont illustrés par des faits pertinents survenus en 2017, afin que le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale puisse y donner suite.

5.Le Chili estime important de noter que certains thèmes peuvent relever de plusieurs articles (par exemple, l’accès à la justice peut être traité à la lumière de l’article 5.2 comme de l’article 6). L’État a choisi de faire rapport au regard de l’article qui semble naturellement le mieux adapté. En complément de ce qui précède, il sera fait référence à la thématique dans les articles connexes par un renvoi à la section dans laquelle elle est traitée de façon plus détaillée et approfondie.

6.Le Chili a décidé de ne pas faire rapport concernant l’article 3 de la Convention, les pratiques visées par cet article étant étrangères à la réalité nationale. L’article en question concerne principalement l’apartheid qui, malgré son caractère intrinsèque de violation des droits de l’homme, n’a pas connu de manifestation particulière au Chili. Si l’article fait également référence à la ségrégation raciale, cette thématique est toutefois abordée de façon transversale dans le rapport.

III.Progrès

A.Cadre institutionnel

7.Le Chili tient à souligner les progrès accomplis en matière de création et de consolidation d’un réseau d’institutions publiques de promotion et de protection des droits de l’homme, ce qui a des effets directs sur le respect des obligations internationales de l’État.

8.Pour ce qui est du cadre institutionnel gouvernemental, la loi no 20885 portant création du Sous-Secrétariat aux droits de l’homme, organe de promotion et de coordination des politiques publiques et de la législation relatives aux droits de l’homme rattaché au Ministère de la justice et des droits de l’homme, a été promulguée le 16 décembre 2015. Cette loi crée également un Comité interministériel des droits de l’homme, organe consultatif auprès du Président ou de la Présidente de la République dans la fixation des grandes lignes de la politique intersectorielle du gouvernement en matière de droits de l’homme. Le ou la Sous-Secrétaire aux droits de l’homme fait office de Secrétaire exécutif du Comité.

9.Compte tenu des recommandations du Comité concernant les droits des femmes autochtones, il convient également de souligner la création du Ministère de la femme et de l’égalité des sexes, et plus particulièrement sa compétence d’« organe directeur chargé de concevoir, de coordonner et d’évaluer les politiques, plans et programmes en faveur de l’équité et de l’égalité entre les sexes, par la promotion de l’égalité des droits et l’élimination de toute forme de discrimination arbitraire » à l’égard des femmes, y compris des femmes autochtones. Dans le cadre de ses attributions, le Ministère a pour mission d’intégrer de manière transversale l’égalité et l’équité entre les sexes dans les politiques publiques, par la prise en compte de la dimension culturelle et la reconnaissance de la diversité des femmes. Cette loi dispose en outre que le Ministère doit encourager l’adoption de mesures en faveur des femmes, qui reconnaissent et préservent le multiculturalisme et les identités ethniques.

10.À l’instar du rapport précédent qui notait la promulgation de la loi no 20405 portant création de l’Institut national des droits de l’homme, organisme autonome de droit public doté de la personnalité juridique et de fonds propres, il convient de souligner dans le présent rapport que l’État a consenti d’importants efforts budgétaires pour renforcer l’implantation de l’Institut dans l’ensemble du pays, facteur clef pour la promotion et la protection des droits de l’homme.

11.Comme indiqué dans les rapports annuels 2016 et 2017 de l’Institut national des droits de l’homme, l’Institution dispose déjà de 10 bureaux régionaux (Arica et Parinacota, Tarapacá, Antofagasta, Coquimbo, Valparaíso, Biobío, Araucanía, Los Ríos, Los Lagos et Punta Arenas), tandis que deux autres sont en cours d’installation (Maule et Atacama). Pour l’Institut, « ce développement dans les régions est l’un des principaux moyens de concrétiser la volonté de mettre en place une institution forte, consolidée, reconnue par la population et au service de l’ensemble des personnes vivant au Chili qui, d’une manière ou d’une autre, voient leurs droits bafoués ». Il est prévu que l’Institut national des droits de l’homme soit présent partout dans le pays d’ici à la fin de l’année 2018.

12.En mars 2014 a été promulgué le décret suprême no 21 portant création du Conseil national de l’enfance. Cette institution a pour mission de conseiller le Président ou la Présidente de la République dans l’identification et la formulation de politiques, plans, programmes, mesures et autres activités visant à garantir, promouvoir et protéger l’exercice des droits des enfants et adolescents à l’échelle nationale, régionale et locale, et de faire office d’instance de coordination entre les organismes dotés de compétences associées à ces sujets.

13.Étant donné que le Chili a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant en 1990, s’engageant ainsi à réaliser les objectifs visés par la Convention, le pouvoir exécutif a présenté plusieurs projets de loi visant à remédier à l’absence de réglementation générale relative aux droits de l’enfant. Il a donc présenté en 2015 au Congrès un projet de loi portant sur un système de garanties des droits de l’enfant. Le projet comporte 5 chapitres (questions préliminaires ; principes, droits et garanties ; système de protection administrative et judiciaire ; cadre institutionnel ; et politique nationale de l’enfance assortie de son plan d’action) regroupant 49 articles permanents et 3 articles transitoires. Le projet de loi est actuellement examiné en deuxième lecture par le Sénat. Fondé sur une politique nationale pour l’enfance exhaustive et intégrée qui vise à garantir le plein développement de tous les enfants et adolescents, le projet de loi entend intégrer dans la législation nationale un système de protection intégrale des droits de l’enfant reconnus par la Constitution chilienne, par les divers traités internationaux en vigueur ratifiés par le Chili, ainsi que par d’autres textes de loi. Le projet de loi intègre des règles relatives au principe de non-discrimination, y compris l’obligation pour l’État d’adopter des mesures concrètes en faveur des groupes d’enfants et d’adolescents victimes de discrimination, quelle qu’elle soit. En complément, il est prévu la création d’un Sous-Secrétariat à l’enfance rattaché au Ministère du développement social, chargé de coordonner la direction du nouveau système. Le projet de loi prévoit également l’instauration d’un(e) Défenseur(e) des enfants, chargé(e) de contribuer à la promotion, à la protection et à la défense des droits des enfants et adolescents.

14.Afin de mener à bien ces actions, le pouvoir exécutif a déposé deux autres projets de loi. Premièrement, il a présenté au Sénat un projet qui élargit les attributions du Ministère du développement social dans le domaine de l’enfance, par modification de la loi no 20530 régissant ce domaine, et crée le Sous-Secrétariat à l’enfance. Le projet comporte un article unique énonçant les modifications proposées à la loi no20530, ainsi que cinq articles transitoires. Après adoption par le Congrès, le texte a été renvoyé au pouvoir exécutif pour promulgation. Cette loi a pour objectif de créer un nouveau cadre institutionnel à même de s’insérer dans un système de protection et de garantie intégrale des droits des enfants et adolescents.

15.Deuxièmement, le pouvoir exécutif a présenté en mars 2016 un projet de loi portant création du Bureau du Défenseur des droits des enfants. Le projet est composé de trois chapitres (objet et attributions, organisation, personnel et fonds propres du Bureau) et de 24 articles (dont deux transitoires). La loi a été promulguée par la Présidente de la République le 22 janvier 2018. Le Bureau du Défenseur des droits des enfants aura pour mission d’assurer la diffusion, la promotion et la protection des droits des enfants, en veillant toujours à l’intérêt supérieur de l’enfant, conformément aux buts de la Convention relative aux droits de l’enfant. Il jouera un rôle essentiel dans la réalisation des objectifs du système de garanties susmentionné.

B.Politiques publiques

16.Le Chili a continué de faire progresser la protection et la promotion des droits de l’homme au moyen de différentes politiques publiques, dont le plan national pour les droits de l’homme, créé par la loi no 20885. Cet instrument va permettre d’arrêter, pour la première fois, une politique nationale des droits de l’homme. La loi dispose que le plan doit comporter a minima certains contenus et qu’il convient notamment d’envisager l’élaboration de politiques de « promotion du principe de non-discrimination arbitraire, conformément au droit national et international en vigueur ».

17.Dans le cadre de l’élaboration de ce plan quadriennal, les recommandations les plus récentes adressées au Chili par les organes conventionnels et par d’autres États dans le cadre de l’Examen périodique universel, ainsi que celles de l’Institut national des droits de l’homme, organe public mais indépendant, feront l’objet d’une systématisation d’une prise en compte. Le plan permet de structurer des actions, les ressources financières, l’attribution des responsabilités et les mécanismes de suivi et d’évaluation des résultats.

18.Le plan national des droits de l’homme a été présenté par la Présidente de la République le 22 décembre 2017. Il comprend 638 actions regroupées sous 16 thématiques ; chaque action répond à une recommandation adressée au Chili par des organes conventionnels et/ou par l’Institut national des droits de l’homme. Les questions des peuples autochtones et tribaux et des personnes migrantes et réfugiées sont celles qui relèvent le plus directement de la Convention sur l’élimination de la discrimination raciale. Prises ensemble, ces deux thématiques concernent 145 actions de l’État en faveur de la promotion et de la défense des droits de l’homme et de la réduction des inégalités qui touchent les personnes migrantes ou appartenant à des peuples autochtones ou tribaux. Les actions en question répondent à plus de 30 recommandations adressées au Chili par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale.

19.Le Chili a non seulement mis en place différentes politiques publiques en rapport avec les thèmes propres à la Convention sur l’élimination de la discrimination raciale, mais également poursuivi ses actions de renforcement du respect des droits de l’homme. Dans le domaine de l’enfance, le pouvoir exécutif a dévoilé en octobre 2016 une série de mesures de protection des enfants et des adolescents, dans le cadre d’un plan d’action pour la protection de l’enfance en danger. Parmi les actions envisagées, on peut citer : le renforcement des ressources du Service national des mineurs (SENAME) et l’augmentation des ressources publiques consacrées à l’amélioration des centres de prise en charge directe, des infrastructures, et des conditions de vie et de sécurité des centres. En 2017, le plan était doté d’un budget de 16,5 millions de pesos chiliens, en sus des ressources actuelles du Service national des mineurs.

20.En mars 2016 a été dévoilée la politique nationale pour l’enfance et l’adolescence 2015-2025, l’un des grands piliers du Système de garanties des droits de l’enfant. Cette politique a été élaborée grâce à un processus de participation des enfants et adolescents jusque-là inédit au Chili. Ce sont ainsi 815 266 élèves de 4 000 établissements scolaires situés dans 92 % des communes du pays qui ont participé.

21.La politique nationale pour l’enfance et l’adolescence est notamment axée sur l’interculturalité. Sur ce point, et « afin d’instaurer les conditions nécessaires pour bâtir une société plus ouverte et égalitaire, cette politique promeut l’interculturalité de manière transversale dans l’action de différents secteurs publics chargés de la protection des droits de l’enfant et de l’adolescent, en particulier dans la conception, la gestion, le suivi et l’évaluation des politiques publiques ». C’est dans ce cadre que le pouvoir exécutif a présenté au Congrès le projet de loi relatif au Système de garanties des droits de l’enfant, déjà évoqué dans le présent rapport.

22.S’agissant des entreprises et des droits de l’homme, le pouvoir exécutif a présenté en août 2017 le Plan d’action national relatif aux droits de l’homme et aux entreprises. Parmi les actions proposées, on retrouve l’élaboration d’un guide sur l’impact des projets sur les populations locales, qui devra intégrer les normes relatives aux droits de l’homme et aux entreprises ; la promotion par le Ministère de l’énergie de mécanismes de résolution des conflits entre les populations et les entreprises dans le cadre de la mise en place de projets énergétiques, et la conception et la mise en œuvre d’un mécanisme de réclamation permettant aux entreprises comme aux populations de faire part à l’autorité concernée de leurs inquiétudes quant au non-respect de tout accord existant entre les parties.

23.De même, et pour garantir une véritable cohérence institutionnelle, la loi no 20820 portant création du Ministère de la femme et de l’égalité des sexes a également modifié la loi no 19023 portant création du Service national de la femme et de l’égalité des sexes (SERNAMEG), en élargissant ses attributions, en lui confiant notamment l’application des politiques, plans et programmes présentant un intérêt culturel.

IV.Renseignements relatifs aux dispositions de fond de la Convention

A.Article premier : Discrimination raciale

24.Pour ce qui concerne cet article, le Chili tient à faire état d’initiatives juridiques ayant une incidence directe sur l’exercice de leurs droits par les groupes vulnérables présentant un intérêt particulier au regard de la Convention sur l’élimination de la discrimination raciale.

1.Loi no 20609 portant établissement de mesures antidiscriminatoires

25.Dans son précédent rapport, le Chili se félicitait de la promulgation de la loi no 20609 portant établissement de mesures discriminatoires. Plus de cinq ans après son entrée en vigueur, l’État doit évaluer si elle a permis d’atteindre les buts pour lesquels elle a été adoptée. Pour ce faire, toutes les affaires concernant une « discrimination fondée sur la race, l’ethnie ou la nationalité » ont été identifiées et analysées. Depuis l’entrée en vigueur de la loi et jusqu’en 2016, 203 affaires ont été enregistrées, dont 14 (soit 6,9 %) pour « discrimination fondée sur la race, l’ethnie ou la nationalité ». La majorité des requérants (57 %) est de sexe féminin. Sur le plan géographique, la plupart des affaires sont concentrées à Santiago, Valparaíso et Talca (cas de discrimination fondée sur la nationalité) et Concepción (cas de discrimination raciale). Sur le nombre total d’affaires enregistrées jusqu’en 2016, 104 ont été jugées par un tribunal de première instance, soit 51 % du total. De ce nombre, 4 % concernent des cas de discrimination fondée sur la nationalité et sur la race.

26.La loi no 20609 a également modifié le Code pénal en y introduisant à l’article 12 une circonstance aggravante, d’ores et déjà appliquée par les juridictions et qui a abouti à des condamnations dans les quatre affaires dans lesquelles le ministère public a requis son application. Dans l’une d’entre elles, deux ressortissants colombiens avaient été insultés, puis agressés à l’arme blanche par un individu uniquement en raison de la couleur de leur peau. En l’espèce, le Tribunal pénal de procédure orale de Punta Arenas a estimé « qu’il ressortait clairement du témoignage présenté par l’Accusation, conforme à l’analyse déjà effectuée, que les faits avaient été motivés par la race ou la couleur de peau des victimes ce qui, en sus des infractions caractérisées, constitue un acte discriminatoire, qui aggrave la responsabilité pénale de l’auteur ou agent ».

2.Participation citoyenne et réforme du système binominal pour l’élection des parlementaires

27.En vertu du droit international des droits de l’homme, au niveau mondial comme interaméricain, il était recommandé au Chili de modifier le système électoral parlementaire également appelé « système binominal », qui n’était pas à même d’assurer la représentativité des différents groupes de la société et, en particulier, empêchait les membres des groupes vulnérables de la société d’accéder à des fonctions parlementaires par l’élection populaire.

28.En avril 2015 a été promulguée la loi no 20840, qui a remplacé le système binominal par un système proportionnel sans exclusive, pour une plus grande représentativité. La loi a redéfini des districts et circonscriptions et augmenté le nombre de parlementaires : 155 députés sont désormais élus au lieu de 120, et 55 sénateurs au lieu de 38. L’un des aspects les plus intéressants du nouveau système concerne les mesures incitatives visant à assurer la parité au Congrès : une liste ne peut comporter plus de 60 % de candidates ou de candidats et, en outre, jusqu’aux élections de 2029, pour chaque femme élue sénatrice ou députée, un montant de 500 unités de paiement sera attribué au parti dont est issue la candidate en question.

29.Ces incitations prévues par la loi ont porté leurs fruits aux élections législatives de novembre 2017 : en effet, la représentation des femmes à la Chambre des députés est passée de 15,8 % à 22,7 %, et au Sénat de 15,7 % à 23,2 %. De surcroît, parmi les nouvelles députées se trouve Emilia Nuyado Ancapichún, première femme mapuche-huilliche à siéger au Congrès et qui est une dirigeante autochtone, très présente sur le terrain au sein des communautés mapuche-huilliche. Malgré tout, le défi demeure : il faut aller plus loin pour favoriser la participation politique, ainsi qu’il est ressorti du processus d’élaboration d’une nouvelle Constitution, mené courant 2016.

30.En août 2014, le pouvoir exécutif a pris le décret présidentiel no 7 relatif à la participation citoyenne à la gestion publique. Son objectif est de progresser vers un modèle de gestion publique assorti d’une véritable participation citoyenne, dans lequel les organisations de la société civile remplissent une fonction essentielle de promotion des droits et de mise en place d’alliances en faveur du progrès, par le développement du contrôle social et la fourniture de services dans des domaines complémentaires aux compétences de l’État.

3.Peuples autochtones

Projets de loi

31.En 2016, le pouvoir exécutif a soumis au Congrès deux projets de loi issus d’une concertation préalable et éclairée avec les peuples autochtones, dans le respect de la Convention no 169 de l’Organisation internationale du Travail (OIT), qui constituent un progrès important en matière de cadre institutionnel autochtone et ouvre une nouvelle ère pour les politiques autochtones au Chili. Plus de 6 000 personnes, issues d’institutions traditionnelles et d’organisations représentatives des peuples autochtones, ainsi que des particuliers, ont participé à cette concertation. Les deux projets de loi sont décrits ci-après :

a)Le projet de loi portant création du Conseil national et des Conseils des peuples autochtones : présenté au Congrès le 14 janvier 2016, le projet de loi comporte deux chapitres, regroupant 26 articles (dont cinq transitoires). Il est actuellement examiné en seconde lecture par le Sénat, après adoption globale et fixation de la date limite pour le dépôt d’observations. Il vise la création d’un Conseil national des peuples autochtones et de Conseils des peuples, qui deviendront des instances officielles de dialogue entre les organismes publics et les différents peuples autochtones et permettront de les consulter de façon permanente sur la politique autochtone du pays. Les conseils incluront chacun des neuf peuples autochtones reconnus par l’État ;

b)Le projet de loi portant création du Ministère des peuples autochtones : présenté par le pouvoir exécutif le 17 mai 2016, il comporte deux chapitres portant sur la création du Ministère des peuples autochtones et du Comité interministériel sur les peuples autochtones, regroupant 20 articles (dont six transitoires). Ce projet est actuellement examiné en seconde lecture par la Commission des affaires publiques, de la décentralisation et de la régionalisation du Sénat, après adoption globale et fixation de la date limite pour le dépôt d’observations. Conformément à la Convention no 169 de l’OIT, le projet de loi est le fruit d’un processus de consultation préalable auprès des neuf peuples autochtones reconnus au Chili. Son objectif est que le futur Ministère des peuples autochtones soit chargé de collaborer avec le Président ou la Présidente de la République pour concevoir, coordonner et évaluer les politiques, plans et programmes visant à renforcer les droits des peuples autochtones et leur développement économique, social et culturel et à parvenir à l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des peuples, communautés et personnes autochtones.

Processus d’élaboration d’une nouvelle Constitution et peuples autochtones

32.Dans le cadre des discussions en vue d’une nouvelle Constitution pour le Chili, un processus participatif a été engagé en 2016 pour connaître l’avis de l’ensemble des citoyennes et citoyens. Il a abouti à la remise de contributions citoyennes, qui seront intégrées au projet de nouvelle Constitution que le pouvoir exécutif présentera au Congrès national au plus tard en mars 2018.

33.Toujours dans le cadre de l’élaboration d’une nouvelle Constitution, le Ministère du développement social a pris en mai 2016 la décision spéciale no 329 portant mise en place du processus participatif d’élaboration d’une nouvelle Constitution auprès des peuples autochtones. Cette décision a conduit à la formation d’un comité interministériel chargé de réfléchir à la conception du processus et aux grandes lignes des rencontres participatives. Coordonné par le Ministère du développement social, le comité regroupait des représentants du Secrétariat général à la Présidence, du Ministère de l’intérieur et de la sécurité publique, du Secrétariat général au Gouvernement, du Ministère de l’environnement, du Ministère du travail et de la prévoyance sociale, du Ministère de l’énergie, du futur Ministère de la culture, des arts et du patrimoine et de la Société nationale de développement autochtone (CONADI).

34.Le processus participatif auprès des peuples autochtones est parti de l’hypothèse que les membres des peuples autochtones de plus de 14 ans débattraient et s’exprimeraient sur des thématiques qui, selon eux, devraient figurer dans la nouvelle Constitution, par l’entremise de leurs organisations représentatives.

35.En juin 2016 a été formé le Conseil consultatif de suivi du processus participatif, auquel ont pris part des organismes des Nations Unies, tels que l’OIT, le Bureau régional pour l’Amérique du Sud du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et l’UNICEF, ainsi que des conseillers de la Société nationale de développement autochtone. Autonome vis-à-vis du pouvoir exécutif, le conseil a eu pour mission principale de veiller à ce que le processus respecte les normes internationales en matière de droits de l’homme et garantisse la transparence et l’impartialité.

36.Le processus participatif auprès des peuples autochtones a mobilisé près de 17 000 personnes, dans le cadre de réunions organisées par les pouvoirs publics, de réunions spontanées ou de contributions individuelles par Internet. Le 4 mai 2017, la Présidente de la République s’est vu remettre les résultats du processus participatif, qui serviront à élaborer des mesures en faveur des peuples autochtones qui seront intégrées au projet de nouvelle Constitution.

37.Dans la continuité de ce processus, une consultation constitutionnelle autochtone a été menée entre août et octobre 2017 concernant des mesures relatives à la reconnaissance constitutionnelle, aux droits culturels, linguistiques, territoriaux et à la participation politique des peuples autochtones. Ont notamment contribué à cette consultation le PNUD, en tant que garant et animateur, les conseillers de la Société nationale de développement autochtone (CONADI) qui ont également participé à la conception du processus, et l’Institut national des droits de l’homme, en tant qu’observateur. À l’issue d’une consultation qui a réuni 5 800 représentants autochtones, un accord a été signé le 21 octobre 2017 entre le Gouvernement et les représentants autochtones portant sur les thématiques susmentionnées, qui figureront dans le futur projet de loi constitutionnelle qui sera présenté par le pouvoir exécutif. Il s’agit là d’une grande avancée dans les engagements pris par le Chili auprès des peuples autochtones en matière de reconnaissance et de garantie de leurs droits.

4.Personnes d’ascendance africaine

38.En avril 2016, un groupe de parlementaires a déposé un projet de loi visant la reconnaissance juridique de la population tribale chilienne d’ascendance africaine. Le projet comporte sept articles relatifs à la reconnaissance de la population d’ascendance africaine par le Chili, à la reconnaissance de la culture et des coutumes de cette population en tant que patrimoine immatériel du pays et à l’intégration de la population d’ascendance africaine dans le recensement, entre autres. Il est actuellement examiné en seconde lecture par la Commission des droits de l’homme, de la nationalité et de la citoyenneté du Sénat.

39.Selon les auteurs du projet, la culture des personnes d’ascendance africaine au Chili est une réalité complexe, fruit d’un long processus de préservation, de re-création et de transformation marqué par les conditions sociohistoriques et économiques dans lesquelles elles ont pu vivre. Ainsi, on retrouve à l’origine du projet de loi l’idée maîtresse d’une reconnaissance juridique de la population tribale chilienne d’ascendance africaine, qui emporterait obligation pour l’État de promouvoir la culture et de respecter les symboles de cette population, de faire figurer l’histoire des personnes d’ascendance africaine dans les programmes scolaires et d’en faire une catégorie dans les enquêtes de recensement, la prochaine étant prévue pour 2022.

5.Migrants

Projet de loi sur les migrations

40.La législation migratoire en vigueur comprend le décret-loi no 1094 de 1975, qui établit les règles applicables aux étrangers au Chili, et le décret no 597 de 1984 portant approbation de la réglementation relative aux étrangers. Ces deux textes ont été adoptés pendant la dictature, période pendant laquelle les principes de souveraineté et de sécurité nationale étaient rois et les droits de l’homme n’étaient pas pris en compte. Pour remédier en partie à cet état de fait, c’est par la voie réglementaire qu’ont été adoptées différents circulaires, notes et autres documents, qui ont permis de régulariser la situation de la population migrante au Chili en matière de protection de la maternité, d’accès à l’éducation, et d’accès au système de santé et au réseau de protection de l’enfance, entre autres.

41.Ainsi, le décret suprême no 1930 du 3 décembre 2014 a modifié le décret suprême no 597 (réglementation relative aux étrangers) et le décret suprême no 296 de 1995, qui arrête le montant des droits à régler par les personnes étrangères au titre des actes administratifs migratoires qu’elles réalisent, afin d’intégrer au droit interne certaines des conventions internationales ratifiées par le Chili en matière de droit international des droits de l’homme. Parmi les modifications apportées, on peut citer la suppression de la faculté pour les services de police judiciaire chiliens de confisquer les pièces d’identité des migrant(e)s en infraction avec la réglementation sur les étrangers, désormais limitée au retrait de la carte d’identité chilienne s’ils constatent que le titre de séjour correspondant est périmé ou qu’il a été révoqué, ainsi que la limitation de la faculté de confiscation du passeport aux seuls cas où une mesure d’expulsion valide doit être appliquée à l’encontre de la personne migrante.

42.Par ailleurs, conformément aux dispositions de la décision spéciale no 10330 du 11 décembre 2015, un conseil consultatif national des migrations a été mis en place, composé de représentants d’associations à but non lucratif qui proposent conseils juridiques, protection et représentation aux migrant(e)s à ce titre, ainsi que de représentants d’établissements qui se consacrent à l’étude des questions migratoires. Le Conseil, qui a commencé à se réunir au premier semestre 2016, a pour objectif de faire entrer dans le cadre institutionnel l’analyse et les débats de la société civile concernant la situation des migrations au Chili.

43.Afin d’apporter une véritable protection aux personnes qui migrent vers le Chili, en avril 2013, le Gouvernement avait soumis au Congrès un projet de loi relatif aux migrations et aux étrangers. Il comporte 17 chapitres (dont le chapitre préliminaire) qui traitent des définitions, du champ d’application, des principes, de l’entrée et de la sortie du territoire, des catégories migratoires, des demandeurs d’asile, entre autres, regroupant 175 articles (dont cinq articles transitoires). Le projet est actuellement examiné en première lecture par la Chambre des députés.

44.Dans son programme électoral 2014-2018, le gouvernement actuel envisageait de moderniser la législation et les institutions migratoires existantes. À cette fin, le pouvoir exécutif a mis en place plusieurs instances interministérielles chargées d’établir les principes et la teneur de cette législation, dont un processus consultatif participatif auprès de la société civile dont le but est de mieux présenter le projet mené par le Service des étrangers et des migrations.

45.En août 2017, le pouvoir exécutif a présenté un projet de nouvelle loi relative aux migrations. Le projet comporte 14 chapitres (chapitre préliminaire compris) qui traitent des droits et obligations, de l’entrée et de la sortie du territoire, des interdictions d’entrée, des catégories migratoires, des obligations de tiers, des infractions et sanctions migratoires, entre autres, en 146 articles (quatre articles transitoires). Or, la Commission des affaires intérieures, de la nationalité, de la citoyenneté et de la régionalisation de la Chambre des députés a rejeté l’idée d’une nouvelle législation : il est donc impossible de présenter de nouveau un projet de loi sur le même thème pendant un an. C’est la raison pour laquelle la question d’une législation intégrale en matière de migrations, à même de fournir une protection aux personnes migrantes, n’est toujours pas réglée.

Apatridie

46.Face à la nécessité de protéger les personnes en situation d’apatridie, le pouvoir exécutif a présenté en septembre 2017 deux projets de loi au Congrès concernant la ratification des deux Conventions relatives aux personnes apatrides. Le premier projet de loi concerne la ratification de la Convention relative au statut des apatrides du 28 septembre 1954 et le second la ratification de la Convention sur la réduction des cas d’apatridie du 30 août 1961. Les deux ratifications ont d’ores et déjà été signées par la Présidente de la République et seront déposées à New York dans les meilleurs délais.

47.S’agissant de la situation des enfants de travailleuses et travailleurs migrants se trouvant au Chili en situation irrégulière, il convient de garder à l’esprit qu’en vertu de l’alinéa premier de l’article 10 de la Constitution, sont chiliennes les personnes nées sur le territoire national, à l’exception des enfants d’étrangers qui se trouvent au Chili au service de leur propre gouvernement et d’étrangers en transit, qui peuvent choisir la nationalité chilienne. Conformément à ce qui précède, étant donné que ni la Constitution ni le législateur n’ont défini le terme « en transit », du point de vue administratif, c’est au Service des étrangers et des migrations qu’il est revenu de l’interpréter, en vertu des dispositions visées à l’alinéa 11 de l’article 91 du décret-loi no 1094 portant établissement d’une législation sur les étrangers.

48.C’est ainsi que jusqu’en août 2014, l’interprétation faite par l’administration considérait comme en transit les personnes ayant la qualité migratoire de touristes, de personnel navigant, et les personnes qui se trouvaient en situation migratoire irrégulière, les étrangers qui étaient entrés illégalement au Chili ou ceux qui faisaient l’objet d’une décision administrative d’expulsion ou d’une obligation de quitter le territoire, puisqu’il était entendu que ces personnes n’avaient pas l’intention de résider sur le territoire national. Ainsi, les enfants et adolescents dont les parents étaient en situation migratoire irrégulière ne pouvaient obtenir la nationalité chilienne, ce qui donnait lieu à des cas d’apatridie.

49.La Cour suprême, qui connaît des demandes de nationalité, a établi des critères relatifs à la notion d’étranger en transit qui s’attachent au sens naturel et évident du terme, servant ainsi de fondement à l’application de critères par l’administration. À cet égard, le Ministère de l’intérieur et de la sécurité publique, par la voie d’une note du Service des étrangers et des migrations adressée au Service de l’état civil et de l’identification, a établi qu’un étranger en transit est une personne qui se trouve de passage au Chili, sans intention d’y établir sa résidence, faisant ainsi une interprétation restrictive de l’exception établie par la Constitution chilienne, telle que l’avait indiqué la Cour suprême, excluant des facteurs pertinents pour déterminer le droit à la nationalité d’un enfant né sur le territoire chilien la situation migratoire irrégulière de l’un ou l’autre de ses parents.

50.Compte tenu du changement de critère pour la définition de la notion d’étranger en transit, le Service des étrangers et des migrations a engagé avec le Service de l’état civil et de l’identification des actions afin de porter à la connaissance des fonctionnaires le nouveau critère d’inscription, pour éviter que le droit à la nationalité ne soit de nouveau bafoué par méconnaissance de la nouvelle interprétation. Ces services ont à leur tour mis en place un dispositif de rectification de l’inscription de l’enfant du ressortissant étranger en transit par la voie d’une procédure simple, rapide et facile d’accès, qui permet de corriger l’inscription antérieure et de reconnaître aux enfants et adolescents la nationalité chilienne. Entre 2012 et 2014, le nombre de rectifications est passé de 39 à 102.

51.Sur ce point, le Service de l’état civil et de l’identification a publié en mars 2015 au Journal officiel la décision spéciale no 102, qui ordonne aux bureaux du Service d’apposer sur les enregistrements de naissances la mention « enfant d’étranger en transit, article 10, alinéa 1, de la Constitution », uniquement dans les cas où les deux parents de l’enfant inscrit ont la qualité migratoire de touristes ou de personnel navigant dotés d’une autorisation valide. En outre, une campagne nationale a été mise en place afin que toute personne inscrite en tant qu’enfant de ressortissant étranger en transit selon le critère antérieur puisse demander la rectification de la mention en question sur son acte de naissance et obtenir la nationalité chilienne.

52.S’agissant des mesures adoptées par les autorités judiciaires pour accorder la nationalité aux enfants nés au Chili de parents en situation irrégulière, il convient de noter que, comme indiqué dans la Colección Jurídica sobre Derechos de Migrantes [Recueil juridique sur les droits des migrants] de la Direction des études du pouvoir judiciaire, la règle générale pour l’acquisition de la nationalité au Chili est celle du « ius soli » consacrée à l’alinéa premier de l’article 10 de la Constitution. Dès lors, pour statuer sur la nationalité des enfants de ressortissants étrangers, il est fondamental de délimiter le concept même de « personne en transit ». À cet égard, la Cour suprême a indiqué, dans un cas d’espèce, que « des enfants se sont vus qualifiés d’enfants de personne en transit, terme qui, puisqu’il n’est pas défini par la loi, oblige à être compris conformément à l’article 20 du Code civil, c’est-à-dire selon son sens naturel et évident. Sur ce terme même, le Dictionnaire de l’Académie royale espagnole donne au terme de « transeúnte » (personne en transit) le sens de « personne qui transite ou passe par un lieu, qui est de passage, qui ne réside que de façon transitoire à un endroit ». Cette notion a été progressivement reconnue par d’autres branches de l’État, de sorte que « le critère administratif de départ permettant de distinguer les étrangers en transit des autres a été modifié, en cessant de prendre en compte le séjour continu d’un an ou plus et en lui privilégiant comme élément principal celui de la résidence. Dans ce contexte, les personnes indubitablement considérées comme en transit sont les touristes et le personnel navigant ».

53.On peut en conclure que, dans les cas en question, la Cour suprême a retenu comme déterminant la prise en compte de l’élément subjectif du domicile, c’est-à-dire la résidence accompagnée du souhait de s’installer dans un lieu déterminé. Ce souhait se retrouve dans l’intérêt et les mesures concrètes prises par les parents étrangers pour rester au Chili. Ainsi, la Cour suprême a estimé que l’on ne pouvait assimiler la catégorie des étrangers en transit à la condition des migrant(e)s en situation irrégulière, en faisant valoir, au contraire, la situation de fait consistant pour les parents de nationalité étrangère à tout mettre en œuvre pour s’installer sur le territoire chilien. En conséquence, la Cour suprême a fait droit aux recours en demande de nationalité sans tenir compte de la situation migratoire des parents, indiquant, expressément, qu’en pareil cas, la qualification d’« étranger/ère en transit » était inadaptée.

54.La Cour suprême a fait droit aux demandes de nationalité sur le fondement du droit international des droits de l’homme, en tenant particulièrement compte de la Convention américaine relative aux droits de l’homme et de la Convention relative aux droits de l’enfant, qui reconnaissent toutes deux le droit à la nationalité.

55.Pendant la période considérée dans le présent rapport, la Cour suprême a systématiquement fait droit aux recours en demande de nationalité dont elle a été saisie. Lorsqu’elle les a rejetés, c’est parce que la Cour a considéré que les faits examinés n’étaient pas définis selon les formes exigées par l’article 12 de la Constitution. S’agissant de la nationalité des personnes ayant déposé des recours, il convient d’indiquer qu’entre 2011 et 2014, selon les statistiques enregistrées dans la Colección Jurídica, et uniquement à titre de référence, que sur un total de 20 requérants, 60 % (soit 12 personnes) étaient des migrants péruviens.

56.Enfin, il convient d’indiquer qu’en décembre 2015 s’est tenue une audience de conciliation dans l’affaire no 24.089-2015 concernant la demande de nationalité de 167 enfants. L’audience a eu lieu en présence des requérants, de représentants d’universités, ainsi que d’organisations de la société civile et des administrations objet du recours, à savoir le Service de l’état civil et de l’identification et le Service des étrangers et des migrations, sous l’égide du président de la Cour suprême de l’époque, M. Sergio Muñoz. Lors de l’audience, il a été convenu de reconnaître la nationalité chilienne à 167 enfants, de leur remettre leurs pièces d’identité chiliennes et d’organiser une cérémonie publique officialisant cette reconnaissance. Afin de résoudre l’ensemble des cas correspondant à des situations identiques, les parties se sont en outre engagées à assister à une nouvelle audience pour identifier l’intégralité des personnes concernées.

57.Fruit de cette affaire et d’une collaboration entre le Service des étrangers et des migrations, le Service d’état civil et de l’identification, l’Institut national des droits de l’homme, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, le Servicio Jesuita a Migrantes et les consultations juridiques pour migrants des universités Diego Portales et Alberto Hurtado représentant la société civile, le projet « Chile Reconoce » a été présenté en mai 2017 dans le cadre de la campagne « #IBelong » du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) dont le but est d’éliminer l’apatridie au Chili et dans le monde. Lors du lancement du projet, plus de cent enfants des régions d’Arica et Parinacota, Tarapacá, Antofagasta et de la région métropolitaine ont pu obtenir la nationalité chilienne. Le projet a permis d’identifier plus de deux mille personnes inscrites comme enfants de ressortissant étranger en transit dont on espère que « Chile Reconoce » permettra de régler la situation.

6.Réfugié(e)s

58.En 2015, la Présidence a pris le décret présidentiel « Lignes directrices et instructions concernant la politique migratoire ». Fondé sur la promotion et l’application des accords ratifiés par le Chili en matière de droits de l’homme, il envisage un rôle actif dans le développement d’actions de réinstallation humanitaire, de résidence régulière, de protection des victimes de la traite des personnes et d’articulation avec les domaines des migrations et du développement. L’axe numéro 3 du décret concerne le principe de non-discrimination et de prise en compte des groupes vulnérables.

59.Il convient également de souligner l’axe numéro 11, « Le Chili, pays d’asile et de refuge », qui renforce les droits fondamentaux des réfugié(e)s et garantit le droit fondamental à l’asile. Ces lignes directrices et instructions sont appliquées grâce à l’action et au soutien du Conseil de la politique migratoire et aux conseils juridiques du Service des étrangers et des migrations.

60.S’agissant plus particulièrement des demandes d’octroi du statut de réfugié, et conformément à l’axe no 11 précité, les obstacles à l’accès à la procédure de reconnaissance du statut de réfugié ont été levés, comme en témoigne la hausse importante des demandes d’asile au Chili.

B.Article 2 : Mesures à prendre pour l’élimination de la discrimination raciale

1.Politiques publiques

61.Le Chili, par la voie du Ministère de la femme et de l’égalité des sexes, élabore le quatrième Plan pour l’égalité et l’équité entre les sexes 2018-2030, qui prend comme référentiel mondial les objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030, nouvelle stratégie mondiale visant à réduire la pauvreté, les inégalités et la violence à l’égard des femmes. Ce plan est une stratégie nationale qui va orienter les politiques publiques et systématiser la prise en compte institutionnelle des problématiques de genre dans l’ensemble des secteurs du pouvoir exécutif, ministères comme services. Il va faire participer, mobiliser, transformer, donner des moyens et articuler les actions, ce qui permettra au pays de faire des progrès importants, puisque le plan guidera l’élaboration de politiques publiques inclusives, en renforçant le caractère institutionnel des problématiques de genre. À cet égard, un processus participatif a été lancé afin de consulter les femmes migrantes, issues de peuples autochtones ou d’ascendance africaine concernant les progrès et défis en matière d’égalité des sexes à l’horizon 2030, pour connaître leurs besoins et leurs réalités spécifiques.

62.S’agissant des statistiques obtenues pour élaborer les diverses politiques publiques utiles à l’ensemble de la population, il convient de signaler que les informations recueillies dans le cadre du recensement 2012 n’ont pu être exploitées en raison de défauts méthodologiques. Afin d’y remédier, un recensement partiel de la population et du logement a été effectué en avril 2017. Il a fallu limiter le nombre de questions du formulaire de recensement à celles qui étaient strictement nécessaires pour identifier correctement les évolutions de la composition démographique du pays. Malgré l’absence de questions relatives au statut migratoire ou à la nationalité des personnes, puisque tel n’était pas l’objet de l’enquête, il a tout de même été demandé aux personnes interrogées si elles se considéraient comme appartenant à l’un des peuples autochtones.

2.Peuples autochtones

63.Il est à noter que le Chili intègre actuellement dans ses plans et pratiques l’obligation de consultation des peuples autochtones. Le 4 mars 2014 a été publié le décret suprême no 66 portant règlement du déroulement de la consultation des peuples autochtones en vertu de l’article 6, alinéas 1) a) et 2), de la Convention no 169 de l’OIT. Avec pour objectif de systématiser tous les processus de consultation des peuples autochtones engagés par les institutions publiques chiliennes depuis cette date, le Ministère du développement social et la faculté de droit de l’Université du Chili ont signé une convention qui vise à produire l’intégralité des processus de consultation des peuples autochtones et une évaluation du respect des normes visées par la Convention no 169 de l’OIT. Ce livrable sera prêt à la fin du premier semestre 2018.

64.S’agissant de la consultation préalable, on peut notamment citer celle relative au projet de loi de substitution portant création du Ministère des cultures, des arts et du patrimoine. Par la décision spéciale no 2131 du 16 juin 2014, le Conseil national de la culture et des arts (CNCA) a décidé d’engager un tel processus, parce qu’il « semble nécessaire d’engager un processus de consultation des peuples autochtones, puisque le projet de loi portant création du Ministère des cultures, des arts et du patrimoine est une mesure législative susceptible d’avoir une incidence directe sur les droits et les intérêts des peuples en question ».

65.L’information a été diffusée le 28 août 2014 par divers modes de communication, afin d’informer les 15 régions du pays et le territoire Rapa Nui des dates des différentes consultations. Au cours de la première phase de réunions du processus de consultation préalable, ce sont les peuples aymara, quechua, atacameño, colla, diaguita, Rapa Nui, mapuche, yagán et kawésqar et la communauté d’ascendance africaine d’Arica et Parinacota qui ont été conviés. Le processus de consultation préalable a été piloté sur le terrain par les directions régionales de la culture, en coordination avec les intendances, les gouvernements des provinces et les municipalités. L’appel était destiné aux communautés et associations autochtones officielles comme aux organisations autochtones non officielles et aux institutions représentatives des peuples. Les dates et les lieux des réunions et la méthodologie de travail ont été définis d’un commun accord avec les peuples. Tous les moyens de déplacement et de communication ont été favorisés afin de garantir l’exercice du droit à la consultation et des observateurs et des interprètes ont également été mis à disposition.

66.La consultation a été conçue et menée de façon décentralisée et consensuelle entre les représentants des peuples autochtones et les équipes régionales du Conseil national de la culture et des arts. Tout s’est déroulé avec flexibilité en prenant acte des dynamiques des institutions et des formes d’organisation des peuples concernés et sur la base d’un commun accord.

67.Fruit du processus, la loi no 21045 portant création du Ministère des cultures, des arts et du patrimoine a été promulguée en octobre 2017. Elle intègre parmi ses grands principes la diversité culturelle et favorise l’interculturalité, puisque le Ministère est notamment chargé d’encourager les manifestations culturelles des communautés d’ascendance africaine et des personnes migrantes vivant au Chili, et d’y contribuer.

68.Entre 2014 et 2015, le Conseil national de l’enfance a créé deux commissions techniques de l’enfance et des peuples autochtones. La première, la Commission intersectorielle des enfants et adolescents autochtones, a pour objectif de formuler des propositions sous la forme de contributions à l’élaboration de la politique nationale pour l’enfance et l’adolescence ayant une pertinence culturelle. Elle intègre des représentants du Conseil national de l’enfance, du Ministère du développement social, du Service national des mineurs, des Ministères de l’éducation, de la santé, du travail, de la femme et de l’égalité des sexes, des sports, et de la justice et des droits de l’homme, ainsi que du Conseil national de la culture et des arts, et la collaboration permanente de l’UNICEF. En février 2015, la commission a remis au Conseil national de l’enfance le document de travail qu’elle a élaboré.

69.La deuxième commission, qui regroupe des techniciens issus de la société civile, a été formée en 2015 et s’intitule « Commission technique de l’enfance et des peuples autochtones ». Elle a eu pour objectif de conseiller et de formuler des recommandations au Conseil concernant la politique de l’enfance. La Commission était composée de personnes autochtones et non autochtones, dotées de solides connaissances dans le domaine de la reconnaissance, de la protection ou de la défense des droits des enfants autochtones.

70.À partir des propositions des commissions techniques, le Conseil national de l’enfance a décidé d’approfondir les éléments suivants :

a)Une politique spécifique pour les enfants et adolescents autochtones au Chili : L’objectif est de mettre en place un cadre axé sur l’interculturalité, fondé sur la reconnaissance de la diversité et de la légitimité des représentations socioculturelles autochtones, qui contribue à l’amélioration de la qualité de vie, favorise le développement intégral et garantit aux enfants et adolescents des peuples autochtones au Chili l’exercice de leurs droits ;

b)Une étude sur la situation des enfants et adolescents autochtones en droit comparé et son application dans les politiques publiques : L’étude fournira des bases juridiques objectivables qui alimenteront le débat relatif à la politique consacrée aux enfants et adolescents autochtones au Chili, en faisant progresser l’identification des contenus minimums exigibles.

71.S’agissant des femmes autochtones, le cadre institutionnel public actuel, chapeauté par le Ministère de la femme et de l’égalité des sexes en collaboration avec le Service national de la femme et de l’égalité des sexes (SERNAMEG), s’est engagé à travailler de concert avec les autres organes et instances de l’État. Les stratégies programmatiques appliquent les axes transversaux suivants, qui orientent les actions nationales en faveur de l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles :

a)Droits fondamentaux : La violence à l’égard des femmes constitue une violation des droits fondamentaux, qui fait totalement ou partiellement obstacle à l’exercice de leurs droits ;

b)Problématique de genre : Elle aide à mieux comprendre les inégalités et la hiérarchisation qui s’établit entre hommes et femmes. Le genre compris comme construction culturelle, sociale et historique sur le fondement biologique du sexe, qui détermine de manière normative le masculin et le féminin dans la société, et les identités subjectives et collectives ;

c)Interculturalité : Respect de la diversité des visions du monde et des pratiques des femmes, avec reconnaissance des spécificités culturelles à même d’apporter des réponses pertinentes, par des principes tels que l’inclusion, l’intégration et l’équité ;

d)Intersectionnalité : Cet axe permet d’élargir et de compléter le regard sur la production des inégalités, en tenant compte à la fois de l’âge, de la classe sociale, de la nationalité, de l’appartenance à des peuples autochtones, de l’orientation sexuelle, de la religion, de la langue, etc.

72.En 2015 a été constitué au sein du Service national de la femme et de l’égalité des sexes le Conseil national de la société civile, mécanisme de participation citoyenne consultatif, permanent et démocratique, dont l’objectif est d’approfondir et de renforcer les relations entre la société civile organisée et le Service national de la femme et de l’égalité des sexes. Le Conseil national de la société civile, élu en 2015 par une pluralité d’organisations de la société civile œuvrant à la promotion de l’égalité des sexes, consacre à l’article 10 de son règlement intérieur des quotas spécifiques de diversité culturelle pour les organisations de défense des droits des femmes ainsi que pour les organisations de défense des droits des femmes des peuples autochtones.

73.Les peuples autochtones et les peuples d’ascendance africaine sont majoritairement installés dans les régions du nord et du sud, parce qu’ils y ont développé diverses activités. Ainsi, depuis 2014, des groupes de travail et des concertations régionales ont été organisés dans la région d’Arica et Parinacota avec des femmes autochtones et d’ascendance africaine qui ont aussi participé à quelques-uns des programmes régionaux soutenus par le Service national de la femme et de l’égalité des sexes.

74.Dans la région de l’Araucanía, depuis 2014, le Service national de la femme et de l’égalité des sexes a engagé des actions sur les aspects programmatiques et intersectoriels, en privilégiant la valorisation des contributions à la région des femmes mapuches dans leur diversité. Dans ce cadre, on peut notamment citer :

a)Le groupe de travail intersectoriel des femmes mapuches : Cette instance a pour objectif de favoriser des actions intersectorielles autour des inégalités femmes-hommes que subissent les femmes mapuches de la région, en tenant compte de leurs contributions, et de coordonner l’action du secteur public et de quelques organismes privés qui travaillent sur la problématique femmes-hommes et l’interculturalité ;

b)Le projet « SERNAMEG Móvil Intercultural » : Il s’agit d’un centre mobile pour les femmes. Cette initiative développée par le Service national de la femme et de l’égalité des sexes en collaboration avec le Service de santé Araucanía Norte prend en charge les femmes ayant subi des violences de la part de leur conjoint ou ex-conjoint dans les communes d’Ercilla, Lumaco et Lonquimay, où se concentre la plus forte proportion de personnes autochtones à l’échelle nationale ;

c)Le programme de transferts GORE-SERNAMEG : Il s’agit d’une convention entre le gouvernement régional (GORE) de l’Araucanía et le Service national de la femme et de l’égalité des sexes en appui à l’autonomie économique des femmes des 32 communes de la région de l’Araucanía. Elle intègre également une composante interculturelle, encourage les femmes mapuches et non mapuches à se rencontrer, met à disposition des espaces de revalorisation de la culture mapuche et favorise l’action collective des femmes. Il s’agit d’un fonds octroyé sur concours, dans le cadre duquel les femmes bénéficiaires peuvent choisir le versement d’une subvention de 500 000 pesos pour l’achat de machines, d’équipements et d’outils.

75.En 2015 ont été installés dans plusieurs régions du pays des groupes de travail de femmes rurales et autochtones, sous l’égide du Service national de la femme et de l’égalité des sexes et composés de dirigeantes de regroupements ruraux et autochtones régionaux et de divers services de l’État. Les groupes de travail ont pour objectif de proposer des stratégies afin d’harmoniser les politiques publiques avec les besoins et intérêts des femmes rurales et de promouvoir la mise en œuvre de plans et de programmes qui réduisent les inégalités spécifiques liées au genre, en plus de promouvoir et de renforcer le leadership et l’autonomisation des femmes concernées.

76.Dans le même esprit, une journée entre fonctionnaires (hommes et femmes) du Ministère de la femme et de l’égalité des sexes et du Service national de la femme et de l’égalité des sexes s’est tenue en 2016 afin de rendre compte des actions menées en faveur de l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes autochtones. La loi portant création du ministère lui a également confié le mandat de formuler, coordonner et évaluer le plan national pour l’égalité entre les hommes et les femmes.

3.Personnes d’ascendance africaine

77.En réponse à la recommandation formulée par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale d’intégrer un recensement ethnique de la population d’ascendance africaine dans la production statistique, et dans le cadre de la mise en œuvre des politiques publiques, l’enquête ENCAFRO (enquête de caractérisation de la population d’ascendance africaine) a été menée entre août et novembre 2013, dans les communes d’Arica et de Camarones, situées dans la région d’Arica et Parinacota. Son principal objectif était de caractériser et d’estimer la population d’ascendance africaine dans le secteur, qui compte une forte concentration de personnes d’ascendance africaine. L’enquête a été conçue et menée dans le cadre d’un travail de collaboration entre les organisations régionales de personnes d’ascendance africaine, le Centre latino-américain et des Caraïbes de démographie et l’Institut national des statistiques.

78.Parmi les résultats majeurs de l’enquête, on peut notamment citer les éléments suivants :

a)La population d’ascendance africaine est estimée à 8 415 personnes, soit 4,7 % de la population totale de la région ;

b)En termes de ménages, on enregistre 3 317 ménages comptant au moins un membre qui se reconnaît comme personne d’ascendance africaine, soit 6,2 % des ménages d’Arica et Parinacota ;

c)La population d’ascendance africaine est composée de 3 719 hommes et 4 696 femmes (44,2 % et 55,8 % respectivement).

79.Dans le cadre des activités du Service national de la femme et de l’égalité des sexes, la Journée internationale de la femme d’ascendance africaine a été célébrée le 28 juillet 2015. Cette journée met en valeur le travail mené par de nombreuses femmes de la région pour rendre visible la culture d’ascendance africaine et qui a conduit, en 2014 à l’élaboration de l’enquête ENCAFRO, sous la direction de l’Institut national des statistiques.

80.De même, en 2015, le Chili a participé au premier Congrès des femmes d’ascendance africaine du Chili, du Cône Sud et de la région andine, tenu du 11 au 13 décembre 2015 à Arica, dans le cadre de la « Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine ».

4.Migrants

81.Ainsi qu’il en a été fait rapport concernant l’article premier de la Convention sur l’élimination de la discrimination raciale, pour diverses raisons politiques, économiques et sociales, des personnes de différents pays, majoritairement d’Amérique latine, ont choisi le Chili comme destination afin de chercher un avenir meilleur pour elles et leur famille. Il a donc fallu non seulement revoir le droit interne dans ce domaine, mais également concevoir et mettre en œuvre des politiques visant à garantir leurs droits fondamentaux.

82.Il convient de souligner la collaboration entre le Service des étrangers et des migrations et les différents ministères pour élaborer des protocoles d’accord, des conventions de collaboration et des décrets visant à promouvoir des actions d’accueil qui encouragent l’intégration de tous les migrants. On peut notamment signaler ce qui concerne la protection des droits de la population migrante en situation irrégulière dans le pays. En juillet 2017, la Présidence a annoncé la création d’un visa spécial de régularisation de la situation migratoire des enfants et adolescents migrants. Il conférait notamment la gratuité des visas pour enfants et adolescents, quelle que soit la situation migratoire de leurs parents. Depuis cette date, pour obtenir ce visa, il suffit de disposer d’un acte de naissance légalisé.

83.L’une de ces conventions de collaboration, qui porte sur la prise en charge des enfants et adolescents, a été conclue entre le Service des étrangers et des migrations et le Service national des mineurs en 2010. Elle établit des accords entre les deux institutions afin d’assurer, le plus rapidement possible, l’exercice de leurs droits par les enfants et adolescents qui se trouvent dans le pays sans leur père, leur mère ou leur tuteur légal, ni aucun tiers sous la garde duquel ils seraient placés, ceux qui ont émigré au Chili sans être accompagnés, ou ceux qui sont restés au Chili sans protection ou sans le permis de résidence requis. Cette convention a été intégrée au contrat de performance collective du Service national des mineurs depuis 2016 et a entraîné la réception de 179 demandes d’enquêtes sociales adressées par le Service des étrangers et des migrations au Service national des mineurs en 2017.

84.Parallèlement, le Service national des mineurs, en collaboration avec le Service des étrangers et des migrations et d’autres institutions, telles que le Ministère de la santé et le Ministère de l’éducation, organise depuis 2010 des formations pour les professionnels du Service national des mineurs et son réseau d’institutions partenaires et pour les acteurs intersectoriels de la prise en charge des enfants et adolescents migrants dont les droits ont été bafoués et des enfants et adolescents suivis dans le cadre de programmes de la justice pour mineurs. Ces journées ont pour but de fournir aux équipes des compétences techniques. En date du mois de janvier 2018, plus de 1 000 professionnels ont ainsi été formés dans 10 régions du pays.

Traite et trafic des personnes

85.La politique publique relative à la traite et au trafic de personnes a été développée par le groupe de travail intersectoriel sur la traite des personnes, à la fois interministériel et intersectoriel et dirigé par le Ministère de l’intérieur et de la sécurité publique. Cette instance a formulé un plan d’action national contre la traite des personnes 2015-2018, approuvé par la conclusion d’une convention intersectorielle dotée de quatre axes stratégiques : prévention et sensibilisation, lutte contre l’infraction et poursuites, protection et aide aux victimes, et coordination et coopération interinstitutionnelles. Outre l’élaboration de nouveaux instruments, le plan d’action vise à renforcer les mesures existantes, en particulier les actions de formation des fonctionnaires, d’information et de renforcement des capacités de réaction des groupes vulnérables, d’amélioration des protocoles d’action des services publics et, de façon générale, de tous les processus actuels de coordination interinstitutionnelle, avec la société civile et les organismes internationaux.

86.En juillet 2015, un site Web a été mis en place pour le groupe de travail intersectoriel sur la traite des personnes et propose des informations utiles à toute personne victime de la traite, ainsi que des statistiques à ce sujet. En décembre 2015, 3 144 fonctionnaires de 13 services publics avaient été formés.

87.En outre, à partir de décembre 2013, le « Protocole intersectoriel de prise en charge des victimes de la traite » a été mis en œuvre sous la coordination du Sous-Secrétariat à la prévention de la criminalité du Ministère de l’intérieur et de la sécurité publique, qui a traité de 123 affaires depuis sa création il y a quatre ans. Il s’agit d’un mécanisme de coordination de l’offre existante de services d’aide aux victimes au sein des institutions publiques, des organismes de la société civile et des organismes internationaux.

88.En 2015, le Procureur général a publié la circulaire FN no 575/2015, intitulée « Instruction générale établissant les critères d’intervention en cas d’infraction de traite des personnes, de trafic illicite de migrants et d’association illicite visant à commettre ces délits » qui comporte une analyse des aspects pénaux et procéduraux de la loi no 20507.

89.Entre l’entrée en vigueur en avril 2011 de la loi no 20507 qui définit les infractions de trafic illicite des migrants et de traite des personnes et établit des règles visant à prévenir ce fléau et à améliorer l’efficacité des poursuites pénales, et le 31 décembre 2015, 255 victimes de cette infraction ont été identifiées et 16 condamnations prononcées. S’agissant de l’infraction de traite des personnes visée à l’article 411 quater du Code pénal, 33 cas ont été officiellement reconnus concernant au total 214 victimes. Ces cas concernent 121 hommes victimes, plus particulièrement d’exploitation par le travail, soit 57 % du nombre total de victimes et 93 femmes victimes, à des fins d’exploitation sexuelle à 72 % et d’exploitation par le travail à 28 %.

90.Sur le nombre total de 214 victimes, 16 sont des enfants et adolescents : deux de 14 ans, deux de 15 ans, une de 16 ans, et onze de 17 ans. Quatre des victimes étaient des filles et adolescentes victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle. De leur côté, les garçons et adolescents étaient victimes d’exploitation par le travail. En outre, s’agissant des enfants et adolescents, on a enregistré 8 condamnations, dont 7 pour exploitation sexuelle et 1 pour exploitation par le travail. Sur le nombre total de victimes identifiées, 98 ont obtenu le visa créé par l’article 33 bis du décret-loi no 1094, visa spécial réservé aux victimes de ces infractions. Pour ce qui est de la nationalité des victimes, elles étaient majoritairement de nationalité bolivienne, colombienne et dominicaine. Vingt personnes ont été condamnées pour ce type d’infractions à des peines d’emprisonnement allant de cinq-cent-quarante et un jours à dix ans et un jour.

91.De même, le Service des étrangers et des migrations et le secrétariat technique du groupe de travail intersectoriel sur la traite des personnes ont pris des mesures, selon leurs attributions respectives, pour faire appliquer la loi no 20507, comme la création d’un permis de séjour spécial pour les victimes de traite des personnes, une exonération du paiement des droits du visa spécial, ou encore un visa temporaire pour raison professionnelle, entre autres.

92.S’agissant des femmes victimes de traite, il existe depuis 2012 un modèle de prise en charge résidentielle : la maison d’accueil « Josefina Bahati » pour les femmes victimes de traite des personnes et les migrantes en situation d’exploitation. Au quotidien, la maison d’accueil met en œuvre un modèle psychosocial et juridique qui offre prise en charge, assistance et protection à des femmes dont les droits ont été bafoués du fait de cette infraction, et dont certaines sont accueillies avec leurs enfants de moins de 14 ans. En 2016, le champ d’action de la Maison de la traite de la région métropolitaine a été élargi pour y intégrer la prise en charge des femmes migrantes victimes d’exploitation sexuelle, d’exploitation au travail ou de trafic illicite de migrants.

93.En 2016, diverses activités de prévention ont été organisées dans plusieurs régions du pays, parmi lesquelles des ateliers sur la traite des personnes et les droits de l’homme, des tables rondes sur le sujet, des échanges et des formations.

94.De son côté, le Service national des mineurs compte 18 projets spécialisés de prise en charge de victimes de l’exploitation sexuelle commerciale, y compris traite des enfants et adolescents, grâce auxquels 953 victimes sont prises en charge simultanément dans 12 régions du pays. Il dispose également du programme de familles d’accueil spécialisé, qui offre soins et protection spécialisés aux enfants et adolescents séparés de leur famille d’origine parce qu’ils ont été victimes d’exploitation sexuelle.

5.Réfugié(e)s

95.Dans le but de proposer les outils nécessaires à l’intégration des demandeurs/ses d’asile et des réfugié(e)s au Chili, le Programme d’aide humanitaire pour les demandeurs d’asile et réfugiés intègre progressivement les besoins spécifiques de cette population. Il propose ainsi des prestations dans les domaines de la santé, du logement, de l’éducation, de l’aide sociale, de la formation professionnelle et de la microentreprise, et du handicap. Enfin, le programme prévoit également des cours de langue, pour les demandeurs/ses d’asile et réfugié(e)s qui ne maîtrisent pas l’espagnol.

96.Pour ce qui est des enfants et adolescents qui entrent au Chili non accompagnés par un adulte, en 2014, le Ministère de l’intérieur et de la sécurité publique et le Service national des mineurs ont convenu d’un protocole relatif aux demandes de reconnaissance du statut de réfugié pour les enfants et adolescents. Ce protocole prévoit les différentes situations dans lesquelles peuvent se trouver les enfants et adolescents qui demandent la reconnaissance de leur statut de réfugié(e) : non accompagnés, séparés de leur famille, orphelins, accompagnés mais sans papiers, accompagnés de leur père et/ou de leur mère, ou dotés d’une autorisation du parent absent, accompagnés de leur père ou de leur mère sans autorisation du parent absent.

97.Ce protocole a permis d’améliorer les règles de protection applicables aux enfants et adolescents qui arrivent au Chili dans l’une ou l’autre des situations visées. Il prévoit en outre un dispositif de renvoi au Service national des mineurs et, par son entremise, lorsque la situation le justifie, au juge des affaires familiales, avec le double objectif que les enfants et adolescents, outre le fait d’accéder à la procédure d’asile, ne subissent pas d’atteintes à leurs droits sur le territoire national.

C.Article 2.2 : Mesures à prendre pour l’élimination de la discrimination raciale

98.Les informations relatives à l’article 2.2 de la Convention figurent dans la partie du rapport de l’État concernant l’article 1.1 (supra).

D.Article 3 : Ségrégation raciale et apartheid

99.Ainsi qu’il a été indiqué dans l’introduction du présent rapport, les obligations nées de cet article (principalement liées à l’apartheid) ne correspondent pas à la réalité du pays. Il n’y a donc pas lieu d’en faire rapport.

E.Article 4 : Interdiction de l’incitation à la discrimination raciale

1.Projets de loi

100.En juillet 2017, un groupe de députés a présenté un projet de loi visant à modifier le Code pénal pour y inscrire l’infraction d’incitation à la haine ou à la violence contre des personnes données. Le projet, qui ajouterait au Code pénal un nouvel article 147 bis, vise à faire inscrire l’incitation à la haine ou à la violence contre les personnes, fondée sur la race, l’ethnie, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou la nationalité, entre autres, dans la lignée du cadre fixé par la loi no 20609. Le projet est actuellement examiné en première lecture par la Commission de la constitution, des lois, de la justice et de la réglementation de la Chambre des députés.

101.De son côté, en septembre 2017, le pouvoir exécutif a présenté au Congrès un projet de loi relatif à l’infraction d’incitation à la violence, comportant trois articles qui ajouteraient au Code pénal un nouvel article incriminant cette infraction. Le projet est actuellement examiné en seconde lecture par la Commission des droits de l’homme et des peuples autochtones de la Chambre des députés.

102.Ce projet reprend l’état d’esprit du projet de loi antérieur et prévoit une sanction pénale en cas de discours fondés sur l’identité nationale ou ethnique, le sexe ou la race, entre autres. L’infraction est assortie d’une circonstance aggravante si son auteur est un(e) fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions ou en sa qualité de fonctionnaire. En effet, la violation du principe d’égalité et de non-discrimination enfreint le devoir d’objectivité et le traitement égalitaire et exempt de discrimination que l’État doit observer dans ses décisions et ses actions.

F.Article 5 : Égalité dans l’exercice des droits

1.Article 5 a) : Droit à un traitement égal devant les tribunaux ou tout autre organe administrant la justice

Accès à la justice

103.Afin de faire progresser l’accès à la justice pour les personnes et les peuples qui cohabitent dans le pays, le pouvoir judiciaire a proposé en 2015 la création de « centres de justice citoyens », proposition élaborée grâce à un processus collaboratif auquel ont participé des représentants d’organisations sociales et des membres de groupes vulnérables, entre autres. Ce projet est une proposition collective qui va dans le sens d’une évolution profonde de la vision de la justice et de la résolution des conflits au Chili.

104.Chaque projet pilote de « centre de justice citoyen » se chargerait de problématiques particulières, parmi lesquelles la réponse aux besoins juridiques des personnes et des communautés migrantes. La Cour suprême a décidé que les deux premiers projets pilotes se dérouleraient à Antofagasta et Temuco, en raison de leur forte population migrante et autochtone, respectivement. Ces centres ont pour projet de mettre en place des « animateurs communautaires », leaders des communautés de migrants qui travailleront avec le pouvoir judiciaire pour aider les parties en litige à parvenir à des accords opportuns et durables, en tenant compte des différents usages, coutumes et traditions de chacune des parties.

105.Afin de garantir l’accès à la justice tant pour les personnes appartenant à l’un des peuples autochtones que pour les personnes migrantes, le Ministère de la justice et des droits de l’homme a pris, par l’entremise de ses services, diverses mesures.

106.Le Service de la défense pénale publique a établi un « Modèle de défense pénale pour les prévenu(e)s autochtones ». Il permet d’identifier les prévenu(e)s autochtones et de déterminer si l’affaire pénale correspond à un fait qui réunit les caractéristiques permettant de la classer comme affaire autochtone : l’existence d’un facteur culturel dans les mobiles criminels, ou un lien avec la revendication de terres, les croyances ancestrales, les coutumes autochtones, entre autres. Si l’infraction est qualifiée en ces termes, le modèle exige que l’affaire soit confiée à un(e) avocat(e) spécialisé(e).

107.Le Service de la défense pénale publique compte 174 avocat(e)s spécialisé(e)s dans les questions autochtones, réparties géographiquement en fonction des réalités et des particularités de chaque région. Dans les régions de La Araucanía et Los Lagos, un Service de défense mapuche a été créé. Il a été doté de professionnels qui travaillent exclusivement sur des affaires impliquant des prévenu(e)s mapuches. Jusqu’en 2016, près de 75 % des affaires impliquant des prévenu(e)s autochtones ont été prises en charge par un(e) avocat(e) spécialisé(e).

108.L’institution dispose d’animateurs/trices interculturel(le)s, qui aident l’avocat(e) à élaborer son argumentation et à établir des relations avec les usagers et avec les communautés autochtones. Il s’agit de fonctionnaires qui connaissent la langue et la culture autochtones de la région dans laquelle ils travaillent.

109.Les cabinets d’assistance juridique ont pour mandat la mise à disposition gratuite d’un avocat aux personnes autochtones, en particulier dans des domaines concernant la propriété, la possession, la division, l’administration, l’exploitation, l’utilisation et la jouissance des terres autochtones, ainsi que des actes et contrats qui s’y rapportent ou les concernent, et auxquels des personnes autochtones sont parties ou ont un intérêt, et n’ont pas la possibilité de refuser une prise en charge.

110.En ce qui concerne les peuples autochtones, les cabinets d’assistance juridique se sont efforcés d’améliorer les services fournis et d’étendre leur couverture. Le cabinet d’assistance juridique de la région métropolitaine a intégré dans ses protocoles de prise en charge des critères préférentiels pour les personnes autochtones, les personnes privées de liberté et les personnes handicapées, entre autres. Il a également mis en œuvre un protocole de prise en charge des victimes de la traite des personnes dans les centres de prise en charge intégrale des victimes d’infractions violentes, établissant un modèle de prise en charge globale, qui prévoit la mise à disposition d’un service juridique psychosocial.

111.Au sein des cabinets d’assistance juridique de Biobío, d’Arica et Parinacota, de Tarapacá et d’Antofagasta, des mesures ont été prises pour faciliter l’accès aux services de conseil juridique pour les personnes autochtones vivant dans des zones éloignées des centres urbains, en proposant ainsi des heures d’ouverture plus flexibles pour permettre aux personnes venant de loin d’accéder aux consultations juridiques et d’obtenir les services requis, toujours avec la participation d’animateurs interculturels. Il existe également des bureaux mobiles à même de se rendre en régions pour proposer des services d’orientation et d’information, comme c’est le cas de la consultation juridique de Pozo Almonte, en charge du bureau mobile d’Iquique dans l’extrême nord du pays.

112.Le cabinet d’assistance juridique du Biobío a participé activement au tribunal itinérant de l’Alto Biobío en coordination avec la municipalité de Santa Bárbara et l’organe administratif du pouvoir judiciaire. Son objectif est de garantir l’accès à la justice aux communautés pehuenches, qui doivent parcourir de longues distances pour mener à bien leurs procédures.

113.Les cabinets d’assistance juridique disposent de statistiques sur le nombre de personnes autochtones et migrantes prises en charge. Ainsi, le cabinet d’assistance juridique de la région métropolitaine a pris en charge 3 095 personnes autochtones en 2015, soit 1,23 % du nombre total de personnes prises en charge. Entre fin 2015 et juin 2016, il a pris en charge 1 507 personnes autochtones, soit 1,3 % du nombre total. Entre janvier 2013 et juillet 2016, le cabinet d’assistance juridique de Tarapacá et Antofagasta a pris en charge 11 881 personnes autochtones. S’agissant des personnes migrantes, au niveau national, 1 573 personnes (1 110 femmes et 463 hommes) ont été prises en charge pendant la période 2012-2016. En particulier, le Bureau des droits de l’homme du cabinet d’assistance juridique de la région métropolitaine a pris en charge 4 109 affaires au cours de la même période. S’il n’est pas possible de ventiler les affaires par sexe, nationalité, âge, etc., elles sont tout de même divisées par sujets, de sorte qu’en s’intéressant à celles qui concernent des étrangers/ères, il est possible de déduire qu’au moins 2 747 personnes migrantes ont été prises en charge. En janvier 2018, le Bureau comptait 1 004 affaires en cours, concernant 510 femmes et 494 hommes, dont la majorité est de nationalité dominicaine, colombienne et péruvienne.

114.Pour assurer la prise en charge et la protection de ses usagers, le ministère public, dans son Modèle général de prise en charge des usagers, a pris en compte le principe de non-discrimination qui garantit à chacun la prise en charge et la protection idoines, au moyen de processus et de protocoles adaptés. Ainsi, pour concevoir le système d’information et de prise en charge des usagers, l’un des principes énoncés est précisément la prise en charge sans discrimination, étant entendu que les procureurs et les fonctionnaires doivent traiter toutes les personnes sur un pied d’égalité indépendamment du sexe, de l’orientation sexuelle, de la race, de l’appartenance ethnique, des croyances ou de la religion, de la nationalité ou de tout facteur autre que leur statut d’usager du ministère public chilien. Il en va de même pour les modèles de prise en charge et de protection des victimes et des témoins.

115.Afin de faciliter l’accès des peuples autochtones aux services du ministère public, l’institution propose ce qui suit :

a)Des animateurs interculturels dans les régions du pays où les peuples autochtones sont le plus présents ;

b)La possibilité de faire appel aux services d’un interprète dans n’importe quelle langue autochtone : cette possibilité est offerte non seulement aux ressortissants, mais également aux étrangers victimes ou témoins d’infractions, qui doivent déposer pendant l’enquête ou le procès ;

c)Une charte des droits des utilisateurs, élaborée en plusieurs langues : mapudungún, aymara, Rapa Nui, kaweskar, yagán, créole et français.

Migrants

116.Compte tenu des engagements pris par le Chili en matière de protection des droits de l’homme, en particulier des enfants et adolescents migrants, et des dispositions de la législation migratoire selon lesquelles il incombe au Ministère de l’intérieur et de la sécurité publique d’appliquer les sanctions administratives correspondantes en cas de violation de la réglementation migratoire, il a été ordonné aux Intendants régionaux de ne pas appliquer de sanctions aux enfants et adolescents étrangers qui enfreignent ces dispositions : en effet, il est entendu que c’est aux parents, tuteurs ou aux personnes sous la garde desquelles ils sont placés qu’il incombe de régulariser la situation, en demandant les permis ou autorisations de séjour nécessaires.

Traite et trafic des personnes

117.Les affaires de traite des personnes ont généralement des aspects en commun dans les pays où les mis en cause sont des ressortissants, de sorte que le ministère public a demandé et fourni un appui dans des affaires depuis le début de la procédure et jusqu’à la tenue du procès. Ainsi, en 2015, avec la République bolivarienne du Venezuela, il a été possible de mener un travail coordonné dans le cadre d’affaires parallèles dans les deux pays, ainsi qu’un travail conjoint de protection de la victime dans le cadre du retour dans son pays et du suivi accordé aux affaires de cette nature.

118.Depuis l’entrée en vigueur de la loi no 20507, le ministère public est autorisé à demander au Service des étrangers et des migrations l’octroi de visas humanitaires. Des progrès ont été réalisés, puisque cette demande est coordonnée directement par l’Unité de la coopération internationale et des extraditions du ministère public, pour limiter le nombre d’intermédiaires. Il en résulte une communication rapide et efficace et une réduction considérable du temps d’attente pour le demandeur, ainsi qu’un accompagnement de la victime tout au long du processus. Il en a résulté une augmentation constante du nombre d’enquêtes sur la traite et le trafic de personnes. Le trafic de personnes, en particulier, s’intensifie dans les régions frontalières du nord du pays et dans la région métropolitaine, destination finale de nombreux migrants.

119.En ce qui concerne les condamnations pour traite et trafic de personnes, s’il n’y a pas eu d’augmentation des condamnations pour trafic illicite de migrants, on a toutefois constaté une augmentation significative des condamnations pour traite des personnes.

Loi no 18314, qui définit les conduites terroristes et en fixe les sanctions

120.Dans son programme de gouvernement pour la période 2014-2018, la Présidente Michelle Bachelet s’est engagée à modifier la loi no 18314, qui définit les conduites terroristes et en fixe les sanctions, dans le but de l’harmoniser avec les règles internationales, conformément aux recommandations adressées au Chili par les organes internationaux de protection des droits de l’homme. Une Commission du droit antiterroriste, composée de professeurs de droit pénal et de droit constitutionnel, a donc été mise en place. Elle s’est penchée sur la législation actuelle sur le terrorisme et a rédigé un rapport qui reprend les recommandations de l’ONU et celles des organes de surveillance des droits de l’homme du système interaméricain, ainsi que les conventions et traités internationaux conclus et ratifiés par le Chili. Le 4 novembre 2014, la Présidente de la République a transmis au Sénat le projet de loi portant définition des conduites terroristes et fixation des sanctions s’y rapportant et modification du Code pénal et de la procédure pénale. Le projet a été fusionné avec un projet de loi présenté à cet effet par un groupe de sénateurs, dans l’objectif de combler les lacunes juridiques de la loi en vigueur et de doter le pays d’un cadre réglementaire adéquat, légitime et démocratique. Le projet de loi présenté par le pouvoir exécutif comporte 12 articles portant sur les différentes conduites terroristes, les individus impliqués, les sanctions et le financement de ces actes, entre autres. Il vise à déterminer et à sanctionner les conduites terroristes par la modification du Code pénal et du Code de procédure pénale, et établit une réglementation spéciale sur les infractions complexes, dont les infractions terroristes, afin de rendre la législation nationale conforme aux règles internationales en la matière. Sont considérées comme étant à caractère terroriste les infractions pour lesquelles l’auteur des faits a pour but de saper ou de détruire l’ordre institutionnel démocratique ou de troubler gravement l’ordre public, d’imposer des exigences à l’autorité politique, de lui arracher des décisions ou de susciter dans la population la peur généralisée de la perte ou de la privation des droits fondamentaux. Ce projet est actuellement examiné en première lecture.

121.En ce qui concerne l’application de la loi no 18314 de 2014 à 2016, selon les informations fournies par le Ministère de l’intérieur et de la sécurité publique, 18 plaintes ont été déposées pour des infractions relevant de cette loi, et aucune d’entre elles n’avait pour but l’incrimination de la revendication de droits des peuples autochtones. Au cours de la période considérée, deux affaires ont placé cette législation au centre du débat. Il s’agit des affaires suivantes :

a)Tribunal de garantie de Temuco (affaire n o  1300701735-3) : Les faits correspondent à l’incendie du domaine Lumahue et, conjointement, à l’homicide du couple Luchsinger-Mackay, commis aux premières heures du 4 janvier 2013. Celestino Córdova Tránsito et un groupe de 11 personnes sont entrés par effraction dans la bâtisse du couple, Werner Luchsinger et Vivianne Mackay, qui se trouvaient à l’intérieur, et les ont attaqués. Monsieur Luchsinger a tenté de repousser l’attaque, réussissant à blesser l’un des prévenus. Monsieur Córdova et ses acolytes ont aspergé le bâtiment d’accélérant et ont mis le feu à l’aide de torches, laissant le couple à l’intérieur. La maison a entièrement brûlé, et le couple est mort carbonisé. Le 14 novembre 2017, le Tribunal pénal de procédure orale de Temuco a prononcé un jugement d’acquittement des autres prévenus dans cette affaire, puisqu’il a déterminé qu’il ne pouvait avoir la conviction, au-delà de tout doute raisonnable, que le crime dont ils étaient accusés avait effectivement eu lieu et que les accusés et l’accusée en question y avaient participé de façon coupable et punissable par la loi. Un recours en nullité ayant été formé par le demandeur et accepté par la Cour d’appel de Temuco, un nouveau procès doit avoir lieu ;

b)Tribunal de garantie de Temuco ( affaire n o 1600553093-1) : Les faits correspondent à l’incendie du temple évangélique Truf qui s’est produit le 9 juin 2016 vers 21 h 15. Un groupe de cinq inconnus au visage couvert est entré à l’intérieur du temple évangélique, où 15 personnes célébraient le culte, dont des femmes et des enfants et adolescents. Le groupe les a menacés avec des armes à feu, puis les a forcés à sortir et à brûler l’église. Ils ont pris la fuite, mais vers 23 h 30, ils ont été arrêtés par une patrouille de carabiniers. Alors que, dans sa plainte, le Ministère de l’intérieur et de la sécurité publique, par l’entremise de l’Intendance régionale concernée, avait demandé que ces actes soient qualifiés d’actes relevant de la loi no 18314, il a demandé au tribunal le 10 octobre 2017 la suppression de toute accusation de qualification terroriste. L’affaire en est au stade de l’audience préliminaire.

2.Article 5 b) : Droit à la sûreté de la personne et à la protection de l’État contre les voies de fait ou les sévices de la part soit de fonctionnaires du gouvernement, soit de tout individu, groupe ou institution

Législation

122.Un sujet a fait l’objet d’un débat public : la situation déplorable vécue par Lorenza Cayuhán, de la communauté mapuche qui, privée de liberté et enceinte, a dû accoucher sur un brancard dans une clinique à Concepción. À la suite de ces faits, la Présidente de la République a chargé le Sous-Secrétariat aux droits de l’homme d’intégrer la perspective des droits de l’homme dans le Règlement des établissements pénitentiaires. Cette réforme a été un travail participatif qui a tenu compte des contributions de différents services publics, ainsi que de la société civile. Dans un premier temps, le Sous-Secrétariat aux droits de l’homme, le Sous-Secrétariat à la Justice, le Ministère de la femme et de l’égalité des sexes, le Service national de la femme et de l’égalité des sexes, la gendarmerie et le Ministère de la santé ont pris part au groupe de travail. Après s’être mis d’accord sur un texte, ils ont entamé une deuxième étape, menée aux côtés du Ministère de la justice et des droits de l’homme et de la Gendarmerie, au cours de laquelle la problématique des droits de l’homme a été intégrée dans la totalité du règlement. À cette fin, le texte et les règles internationales applicables en matière de droits de l’homme ont été entièrement revues.

123.Le nouveau règlement dispose que l’activité pénitentiaire a pour objectif premier de contribuer à la réinsertion sociale, ainsi qu’aux soins et à la surveillance des personnes privées de liberté et de celles qui, à titre onéreux, sont placées sous le contrôle et l’assistance de la gendarmerie chilienne. Le Règlement des établissements pénitentiaires fixe un ensemble de principes, dont celui de la pertinence culturelle, qui favorise le respect de la culture et des traditions et valorise le patrimoine reçu des ancêtres, témoignage de leur existence et de leur vision du monde. Le nouveau Règlement des établissements pénitentiaires est en cours d’examen par la Contrôlerie générale de la République, qui doit prendre note du document.

124.Par ailleurs, en mars 2013, les carabiniers ont publié la circulaire no 1756 concernant le recours à la force, qui se fonde sur les principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité pour déterminer les limites de l’usage de la force par les carabiniers et dispose que la force ne doit être utilisée que lorsque cela est strictement nécessaire et dans la mesure requise pour exercer des fonctions de police.

125.Dans le cas où un policier n’agirait pas conformément aux dispositions établies par les normes internationales et la législation nationale en la matière, l’institution proprement dite dispose de divers moyens pour repérer les actes commis par le fonctionnaire, enquêter sur ces actes et les sanctionner. Ces moyens sont notamment les suivants :

a)Contrôle hiérarchique ou disciplinaire : les faits et la responsabilité des personnes concernées sont établis par une enquête administrative qui peut aboutir à une sanction disciplinaire. Si l’illégalité est constitutive d’une infraction, les membres du personnel des carabiniers sont légalement tenus de le signaler à l’organe chargé des poursuites pénales, conformément à l’article 175 a) du Code de procédure pénale ;

b)Afin d’améliorer l’efficacité de ce contrôle interne, les parquets administratifs, les organes administratifs et les organes d’enquête disciplinaire dans les instances judiciaires ont été réformés, ce qui a conduit à une amélioration de la qualité de la justice disciplinaire. En octobre 2013, le décret no 118 du 7 avril 1982 du Ministère de la défense nationale a été modifié et, depuis mars 2014, les bureaux d’enquête administratifs et juridiques des carabiniers sont sous la responsabilité d’officiers de justice des carabiniers. De même, les membres du personnel des carabiniers peuvent faire appel à des experts juridiques pour leur défense dans les processus administratifs depuis 2014 ;

c)Affaires internes : il s’agit du service qui enquête, de façon non officielle, sur les conduites qui contreviennent aux obligations de service ;

d)Système de recueil des plaintes facilement accessible au public, via la plateforme Internet des carabiniers : n’importe quelle personne peut signaler des faits qu’elle considère comme irréguliers. L’institution s’est imposé l’obligation d’enquêter sur chacune des plaintes et de répondre aux exigences.

Peuples autochtones

126.Face aux cas de violences policières contre des membres des peuples autochtones, ce sont les juridictions supérieures qui ont rétabli l’état de droit, en offrant une protection aux victimes, en particulier les personnes appartenant aux peuples autochtones, enfants et adolescents compris. Dans les affaires dont ils ont eu à connaître, les tribunaux ont jugé que les carabiniers ne pouvaient faire un usage excessif de la force pour disperser et contrôler des groupes de personnes qui troublent l’ordre public au sein desquels il peut y avoir des enfants et des adolescents autochtones, et qu’ils doivent donc conduire les procédures policières dans le strict respect des dispositions constitutionnelles et juridiques en vigueur.

127.En particulier, en ce qui concerne les cas de violences policières concernant des enfants et adolescents mapuches, il a été souligné par les juridictions supérieures : « [q]ue les carabiniers du Chili sont une institution professionnelle formée pour maîtriser les groupes qui troublent l’ordre public de quelque manière que ce soit, situations dans lesquelles les carabiniers peuvent utiliser divers moyens de dissuasion, y compris faire usage de la force, mais ces éléments doivent être utilisés de manière rationnelle et proportionnelle à la situation particulière à maîtriser, toujours dans le respect des protocoles correspondants imposés par l’institution. En l’espèce, la force utilisée pour réduire le nombre d’adolescents concernés était disproportionnée compte tenu de l’incapacité totale de réaction effective des adolescents au moment de leur détention, en raison de l’endroit où ils se trouvaient sur le terrain et parce qu’ils étaient en outre en infériorité numérique par rapport aux membres de la police, les autres participants aux troubles ayant vraisemblablement quitté le lieu où se sont déroulées les arrestations.

128.Le Chili mène des actions préventives pour éviter que se reproduisent de telles situations. Cependant, dans un état de droit, c’est un indicateur positif en termes de droits de l’homme que le pouvoir judiciaire agisse de manière autonome en contrepoids des actions de la police.

129.En ce qui concerne les situations de recours excessif à la force qui ont affecté le peuple mapuche dans le cadre de revendications territoriales, les protocoles de maintien de l’ordre public des carabiniers, connus du public et accessibles aux citoyens, comprennent également un protocole spécial pour le traitement des enfants et adolescents autochtones auteurs d’infractions.

130.En ce qui concerne les enquêtes, les poursuites et les sanctions relatives aux sévices et actes de violence commis par la police, des enquêtes administratives ont été menées sur les mauvais traitements qu’auraient infligés des carabiniers à des adultes comme à des enfants et des adolescents lors de manifestations publiques et d’opérations de police. Ces enquêtes internes ont conduit au dépôt de plaintes pénales et à l’application de sanctions disciplinaires.

131.S’agissant des mesures adoptées au sein de l’institution pour lutter contre la discrimination, on peut citer le fonctionnement du département des droits de l’homme. À ce titre, il est entendu que certains groupes de personnes nécessitent une plus grande protection policière en raison de leur situation vulnérable, comme c’est le cas des migrants et des personnes appartenant à un peuple autochtone quel qu’il soit.

132.Le corps des carabiniers a créé en 2013 un service de police doté de personnel formé en matière d’identité sociale et culturelle mapuches, à l’origine des patrouilles de prise en charge des communautés autochtones. Depuis septembre 2013, le département de l’intégration communautaire du corps des carabiniers est chargé de coordonner les patrouilles de prise en charge des communautés autochtones qui sont aujourd’hui composées, pour l’essentiel, de personnel d’origine mapuche. La police d’investigation, quant à elle, dispose de brigades spéciales d’enquêtes de police à Concepción et à Temuco.

3.Article 5 c) : Droits politiques, notamment droit de participer aux élections − de voter et d’être candidat − selon le système du suffrage universel et égal, droit de prendre part au gouvernement ainsi qu’à la direction des affaires publiques, à tous les échelons, et droit d’accéder, dans des conditions d’égalité, aux fonctions publiques

Peuples autochtones

133.S’agissant de l’égalité de participation aux affaires publiques, comme indiqué plus haut concernant l’article premier de la Convention, le remplacement du système binominal par un système proportionnel a porté ses fruits lors des dernières élections législatives de novembre 2017 : en effet, non seulement le nombre de femmes parlementaires a augmenté, mais une femme mapuche-huilliche, Emilia Nuyado Ancapichún, a également été élue pour la première fois. Par ailleurs, dans la région d’Arica et de Parinacota, Diego Paco Mamani, un jeune Aymara, a été élu parmi les conseillers régionaux.

Migrants

134.S’agissant des élections et du droit de vote, ils sont régis par la loi organique constitutionnelle no 18556 sur le système d’inscriptions électorales et le service électoral. En vertu de cette loi, le service électoral est tenu d’inscrire toute personne dans ses registres. Pour ce faire, le Service de l’état civil et de l’identification doit fournir au service électoral tout antécédent nécessaire à l’inscription au registre électoral qui est en sa possession. En 2012, 167 521 personnes étrangères (91 445 femmes et 76 076 hommes) disposaient du droit de vote ; ce chiffre est passé à 179 897 personnes en 2013 (97 907 femmes et 81 990 hommes). En 2016, 238 716 personnes étrangères (129 764 femmes et 108 952 hommes) disposaient du droit de vote. Comme on peut le constater, l’ajout de 71 195 électeurs étrangers supplémentaires entre 2012 et 2016 témoigne également de l’immigration en hausse dans le pays.

4.Article 5 d) i) : Droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État

135.Voir les informations concernant l’article premier.

5.Article 5 d) ii) : Droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.

Peuples autochtones

136.En mai 2016, le pouvoir exécutif a présenté au Congrès un projet de loi visant à réglementer l’exercice des droits de résidence, de séjour et de déplacement à destination et en provenance du territoire spécial de l’île de Pâques. Le projet comporte 8 chapitres, qui traitent du séjour et de la résidence sur le territoire spécial de l’île de Pâques, du transfert vers et de ce lieu, entre autres, en 69 articles (sept transitoires). Conformément à la Convention no 169 de l’OIT, ce projet de loi a fait l’objet d’une consultation auprès des 36 clans familiaux du peuple Rapa Nui et des organisations autochtones de l’île de Pâques. L’objectif du projet de loi est de réglementer la manière dont seront exercés les droits de résidence, de séjour et de déplacement à destination et en provenance de l’île de Pâques. Il établit les mesures qui s’appliqueront lorsque certaines limites de poids démographique seront dépassées. Le projet de loi est actuellement examiné en deuxième lecture par la Commission des affaires publiques, de la décentralisation et de la régionalisation du Sénat.

6.Article 5 d) iii) : Droit à une nationalité

137.Voir les informations concernant l’article premier de la Convention sur l’élimination de la discrimination raciale.

7.Article 5 d) iv) : Droit de se marier et de choisir son conjoint

Migrants

138.Le Service des étrangers et des migrations a publié la circulaire no 06 du 26 février 2015, qui dispose que peuvent demander un visa de résident temporaire en tant que titulaires les personnes qui se marient à l’étranger avec un(e) Chilien(ne) ou un(e) étranger/ère résidant au Chili, et qui ne sont pas en mesure d’enregistrer un tel mariage au Chili, ainsi que les personnes qui concluent un accord d’union civile avec un(e) résident(e) chilien(ne) ou étranger/ère, au Chili comme à l’étranger.

139.Des cas de rejet de demandes de mariage ont été enregistrés lorsque l’un des conjoints est étranger et ne possède pas de visa temporaire ou permanent ou de carte d’identité pour étrangers. Afin de résoudre ce problème, le Bureau des droits de l’homme du cabinet d’assistance juridique de la région métropolitaine a déposé des recours en protection devant les cours d’appel de Santiago et San Miguel. Entre juillet 2015 et janvier 2018, il a introduit 12 recours, dont 6 ont été acceptés, ordonnant à l’officier de l’état civil compétent de permettre la célébration du mariage des demandeurs, en l’absence d’obstacles ou d’interdictions prévus par la loi no 19947, et les 6 autres ont été rejetés. De ces 12 recours, 11 ont fait l’objet d’un appel. Sur les 6 acceptés par les cours d’appel, 2 ont été confirmés par la Cour suprême et les 4 autres ont été rejetés. D’autre part, les 5 appels qui ont été rejetés par la cour d’appel l’ont également été par la Cour suprême.

8.Article 5 d) v) : Droit de toute personne, aussi bien seule qu’en association, à la propriété

Peuples autochtones

140.En vertu de la loi no 19253, l’État reconnaît les communautés autochtones du Chili comme descendants légitimes des peuples autochtones du territoire chilien et, par conséquent, comme chargés de transmettre leurs traditions et manifestations culturelles propres. Grâce à la gestion et à l’aliénation des actifs fiscaux nécessaires et à la régularisation des titres fonciers sur les propriétés privées, l’occupation ou l’utilisation ancestrale bénéficient désormais d’une sécurité juridique, les terres autochtones ont été étendues et les familles et communautés sont désormais en mesure de bénéficier des programmes publics exigeant la propriété des terres habitées ou exploitées.

141.Ces travaux importants ont été concentrés dans des régions à forte densité de population autochtone, où l’occupation et l’utilisation ancestrale sont historiques. Ce sont ainsi les peuples aymara, quechua, likan-antay ou atacameño, colla, Rapa Nui, mapuche, yagán et kawésqar qui en ont bénéficié. Bon nombre de ces efforts ont été déployés conjointement avec la Société nationale de développement autochtone (CONADI) dans le cadre d’un accord-cadre de 1994, puis de nombreux accords de collaboration depuis 1999.

142.La terre étant le principal fondement de l’existence et de la culture des peuples autochtones, le budget consacré à l’achat de terres en vue de leur restitution n’a cessé d’augmenter. En application de l’article 20 b) de la loi no 19253, entre 2012 et 2016, 55 108 hectares ont été acquis par l’État et restitués à 7 367 familles autochtones. Toujours en application de l’article 20, mais de son alinéa a), entre 2012 et 2016, des subventions ont été accordées à 1 989 familles autochtones pour l’acquisition de terres, pour un total de 14 188 hectares.

143.Au cours de la période 2012-2016, la CONADI a investi 26 606 665 millions de pesos dans la mise en œuvre de programmes de subventions pour des travaux d’irrigation, l’acquisition de droits d’eau, la régularisation de domaines d’eau et l’assainissement de propriétés autochtones, au bénéfice de 19 629 familles autochtones.

144.D’autre part, en 2017, le gouvernement a décidé d’effectuer des relevés cadastraux historiques des terres et des eaux autochtones qui devraient être achevés en 2018. Cet outil devrait permettre d’envisager une meilleure politique de restitution des terres afin d’élaborer un plan à long terme sur cette question.

145.En outre, le Ministère des biens nationaux et la CONADI ont coordonné des actions de régularisation et d’extension des terres. Ainsi et conformément à la loi no 19253 et aux instruments juridiques dont dispose le Ministère des biens nationaux, tant en propriété fiscale que privée, des titres de propriété individuels gratuits, des transferts communautaires et des concessions à usage gratuit sur les terres fiscales, ainsi que la régularisation des titres de propriété sur la propriété privée, ont été accordés à des personnes et des communautés autochtones sur l’ensemble du territoire national.

146.Les transferts de bâtiments publics à la CONADI ou aux communautés ont concerné au total 361 cimetières autochtones. Il s’agit de lieux sacrés pour les communautés, présentant une valeur patrimoniale, culturelle et symbolique.

147.Pour ce qui est de la restitution et la mise en valeur du patrimoine autochtone, il convient de noter que sur les 65 chemins du patrimoine créés à l’initiative du Ministère des biens nationaux, 10 ont intégré des éléments et du patrimoine matériel liés aux peuples autochtones. Cette politique ayant trait aux peuples autochtones suppose une nouvelle prise en compte des chemins du patrimoine, qui entraîne un travail spécifique, axé sur les communautés et les organisations autochtones, pour préserver les sites patrimoniaux et culturels.

148.Afin d’améliorer les politiques de restitution des terres autochtones et l’accès à l’eau pour les peuples autochtones, la Présidente de la République a ordonné en juin 2017 l’élaboration d’un cadastre des terres et des eaux autochtones qui servirait de point de référence à une évaluation de la demande totale de terres et d’eaux autochtones et leur disponibilité pour être restituées aux communautés requérantes.

9.Article 5 d) vi) : Droit d’hériter

149.Le Chili n’a pas de nouvelles informations à fournir à cet égard.

10.Article 5 d) vii) : Droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion

150.Voir les propositions de modifications du décret no 518 concernant le Règlement des établissements pénitentiaires, développées à propos de l’article 5 b) de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et qui sont actuellement examinées par le Comité des droits de l’homme.

11.Article 5 d) viii) : Droit à la liberté d’opinion et d’expression

151.Voir les informations concernant l’article 4 de la Convention sur l’élimination de la discrimination raciale.

12.Article 5 d) ix) : Droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques

152.Le Chili n’a pas de nouvelles informations à fournir à cet égard.

13.Article 5 e) i) : Droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail, à la protection contre le chômage, à un salaire égal pour un travail égal et à une rémunération équitable et satisfaisante

Peuples autochtones

153.Le Sous-Secrétariat au travail du Ministère du travail et de la prévoyance sociale a élaboré des plans en faveur de l’employabilité des peuples concernés. Citons par exemple le programme « Amélioration de l’employabilité des artisans traditionnels des zones rurales », qui vise à contribuer à la création d’emplois par le développement de l’artisanat dans les zones à faible développement économique, et dont l’objectif est d’accroître et de renforcer les compétences d’employabilité des artisans, en les formant à ces compétences et à des techniques artisanales, ainsi que leur insertion ultérieure et systématique sur le marché du travail. En 2015, 79 personnes appartenaient à des peuples autochtones.

154.Le Service national de formation et d’emploi, à travers son programme « +Capaz » créé en 2014, s’est fixé comme objectif de soutenir l’accès et le maintien sur le marché du travail des femmes, des jeunes et des personnes handicapées en situation de vulnérabilité sociale. En 2015, ce programme a formé un total de 7 857 usagers appartenant à différents peuples autochtones dans ses trois filières : +Capaz Línea Regular, +Capaz Discapacidad et +Capaz Mujer Emprendedora. Le recrutement dans ces programmes de personnes appartenant à des peuples autochtones s’est fait grâce à un processus de détection des demandes de formation par le Service national de formation et d’emploi en 2014, afin de répondre aux besoins régionaux, tant en termes de productivité que d’emploi.

Migrants

155.Afin de se conformer aux dispositions du décret présidentiel no 5, le Ministère du travail et de la prévoyance sociale, par l’entremise de l’ensemble de ses services, a travaillé à la réalisation d’un diagnostic à même d’évaluer les plans et programmes mis en œuvre en faveur de la population migrante.

156.Le Service des étrangers et des migrations a publié la circulaire no 07, qui établit que les étrangers souhaitant exercer une activité rémunérée dans le pays peuvent bénéficier d’un permis de séjour temporaire pour motif professionnel, avec pour condition première l’existence d’un contrat de travail avec un employeur établi au Chili. En outre, elle supprime de ce type de visa la clause de voyage obligatoire.

157.Le Sous-Secrétariat au travail a développé deux initiatives :

a)Pro-Empleo, qui est un programme d’employabilité et d’insertion spécialement conçu en faveur de la population migrante ;

b)Diálogo Social, qui concerne des écoles de formation syndicale. Récemment, le programme des établissements de formation continue a été modifié pour y inclure un module de deux heures sur des thématiques relatives aux migrations.

158.La Direction du travail, rattachée au Ministère du travail et de la prévoyance sociale, a conçu un modèle d’autodiagnostic élaboré d’après ses propres besoins et ses caractéristiques particulières, avec les conseils techniques de l’OIT.

14.Article 5 e) ii) : Droit de fonder des syndicats et de s’affilier à des syndicats

159.En 2014, le pouvoir exécutif a présenté au Congrès un projet de loi visant à modifier le Code du travail en vigueur, composé de neuf chapitres et dix articles et traitant des règles générales, du droit à l’information des organisations syndicales et des conventions collectives, entre autres. À l’issue d’un intense débat législatif, la loi no 20940 a été promulguée. Elle modifie le Code du travail sans faire de distinction entre les travailleurs, s’appliquant ainsi de la même manière aux personnes appartenant aux peuples autochtones, aux personnes d’ascendance africaine et aux migrants.

160.En ce qui concerne la syndicalisation, le troisième alinéa de l’article 227 du Code du travail a été modifié pour établir une obligation de représentativité s’agissant du quorum pour la constitution des syndicats.

15.Article 5 e) iii) : Droit au logement

Peuples autochtones

161.Le Ministère du logement et de l’urbanisme a mis en œuvre le « Programme d’inclusion sociale 2015-2018 » qui vise à améliorer la qualité de vie des peuples autochtones, des personnes migrantes, des personnes handicapées, des personnes âgées et des enfants et adolescents, par des actions qui répondent à leurs besoins dans les domaines du logement, des quartiers et des villes. Axées sur l’interculturalité, les actions du programme prévoient des échanges dynamiques entre diverses cultures, fondés sur la coexistence, le dialogue, la réciprocité et l’interdépendance.

162.Le programme prévoit notamment un groupe de travail des peuples autochtones visant à encourager la participation des peuples autochtones, de leurs familles et/ou de leurs communautés à la définition et à la gestion de logements adéquats, de quartiers intégrés et de villes inclusives. En juillet 2016, la Commission des études sur le logement et études urbaines, rattachée au Ministère du logement et de l’urbanisme, a réalisé une étude sur la caractérisation des usages et habitudes de logement des peuples autochtones pour la conception de solutions de logement.

163.En juin 2016, un accord de collaboration a été approuvé entre le Ministère du logement et de l’urbanisme, le Ministère du développement social et la Société nationale de développement autochtone (CONADI). Il a pour but de les faire œuvrer ensemble, dans le cadre de leurs attributions respectives, à la réalisation d’actions dans les domaines de l’habitabilité et du logement, afin d’adapter, de mettre en place et de créer des solutions de logement adaptées aux familles des peuples autochtones vivant en zone urbaine ou rurale.

164.Les programmes respectifs du Fonds de solidarité pour le choix du logement, du Fonds pour l’habitabilité rurale et du Système intégré d’aide au logement prévoient la candidature de groupes ou d’individus ayant la propriété, le droit de jouissance et le droit réel d’utilisation des terres autochtones.

Migrants

165.Le groupe de travail sur les immigrants prévu par le programme (par. 161) a pour objet de contribuer à améliorer la qualité de vie des familles de migrants en facilitant l’accès à des solutions de logement adéquates et en favorisant leur participation aux programmes de quartier et municipaux. À cette fin, des équipes transversales de prise en charge ont été formées dans les régions où la demande des populations migrantes est la plus forte.

166.Dans le programme du Fonds de solidarité pour le choix du logement et dans le Système intégré de subventions au logement, l’obligation d’attester d’une résidence permanente de cinq ans dans le pays est supprimée, et il suffit de justifier d’une résidence permanente pour déposer une demande. Il en va de même pour le programme d’habitabilité rurale récemment créé. Dans le cas du programme d’assistance au logement, l’obligation de résidence permanente est remplacée par la présentation obligatoire d’une carte d’identité nationale pour les étrangers.

16.Article 5 e) iv) : Droit à la santé

Migrants

167.En septembre 2014, le Ministère de la santé a constitué une équipe consultative du secteur de la santé à ce sujet. Composée de représentants du Sous-Secrétariat à la santé publique, du Sous-Secrétariat aux réseaux de soins de santé, du Fonds national de santé (FONASA) et de la Direction de la santé, tous rattachés au Ministère de la santé, elle a pour but d’élaborer la politique de santé des migrants. L’équipe a procédé à une révision de la réglementation, notamment du décret no 67 de 2015 qui permet aux personnes migrantes en situation irrégulière, sans papiers ni permis de séjour, d’être bénéficiaires du Fonds national de santé (dispositif public d’assurance maladie dont l’objectif est de garantir l’accès et le respect des droits à la santé à toute la population du pays). Le Ministère de la santé a ensuite publié la circulaire no A 15/06 sur les soins de santé des personnes migrantes, qui élargit les prestations de santé destinées aux femmes migrantes pour y inclure des méthodes de régulation des naissances, l’éducation à la santé, l’accès à des conseils de promotion de la santé sexuelle, ainsi que la prévention du VIH et des IST et l’accès à des préservatifs.

168.En ce qui concerne la situation des femmes migrantes enceintes, un accord a été conclu entre le Ministère de l’intérieur et de la sécurité publique et le Ministère de la santé pour protéger la maternité. Il facilite l’octroi d’un permis de résidence temporaire aux travailleuses étrangères résidant au Chili qui tombent enceintes, en améliorant leur accès aux services de santé et en assurant le suivi nécessaire jusqu’à douze mois après l’accouchement.

169.La décision spéciale no 1266 a créé le Programme d’accès aux soins de santé pour les personnes migrantes, en place dans les établissements de soins de santé primaires. Ces projets pilotes, mis en place dans quatre régions du pays (Arica et Parinacota, Tarapacá, Antofagasta et la région métropolitaine), correspondent à un ensemble d’actions articulées visant la levée des obstacles à l’accès des migrants à la santé et aux soins. Divers services interviennent ainsi de manière coordonnée, dont le Fonds national de santé, la Direction de la santé, les services de soins de santé primaires et les hôpitaux, les municipalités et le Secrétariat ministériel régional de la santé.

170.En décembre 2014, le Ministère de l’intérieur et de la sécurité publique et le Fonds national de santé ont signé un accord facilitant l’accès à la santé par l’intermédiaire du Fonds, qui permet aux ressortissants étrangers résidant au Chili, dès lors qu’ils justifient de leur résidence, de bénéficier des prestations du Fonds national de santé. Ce dispositif doit être complété par le décret no 67 du Ministère de la santé, qui ajoute une nouvelle catégorie de personnes à faibles ressources prenant en compte les migrants sans papiers ou sans résidence régulière dans le pays, ce qui leur permet d’être considérés comme bénéficiaires du régime de prestations de santé.

171.En 2015, le Secrétariat ministériel régional de la santé métropolitaine a décidé de procéder à un diagnostic de la santé des migrants de la région, par une évaluation quantitative de leur état de santé et de leur accès aux services de santé et une comparaison avec les données de la population née au Chili.

172.En octobre 2017, le Ministère de la santé a présenté la politique de santé des migrants au Chili, à l’issue d’un processus participatif par l’équipe consultative sectorielle sur la santé des migrants.

173.Enfin, une stratégie d’amélioration de l’information en santé commence à être déployée afin de mieux connaître l’état de santé des personnes migrantes. Les registres statistiques mensuels sont l’une des mesures mises en place, dont l’objectif est d’identifier la population migrante dans les registres sanitaires de prise en charge primaire.

17.Article 5 e) v) : Droit à l’éducation et à la formation professionnelle

Peuples autochtones

174.En application de la loi no 20370, de la loi no 19253 et de la Convention no 169 de l’OIT, le Ministère de l’éducation a veillé à l’inclusion des peuples autochtones au moyen de différentes propositions. En décembre 2014 a été créé le Secrétariat à l’éducation interculturelle autochtone, une entité technique rattachée au Sous-Secrétariat à l’éducation et chargée de veiller à la protection et à la valorisation des cultures et des langues des peuples autochtones reconnus par la loi no 19253. Ce secrétariat est chargé de promouvoir le développement de pratiques pédagogiques et de gestion institutionnelle interculturelle, qui visent à ce que tou(te)s les étudiant(e)s, quelle que soit leur appartenance ethnique, acquièrent des connaissances de la langue et de la culture des peuples autochtones.

175.Le décret no 280 du Ministère de l’éducation a créé la matière « langue autochtone » dont l’objectif est de garantir aux enfants et adolescents de cultures et de langues différentes l’accès à des possibilités d’apprentissage des langues autochtones de façon systématique et adaptée à leurs réalités. En 2015, 610 programmes de langue autochtone ont été créés dans les écoles ciblées. De ce nombre, 485 relèvent de la matière « langue autochtone », 63 de l’interculturalité de base, 27 de l’interculturalité (niveau moyen), 36 de la revitalisation et 5 du bilinguisme. Au total, 71 811 élèves ont suivi ces programmes. Le nombre d’enseignants traditionnels rémunérés par le programme relatif à la matière « langue autochtone » est d’environ 481.

176.Conformément au Système d’information général étudiant, en 2015, 102 630 élèves étaient inscrits au niveau de base dans les écoles ciblées dotées d’un enseignant traditionnel. Pour ce qui concerne les filles inscrites, les nombres les plus importants se concentrent au sein du peuple mapuche et en zone urbaine. En 2016, le Programme d’éducation interculturelle bilingue a distribué des textes d’étude, des cahiers d’exercices et des guides pour les enseignants traditionnels des 1re, 2e et 3e années élémentaires des langues mapuche, aymara et quechua.

177.S’agissant de l’école maternelle, la convention entre la Société nationale de développement autochtone (CONADI), le Conseil national des jardins d’enfants et la Fondation Integra, intitulée « Finalité, objet et composition du programme scolaire et application d’un programme d’enseignement et pédagogique interculturel bilingue » a été renouvelée. Elle concerne 77 établissements spécialisés et accompagne le recours à des enseignant(e)s de langue et de culture autochtones. Au mois d’avril 2016, 7 467 élèves autochtones étaient inscrits dans les différents niveaux de prise en charge de l’école maternelle.

178.En 2015, le Conseil national d’accompagnement scolaire et des bourses a accordé 78 223 bourses autochtones, sous la forme d’une contribution pécuniaire versée aux enfants et adolescents autochtones inscrits entre la 5e et la 8e année de l’enseignement élémentaire. Toujours en 2015, le Chili a commencé à faire appliquer la décision rendue par la Cour interaméricaine des droits de l’homme dans l’affaire Norín Catrimán et autres c.Chili, par l’octroi de bourses d’études depuis la maternelle et jusqu’au niveau supérieur. Ces bourses ont été octroyées à 226 personnes des communautés et familles concernées par la décision de la Cour.

Migrants

179.L’Unité des normes, avec la collaboration du cabinet de la Direction de l’enseignement général et de la Coordination pour l’inclusion et la diversité, est en train de réviser les normes relatives à l’accès, au séjour et aux progrès éducatifs des étudiant(e)s d’origine migrante dans le système éducatif chilien. L’objectif est de repérer les besoins de modernisation de la réglementation en vigueur et de proposer des modifications afin qu’elle soit plus pertinente ; de réviser et d’adapter les procédures de gestion afin que la réglementation soit bien appliquée et de mettre en place des actions de communication et de diffusion auprès des acteurs les plus concernés du système, des élèves et de leurs familles.

180.S’agissant des initiatives menées auprès des municipalités, il convient de citer la convention « Escuela Somos Todos », conclue entre le Ministère de l’intérieur et de la sécurité publique et le Ministère de l’éducation. Ce programme facilite et favorise l’intégration dans le système éducatif des enfants de migrants qui résident au Chili, par l’octroi de visas étudiants. Depuis sa mise en place en août 2014 et jusqu’en 2015, le programme a permis de régulariser la situation migratoire de 1 232 élèves, garçons et filles.

181.Enfin, en mars 2016 a été promulguée la loi no 20910 portant création de centres de formation techniques d’État dans toutes les régions du pays. En mai 2016, le Ministère de l’éducation a annoncé que le Centre de formation technique qui allait ouvrir ses portes dans la région du Biobío, rattaché à l’université du Biobío, serait situé dans la commune de Tirúa et que son offre pédagogique inclurait la formation d’assistantes de maternelle et d’enseignants interculturels bilingues.

18.Article 5 e) vi) : Droit de prendre part à des activités culturelles

182.Le Fonds de développement des arts et de la culture (FONDART), rattaché au Conseil national de la culture et des arts, a pour objectif d’accompagner le développement des arts, la diffusion de la culture et la préservation du patrimoine culturel du Chili. Ses concours régionaux 2016, pour l’octroi de fonds à des projets réalisables en 2017, ont intégré des axes destinés à la population migrante et aux peuples autochtones. On citera par exemple l’axe FONDART « Cultures régionales », qui a inauguré la modalité « Culture d’ascendance africaine » visant à renforcer l’identité des personnes d’ascendance d’africaine de la région d’Arica et Parinacota au moyen de projets de diffusion, de formation, de promotion et de valorisation de ses manifestations artistiques et culturelles.

Peuples autochtones

183.Le département des peuples autochtones du Conseil national de la culture et des arts met actuellement en œuvre le « Programme de développement et de diffusion des arts et des cultures des peuples autochtones et de la communauté d’ascendance d’africaine », qui prévoit un élément participatif conformément à la Convention no 169 de l’OIT.

Migrants

184.Le Conseil national de la culture et des arts a créé le programme Migrations et interculturalité, dont le cadre d’action est l’accès à la culture et aux arts. Il a pour objectif de donner de la visibilité aux expressions culturelles des personnes migrantes au Chili, en valorisant leur contribution à la construction des identités.

185.Ce programme fonctionne au moyen de trois axes : 1) accès à l’interculturalité ; 2) développement de l’interculturalité ; 3) compétences en matière d’interculturalité.

19.Article 5 f) : Droit d’accès à tous lieux et services destinés à l’usage du public, tels que moyens de transport, hôtels, restaurants, cafés, spectacles et parcs

186.S’agissant de cet article, le Chili estime qu’il n’existe pas d’aspects substantiels à signaler dans ce domaine, les aspects généraux ayant déjà été abordés plus haut concernant les articles 1 et 2.

G.Article 6 : recours en cas de discrimination raciale

187.Les obligations nées de cet article ont trait à l’interaction de deux principes fondamentaux du droit international des droits de l’homme : l’accès à la justice et le principe de non-discrimination. Ces deux éléments ont déjà été traités par l’État dans le présent rapport, principalement concernant la loi no 20609 et les statistiques générées par les cinq premières années d’application de la législation. De ce fait, le Chili estime utile que les membres du Comité s’en réfèrent à ce qui a été signalé dans les sections concernées (art. 1 et 5 a, supra).

H.Article 7 : éducation aux droits de l’homme

188.Cet article met délibérément l’accent sur l’approfondissement de l’éducation aux droits de l’homme comme outil permettant d’éliminer les préjudices, les stéréotypes et toute forme de discrimination.

189.À cet égard, au début du présent document, l’État a souligné la création du Sous-Secrétariat aux droits de l’homme et les axes privilégiés de son action en matière de formation aux droits de l’homme des fonctionnaires publics, et en particulier des forces armées et des forces de l’ordre. Comme indiqué, le plan en question est entré en vigueur en décembre 2017.

1.Migrants

190.Diverses mesures d’éducation et de sensibilisation ont été déployées pour combattre toute tendance à stéréotyper ou à stigmatiser les personnes migrantes. On peut notamment citer les mesures suivantes :

a)Systèmes du Ministère de la santé respectueux des personnes migrantes : Développement de filières de formation sur les migrations et la santé, les droits de l’homme et les compétences culturelles destinées aux prestataires et aux agents administratifs, aux professionnels de santé et au niveau ministériel, aux responsables de programmes sanitaires. En 2015, 350 fonctionnaires ont ainsi été formés et un cursus de 100 heures a été mis en place pour 65 directeurs et chargés de programmes des services de santé ;

b)Promotion du travail éducatif inclusif avec des étudiants migrants : La Coordination pour l’inclusion et la diversité de la Division de l’enseignement général s’est chargée de concevoir, formuler et promouvoir des politiques favorisant l’intégration de l’inclusivité dans les différents domaines du système scolaire, dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme éducative.

191.Plus particulièrement, le Service des étrangers et des migrations a mis en place d’autres mesures visant à faire baisser les discriminations à l’encontre de la population migrante :

a)Le « label Migrants » : Promu depuis 2015, il s’agit d’une certification délivrée aux municipalités qui s’engagent, en réunissant certains critères, à devenir des territoires sans discriminations ;

b)Un plan national de formation : En 2014 et 2015, le Service des étrangers et des migrations a mis en place divers ateliers et formations pour les fonctionnaires municipaux, des services publics, des entreprises et des organisations de la société civile, entre autres ;

c)Un cursus sur l’inclusion et la prise en charge des usagers : Ce cursus, en formation à distance (e-learning), a pour objectif d’informer et de sensibiliser le personnel des administrations publiques et municipales à l’inclusion et à la non-discrimination afin d’identifier, prévenir et éliminer les pratiques discriminatoires susceptibles de survenir dans son cadre professionnel, social et personnel.

Traite et trafic des personnes

192.Dans le cadre de son Plan national de formation, le Service des étrangers et des migrations a formé des fonctionnaires publics dans divers domaines, notamment la traite des personnes, en expliquant les différences avec l’infraction de trafic illicite de migrants, la politique publique de l’État en la matière, entre autres.

Réfugié(e)s

193.Différentes formations ont été réalisées afin de renforcer les procédures d’asile au Chili et de sensibiliser au respect des droits des demandeurs/euses d’asiles et des réfugié(e)s. Parmi les mesures mises en place, on peut citer :

a)La formation de fonctionnaires chargés des étrangers dans les gouvernements provinciaux : Des fonctionnaires qui interviennent dans la procédure de détermination du statut de réfugié(e) ont été formés, ainsi que des fonctionnaires publics susceptibles d’intervenir auprès de réfugié(e)s ou de demandeurs/euses d’asile.

b)La formation de fonctionnaires de police internationale : Des fonctionnaires de police internationale ont été formés à la protection des réfugié(e)s et aux procédures à appliquer, notamment ceux intervenant dans la région du nord du pays, où se trouvent les routes frontalières comptant le nombre le plus élevé d’entrées de demandeurs d’asile et de réfugiés.