Nations Unies

CAT/C/72/D/1000/2020

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

18 janvier 2022

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 22 de la Convention, concernant la communication no 1000/2020 * , **

Communication soumise par :

P. S. (représenté par un conseil, Stig-Ake Petersson)

Victime(s) présumée(s) :

Le requérant

État partie :

Suède

Date de la requête :

23 février 2020 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application des articles 114 et 115 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 24 avril 2020 (non publiée sous forme de document)

Date de la décision :

12 novembre 2021

Objet :

Expulsion vers l’Ouganda

Question(s) de procédure :

Recevabilité − défaut manifeste de fondement

Question(s) de fond :

Risque de torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en cas d’expulsion vers le pays d’origine (non-refoulement)

Article(s) de la Convention :

3

1.1Le requérant est P. S., de nationalité ougandaise, né en 1998. Sa demande d’asile dans l’État partie a été rejetée et il est menacé d’expulsion vers l’Ouganda. Ils soutient qu’en l’expulsant vers l’Ouganda, l’État partie commettrait une violation des droits qu’il tient de l’article 3 de la Convention. L’État partie a fait la déclaration prévue à l’article 22 (par. 1) de la Convention, avec effet au 8 janvier 1986. Le requérant est représenté par un conseil.

1.2Le 24 avril 2020, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection, a décidé de ne pas demander de mesures provisoires en application de l’article 114 de son règlement intérieur.

Exposé des faits

2.1Le requérant a demandé l’asile en Suède le 14 août 2014, arguant de son orientation sexuelle. D’après les documents versés au dossier judiciaire, il a déclaré que son oncle, par qui il avait été élevé après la mort de ses parents, l’avait surpris en train d’avoir des relations sexuelles avec un autre homme. L’oncle et des tiers qui s’étaient attroupés devant la maison l’avaient alors roué de coups et avaient menacé de le tuer, mais il avait réussi à échapper à la foule avant l’arrivée de la police. À la suite de cet événement, il est parti en Suède avec l’aide d’un ami de son compagnon. Le 14 mars 2017, l’Office suédois des migrations a rejeté sa demande d’asile, jugeant son récit peu crédible, et a décidé de l’expulser vers l’Ouganda. Le requérant a contesté cette décision devant le Tribunal administratif de l’immigration, qui l’a débouté le 2 octobre 2017. Le 19 décembre 2017, la Cour administrative d’appel de l’immigration a refusé de lui accorder l’autorisation d’interjeter appel, en conséquence de quoi la décision d’expulsion est devenue définitive et a acquis force de chose jugée.

2.2Le requérant a ensuite demandé un permis de séjour auprès de l’Office suédois des migrations, arguant que plusieurs éléments s’opposaient à l’exécution de la décision d’expulsion. Il a fait valoir qu’il avait été informé par une connaissance que sa relation homosexuelle était mentionnée dans un article de journal paru le 6 mai 2017 qui contenait son nom et sa photo et qu’il était recherché en Ouganda. Il avait reçu deux exemplaires du journal, qu’il a transmis à l’Office suédois des migrations. Le 5 décembre 2018, l’Office a décidé de ne pas accorder au requérant le permis de séjour demandé au titre de l’article 18 du chapitre 12 de la loi relative aux étrangers ni le réexamen demandé au titre de l’article 19 du chapitre 12. Le requérant a contesté cette décision devant le Tribunal administratif de l’immigration qui, le 16 janvier 2019, a fait droit à la demande de réexamen et renvoyé le dossier à l’Office. Le 30 avril 2019, l’Office a de nouveau décidé de ne pas accorder de permis de séjour au requérant, l’article de journal ayant été jugé fabriqué pour la circonstance. Le requérant a de nouveau saisi le Tribunal administratif de l’immigration, qui l’a débouté le 28 novembre 2019. Le 2 janvier 2020, la Cour administrative d’appel de l’immigration a refusé d’autoriser l’auteur à interjeter appel.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant affirme que son expulsion vers l’Ouganda constituerait une violation des droits qu’il tient de l’article 3 de la Convention. En Ouganda, il courrait le risque d’être soumis à la torture ou à d’autres traitements inhumains et dégradants en raison de son orientation sexuelle, connue d’un grand nombre de personnes depuis la publication de l’article de presse. Il avance que le journal Red Pepper est le « persécuteur officiel » de la communauté gay de l’Ouganda et publie régulièrement des photos de personnes homosexuelles pour les dénoncer au public.

3.2Le requérant soutient qu’en Ouganda, révéler l’orientation sexuelle d’une personne a de graves conséquences et peut notamment valoir à l’intéressé d’être persécuté, soumis à des actes de violence ou de torture et expulsé de son village. Les articles 145 à 147 du Code pénal incriminent les « rapports sexuels contre nature », expression qui englobe les relations sexuelles entre personnes de même sexe. Cette infraction est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à la réclusion à perpétuité. Le requérant affirme qu’il serait exposé à un risque de mauvais traitements, en violation de l’article 3 de la Convention, de la part des autorités, de son père et d’autres membres de sa famille.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une note en date du 11 décembre 2020, l’État partie a soumis au Comité ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication. Il renvoie à sa législation interne et souligne que les autorités compétentes ont examiné le dossier du requérant en se fondant sur la loi de 2005 relative aux étrangers et sur l’article 3 de la Convention. Il rappelle les faits sur lesquels repose la communication ainsi que les griefs du requérant.

4.2L’État partie ne conteste pas que le requérant a épuisé tous les recours internes. Il estime néanmoins que la requête devrait être déclarée irrecevable au regard de l’article 22 (par. 2) de la Convention et de l’article 113 (al. b)) du règlement intérieur du Comité, car l’argument du requérant selon lequel son expulsion vers l’Ouganda constituerait une violation de l’article 3 de la Convention n’est pas étayé par le minimum d’éléments de preuve requis. Toutefois, dans l’éventualité où le Comité déclarerait la communication recevable, il devrait conclure que l’expulsion du requérant vers l’Ouganda ne constituerait pas une violation de la Convention.

4.3L’État partie affirme qu’il ressort des appréciations de l’Office suédois des migrations et du Tribunal administratif de l’immigration que les arguments présentés oralement et par écrit par le requérant ont été examinés de manière approfondie. Il rappelle la jurisprudence du Comité, selon laquelle il appartient exclusivement aux tribunaux des États parties, et non au Comité, d’apprécier les faits et les éléments de preuve à moins que l’appréciation ait été manifestement arbitraire ou ait représenté un déni de justice. En l’espèce, il n’y a aucune raison de conclure que l’appréciation faite par les autorités de l’État partie de l’argument selon lequel le requérant a besoin d’une protection internationale a été arbitraire ou a constitué un déni de justice, et cette appréciation doit donc se voir accorder un poids considérable.

4.4Concernant les procédures internes, l’État partie fournit des informations complémentaires et indique que le requérant a également demandé un permis de séjour au motif qu’il souhaitait poursuivre ses études secondaires, mais ses deux demandes ont été rejetées par l’Office suédois des migrations le 25 janvier 2018 et le 1er décembre 2018, respectivement.

4.5L’État partie fait valoir que le requérant n’a pas démontré qu’il courrait personnellement un risque réel de subir à son retour en Ouganda des mauvais traitements constitutifs d’une violation de l’article 3 de la Convention, les autorités nationales ayant estimé qu’il n’avait pas étayé le grief concernant son orientation sexuelle. Il a eu l’occasion de répondre à des questions sur la manière dont il vivait son homosexualité, mais ses réponses ont été jugées très sommaires et il a donné des informations contradictoires. En particulier, lors de son entretien de demande d’asile, le requérant a déclaré que ses parents avaient trouvé la mort dans un accident de voiture lorsqu’il avait 4 ans et qu’il n’avait jamais eu de documents d’identité. Toutefois, les documents qu’il a fournis à l’Office suédois des migrations dans le cadre de sa demande de visa indiquent qu’il est titulaire d’un passeport dont la date de délivrance précède sa relation alléguée avec son compagnon. Ces documents indiquent également qu’il a demandé et obtenu un visa Schengen pour participer à des tournois de football au Danemark et en Norvège. Ses deux parents avaient signé sa demande de visa et consenti à ce qu’il se rende en Europe avec la Kent Sports Academy. D’après l’itinéraire qu’il aurait suivi, il est entré au Danemark le 20 juillet 2014, mais n’a demandé l’asile que trois semaines plus tard, en Suède. Les services de l’immigration ont donc estimé que les déclarations orales du requérant ne cadraient pas avec les informations figurant dans les documents présentés dans le cadre de sa demande de visa et ont considéré que l’intéressé n’avait pas pu expliquer ces contradictions de manière satisfaisante. En outre, le requérant a fourni des informations contradictoires sur ses relations sexuelles alléguées avec son compagnon. D’après les documents judiciaires, il a déclaré lors de son entretien que son oncle était au courant de sa relation et était reconnaissant à son compagnon de financer sa scolarité. Les autorités ont donc estimé qu’il était peu probable que l’oncle du requérant soit entré dans une violente colère face à la situation décrite au paragraphe 2.1. De même, elles ont jugé peu plausible que le voyage du requérant ait été payé par l’ami de son compagnon, qu’il connaissait à peine, tandis que ledit compagnon restait seul au pays, sans soutien. Lesautorités se sont aussi interrogées sur le fait que le requérant avait pu quitter l’Ouganda légalement, en utilisant ses propres documents d’identité, alors qu’il était recherché par la police.

4.6En ce qui concerne la deuxième série de procédures, l’État partie rappelle que l’article de journal comportant des informations sur l’orientation sexuelle alléguée du requérant a été considéré comme constituant un nouvel élément appelant un nouvel examen du dossier. En outre, le requérant étant mineur au moment de la première audience de demande d’asile, l’Office suédois des migrations lui a donné une deuxième occasion d’expliquer comment il vivait et ressentait son orientation sexuelle lors d’un nouvel entretien qui a eu lieu le 21 mars 2019. Cependant, les autorités nationales ont estimé que la manière dont le requérant s’était exprimé ne donnait pas à penser qu’il décrivait un ressenti personnel. Elles ont aussi jugé que les inexactitudes et les divergences constatées dans les copies de l’article de journal qui leur avaient été soumises étaient de nature à mettre en doute l’authenticité de l’article. En outre, le requérant n’a pas expliqué pourquoi cet article avait été publié trois ans après les faits allégués. Il est resté vague sur les circonstances dans lesquelles une de ses connaissances lui avait procuré le journal et n’a pas fourni de lien Internet vers l’article ni établi son authenticité par un autre moyen. Par conséquent, il a été jugé que l’article n’avait qu’une très faible valeur probante et n’a pas été retenu comme un élément venant étayer les allégations du requérant concernant son orientation sexuelle ou les informations nouvellement soumises selon lesquelles sa prétendue homosexualité avait été rendue publique en Ouganda.

4.7Compte tenu de ce qui précède, l’État partie ne voit aucune raison de remettre en question les conclusions des autorités nationales. Il estime que les griefs du requérant ne sont pas suffisamment étayés pour que l’on puisse conclure que l’intéressé serait personnellement et actuellement exposé à un risque prévisible et réel de subir des mauvais traitements à son retour en Ouganda, en violation de l’article 3 de la Convention.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1Dans une note en date du 15 avril 2021, le requérant a soumis des commentaires sur les observations de l’État partie. Il souligne qu’il était mineur lorsqu’il a demandé l’asile pour la première fois, que les services de l’immigration n’ont pas dûment tenu compte de son jeune âge et du fait que l’homosexualité n’est socialement pas acceptable dans son pays d’origine, et qu’il n’a bénéficié d’aucun soutien psychologique que ce soit en Ouganda ou dans les centres pour demandeurs d’asile en Suède. Bien que la crédibilité des demandeurs d’asile qui tirent argument de leur orientation sexuelle doive être appréciée au cas par cas, les autorités suédoises ont des attentes stéréotypées quant à la manière dont les personnes homosexuelles doivent s’exprimer pour être jugées crédibles.

5.2Le requérant fait valoir que, comme il l’a indiqué dans le cadre des procédures internes, ce n’est pas lui qui a fait les démarches pour obtenir son visa, et il a été nécessaire de fournir certains renseignements pour se voir délivrer ce document. En ce qui concerne les informations erronées contenues dans l’article de journal concernant le fait qu’il était orphelin, le requérant avance qu’il ne saurait être tenu responsable de l’inexactitude des propos tenus par un tiers dans une publication journal et que, indépendamment de ces erreurs, son nom et sa photo ont été publiés et il risque donc d’être persécuté, à tout le moins en raison de son orientation sexuelle supposée.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit déterminer s’il est recevable au regard de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme l’article 22 (par. 5 a)) de la Convention lui en fait l’obligation, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.2Conformément à l’article 22 (par. 5 b)) de la Convention, le Comité n’examine aucune communication d’un particulier sans s’être assuré que celui-ci a épuisé tous les recours internes disponibles. Le Comité constate que dans les deux procédures, le requérant a contesté le rejet de sa demande d’asile devant le Tribunal administratif de l’immigration et a demandé l’autorisation d’interjeter appel auprès de la Cour administrative d’appel des migrations, qui l’a débouté le 19 décembre 2017 et le 2 janvier 2020, respectivement. Le Comité constate qu’en l’espèce, l’État partie ne conteste pas que le requérant a épuisé tous les recours internes disponibles. En conséquence, il estime qu’il n’est pas empêché par l’article 22 (par. 5 b)) de la Convention d’examiner la communication.

6.3L’État partie soutient que la communication est irrecevable au motif qu’elle est manifestement dénuée de fondement. Le Comité estime toutefois que les griefs du requérant soulèvent des questions importantes qui doivent être examinées au fond. Ne voyant aucun obstacle à la recevabilité, le Comité déclare la communication recevable et passe à son examen au fond.

Examen au fond

7.1Conformément à l’article 22 (par. 4) de la Convention, le Comité a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

7.2En l’espèce, le Comité doit déterminer si le renvoi du requérant en Ouganda constituerait une violation de l’obligation que l’article 3 de la Convention fait à l’État partie de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risquerait d’être soumise à la torture.

7.3Le Comité doit apprécier s’il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risquerait personnellement d’être soumis à la torture s’il était renvoyé en Ouganda. Pour ce faire, conformément à l’article 3 (par. 2) de la Convention, il doit tenir compte de tous les éléments pertinents, y compris l’existence éventuelle d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Le Comité rappelle toutefois que le but de cette analyse est de déterminer si l’intéressé courrait personnellement un risque prévisible et réel d’être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé. Il s’ensuit que l’existence, dans un pays, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante pour établir qu’une personne donnée risquerait d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays ; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé courrait personnellement un risque. Inversement, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne pourrait pas être soumise à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

7.4Le Comité, renvoyant à son observation générale no 4 (2017), rappelle qu’il apprécie l’existence de « motifs sérieux » et considère que le risque de torture est prévisible, personnel, actuel et réel lorsqu’il existe, au moment où il adopte sa décision, des faits démontrant que, en cas d’expulsion, ce risque aurait en soi des incidences sur les droits que le requérant tient de la Convention. Les facteurs de risque personnel peuvent comprendre, notamment : a) l’origine ethnique du requérant ; b) l’affiliation politique ou les activités politiques du requérant ou des membres de sa famille ; c) la possibilité d’une arrestation ou d’un placement en détention sans garantie d’un traitement et d’un procès équitables ; d) une condamnation par défaut ; e) des actes de torture subis antérieurement (par. 45). En ce qui concerne l’examen au fond d’une communication soumise au titre de l’article 22 de la Convention, la charge de la preuve incombe au requérant, qui doit présenter des arguments défendables, c’est-à-dire des arguments étayés indiquant qu’il court personnellement un risque prévisible, réel et actuel d’être soumis à la torture (par. 38). Le Comité rappelle en outre qu’il accorde un poids considérable aux constatations de fait des organes de l’État partie concerné ; cependant, il n’est pas tenu par ces constatations et il apprécie librement les informations dont il dispose, conformément à l’article 22 (par. 4) de la Convention, compte tenu de toutes les circonstances pertinentes pour chaque cas (par. 50).

7.5Afin d’apprécier le risque de torture en l’espèce, le Comité prend note de l’argument selon lequel le requérant courrait le risque d’être soumis à un traitement contraire à l’article 3 de la Convention s’il était renvoyé en Ouganda, en raison de son homosexualité, qui est connue d’un grand nombre de personnes dans son pays d’origine depuis qu’elle a été révélée dans un article de presse. Le Comité garde à l’esprit les informations qui lui ont été communiquées concernant le fait que l’homosexualité serait incriminée en Ouganda. Le Comité note en outre que, selon le requérant, les services de l’immigration suédois ont eu tort de conclure qu’il n’était pas crédible car son récit reflète ce qu’il a vécu et aurait dû être pris en considération eu égard à son âge et au fait qu’il n’avait bénéficié d’aucun soutien social et psychologique, que ce soit dans son pays d’origine ou dans les centres pour demandeurs d’asile en Suède.

7.6Le Comité constate toutefois que les autorités de l’État partie ont estimé que le requérant n’était pas crédible parce qu’il avait fait des déclarations vagues et contradictoires sur des points essentiels. À cet égard, le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel le récit du requérant contredit les informations fournies par celui-ci dans le cadre de sa demande de visa, notamment en ce qui concerne les circonstances de son arrivée et les questions de savoir s’il possédait des documents d’identité et si ses parents étaient vivants, et l’intéressé n’a pas pu expliquer ces contradictions de manière satisfaisante. En outre, les déclarations du requérant sur le point de savoir si son oncle était au courant de sa relation avec son compagnon et sur le soutien qu’il recevait de l’ami de celui-ci ont également été considérées comme peu plausibles. Le Comité prend note également de l’argument de l’État partie selon lequel les services de l’immigration n’étaient pas convaincus de l’authenticité des copies de l’article de journal soumises car ils avaient constaté plusieurs anomalies dans leur format et leur contenu. En outre, le requérant n’a pas donné d’explication raisonnable concernant la publication tardive de l’article et n’a pas non plus prouvé par d’autres moyens que celui-ci était authentique.

7.7Le Comité souligne que le requérant a omis de lui fournir des informations importantes concernant les faits de l’affaire et que, pour se faire une idée des circonstances de l’espèce, il a dû s’appuyer largement sur les documents judiciaires fournis. Il constate que les services de l’immigration ont relevé des contradictions importantes dans le récit des faits présenté par le requérant, contradictions qui n’ont pas été expliquées de manière satisfaisante. En particulier, le requérant n’a pas nié être d’abord arrivé au Danemark, mais n’a pas fourni de détails sur son séjour dans ce pays ni expliqué pourquoi il avait tardé à demander l’asile en Suède. Le Comité note que, mis devant les contradictions entre ses documents de voyage et son récit, le requérant a affirmé qu’il n’avait pas demandé lui-même son visa, mais a fourni trop peu de détails sur la procédure, quand bien même un tiers aurait fait les démarches pour lui. En particulier, il n’a pas indiqué s’il était présent à l’ambassade de Norvège en Ouganda lorsque son visa a été délivré, si les pièces justificatives soumises à l’ambassade étaient toutes fausses ou si ses parents étaient bel et bien vivants et l’avaient aidé à quitter l’Ouganda illégalement, comme il disait l’avoir fait, et n’a pas non plus précisé s’il avait une relation quelconque avec l’organisation sportive mentionnée dans sa demande de visa. Son explication à ce sujet semble donc effectivement bien maigre. Le Comité note également que les services d’immigration ont exprimé des doutes face à la publication tardive de l’article soumis par le requérant et aux autres incohérences constatées au sujet de cet article. Il note en outre que le requérant a néanmoins bénéficié d’un réexamen de son dossier, au cours duquel il a été réentendu en tant qu’adulte, ce qui lui a donné une nouvelle occasion de mieux expliquer sa situation et d’étayer ses griefs.

7.8Le Comité est conscient que, selon certaines informations, la situation des LGBTI en Ouganda est déplorable, les opinions homophobes étant répandues dans le pays, et que les organisations de défense des droits de l’homme font régulièrement état, à ce sujet, de discrimination sociale, de crimes de haine et de campagnes antihomosexualité. Néanmoins, il estime que les informations figurant dans le dossier ne lui permettent pas de conclure que le requérant courrait personnellement et concrètement un risque réel et prévisible d’être torturé s’il était renvoyé en Ouganda.

8.Compte tenu de ce qui précède, le Comité, agissant en vertu de l’article 22 (par. 7) de la Convention, conclut que le renvoi du requérant en Ouganda par l’État partie ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.