Résumé de l’enquête concernant les Philippines au titre de l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes

I.Introduction

Le 2 juin 2008, le Comité a reçu une communication conjointe émanant de trois organisations non-gouvernementales le priant de faire une enquête au titre de l’article 8 du Protocole facultatif concernant des présomptions de violation systématique et grave de droits garantis dans la Convention, résultant de la mise en œuvre du décret-loi no003 promulguée le 29 février 2000 par l’ancien maire de Manille, José L. Atienza, relativement à la mise en place de droits, services et articles de santé sexuelle et génésique à Manille.

En vertu du code des administrations locales de 1991, l’État partie a décentralisé la santé et la sécurité de la population en faveur du niveau local. L’article 17 dispose que les organismes d’administration locale sont chargés de fournir les services et les installations de base, et notamment les services de santé, les services de planification de la famille et les services de développement de la population. Ces organismes exercent le pouvoir par l’intermédiaire de leurs organes législatifs respectifs, comme le Conseil de la ville de Manille, qui légifère par ordonnances, le maire ayant le pouvoir de promulguer des décrets-lois. Le décret-loi 003 rappelait le caractère sacré de la vie et la nécessité de protéger la vie de la mère et de l’enfant à naître, comme le dispose la Constitution, et déclarait que la ville de Manille adopterait une attitude positive en matière de don de la vie et de parenté responsable. Il déclarait aussi que la ville s’emploiera à promouvoir une parenté responsable et qu’elle soutiendra une planification naturelle de la famille, non pas simplement comme méthode, mais comme moyen de prise de conscience dans la promotion de la culture de la vie tout en décourageant l’utilisation de méthodes artificielles de contraception comme les préservatifs, la pilule, les dispositifs intra-utérins, la stérilisation, etc.

D’après l’information reçue par les organisations non-gouvernementales, si le décret-loi 003 n’interdisait pas expressément l’utilisation de moyens contraceptifs modernes, la poursuite de sa mise en œuvre dans la pratique limitait gravement l’accès des femmes aux services de santé sexuelle et génésique et revenait à interdire les moyens contraceptifs dans la ville de Manille. Les organisations non-gouvernementales déclaraient par ailleurs que le décret-loi 003 continuait à être appliqué sous l’administration du nouveau maire, Alfredo Lim, élu en 2007, lequel a promulgué un nouveau décret-loi numéro 030 qui passe pour avoir interdit le financement de moyens contraceptifs modernes. Les 23 avril 2009, 13 juillet 2010 et 30 avril 2012, les organisations non-gouvernementales ont présenté des informations actualisées.

À sa quarante-deuxième session, le Comité a examiné l’information dont il était saisi et l’a jugée fiable et dénotant l’existence de violations graves ou systématiques. Par note verbale datée du 10 décembre 2008, le Comité a transmis toutes les informations reçues à l’État partie, l’invitant à coopérer dans l’examen de cette information et à présenter à cette fin ses observations avant le 15 mars 2009, conformément au paragraphe 1 de l’article 8 du Protocole facultatif et de la règle 83 de son règlement intérieur. Le 5 novembre 2009, l’État partie a présenté ses observations, qui reprenaient les brèves réponses du bureau de la santé de la ville de Manille réfutant les allégations. À sa quarante-cinquième session, le Comité, s’appuyant sur l’information dont il disposait, notamment les conclusions pertinentes d’autres organismes créés en vertu de traités et de titulaires de mandat au titre d’une procédure spéciale, a décidé d’établir une commission confidentielle d’enquête concernant la possibilité d’obtenir des produits contraceptifs à Manille. À sa quarante-sixième session, en juillet 2010, le Comité a, conformément au paragraphe 2 de l’article 8 du Protocole facultatif et de la règle 84 de son règlement intérieur, désigné deux membres, Pramila Patten et Violeta Neubauer, pour mener une enquête confidentielle sur les présomptions de violation. Elles ont, ayant donné leur consentement le 2 août 2012, effectué une visite sur le territoire de l’État partie du 19 au 23 novembre de la même année.

Pendant cette visite, les membres désignées ont rencontré des représentants des instances suivantes : le Comité présidentiel des droits de la personne, la Présidente et la Directrice de la Commission philippine des droits de la femme (dispositif national chargé de l’égalité des genres), la Direction de la santé (représentants du centre national de prévention et de maîtrise des maladies, notamment la Directrice du bureau de la santé familiale et des représentants du Groupe santé de la famille au sein du Centre de développement de la santé pour la région de la capitale nationale), le Département des affaires étrangères, le Département de la justice, le Département des affaires intérieures et des affaires locales, le Département de la protection sociale et du développement, la Société philippine d’assurance-maladie, le Greffe ainsi qu’un ancien secrétaire du Département de la santé et de la protection sociale. Elles ont également rencontré la Commission des droits de la personne des Philippines, notamment son président, et des représentants du Comité des législateurs philippins sur la population et le développement. Au niveau de l’administration locale de Manille, les membres désignées ont rencontré le maire, Alfredo Lim, le juriste de la ville, des représentants du bureau de la santé de la ville (notamment le Responsable par intérim du bureau de la santé urbaine et le Chef du service de la planification de la famille) et des responsables du département de la protection sociale de la ville.

Les membres désignées se sont rendues dans trois centres de santé, ainsi qu’à l’hôpital Abad Santos, hôpital placé sous la direction de l’administration locale, elles ont eu des entretiens avec le personnel de santé à divers niveaux, notamment au niveau de la direction. Elles ont interrogé des représentants d’organisations de la société civile locale, nationale et internationale, des requérants et des conseils dans l’affaire Osil ainsi que des avocats, des experts en politique de la santé et des dispensateurs de soins de santé privés et 60 femmes âgées de 19 à 49 ans, issues principalement de zones urbaines pauvres. Elles ont également effectué des visites de terrain dans des collectivités de Vitas et de Tondo, où elles ont pu être témoins de l’extrême pauvreté des ménages urbains, dont beaucoup sont dirigés par une femme. Elles ont également rencontré des représentants d’organismes des Nations unies.

II.Relevé des faits

Le Comité note qu’alors que la section 6 de l’article 2 de la Constitution philippine de 1987 dispose que la séparation de l’église et de l’État est inviolable, l’église exerce une influence considérable sur l’élaboration de la politique publique. Il a été fait appel à la religion comme base pour l’élaboration de la politique de santé sexuelle et génésique, notamment au niveau des organismes d’administration locale, l’État partie étant tenu, conformément à l’alinéa 12 de l’article 2 de la Constitution, de protéger la vie de la mère et de l’enfant à naître dès sa conception.

A.Application du décret-loi no 003

Le Comité estime que, si en lui-même le libellé du décret-loi 003 ne porte pas explicitement interdiction des moyens contraceptifs modernes, l’application de la politique qu’il incarne a eu pour effet de retirer tous les articles et moyens contraceptifs modernes de tous les établissements de santé financés par l’État et de priver les femmes, sur la planification de la famille, de renseignements et de conseils autres que des conseils de planification dite naturelle de la famille, donnant en outre une information trompeuse sur les méthodes modernes de contraception, y compris celles qui sont énumérées dans la liste modèle des médicaments essentiels de l’OMS. L’information montrait que la fourniture de produits contraceptifs ainsi que la formation aux méthodes modernes de contraception, qui existaient dans le passé, avaient soudain disparu. Par ailleurs, tout le personnel médical pertinent n’était formé et ne fournissait de renseignements que sur les méthodes naturelles de planification de la famille (comme l’abstinence, la glaire cervicale, la température du corps et l’aménorrhée). Les autorités et le personnel médical interrogés ont tous confirmé que les instructions données à cet effet par M. Atienza continuaient à être suivies après février 2004.

Le Comité considère que l’information dont il est saisi concernant lapplication du décret-loi 003 à compter de février 2004 démontre l’existence d’une interdiction des méthodes modernes de contraception dans tous les établissements de santé publique dirigés par l’administration locale de Manille, à savoir les hôpitaux, les centres de santé et les maternités. Le concept de parenté responsable a été promu et activement préconisé par l’administration locale de Manille en faisant en sorte que les femmes n’aient pas accès à toute la gamme de services, produits et renseignements de santé sexuelle et génésique, avec les préjudices que cela causait à la santé et à la vie des femmes. Le positionnement « pro-life »de M. Atienza, que traduit le décret-loi 003, était une politique qui en est venue à être bien connue des citoyens de Manille et des autorités compétentes, y compris des fonctionnaires de l'État. Le décret-loi 003 était toléré et il a même été renforcé par la politique nationale mise en place à partir de 2001 dans le but de fermer l’accès des femmes aux méthodes modernes de contraception et de promouvoir uniquement la planification naturelle de la famille, comme le prévoit le plan stratégique national de planification de la famille 2002–2006, qui déclarait que la planification naturelle de la famille est la seule méthode acceptable pour l’Église catholique. Par ailleurs, le Comité note que l’interdiction de la contraception post- coïtale d’urgence et du misoprostol témoigne du climat idéologique de l’époque et de son impact rétrograde sur la fourniture de services et de produits de santé génésique. Il note également que l’absence de toute réaction gouvernementale à la mise en œuvre du décret-loi 003 dans Manille du 12 février 2004 à juin 2007 tenait au fait que cette politique était en phase avec la position du Gouvernement dans le domaine de la santé génésique.

Le Comité constate par ailleurs que les allégations selon lesquelles le décret-loi 003 aurait continué à être appliqué sous l’administration du nouveau maire, Alfredo Lim, entré en fonctions le 30 juin 2007, ont été confirmées par les renseignements recueillis pendant la visite de pays des membres désignées. Des entretiens réalisés auprès de femmes qui avaient cherché à sapprovisionner en méthodes modernes de contraception auprès des centres de santé et des hôpitaux entre 2007 et 2011 ont montré que le décret-loi 003 était encore appliqué dans la pratique, en dépit de la politique dite de « pro-choice » de M. Lim, fondée sur le principe qu’on est libre de choisir sa méthode de contraception. La plupart des femmes interrogées ont confirmé que le décret-loi 003 était toujours en vigueur en dépit de la politique déclarée de « pro-choice » du maire, censée être fondée sur le principe selon lequel on est libre de choisir sa méthode de contraception, et que la politique de M. Lim était une politique « pro-life », ce qui démontrait qu’il n’y avait pas eu de changement notable parmi les bénéficiaires les plus concernées.

B.Adoption et application du décret-loi 030

M. Lim a adopté le décret-loi no 030 le 21 octobre 2011, lequel contient explicitement une politique « pro-choice » autorisant les couples à décider en toute discrétion de la forme de planification de la famille qu’ils entendent utiliser en accord avec leurs croyances et leurs pratiques religieuses. Tout en reconnaissant que les établissements de santé de Manille manquaient de services et de produits de santé génésique, que le système de santé de Manille était déficient et que les femmes des catégories de revenus les plus bas souffraient du manque d’accès à des services et renseignements sur la gamme entière des méthodes permettant de limiter l’espacement des grossesses, le décret-loi 030 disposait que la ville devait s’abstenir d’ouvrir des crédits, de financer tout programme ou de se procurer des produits et médicaments de nature à maîtriser artificiellement les naissances.

Alors que l’administration locale de Manille présentait cela comme une mesure positive comprenant des dispositions qui permettent à la ville de recevoir des dons de préservatifs du Département de la santé et d’organisations non-gouvernementales, le Comité estime que le décret-loi 030 ne remédie pas, dans l’ensemble, aux défauts et carences du système de santé, consécutifs à la mise en œuvre du décret-loi 003. Il considère que la politique « pro-choice » ne s’est pas accompagnée des mesures nécessaires pour rendre ces choix possibles et d’un coûtabordable, de sorte que, même si les femmes avaient endroit la possibilité de choisir entre planification moderne de la famille ou planification naturelle, dans la pratique ce choix devenait impossible faute de produits, de renseignements et de formation du personnel de santé. C’est pourquoi le Comité constate que le système de santé a échouer à assurer aux femmes ce type de choix. L’adoption du décret-loi 030 était donc une réponse inappropriée car elle ne permettait pas de financer la mise en place de toute la gamme de services et produits de santé génésique à l’intention des femmes de Manille, pas plus qu’elle ne prévoyait de réinvestir en infrastructure et en moyens nécessaires pour assurer ces services. Pour combler les lacunes créées par les décrets-lois, l’administration locale a chargé les organisations non-gouvernementales, les bailleurs de fonds et autres tierces parties de rétablir la fourniture des services et produits de santé génésique, dont le soin, conformément au code des administrations locales, avait initialement été délégué aux organismes d’administration locale en raison de leur proximité par rapport aux bénéficiaires.

Le Comité constate que le maintien de l’application du décret-loi 003 pendant l’administration de Messieux Atienza et Lim, suivie par l’adoption et l’application du décret-loi 030 pendant l’administration Lim, a eu des conséquences préjudiciables pour les femmes économiquement désavantagées, les faisant sombrer encore plus dans la pauvreté en les privant de la possibilité de maîtriser et d’espacer le nombre des naissances. Les nombreux témoignages reçus par les membres désignées durant leurs entretiens avec 60 femmes affectées ont révélé l’impact de mise en œuvre successive des décrets-lois 003 et 030 sur la vie et la santé des femmes de Manille, en particulier les conséquences économiques, sociales, physiques et psychologiques pour les femmes issues de catégories à faible revenu. Les femmes interrogées se sont également étendues sur le mal qu’elles avaient à utiliser les méthodes naturelles de planification de la famille, ce qui a souvent contribué à des tensions et des conflits avec leurs maris ou compagnons et qui a été à l’origine de violence familiale. Le Comité a noté par ailleurs les dommages causés à la santé mentale et physique des femmes par la multiplicité des grossesses et par le fait qu’elles étaient plus exposées au risque de contracter le VIH/sida et autres maladies sexuellement transmissibles.

CMesures prises par l’État partie et insuffisance de ces mesures

La Grande Charte des femmes, qui intègre au droit national les principes clefs de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, adoptée en août 2000, contient un article consacré au droit des femmes à la santé. L’article 46 dit que toute disposition législative contraire à la Grande Charte, qu’elle soit nationale ou locale, doit etre jugée nulle et non avenue, modifiée ou amendée. Bien que la Grande Charte établisse un cadre juridique opérationnel qui concerne aussi la santé génésique, le Comité note que le manque de mise en œuvre de ce cadre est apparent. L’absence de loi nationale sur la santé génésique a également contribué à ce manque.

Bien que la mise en place de services de santé relève des attributions des organismes d’administration locale, le Département de la santé a établi un certain nombre de politiques dans le domaine de la santé génésique. Il a, en particulier, promulgué le décret-loi 2008–0029 sur la « mise en œuvre de réformes de la santé en vue de réduire rapidement la mortalité maternelle et néonatale » (connue aussi sous l’appellation de Stratégie de santé et de nutrition de la mère, du nouveau-né et de l’enfant). La stratégie prévoit l’application de réformes globales au niveau des organismes d’administration locale de façon à mieux assurer la mise en place de l’ensemble des services de base dispensés à ce titre ; cela consiste en interventions à pratiquer à chaque phase, comme la pré-grossesse, la grossesse, l’accouchement et les périodes post-natale et néonatale. Les interventions de pré-grossesse comprennent notamment la fourniture de services de planification de la famille, en particulier de planification moderne, comme moyen de réduire les besoins non satisfaits et les grossesses non voulues qui exposent les mères à des risques évitables consécutifs à la grossesse et à l’accouchement. Un système de subventions a été établi en 2009 en vue d’aider les organismes d’administration locale à mettre en œuvre la stratégie de santé et de nutrition de la mère, du nouveau-né et de l’enfant et des directives ont été adoptées en 2010. Il s’agit d’un système de subventions à base de résultats attribuées et supervisées par le Département de la santé qui tient compte du taux de prévalence de la contraception. L’information recueillie montrait que Manille obtenait constamment des résultats inférieurs dans les domaines évalués pour la santé génésique.

Le Comité considère que les efforts que fait le Département/Centre de la santé pour aider l’administration de Manille à mettre en place des services complets de santé sexuelle et génésique, notamment des méthodes modernes de contraception, étaient insuffisants. L’examen des documents fournis par l’État partie et l’information reçue de différentes parties prenantes montrent clairement qu’aucun mécanisme ou système n’a été établi par l’administration centrale pour s’assurer que la politique suivie par les organismes d’administration locale étaient en phase avec la politique nationale et pour en vérifier l’application au niveau des organismes d’administration locale. De ce fait, il est clair que la conformité des décrets-lois avec la stratégie de santé et de nutrition de la mère, du nouveau-né et de l’enfant n’a été examinée par aucune des instances gouvernementales pertinentes. Notant par ailleurs qu’alors que l’alinéa c) de l’article 25 du code des administrations locales dispose que les organismes d’administration locale qui connaissent des difficultés financières peuvent faire appel aux institutions nationales pour en obtenir une aide financière, le Comité constate que l’administration locale de Manille n’a pas pris assez de mesures pour répondre à cette disposition.

Le Comité considère que l’absence de mesures proactives de la part des institutions gouvernementales pertinentes, l’insuffisance de leur pouvoir ainsi que l’existence de graves lacunes dans la mise en œuvre des cadres récemment établis, en particulier de la Grande Charte et de la stratégie de santé et de nutrition de la mère, du nouveau-né et de l’enfant, et les retards pris en matière de législation nationale et de santé génésique, sont des facteurs expliquant que l’État partie n’a pas répondu de manière suffisante et satisfaisante face à la situation dans Manille.

Le Comité note qu’en 2012 l’administration locale de Manille a fait une volte-face dans son approche et sa mise en œuvre de la nouvelle stratégie de santé génésique à Manille en vue d’assurer un accès à des services de santé génésique d’un coût abordable, lesquels comprennent des méthodes modernes de contraception. Le Comité note que, suite à une note adressée, le 21 juin 2012, au Bureau de la santé de Manille par l’intermédiaire du Bureau régional, au titre du dispositif de subventions, lui demandant de reprogrammer ce qu’il restait de fonds disponibles en faveur d’une planification moderne de la famille, des préservatifs et du matériel d’information ont été mis à la disposition du public, de septembre à octobre 2012, dans certains centres de santé de Manille. Le Comité souligne cependant que cela ne s’accompagnait pas d’information concernant la viabilité des mesures prises et le fait qu’il était demandé à l’administration locale d’en assurer un approvisionnement continuel et suffisant.

Des efforts ont également été faits au niveau central avec l’adoption de politiques et de programmes tendant à réduire le besoin non satisfait en moyens modernes de contraception, notamment le décret-loi no 2012-0009 du 27 juin 2012 sur la nouvelle stratégie nationale de réduction du besoin de planification moderne de la famille restant à satisfaire. Demeurée pendante devant le Congrès pendant plus de 10 ans, la loi portant établissement d’une politique nationale de parenté responsable et de santé génésique (loi 103 54 de la République) a été approuvée par le Congrès et ensuite promulguée par le Président le 21 décembre 2012. Des motions contestant sa constitutionnalité ont été déposées devant la Cour suprême, à la suite de quoi son application a été ajournée. Le Comité est gravement préoccupé par le fait que, depuis mars 2013, les conséquences judiciaires d’une action engagée en contestation de la loi risquent malheureusement d’en retarder encore lapplication, voire de causer son retrait partiel, ou total, en contravention avec les obligations que fait la Convention à l’État partie, en particulier son article 12. Le Comité estime que la loi est un outil essentiel pour remédier aux carences visibles de l’actuel système de décentralisation ainsi qu’à ses effets préjudiciables pour l’accès des femmes aux droits de santé sexuelle et génésique et aux services à Manille.

D. L’affaire Osil

Vingt requérants de Manille ont à plusieurs reprises tenté de contester la constitutionnalité du décret-loi 003 et en ont saisi la Cour d’appel, la Cour suprême et le tribunal régional de première instance entre 2008 et 2012 (l’affaire Osil). Toutes les tentatives ont échoué. Par exemple, le tribunal régional de première instance s’est prononcé sur une motion en rejet déposée par le Bureau du maire le 31 octobre 2012, deux semaines avant la visite des membres désignées, mais près de trois ans après le dépôt de la motion. Les requérants n’ont toujours pas obtenu satisfaction. En dépit d’une requête présentée par les membres désignées, aucune information actualisée n’a été reçue concernant l’état de l’affaire.

III. Conclusions de droit

AResponsabilisation : – Responsabilité de l’État partie

En vertu du droit international concernant la responsabilité des États, tous les actes des organismes d’État sont imputables à l’État. Par ailleurs, les États parties engagent leur obligation de remplir leurs engagements au titre de la Convention par les actes ou omissions de toutes les branches du pouvoir (voir recommandation générale no28, par. 39). C’est pourquoi le Comité rappelle que les décisions d’un maire, de son bureau et de tous les autres responsables municipaux agissant à titre officiel sont imputables à l'État partie, du fait que ce sont des organes de l’État et que l’État partie est chargé de faire respecter les normes de la Convention par tous ses organes, y compris les administrations locales, auxquels des pouvoirs ont été dévolus.

C’est pourquoi le Comité observe que les actes et omissions du pouvoir exécutif de l’administration locale de Manille, à savoir l’adoption et la mise en œuvre des décrets-lois 003 et 030 et les politiques correspondantes sont imputables à l’État partie, nonobstant l’autonomie attribuée aux organismes d’administration locale par le code des administrations locales, qui régit la structure constitutionnelle de l’État partie.

23.Le Comité souligne que, même dans le cas d’un système décentralisé comme celui de l’État partie, le soin de faire appliquer la Convention relève de l’État partie comme un tout. La décentralisation du pouvoir ne dégage ni ne réduit l’obligation directe où est l’État partie de remplir les engagements qu’il a pris de respecter et d’assurer les droits de toutes les femmes relevant de sa juridiction. À cet égard, le Comité rappelle sa recommandation générale no28 (2010) dans laquelle il indique clairement ce que sont les obligations de l’État partie dans l’optique d’une décentralisation du pouvoir :

39[…] La décentralisation du pouvoir par transfert ou délégation dans les États unitaires ou les États fédéraux n’annule ni ne réduit d’aucune façon la responsabilité directe qui incombe au gouvernement national ou fédéral de l’État partie de s’acquitter de ses obligations envers toutes les femmes relevant de sa juridiction. En toutes circonstances, l’État partie qui a ratifié la Convention ou qui y a adhéré demeure responsable de l’application complète Dans toute procédure de transfert de pouvoirs, l’État partie doit s’assurer que les autorités à qui ses compétences sont dévolues sont dotées des moyens financiers et humains et des autres ressources nécessaires pour s’acquitter dans les faits de toutes ses obligations au titre de la Convention.de ses dispositions dans tous les territoires relevant de sa juridiction. En outre, des garanties doivent assurer que la décentralisation ou la dévolution de pouvoirs n’entraîne pas de discrimination entre régions dans l’exercice des droits des femmes. Les gouvernements des États parties doivent conserver les pouvoirs qui leur permettent d’exiger le plein respect de la Convention et doivent mettre en place des mécanismes permanents de coordination et de suivi pour s’assurer que la Convention est respectée et qu’elle est appliquée sans discrimination à toutes les femmes relevant de leur juridiction.

40.L’application effective de la Convention exige de l’État partie qu’il rende des comptes à ses citoyens et aux autres membres de sa société, aux niveaux national et international pour que cette obligation soit effective, des mécanismes et des institutions appropriés doivent être mises en place.

Le Comité note que le code des administrations locales de l’État partie contient des sauvegardes spécifiques et prévoit la responsabilisation des organismes administration locale par la mise en place de mécanismes de contrôle efficace. D’après l’article 25, le pouvoir de supervision sur des villes fortement urbanisées comme Manille, ville indépendante de la province, est confié au Président, contrairement à d’autres villes qui relèvent de la supervision des gouverneurs (article 29). Le Comité note également que l’article 3 prescrit d’établir des principes opérationnels de décentralisation dans chaque organisme d’administration locale afin de répondre aux besoins et services prioritaires de sa population. Il constate toutefois que ces sauvegardes et mécanismes de contrôle, dont la mise en place est prescrite par le droit interne de l’État partie, n’ont pas été suffisamment établis pour s’assurer que la décentralisation et le transfert des pouvoirs au niveau local dans le secteur de la santé ne conduisent pas à de la discrimination en ce qui concerne la jouissance par les femmes de Manille des droits que prévoit la Convention

Le Comité souligne que la décentralisation et l’absence de loi nationale donnant mandat aux organismes d’administration locale d’assurer l’existence de droits, services et produits de santé génésique rendent d’autant plus nécessaire la mise en place de sauvegardes strictes à l’appui des obligations que la Convention fait à l’État partie.

Le Comité constate que l’État partie n’a rien fait pour remédier aux effets de l’application des décrets-lois 003 et 030 et qu’il a parfois, entre 2004 et 2010, soutenu ou toléré la politique de la ville de Manille. Dans ces circonstances, le Comité estime que l’État partie est responsable des violations énumérées ci-dessous.

B.Violations des droits prévus par la Convention

1. Articles 2 d), 2 f) et 12

Le Comité rappelle que la recommandation générale no28 dit, en son paragraphe 9, que « En application de l’article 2, les États parties doivent honorer tous les aspects des obligations juridiques que leur impose la Convention s’agissant du respect, de la protection et de la réalisation du droit des femmes à la non-discrimination et à l’égalité. » Il dit par ailleurs que « L’obligation de respect exige des États parties qu’ils s’abstiennent d’adopter aucune loi, politique, réglementation, programmation, procédure administrative ou structure institutionnelle qui empêcherait directement ou indirectement les femmes d’exercer leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels au même titre que les hommes ». Il est dit au paragraphe 35 de la recommandation générale que l’alinéa d) de l’article 2 souligne que les États parties sont tenus de s’abstenir de tout acte ou pratique discriminatoire à l’égard des femmes, que la discrimination soit directe ou indirecte, et que les États parties doivent faire en sorte que l’action des institutions, lois et politiques publiques et des agents de l’État ne soient pas directement ou explicitement discriminatoires à l’égard des femmes et que soient révoquées les lois, politiques ou actions qui ont pour effet ou pour résultat d’engendrer de la discrimination.

Le Comité rappelle que l’administration de l’État a tacitement accepté les mesures prises par l’administration locale de Manille et qu’à compter de février 2004 elle a failli à agir contre elle. Il note aussi que, même si l’administration locale de Manille ne s’est pas conformée aux politiques nationales mises en place à compter de 2008 dans le domaine des droits et services de santé sexuelle et génésique (Stratégie de santé et de nutrition de la mère, du nouveau-né et de l’enfant et dispositif de subvention correspondant), l’administration de l’État a pris des mesures insuffisantes et inappropriés pour remédier aux carences du système de santé de Manille, comme on le montre dans les constatations de fait. Le Comité note par ailleurs qu’il n’y a pas eu d’examen exhaustif des règles en place, bien que cela soit exigé par la Grande Charte lorsqu’elle a été promulguée en 2009. Il rappelle que l’information dont il est saisi démontre le caractère néfaste de l’application du décret-loi 003 et l’absence de ressources pour l’application du décret-loi 030 sur les droits des femmes à la santé sexuelle et génésique à Manille, en particulier parmi les femmes économiquement désavantagées. Il rappelle aussi que ces effets ont été portés à l’attention de l’État partie.

Le Comité souligne les observations finales du Comité des droits de l’homme exhortant l’État partie à « abroger le décret-loi 030 dans la mesure où il interdit à la ville de Manille de prévoir des fonds pour l’achat de matériel et de médicaments destinés au contrôle artificiel des naissances (CCPR/C/PHL/CO/4, par. 13) ».

Le Comité fait observer par ailleurs que l’application rigoureuse de la législation pénale de l’État partie a encore intensifié les effets nocifs des décrets-lois, comme le montre les nombreux témoignages reçus de femmes et de personnels de santé pendant la visite des membres désignées.

Dans sa recommandation générale no24, le Comité souligne que les États parties sont tenus de veiller à ce que la législation, l’action des pouvoirs publics et la politique suivie soient conformes aux obligations que leur fait l’article 12 de la Convention concernant l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes dans leur accès aux soins et services de santé, notamment dans le domaine de la santé sexuelle et génésique. Le Comité rappelle que, conformément au droit international concernant la responsabilité des États, l’obligation prescrite par l’alinéa d) de l’article 2 de la Convention lie tous les organes d’un État partie à tous les niveaux de son appareil administratif. L’adoption et l’application des décrets-lois 003 et 030 sont donc imputables à l’État partie, faute pour ce dernier d’avoir fait en sorte que l’administration locale s’abstienne de tout acte ou pratique discriminatoires à l’égard des femmes, comme le demande l’article 2, alinéa d), et de prendre toutes les mesures nécessaires, conformément à l’article 2 f), pour modifier ou abroger les lois, règles, coutumes et pratiques qui sont discriminatoires à l’égard des femmes.

2.Articles 12 et 10 h)

Le Comité rappelle le paragraphe 11 de sa recommandation générale no24 selon laquelle le refus d’un État partie de fournir certains services de santé génésique aux femmes dans des conditions légales est discriminatoire. Il souligne par ailleurs qu’au paragraphe 12 de la recommandation générale il est dit que ce qui, du point de vue de la santé, distingue les femmes des hommes comprend des facteurs biologiques comme les fonctions génésiques de la femme. Comme ces facteurs ont des incidences sur les besoins de santé génésique des femmes, le Comité considère que la réalisation d’une égalité véritable exige des États parties qu’ils prennent en compte les facteurs de risque qui touchent principalement les femmes. Comme la grossesse ne concerne que les femmes, l’absence d’accès à des produits contraceptifs ne peut donc que toucher leur santé hors de toute proportion. Le Comité estime que les femmes de Manille ont principalement souffert de ne pas pouvoir bénéficier de toute la gamme de services de santé génésique, notamment des méthodes modernes de contraception.

Le Comité rappelle ses conclusions factuelles concernant les conséquences de l’application des décrets-lois 003 et 030 pour les femmes et il fait observer que leur application pendant des années n’a pas manqué d’avoir un grave impact sur leur santé ainsi que sur leur possibilité de bénéficier de services de soins de santé d’un niveau acceptable. Il fait observer par ailleurs que de nombreuses femmes ont couru des risques pour leur vie et leur santé, ayant été obligées d’avoir plus d’enfants qu’elles ne voulaient ou que ne leur permettait leur santé. Le Comité prend note en particulier des conséquences potentiellement mortelles que peuvent avoir des grossesses imprévues et nullement désirées comme conséquence directe de n’avoir pu bénéficier de toute la gamme des méthodes contraceptives et de la pénalisation de l’avortement sans les exemptions prévues dans la législation de l’État partie. Les complications auxquelles peut donner lieu un avortement pratiqué sans précaution et en toute illégalité sont une cause majeure de décès maternels à Manille, comme le reconnaît l’État partie. Il est donc clair pour le Comité que l’impéritie de l’État partie face à l’obligation qu’il avait d’assurer la disponibilité de toute la gamme de services de santé sexuelle et génésique, ainsi que des produits et renseignements correspondants, a eu pour résultat des grossesses non prévues, des avortements dangereux et des décès nullement nécessaires et évitables.

Le Comité constate que l’application du décret-loi 003 a eu pour effet de refuser systématiquement l’accès à un coût abordable aux méthodes modernes de contraception et aux renseignements et services correspondants. Ce refus a particulièrement touché les catégories désavantagées de femmes, notamment les femmes pauvres et les adolescentes, ainsi que les femmes prises dans une relation de violence. Par exemple, les adolescentes étaient exposées à un risque accru de grossesse non désirée et d’accidents liés à la grossesse ou encore de décès à la suite d’une relation sexuelle sans protection ou forcée, ce à quoi elles sont particulièrement vulnérables. Par ailleurs, l’incapacité où sont les femmes sans revenus, ou guère, de maîtriser leur fécondité est directement liée à des taux de pauvreté élevés à Manille. Le Comité note que l’impact du décret-loi 003 a été aggravé par l’interdiction de financement contenu dans ce décret-loi. Il constate que l’État partie a failli à éliminer les facteurs économiques et sociaux qui font obstacle aux services de santé génésique, de sorte que toutes les femmes, quel que soit leur âge et leur niveau de revenus, auraient accès dans des conditions d’égalité à des services d’un coût abordable répondant à leurs besoins de santé propres. Le Comité pense que l’absence d’accès à des méthodes modernes de contraception a eu pour résultat le fait que les femmes sont de plus en plus exposées au risque d’infection par le VIH/sida et autres maladies sexuellement transmissibles.

Rappelant que l’accès à des services de santé sexuelle et génésique présuppose l’existence et l’accessibilité de services et de produits suffisants et durables, le Comité conclut que l’État partie a omis de prendre des mesures appropriées et efficaces pour assurer l’accès des femmes de Manille à des services et produits de santé sexuelle et génésique. Les programmes et politiques conçus par l’État partie au niveau national, en particulier la Stratégie de santé et de nutrition de la mère, du nouveau-né et de l’enfant et le Fonds de subvention correspondant, fruits d’un effort certes louable, n’ont pas réussi à remédier aux carences et aux échecs de l’administration locale. Par ailleurs, le Comité rejette les explications de l’État partie invoquant des considérations de coût pour justifier la promulgation du décret-loi 030, ce qui a nui à l’état de santé des femmes.

Le Comité conclut que l’État partie a omis d’ assurer un accès à toute la gamme de services et produits de santé sexuelle et génésique, y compris aux renseignement et aux conseils sur les méthodes modernes de planification de la famille, en violation de l’article 12 de la Convention. Il considère aussi que l’État partie a omis d’écarter les obstacles à l’accès effectif des femmes à des services de santé sexuelle et génésique, contrevenant ainsi aux dispositions du paragraphe 21 de la recommandation générale numéro 24.Le Comité estime que pareille carence correspond à de la discrimination et à une violation de l’article 12.

Par ailleurs, le Comité rappelle le paragraphe 22 de sa recommandation générale no21 soulignant que « pour prendre en connaissance de cause une décision concernant des mesures de contraception sûres et fiables, il faut que les femmes disposent d’informations sur les mesures de contraception possibles et leur utilisation ainsi que d’une garantie d’accès à des services d’éducation sexuelle et de planification de la famille, comme le prescrit l’alinéa h) de l’article 10 de la Convention. ». Le Comité considère que les femmes ont un droit protégé par l’article 10, alinéa h) de recevoir des renseignements et des conseils appropriés sur

la planification de la famille par l’intermédiaire du personnel hospitalier afin de leur permettre de faire en pleine connaissance de cause des choix de santé génésique.

Le Comité rappelle qu’à Manille les femmes, notamment les jeunes et les adolescentes, n’ont pas pu être suffisamment renseignées concernant les méthodes modernes de contraception du fait de l’application des décrets-lois 003 et 030 et/ou d’avoir été constamment mal informée sur les risques, les effets secondaires et les avantages de la contraception moderne. Le Comité constate que l’accès pratique des femmes à des services de santé génésique a souffert de leur ignorance des moyens de prendre une décision en connaissance de cause, comme de savoir qu’il est légalement possible d’obtenir des moyens de contraception modernes dans les établissements publics de santé, d’en connaître l’efficacité, les risques et les avantages. Il constate également que de nombreuses femmes de Manille ont fait des choix sur la base de renseignements erronés, par exemple sur les effets pernicieux de la contraception orale ou sur les procédures judiciaires.

Le Comité conclut que le fait de n’avoir pas renseigné sur les méthodes modernes de contraception et leur emploi viole aussi l’article 10, alinéa h), de la Convention, lequel dispose que les États parties doivent assurer la possibilité de recevoir une éducation sanitaire, y compris des informations et des conseils sur la planification de la famille.

3.Article 16 1) e)

Au paragraphe 21 de sa recommandation générale no21, le Comité rappelle que le nombre des naissances et leur espacement ont un impact sur la vie des femmes et sur leur santé physique et mentale, ainsi que sur celle de leurs enfants et que, pour ces raisons, les femmes ont le droit de décider du nombre d’enfants qu’elles souhaitent avoir et de l’espacement de leurs naissances. Le Comité fait observer par ailleurs qu’il est généralement admis que l’existence de moyens appropriés de régulation volontaire des naissances accessibles à tous est bénéfique pour la santé, le développement et le bien être de tous les membres de la famille, que ces services améliorent la qualité générale de la vie et de la santé de la population et que la régulation volontaire de la croissance démographique contribue à préserver l’environnement et à réaliser un développement économique et social viable.

Le Comité considère que, par la politique mise en place par l’administration locale de Manille, l’État partie a porté préjudice aux droits qu’ont les femmes de décider librement et en connaissance de cause du nombre d’enfants qu’elles veulent avoir et de l’espacement de leurs naissances en ne proposant que des méthodes naturelles de planification de la famille. Les femmes de Manille se sont vu refuser l’accès à des informations et services relatifs aux méthodes modernes de contraception, les mettant ainsi dans l’impossibilité de prendre, en toute responsabilité et sûreté, des décisions fondamentales et intimes touchant leur corps et leur vie. Les droits des femmes à la planification de leur famille et à l’exercice de leur choix et de leur indépendance dans la prise de décisions concernant le nombre d’enfants qu’elles veulent avoir et l’espacement de leurs naissances ont de ce fait été rendus vains et leur refus a creusé les inégalités entre les hommes et les femmes dans le mariage et les rapports familiaux. Le Comité pense par conséquent que l’État partie a manqué à l’obligation où il était d’assurer l’éducation, les services et les moyens nécessaires pour remplir ses obligations au titre de l’alinéa e), paragraphe 1, de l’article 16.

4.Articles 5 et 12

Le Comité considère que l’article 5, lu conjointement aux articles 12 et 16, exige des États parties qu’ils éliminent des stéréotypes sexuels qui font obstacle à l’égalité dans le secteur de la santé ainsi que dans le mariage et les rapports familiaux. Au paragraphe 28 de sa recommandation générale no24, le Comité reconnaît qu’il y a correspondance entre l’alinéa b) de l’article 5 et l’article 12 en ce qu’ils disposent que les États parties doivent veiller à ce que l’éducation familiale comprenne une appréciation appropriée de la maternité comme fonction sociale. Le Comité estime que les stéréotypes sexuels peuvent avoir un impact sur la capacité des femmes à prendre des décisions et de faire en toute liberté et connaissance de cause des choix concernant le soin de leur santé, leur sexualité et leur volonté de procréation, et avoir à son tour un impact également sur leur autonomie de décision quant au rôle qu’elles entendent jouer dans la société.

Ainsi, le Comité constate que l’application des décrets-lois 003 et 030 concernant la fourniture de services et de produits de santé génésique à Manille a renforcé des stéréotypes sexuels préjudiciables aux femmes en ce qu’ils considèrent que les femmes ont pour rôle essentiel de mettre au monde des enfants et de les élever, perpétuant ainsi des stéréotypes discriminatoires déjà courants dans la société philippine. Ces stéréotype sont contribué par ailleurs à répandre l’idée qu’il est admis de refuser aux femmes l’accès à des méthodes modernes de contraception du fait de leur rôle naturel de mère et ont eu pour effet de nuire à la jouissance, par les femmes, des droits que leur reconnaît l’article 12 de la Convention. Le Comité conclut que l’État partie a failli aux obligations que lui fait l’article 5 de la Convention.

5.Articles 2 c) et 12

Le Comité note que l’action judiciaire, qui a été initialement engagée devant la cour d’appel le 29 janvier 2008, puis réengagée devant la Cour suprême le 29 septembre 2008 et finalement portée devant le tribunal régional de grande instance le 20 avril 2009 par 20 requérants contestant la validité du décret-loi 003 (affaire Ozil), est toujours pendante devant ce tribunal à l’époque d’adoption du rapport. Le Comité rappelle que la Cour d’appel a mis trois mois à se prononcer sur l’affaire, au lieu des 24 heures que prévoient les règles de procédure civile, et qu’elle a rejeté la requête sans procédure d’audition de l’affaire quant au fond au motif qu’il n’avait pas été pourvu aux déclarations de revenus. Il note par ailleurs que, le 6 octobre 2008, la Cour suprême a échoué à statuer sur le fond de l’affaire concernant les dix-neuf requérantes qui avaient signé la requête et, qu’elle a, le 15 décembre 2008, également rejeté une motion de ré- examen. Le Comité note par ailleurs que la requête dont a été saisi le tribunal régional de grande instance de Manille le 20 avril 2009 est toujours en instance et que le tribunal a mis plus de 3 ans à statuer sur une motion du bureau du maire tendant à rejeter la requête. Dans ces circonstances, le Comité conclut que la procédure judiciaire a été indûment retardée, compromettant ainsi l’efficacité des recours possibles.

Le Comité souligne que, conformément à la recommandation générale no28, les États parties doivent « s’assurer que les tribunaux appliquent obligatoirement le principe d’égalité consacré dans la Convention et, dans toute la mesure possible, interprètent la loi conformément aux obligations que cet instrument impose ». D’après le paragraphe 34, les États parties sont tenus de« s’assurer que les femmes ont accès en temps voulu et à un coût abordable à des voies de recours utiles [ ] à déterminer par un tribunal compétent et indépendant agissant dans le cadre d’une procédure régulière. Le Comité rappelle que les engagements prévus au titre de l’alinéa c) de l’article 2 de la Convention impliquent des obligations de résultats. Il s’ensuit que l’État partie a échoué à mettre en place un système de nature à assurer une protection judiciaire effective et à proposer des recours judiciaires pour violations des droits de la personne subies par les femmes à Manille du fait de l’application du décret-loi 003, ce dont témoignaient la carence du judiciaire et son peu d’empressement à statuer sans retard excessif dans l’affaire Osil concernant l’abrogation du décret-loi contesté. Dans ces circonstances, le Comité considère que l’État partie a failli à l’obligation que lui fait l’alinéa c) de l’article 2 de la Convention d’assurer à ses citoyens une protection juridictionnelle effective.

C.Nature grave ou systématique des violations

Au sens de l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention et de la règle 83 du règlement intérieur, les violations par un État partie des droits énoncés dans la Convention doivent être graves ou systématiques. Au vu des renseignements reçus et obtenus avant, pendant et immédiatement après la visite des membres désignées, et rappelant que les dispositions mentionnées ci-dessous doivent être lues en conjonction avec les recommandations générales no21, 24 et 28, le Comité juge que l’État partie a failli à remplir les obligations que lui fait la Convention et qu’il est donc responsable des violations ci-après, qu’il considère à la fois graves et systématiques :

Les violations des droits que prévoit l’article 12, lu séparément;

Les violations des droits que prévoit l’article 12, lu en conjonction avec les alinéas c), d) et f) de l’article 2, avec l’article 5 et avec l’alinéa h) de l’article 10;

Les violations des droits que prévoit le paragraphe 1 de l’article 16, lu séparément.

L’appréciation du Comité concernant la gravité des violations prend en considération, notamment,l’étendue, la fréquence, la nature et l’impact des violations constatées. Le nombre de personnes touchées par la politique qu’incarne l’application des décrets-lois est remarquablement élevé, car des milliers de femmes en âge d’avoir des enfants continuent à n’avoir qu’insuffisamment accès à des services de santé sexuelle et génésique à Manille, compte tenu du fait que les adolescentes commencent à avoir des enfants de bonne heure. L’application des décrets-lois 003 et 030 a causé une élévation des taux de grossesse non désirée et d’avortements à risques, une aggravation de la morbidité et de la mortalité maternelles et un accroissement du risque de contracter des maladies sexuellement transmissibles et l’infection par VIH. Le Comité prend note aussi des conséquences potentiellement mortelles d’un recours à un avortement clandestin comme méthode de contraception et rappelle qu’il y a un rapport direct entre l’existence de taux élevés de mortalité maternelle consécutifs à un avortement clandestin et l’impossibilité de bénéficier de méthodes modernes de contraception. En outre, le Comité souligne que chacune des violations établies atteint le seuil de gravité requis pour atteindre des conséquences significatives, comme on l’expose dans les conclusions, pour la santé, le développement personnel et la sécurité économique des femmes, en particulier de celles qui sont économiquement désavantagées. Le déni d’accès à des services de santé sexuelle et génésique, y compris de toute la gamme de méthodes de contraception d’un coût abordable, a eu de graves conséquences non seulement pour la vie et la santé d’un grand nombre de femmes, mais aussi pour leur jouissance de plusieurs droits énoncés dans la Convention dans des domaines comme l’emploi et l’éducation. Limiter le droit pour les femmes de choisir librement le nombre d’enfants qu’elles veulent avoir et l’espacement de leur naissance, cela revient à réduire, pour elles et les filles, la possibilité de s’instruire et de trouver un emploi à égalité avec les hommes et à les pousser ou maintenir sur la voie de la pauvreté.

Le Comité considère que le déni systématique d’égalité de droits pour les femmes peut se faire soit délibérément, l’État partie manifestant la volonté de commettre ces actes, soit comme résultat de lois ou politiques discriminatoires, avec ou sans cette intention. La nature systématique des violations peut aussi s’apprécier par l’existence d’un ensemble significatif et persistant d’actes qui ne font pas le fruit du hasard. Le Comité estime que le caractère systématique de chacune des violations constatées apparaît dans l’ensemble de violations dues à l’application de politiques qui ont sur les femmes un impact disproportionné et discriminatoire. Le Comité prend note du fait que, si le manque d’accès à la contraception pose généralement problème dans l’ensemble de l’État partie, la situation à Manille est particulièrement frappante par suite de l’application d’une politique officielle et délibérée qui met une certaine idéologie au-dessus du bien-être des femmes et qui a été conçue et appliquée par l’administration locale de Manille pour rendre impossible l’accès à toute la gamme de méthodes, renseignements et services modernes de contraception. Le Comité estime que ces violations ne sont pas des cas isolés, mais le résultat d’une application continuelle du décret-loi 003 pendant plus de 10 ans, qui a mis le système de santé dans l’incapacité d’assurer des services de santé sexuelle et génésique autres que les services de planification « naturelle » de la famille » et sont cause que les femmes ont dû continuellement faire face à de gros obstacles pour l’accès à des services, produits et renseignements de santé sexuelle et génésique d’un coût abordable. Les conclusions factuelles ci-dessus montrent que l’État partie a fermé les yeux sur une situation qui a duré plus de 12 ans, durant les mandats successifs de deux maires.

IV. Recommandations

Conformément à sa jurisprudence et à sa recommandation générale no24, le Comité rappelle que la réalisation pratique d’une égalité véritable exige de répondre aux besoins et intérêts de santé propres aux femmes, notamment ceux qui se rapportent à leur fécondité, et implique de respecter, protéger et garantir les droits génésiques des femmes en leur assurant un accès universel à toute une gamme de produits contraceptifs ainsi que de renseignements, conseils et services correspondants.

Compte tenu des conclusions du présent rapport et conformément aux recommandations pertinentes adressées à l’État partie par d’autres institutions des Nations unies, le Comité renvoie à ses précédentes observations finales et à ses recommandations générales nos 21, 24 et 28, et adresse à l’État partie un certain nombre de recommandations :

A. Cadre institutionnel et juridique

Le Comité demande à l’État partie de faire ce qui suit :

a) Mettre pleinement en œuvre la Grande Charte des femmes et ses règles et règlements d’application, qui garantit notamment l’accès des femmes à des méthodes efficaces de planification de la famille,

b) Après règlement des contestations d’ordre constitutionnel portées devant la Cour suprême et si ces contestations sont déclarées conformes à la Constitution, s’assurer l’application immédiate de la loi relative à la santé génésique et de ses règles et règlements d’application, y compris les dispositions qui garantissent un accès universel à toute la gamme de services et renseignements de santé génésique pour les femmes, en particulier pour celles qui sont économiquement désavantagées; s’assurer que la décentralisation des services de santé et l’autonomie des organismes d’administration locale ne constituent pas des obstacles à la mise en place du nouveau cadre juridique et établir, à tous les niveaux de l’État, des mécanismes de nature à en assurer la stricte application sur l’ensemble du territoire,

c) Achever sans retard, dans le cadre d’un calendrier fixe, l’examen de ce qu’il reste de lois/règlements discriminatoires dans le domaine de la santé génésique, comme le demande la Grande Charte, et modifier ou abroger en cas de besoin ces dispositions,

d) S’assurer que les décrets-lois 003 et 0302 sont d’urgence officiellement abrogés et que les dispensateurs de soins de santé, ainsi que le public en général, en particulier les femmes, en sont dûment informés.

e) Modifier les articles 256 à 259 de son code pénal afin de légaliser l’avortement dans les cas de viol, d’inceste, de menaces pour la vie et/ou la santé de la mère ou de malformation grave du fœtus et dépénaliser tous les autres cas d’avortement et adopter les règles de procédure nécessaires pour garantir un accès effectif à un avortement légal.

f) Renforcer le mécanisme national en place, à savoir la Commission philippine de la femme, en renforçant son mandat, son pouvoir et sa visibilité, ainsi que ses ressources humaines, financières et techniques, pour vérifier que les administrations locales se conforment aux normes internationales et aux lois nationales concernant la mise en place de services de santé génésique; envisager de décentraliser son activité par l’établissement de bureaux régionaux; et renforcer sa coordination avec le Département de la santé, le Département de l’intérieur et de l’administration locale et la Commission des droits de l’homme dans le domaine de la santé génésique.

g) Conformément à l’obligation que lui font les dispositions de la Grande Charte sur la promotion et la protection des droits de la femme, envisager d’élargir le mandat de la Commission des droits de l’homme afin de lui permettre de se saisir de plaintes et de proposer des recours en cas de violation, notamment des droits génésiques des femmes; assurer à la Commission suffisamment de ressources financières, humaines et techniques pour s’assurer qu’elle est en mesure d’exercer de manière efficace ses fonctions courantes et éventuelles; et prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer son autonomie financière totale.

h) Dans l’optique de la décentralisation des services de santé en faveur des organismes d’administration locale, mettre en place des mécanismes efficaces de suivi et d’évaluation, comme le prévoit le code des administrations locales, pour s’assurer que les dispositions législatives, les stratégies et les politiques de santé génésique adoptées et mises en œuvre par les organismes d’administration locale sont strictement conformes aux obligations que la Convention fait à l’État partie, qu’elles reposent sur des preuves scientifiques et ne sont pas discriminatoires à l’égard des femmes dans la pratique, et que les services et produits de santé génésique sont disponibles, accessibles et d’un coût abordable à tous les niveaux sur l’ensemble du territoire.

i) Renforcer la coordination et les mécanismes de communication de l’information entre le Département de la santé, ses centres régionaux et les Directions sanitaires des organismes d’administration locale afin d’assurer la mise en œuvre des stratégies et politiques nationales relatives à la santé sexuelle et génésique.

j) S’assurer que les organismes d’administration locale prévoient des recours juridictionnels effectifs à l’intention des femmes qui cherchent à obtenir réparation pour violation de leurs droits d’accès aux services de santé sexuelle et génésique; s’assurer que les tribunaux statuent sans retard excessif sur les affaires concernant les droits de santé sexuelle et génésique des femmes; écarter les obstacles que rencontrent les femmes pour l’accès à la justice.

k) S’assurer que la Convention, les recommandations générales du Comité, le Protocole facultatif et les observations du Comité relatives au Protocole facultatif font partie intégrante de l’instruction et de la formation des juges, des avocats et des procureurs aux niveaux national, régional et municipal, en vue d’assurer l’application effective des droits de la femme à la santé, notamment les dispositions pertinentes de la Grande Charte et de la loi relative à la santé génésique.

l) S’assurer, conformément à la séparation de l’église et de l’État prévue par la Constitution, que les dispositions administratives et législatives de l’État donnent la priorité à la protection des droits de la femme à la santé, en particulier de ses droits en matière de santé sexuelle et génésique, par rapport à tout postulat religieux susceptible de conduire à de la discrimination de fait ou de droit à l’égard des femmes et de porter préjudice à leur accès aux services, produits et renseignements de santé sexuelle et génésique, notamment en mettant en place des stratégies de sensibilisation des membres du Parlement, des agents de l’État, des partis politiques ainsi que du pouvoir exécutif et législatif des administrations locales en vue d’éliminer tout ce qui limite l’accès des femmes aux services, produits et renseignements de santé sexuelle et génésique.

B. Droits et services de santé sexuelle et génésique

Le Comité engage par ailleurs l’État partie à faire ce qui suit :

a) Répondre à un besoin non satisfait de contraception, notamment à Manille, un accent particulier étant mis sur les femmes économiquement désavantagées et les adolescentes, en assurant un accès universel et d’un coût abordable à toute la gamme de services de santé sexuelle et génésique et aux produits et renseignements correspondants, ce qui doit inclure la possibilité d’accès aux méthodes contraceptives les plus technologiquement en pointe, comme la contraception orale, la contraception post-coïtale d’urgence, les dispositifs intra-utérins et la ligature des trompes, ainsi que l’inscription, dans tous les budgets publics nationaux et locaux, de provisions suffisantes concernant l’approvisionnement en méthodes contraceptives de cette nature, un accent particulier étant mis sur les organismes d’administration locale à faible taux de prévalence contraceptive; prendre toutes les mesures nécessaires pour faire disparaître tous les obstacles économiques et structurels, générateurs d’inégalité d’accès aux services de santé sexuelle et génésique, y compris les limitations relatives à la situation maritale des femmes, à leur âge et au nombre d’enfants; et envisager d’élargir le système public d’assurance-maladie de manière à couvrir le coût des méthodes contraceptives modernes.

b) S’assurer qu’il est possible d’obtenir, dans tous les établissements nationaux, provinciaux et municipaux de santé, des conseils et des renseignements scientifiquement sûrs et à base de droits sur les services de santé sexuelle et génésique, notamment sur toutes les méthodes de contraception, pour faire pièce à une fausse information généralisée et pour s’assurer que les femmes peuvent prendre, en connaissance de cause, des décisions sur le nombre d’enfants qu’elles veulent avoir et l’espacement de leurs naissances et pour quelles n’aient pas à recourir à des avortements clandestins.

c) Réintroduire dans l’État partie la pratique de la contraception post - coïtale d’urgence, notamment pour prévenir les grossesses précoces et consécutives à des violences sexuelles, et promouvoir une prise de conscience des avantages des méthodes contraceptives d’urgence dans ces situations, en particulier chez les adolescentes.

d) S’assurer que l’on prévoit une formation systématique à l’intention des professionnels de la santé sur les droits, services et produits de santé sexuelle et génésique dans tous les hôpitaux publics, centres de santé et cliniques résidentielles, ainsi qu’à l’intention des équipes de santé communautaires, en particulier à Manille, en vue de parer au manque de capacité et de savoir institutionnels ainsi qu’à l’érosion de compétences consécutive à l’application des décrets-lois 003 et 030; veiller à ce que les organismes d’administration locale prévoient dans leur budget suffisamment de crédits pour cette formation systématique afin de s’assurer que cela est conforme à leurs besoins.

e) Assurer aux femmes un accès à des soins de santé d’après avortement de qualité dans tous les établissements publics de santé, notamment en cas de complications consécutives à des avortements clandestins, notamment par une réintroduction du misoprostol, afin de réduire les taux de mortalité et de morbidité maternelles; s’assurer que les femmes qui connaissent des complications d’avortement ne sont pas signalées à la police, menacées d’arrestation ou soumises à des violences physiques ou verbales, à de la discrimination, à de la stigmatisation, à des retards dans l’accès aux soins ou dans le refus de ces soins; adopter une politique de respect de la vie privée afin d’établir un rapport de confidentialité entre médecin et patiente, en particulier quand on traite des femmes pour complications d’avortement; établir des procédures de déclaration à l’intention des femmes qui ont besoin de soins d’après avortement et qui ont à se plaindre de violence et de discrimination sans crainte de représailles; faire des travaux de recherche sur l’incidence des avortements clandestins dans l’État partie, sur leur incidence sur la santé des femmes et sur la mortalité et la morbidité maternelles, et en informer le Comité dans son prochain rapport périodique.

f) Établir un cadre et un mécanisme régulateurs pour l’objection de conscience à l’intention de professionnels de la santé afin que cette pratique individuelle n’influe pas sur la décision des femmes quant à leur santé sexuelle et génésique et/ou ne les gêne pas pour l’accès à des services de santé sexuelle et génésique et s’assurer que ces services peuvent être assurés au besoin par un personnel médical de rechange.

g) Veiller à ce que les organismes d’administration locale établissent des protocoles de soins de santé et des procédures hospitalières pour prévenir et réprimer les comportements abusifs et discriminatoires à l’égard des femmes, ainsi que des mécanismes de recours au sein des systèmes de soins de santé décentralisés, comme la mise en place de procédures d’enquête spécialisées ou d’appel à des médiatrices de santé, pour enquêter sur les plaintes et infliger des sanctions appropriées aux professionnels de la santé responsables d’abus et de discrimination à l’égard de patientes.

h) Intégrer dans les programmes des écoles un enseignement en rapport avec l’âge des élèves sur la santé sexuelle et génésique, enseignement qui comprendra notamment la prévention des grossesses précoces et des maladies sexuellement transmissibles, notamment du VIH/sida, à l’intention des adolescents et des adolescentes.

i) Organiser des campagnes d’éducation et de sensibilisation pour faire connaitre aux femmes et aux adolescentes qu’elles ont des droits et qu’il existe des services de santé sexuelle et génésique, notamment concernant l’emploi et la légalité des méthodes modernes de contraception, et sur les risques que comporte la pratique d’un avortement clandestin. Ce type de campagne devra aussi s’attaquer à l’existence de conceptions erronées concernant les méthodes modernes de contraception ainsi que de stéréotypes sexuels qui en découragent l’emploi.

j) Continuer à rechercher l’appui technique de la communauté internationale ainsi que, le cas échéant, son soutien financier et renforcer sa collaboration avec les organisations de la société civile, notamment les organisations de femmes, en vue de renforcer l’accès des femmes aux services, produits et renseignements relatifs à la santé sexuelle et génésique, notamment en favorisant l’instauration d’une consultation nationale sur ces questions.