Nations Unies

CERD/C/CHL/CO/22-23

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

13 septembre 2022

Français

Original : anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport du Chili valant vingt-deuxième et vingt-troisième rapports *

1.Le Comité a examiné le rapport du Chili valant vingt-deuxième et vingt-troisième rapports périodiques, à ses 2851e et 2852e séances, les 24 et 25 novembre 2021. À sa 2861e séance, le 1er décembre 2021, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a envoyé pour la treizième fois une délégation devant lui pour présenter son rapport valant vingt-deuxième et vingt-troisième rapports périodiques. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie, et la remercie pour les informations qu’elle lui a fournies durant l’examen du rapport et pour les renseignements complémentaires qu’elle lui a communiqués après le dialogue.

B.Aspects positifs

3.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme suivants ou y a adhéré :

a)La Convention relative au statut des apatrides (1954) et la Convention sur la réduction des cas d’apatridie (1961), toutes deux en 2018 ;

b)La Convention sur les travailleuses et travailleurs domestiques (no 189) de l’Organisation internationale du Travail (OIT) (2011), en 2016.

4.Le Comité salue l’adoption par l’État partie des mesures législatives et institutionnelles ci-après :

a)La loi no 21.325, en 2021, qui reconnaît le droit à la nationalité comme un droit fondamental (loi sur les migrations et les étrangers) ;

b)La loi no 21.273, en 2020, qui reconnaît la population chango comme la dixième communauté autochtone du Chili ;

c)La loi no 21.151, en 2019, qui accorde une reconnaissance juridique aux peuples tribaux chiliens d’ascendance africaine ;

d)Le projet « Chile reconoce » de 2017, dans le cadre duquel la nationalité chilienne a été reconnue aux enfants nés au Chili de mère ou de père en situation irrégulière, ce qui représente une avancée importante pour la prévention et l’élimination de l’apatridie ;

e)La loi no 21.045, en 2017, qui porte création du Ministère des cultures, des arts et du patrimoine en vue de promouvoir la diversité culturelle ;

f)Loi no 20.885, en 2016, qui porte création du Bureau du Sous-Secrétaire aux droits de l’homme au sein du Ministère de la justice et des droits de l’homme.

5.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a adressé à tous les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme une invitation permanente à se rendre dans le pays.

C.Préoccupations et recommandations

Statistiques

6.Le Comité est conscient que les questions posées dans le cadre de l’enquête socioéconomique de 2017 ont permis de recueillir des statistiques sur les peuples autochtones reconnus dans la législation, qui représentent 12,8 % de la population. Il constate toutefois avec préoccupation qu’aucune question ne portait sur l’ascendance africaine, ce qui a empêché d’évaluer le nombre de personnes d’ascendance africaine dans le pays et a limité la possibilité de produire des données et des indicateurs fiables qui contribueraient à donner une image claire et objective des besoins des groupes minoritaires dans la population. En outre, le Comité regrette de ne pas disposer de statistiques précises sur la population rom et les autres minorités ethniques dans l’État partie (art. 1er et 5).

7.Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que le recensement de 2023 comprenne des questions qui permettent d’obtenir des statistiques sur les personnes d’ascendance africaine et les Roms au Chili. Il recommande aux institutions publiques d’intégrer systématiquement des données ventilées sur les personnes d’ascendance africaine, les autochtones et les migrants dans leurs registres administratifs et leurs méthodes de collecte de données. Il recommande en outre à l’État partie d’élaborer des indicateurs socioéconomiques et des statistiques sur la population rom, les autres minorités et les non-ressortissants dans l’État partie. À cet égard, il appelle l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale n o 4 (1973) concernant les rapports des États parties, s’agissant de la composition démographique de la population.  

Évolution constitutionnelle

8.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie concernant l’Assemblée constituante qui est chargée de rédiger une nouvelle constitution, en particulier concernant le nombre de sièges qui ont été réservés à des membres de communautés autochtones et le fait que la présidence de l’Assemblée est exercée par une femme d’origine mapuche. Le Comité prend note également de la création d’une commission temporaire de consultation des peuples autochtones au sein de l’Assemblée constituante. Cette démarche offre une occasion prometteuse d’inscrire la reconnaissance des peuples autochtones et de leurs droits dans la Constitution et de mettre en place un cadre constitutionnel adapté aux revendications des peuples autochtones du Chili. Le Comité constate toutefois avec inquiétude qu’aucun siège n’est réservé aux personnes d’ascendance africaine et d’autres minorités au sein de l’Assemblée constituante. Il est également préoccupé par l’insuffisance des fonds alloués à la commission temporaire de consultation des peuples autochtones, ce qui pourrait limiter la portée des consultations (art. 2 et 5).

9. Le Comité engage l’État partie à tenir pleinement compte des préoccupations des minorités, dont les personnes d’ascendance africaine, dans le cadre de la rédaction de la nouvelle c onstitution et à augmenter le budget alloué à la commission temporaire de consultation des peuples autochtones afin de mener des consultations complètes avec toutes les communautés autochtones et les parties concernées, qui pourront ensuite être examinées par l’Assemblée constituante.

Mesures de lutte contre la discrimination raciale

10.Le Comité prend note des avancées législatives réalisées dans le cadre de la lutte contre la discrimination raciale, mais il reste préoccupé par le fait que la loi antidiscrimination (loi no 20.609) se limite aux formes « arbitraires » de discrimination, ce qui pourrait donner lieu à des interprétations qui justifieraient certains actes discriminatoires et déchargeraient les personnes qui les commettent de toute responsabilité (art. 1er et 2).

11. Le Comité réitère sa précédente recommandation visant à mettre la loi antidiscrimination en conformité avec la Convention. Il recommande à l’État partie d’évaluer les effets de la loi antidiscrimination sur la prévention et l’éradication de la discrimination ethnique et raciale, ainsi que de sa législation anti-discrimination en général, et d’inclure des informations sur cette évaluation dans son prochain rapport périodique.

Formes multiples et croisées de discrimination

12.Le Comité est préoccupé par les multiples formes de discrimination auxquelles les autochtones, les migrants et les femmes d’ascendance africaine se heurtent dans l’État partie, qui se traduisent par un accès limité à l’emploi, à l’éducation, à la santé, ainsi qu’à la législation relative aux migrations. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles des stéréotypes concernant la capacité des femmes haïtiennes et des femmes d’ascendance africaine à supporter la douleur influencent parfois la façon dont elles sont soignées et font que ces femmes n’ont pas toujours accès en temps voulu à des traitements médicaux (art. 2).

13.Le Comité exhorte l’État partie à appliquer une perspective de genre dans toutes les politiques et stratégies de lutte contre la discrimination raciale afin de mettre un terme à la discrimination multiple et intersectionnelle que subissent les autochtones, les migrants et les femmes d’ascendance africaine. En outre, il recommande à l’État partie d’adopter des mesures fondées sur une approche interculturelle afin de garantir l’accès des femmes issues de minorités à l’éducation, à l’emploi et à la santé  ; de former les professionnels de la santé afin qu’ils s’acquittent de leurs obligations sans discrimination  ; et de prévoir la présence de traducteurs kreyòl-espagnol dans les hôpitaux et les établissements de soins. Le Comité engage l’État partie à tenir compte de sa recommandation générale n o 25 (2000) sur la dimension sexiste de la discrimination raciale.  

Cadre institutionnel

14.Le Comité salue les progrès que l’État partie a accomplis dans la mise en place et le renforcement d’un réseau d’institutions publiques chargées de la promotion et de la protection des droits de l’homme, mais il regrette que les projets de loi visant la création du Conseil national des peuples autochtones et des Conseils des peuples autochtones (bulletin no 10526-06), et la création du Ministère des peuples autochtones (bulletin no 10687-06) n’ont pas encore été adoptés alors qu’ils ont été soumis au Congrès en 2016 (art. 2).

15. Le Comité recommande à l’État partie d’accélérer l’adoption de ces projets de loi importants et lui demande de fournir des informations sur les compétences et les réalisations des deux institutions dans son prochain rapport périodique.

Institution nationale des droits de l’homme

16.Le Comité se félicite de l’augmentation du financement de l’Institut national des droits de l’homme, qui fait suite à ses précédentes recommandations et qui a permis à l’Institut d’accroître sa présence au niveau national. Il craint toutefois que cette augmentation ne soit pas suffisante pour permettre à l’Institut de s’acquitter pleinement de son mandat. Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas donné suite à sa recommandation visant à créer un bureau du médiateur doté d’une section spécialisée dans les questions de discrimination raciale (art. 2).

17.Le Comité recommande à l’État partie de doter rapidement l’Institut national des droits de l’homme de ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour lui permettre de promouvoir et de protéger efficacement les droits de l’homme. Le Comité réitère également ses précédentes observations finales . En outre, il exhorte l’État partie à créer un bureau du médiateur doté d’une section spécialisée dans les questions de discrimination raciale, dont les effectifs comprendraient des animateurs interculturels au niveau local, et à rendre compte des activités du bureau dans son prochain rapport périodique.

Discours et crimes de haine à caractère raciste

18.Le Comité est préoccupé par le manque d’informations sur les mesures prises pour empêcher que des agents de l’État ne tiennent des propos xénophobes et des discours de haine à l’encontre des migrants et d’autres minorités, notamment sur les médias sociaux. Le Comité se déclare à nouveau préoccupé par l’absence d’une loi nationale qui soit pleinement conforme à l’article 4 de la Convention et qui définisse comme une infraction punissable par la loi toute diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale, l’incitation à la discrimination raciale, la violence à motivation raciale et la participation à des organisations ou activités qui incitent à la discrimination raciale. Le Comité prend note avec préoccupation des informations concernant l’augmentation des discours désobligeants et des discours de haine, des manifestations xénophobes de rejet des migrations et des actes de violence à l’égard des migrants et des réfugiés, y compris des cas de recours excessif à la force par la police (art. 4).

19. Le Comité recommande à l’État partie de s’acquitter des obligations que lui fait l’article 4 de la Convention, à la lumière de sa recommandation générale n o  35 (2013) sur la lutte contre les discours de haine raciste, en prenant les mesures suivantes  :

a) Adopter une législation qui soit pleinement conforme à l’article 4 de la Convention  ;

b) Promulguer et appliquer de toute urgence les projets de loi sur le discours de haine et l’incitation à la discrimination raciale, qui sont en discussion devant le Congrès  ;

c) Inclure dans son prochain rapport périodique des statistiques et d’autres informations sur les enquêtes, les procédures judiciaires et les décisions judiciaires concernant les actes d’incitation à la discrimination raciale, à la haine raciale et à la violence à motivation raciale  ;

d) Adopter des mesures visant à combattre la xénophobie et les stéréotypes discriminatoires à l’égard des migrants, notamment dans les médias et sur les réseaux sociaux, à l’aide d’activités d’éducation et de formation, et au moyen de campagnes à l’intention des fonctionnaires et du grand public  ;

e) Appliquer sans délai et sans exception les sanctions en vigueur pour les différentes formes de discrimination, y compris lorsque celles-ci sont le fait de membres du corps des carabiniers ou de fonctionnaires.

Discrimination raciale et application de la loi

20.Le Comité est préoccupé par le maintien de « l’état d’urgence constitutionnel » et la militarisation du conflit avec les Mapuche, qui a déjà fait des blessés et des morts parmi des membres de cette communauté. Il est également préoccupé par les nombreuses informations concernant un usage excessif de la force par des carabiniers à l’encontre de membres des communautés mapuche, en particulier dans le cadre de manifestations de Mapuche pour la défense de leurs droits. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles les agents de la force publique ne sont pas toujours tenus responsables de leurs actes, malgré les mesures administratives et les institutions mises en place pour remédier à cette situation (art. 2, 4 et 5).

21. Le Comité exhorte l’État partie à  :

a) Veiller à ce que les forces de l’ordre agissent dans le plein respect de leurs obligations en matière de droits de l’homme, en particulier durant des manifestations de masse, et s’abstiennent de toute violence à l’encontre des communautés autochtones  ;

b) Enquêter sur les allégations d’actes de violence commis par des agents des forces de l’ordre, poursuivre les auteurs de ces actes et punir les personnes reconnues coupables par des peines appropriées, tout en accordant des réparations adéquates aux victimes et aux membres de leur famille  ;

c) Renforcer et développer la formation aux droits de l’homme destinée aux agents des forces de l’ordre et aux membres de l’appareil judiciaire afin qu’ils puissent exercer correctement leurs fonctions  ;

d) Concevoir, en consultation avec le peuple mapuche, des politiques publiques qui favorisent le dialogue interculturel et promeuvent la paix dans les zones de conflit.

Profilage racial

22.Le Comité constate qu’il n’a reçu aucune information de l’État partie sur des cas de profilage racial ou sur les mesures prises pour combattre cette pratique. Il prend toutefois note des informations selon lesquelles les Mapuche, les migrants et les personnes d’ascendance africaine, en particulier, font régulièrement l’objet d’un profilage racial de la part de la police et d’autres organes chargés de faire respecter la loi (art. 4).

23.  Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des règlements et d’appliquer des politiques pour lutter contre le profilage racial, en tenant compte de la recommandation générale n o 36 (2020) sur la prévention et l’élimination du recours au profilage racial par les représentants de la loi.

Législation antiterroriste

24.Le Comité reste préoccupé par les informations selon lesquelles la loi no 18.314 (loi antiterroriste) a été appliquée de manière disproportionnée aux membres de la communauté mapuche. Il est en outre préoccupé par l’absence de critères objectifs pour l’application et l’exécution de cette loi et par le fait qu’elle peut être invoquée pour prendre des mesures graves contre les auteurs présumés d’actes de terrorisme, en particulier aux fins de la détention provisoire et de la restriction du droit à une procédure régulière (art. 6).

25. Le Comité réitère ses précédentes observations finales et exhorte l’État partie à  :

a) Réviser la loi antiterroriste afin de préciser exactement les infractions terroristes qu’elle couvre et de l’adapter aux normes internationales  ;

b) Veiller à ce que la loi antiterroriste ne soit pas appliquée aux membres de la communauté mapuche pour des actes qui se sont produits dans le cadre de la manifestation de revendications sociales  ;

c) Surveiller l’application de la loi antiterroriste et des pratiques connexes afin de déceler tout effet discriminatoire sur les peuples autochtones.

Situation des défenseurs et défenseuses des droits humains

26.Le Comité est préoccupé par les allégations selon lesquelles des défenseurs et défenseuses des droits humains, appartenant en particulier à des groupes minoritaires, ont été intimidés par la police, ont fait l’objet d’un profilage et ont été menacés d’arrestation dans l’exercice de leurs activités. Il note que les protocoles de police ne traitent pas suffisamment de la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains et est préoccupé par les informations selon lesquelles il aurait été fait un usage disproportionné de la force contre un défenseur des droits de l’homme dans le domaine de l’environnement (art. 5).

27. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures appropriées et efficaces pour prévenir toute forme de violence ou d’abus de la part de la police, et pour protéger les défenseurs et défenseuses des droits humains, en particulier ceux qui appartiennent à des groupes minoritaires, contre toute forme de violence ou d’abus. Il recommande également à l’État partie de prendre des mesures pour enquêter sur tous les cas de violence ou d’abus, poursuivre les auteurs et punir ceux qui sont reconnus coupables.

Situation des peuples autochtones

28.Le Comité note avec préoccupation que l’inefficacité des consultations tenues avec des peuples autochtones sur les questions touchant à la terre et au territoire, voire le manque de consultations, a donné lieu à des conflits. Il note également avec préoccupation que les langues autochtones sont moins visibles dans les médias généralistes et que les médias alternatifs, notamment les stations de radio communautaires autochtones utilisées pour la revitalisation des langues, ne sont pas soutenues ni promues de manière appropriée par le Gouvernement, malgré les recommandations précédentes du Comité. Le Comité reste profondément préoccupé par la profanation de sites sacrés tels que Marta Cayulef à Pucón, Coñaripe (Los Ríos) et Chinay (Villarrica), et par les effets néfastes sur l’environnement, la santé et les modes de vie traditionnels des communautés autochtones de l’installation de décharges sur leurs territoires dans différentes régions de l’État partie, notamment à Collipulli et Lautaro. En outre, le Comité regrette qu’une attention insuffisante ait été accordée, et que des ressources insuffisantes aient été allouées, à la question de la restitution des terres ancestrales soulevée par le Comité, qui continue de représenter la principale source de tension entre l’État partie et les peuples autochtones (art. 5).

29. Le Comité rappelle sa recommandation générale n o  23 (1997) concernant les droits des populations autochtones et ses précédentes observations finales et exhorte l’État partie à  :

a) Prendre les mesures nécessaires pour assurer aux peuples autochtones une protection efficace contre la discrimination raciale  ;

b) Procéder systématiquement à des évaluations d’impact sur l’environnement et s’acquitter de son obligation de veiller à ce que des consultations soient organisées avec les peuples autochtones avant d’autoriser tout projet d’investissement susceptible d’avoir des effets néfastes sur leur droit à la terre et aux ressources qu’ils possèdent ou qu’ils utilisent depuis toujours, en vue d’obtenir leur consentement libre, préalable et éclairé, comme le prévoient les instruments internationaux pertinents  ;

c) Accélérer la création du Ministère des peuples autochtones et du Conseil national des peuples autochtones en se conformant aux normes internationales, et accélérer également l’application de la loi n o  19.253, qui définit les règles de protection, de promotion et de valorisation des peuples autochtones, et l’établissement d’un cadastre historique des ressources foncières et hydriques autochtones  ;

d) Allouer suffisamment de ressources pour faire revivre les langues autochtones, veiller à ce que les peuples autochtones aient accès à l’éducation et favoriser la participation des enseignants autochtones, et adopter les mesures législatives et autres nécessaires pour lever les obstacles auxquels se heurtent les peuples autochtones en ce qui concerne l’utilisation des médias communautaires afin de promouvoir l’utilisation des langues autochtones  ;

e) Accélérer la restitution des terres ancestrales et fournir des moyens efficaces et suffisants pour protéger les droits des peuples autochtones sur leurs terres et ressources ancestrales, conformément à la Convention, aux autres instruments internationaux pertinents et aux traités signés par l’État partie avec des peuples autochtones.

Situation des personnes d’ascendance africaine

30.Le Comité prend note de la loi no 21.151 (2019), qui accorde une reconnaissance juridique aux peuples tribaux chiliens d’ascendance africaine, et de l’inclusion de questions sur les personnes d’ascendance africaine dans le prochain recensement de 2023. Le Comité est toutefois préoccupé par l’absence de statistiques permettant d’évaluer la situation de la population d’ascendance africaine du pays (art. 2 et 5).

31. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter et de mettre en œuvre des politiques, programmes et mesures, y compris des mesures spéciales au titre de l’article 2 ( par.  2) de la Convention, afin de garantir l’égalité dans la jouissance et l’exercice des droits des personnes d’ascendance africaine, à la lumière de sa recommandation générale n o  34 (2011) concernant la discrimination raciale à l’égard des personnes d’ascendance africaine.

Situation des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés

32.Le Comité prend note de l’adoption d’une nouvelle loi sur les migrations (loi no 21.325), qui représente un progrès en matière de dépénalisation des migrations irrégulières. Il prend note également des efforts qui ont été faits pour accueillir des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés, en particulier d’Haïti et du Venezuela (République bolivarienne du). Toutefois, il constate avec préoccupation que, dans la pratique, ces migrants sont victimes de préjugés, de stéréotypes et d’actes discriminatoires et qu’ils ont beaucoup de mal à accéder aux services de base, en particulier à l’emploi, aux services de santé et à l’éducation, notamment en raison de l’absence de documents d’identité (art. 5).

33. Compte tenu de sa recommandation générale n o  30 (2004) concernant la discrimination à l’égard des non-ressortissants, le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection des ressortissants étrangers. Il exhorte en particulier l’État partie à  :

a) Concevoir et mettre en œuvre des mesures visant à renforcer la pleine participation et l’intégration des migrants dans la société  ;

b) Mener des campagnes de sensibilisation, d’information et d’éducation destinées à combattre les stéréotypes concernant les migrants et éviter de recourir à une représentation négative des migrants dans la politique générale relative aux migrations  ;

c) Supprimer les obstacles qui, dans la pratique, entravent l’accès aux services de santé, à l’éducation et à l’emploi en garantissant la délivrance en temps voulu de documents d’identité  ;

d) Adopter des mesures urgentes pour répondre rapidement aux demandes de séjour présentées par des migrants qui ne disposent d’aucun document d’identité officiel et s’assurer que les migrants ont accès aux informations nécessaires concernant les procédures permettant de régulariser leur situation.

Stéréotypes raciaux concernant les personnes d’origine africaine, les autochtones et les migrants

34.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles, en particulier dans les manuels scolaires, les autochtones, les migrants et les personnes d’ascendance africaine sont représentés à partir de stéréotypes et la diversité fait défaut, les élèves étant principalement dépeints avec des caractéristiques phénotypiques blanches, tandis que les migrants sont excessivement racialisés (art. 2 et 5).

35. Le Comité recommande à l’État partie de réviser et de modifier les programmes scolaires pour y supprimer les stéréotypes ethniques, en particulier dans les manuels scolaires qui portent sur l’histoire du Chili.

Accès à la justice

36.Le Comité prend note des mesures que l’État partie a prises pour que les peuples autochtones impliqués dans des affaires pénales aient accès à des conseillers juridiques spécialisés, à des interprètes et à des animateurs interculturels, ainsi qu’à des fonctionnaires qui connaissent la langue et la culture autochtones de la région où ils travaillent. Toutefois, le Comité est préoccupé par les allégations de violations des garanties d’une procédure régulière et les cas de mauvais traitements dans les prisons, qui ont touché plusieurs prisonniers appartenant au peuple mapuche, et par l’absence d’une réglementation efficace qui réponde aux besoins des autochtones et leur donne la possibilité de pratiquer leurs traditions, coutumes et rituels. Le Comité est en outre préoccupé par les informations selon lesquelles les détenus sont placés dans des centres éloignés de leurs communautés locales (art. 6).

37. Le Comité, à la lumière de sa recommandation générale n o  31 (2005) concernant la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale, exhorte l’État partie à  :

a) Veiller à ce que les droits fondamentaux des peuples autochtones et les garanties d’une procédure régulière soient respectés à tout moment  ;

b) Veiller à ce que les détenus soient placés dans des centres proches de leurs communautés locales  ;

c) Appliquer des réglementations efficaces qui favorisent le respect de la culture et des traditions des autochtones dans tous les centres de détention et prisons  ;

d) Organiser des formations pour sensibiliser les agents des forces de l’ordre et les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire aux droits, coutumes, rituels et traditions des autochtones.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

38. Compte tenu du caractère indissociable de tous les droits de l’homme, le Comité engage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions intéressent directement les communautés qui peuvent faire l’objet de discrimination raciale, notamment le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Enfin, le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier la Convention interaméricaine contre le racisme, la discrimination raciale et les formes connexes d’intolérance et la Convention interaméricaine contre toutes les formes de discrimination et d’intolérance.

Amendement à l’article 8 de la Convention

39. Le Comité recommande à l’État partie de ratifier l’amendement à l’article 8 ( par.  6) de la Convention, adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvé par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111 .

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

40. À la lumière de sa recommandation générale n o  33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, quand il applique la Convention. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d’action qu’il aura adoptés et les autres mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national.

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

41. À la lumière de la résolution 68/237 , dans laquelle l’Assemblée générale a proclamé la période 2015-2024 Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, et de la résolution 69/16 de l’Assemblée sur le programme d’activités relatives à la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre un programme approprié de mesures et de politiques en collaboration avec les organisations et les peuples d’ascendance africaine. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport des renseignements précis sur les mesures concrètes qu’il aura adoptées dans ce cadre, compte tenu de sa recommandation générale n o  34 (2011) sur la discrimination raciale à l’égard des personnes d’ascendance africaine.

Consultations avec la société civile

42. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et d’élargir le dialogue avec les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, dans le cadre de l’élaboration du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales.

Diffusion de l’information

43. Le Comité recommande à l’État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser également les observations finales du Comité qui s’y rapportent auprès de tous les organes de l’État chargés de la mise en œuvre de la Convention, y compris les régions et les municipalités, dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu’il conviendra.

Document de base commun

44. Le Comité engage l’État partie à mettre à jour son document de base commun, qui date d’octobre 2013, conformément aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier celles concernant le document de base commun, adoptées à la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme tenue en juin 2006 . À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité demande instamment à l’État partie de respecter la limite de 42 400 mots fixée pour ce document.

Suite donnée aux présentes observations finales

45. Conformément à l’article 9 ( par.  1) de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur, le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 19 a) et b) (discours et crimes de haine à caractère raciste), 29 d) (situation des peuples autochtones) et 33 d) (situation des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés).

Paragraphes d’importance particulière

46. Le Comité souhaite appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 17 (institution nationale des droits de l’homme), 21 (discrimination raciale et application de la loi), 29 (situation des peuples autochtones) et 35 (stéréotypes raciaux concernant les personnes d’origine africaine, les autochtones et les migrants) et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite.

Élaboration du prochain rapport périodique

47. Le Comité recommande à l’État partie de soumettre son rapport valant vingt ‑ quatrième à vingt-huitième rapports périodiques, d’ici le 19 novembre 2026, en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité demande instamment à l’État partie de respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques.