Enquête concernant le Kirghizistan menée en application de l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes

Observations du Kirghizistan *

I.Introduction

Comme indiqué dans le rapport du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, la République kirghize a accepté que des membres du Comité effectuent une visite dans le pays et y rencontrent une série de personnalités, dont de hauts responsables, afin d’y mener une enquête et de se rendre dans un certain nombre d’organisations. Par ailleurs, à la suite de cette visite, le Gouvernement kirghize a présenté, en 2017, des informations complémentaires de celles qu’il avait communiquées pour la période allant de 2013 à 2016.

II.Cadres juridique et institutionnel

Partageant les préoccupations exprimées par le Comité dans son rapport, les autorités nationales s’emploient à mettre en œuvre toute une série de mesures pour renforcer la législation et l’application de la loi, assurer la diffusion d’informations à caractère éducatif et améliorer la qualité des services essentiels qui sont offerts dans les domaines juridique, médico-psychologique, social et autres.

Au Kirghizistan, le Code pénal considère le rapt nuptial comme un crime dont les sanctions sont prévues aux articles 154 et 155. Conformément à la loi no 9 portant modification du Code pénal, en date du 25 janvier 2013, les auteurs des infractions ci-après sont passibles de peines qui ont été alourdies comme suit :

•En vertu du paragraphe 2 de l’article 154, l’enlèvement d’une personne âgée de moins de 17 ans à des fins d’union conjugale est puni d’une peine d’emprisonnement de cinq à 10 ans ;

•En vertu du paragraphe 2 de l’article 155, l’enlèvement d’une femme à des fins de mariage forcé est puni d’une peine d’emprisonnement de cinq à sept ans ;

•En vertu du paragraphe 3 de l’article 129, le viol d’une mineure est puni d’une peine d’emprisonnement de 15 à 20 ans.

Conformément à la loi no 179 en date du 17 novembre 2016, certains actes législatifs (Code de la famille et Code pénal) ont été modifiés comme suit :

•Le paragraphe 3 de l’article 14 du Code de la famille dispose que les personnes coupables d’infractions aux dispositions définissant l’âge du mariage sont passibles de sanctions, conformément à la législation nationale ;

•Le paragraphe 1 de l’article 155 du Code pénal dispose que les parents (ou les tuteurs) d’une personne que l’on marie dans le cadre d’une cérémonie religieuse, les personnes qui célèbrent de tels mariages religieux et les personnes de plus de 18 ans qui épousent religieusement une personne mineure, en violation de la loi fixant l’âge du mariage, sont passibles d’une peine d’emprisonnement de trois à cinq ans ;

•La nouvelle loi relative à la protection contre la violence familiale, adoptée en 2017, qui remédie aux lacunes de la loi précédente, de 2003, relative à la protection juridico-sociale contre la violence familiale, renforce la coordination et la coopération des autorités compétentes en matière de prévention, d’action, d’aide et de soutien aux victimes.

Le pays a créé un dispositif juridique à part entière qui, s’inscrivant dans le cadre des attributions dévolues au Ministère de la justice, doit permettre de mener des travaux d’envergure touchant à l’application des lois, à la prévention et à la vie sociale. Cela étant, il est impératif d’en améliorer l’efficacité et les potentialités en le dotant des moyens administratifs, informatifs, financiers et techniques voulus.

III.Application de la loi

Le ministère public exerce un contrôle sur l’action menée par les organes du Ministère de l’intérieur en matière de prévention et d’enquête sur les rapts nuptiaux et les violences sexuelles qui leur sont associées. Lors des poursuites engagées dans des affaires de cette nature, les procureurs prêtent leur appui au parquet et, en cas de violation de la loi, appliquent les mesures appropriées.

Afin de renforcer l’application de la législation, une série d’instructions administratives ont été élaborées pour réglementer l’activité des organes publics chargés de faire exécuter les lois concernées. Ainsi, en 2017, un plan interministériel a été adopté aux fins de l’application de la loi no 179 portant modification de certains actes législatifs (Code de la famille et Code pénal), en date du 17 novembre 2016, lequel a été ratifié par l’arrêté commun no 85, en date du 29 novembre 2017, du Ministère du travail et du développement social, du Ministère de l’éducation et des sciences, du Ministère des affaires intérieures, du Ministère de la santé, du Ministère de la culture, de l’information et du tourisme, du Médiateur, de la Commission étatique des affaires religieuses et de l’Agence étatique de la jeunesse, de la culture physique et du sport du Gouvernement kirghize. Conformément aux dispositions figurant dans cet arrêté, les ministères et administrations susmentionnés ont élaboré et entériné des instructions qui, en fonction du mandat propre à chacun, encadrent, mesure après mesure, l’application de la loi.

Aux fins du renforcement des capacités des autorités compétentes, notamment les organes chargés de l’application des lois, des mesures intégrées ont été prises pour :

•Institutionnaliser des programmes éducatifs spécifiques dans les établissements d’enseignement, les divisions du Ministère des affaires intérieures, le parquet, le Ministère de la santé et le Centre de formation des juges ; et

•Procéder à un remaniement de l’enseignement dans les cycles secondaire et supérieur.

Les organes du parquet s’emploient sans relâche à améliorer et à renforcer la protection des droits et des libertés des citoyens, dont la défense des intérêts des femmes victimes de rapt nuptial. Plus particulièrement, ces deux dernières années, en vue de systématiser les programmes de prévention des violences faites aux femmes, un enseignement spécifique, s’appuyant sur un manuel pédagogique créé pour la circonstance, a été intégré aux cours de perfectionnement des procureurs, et des enseignants ont été formés dans le cadre du dispositif de formation des formateurs. En outre, les cours obligatoires dispensés aux futurs procureurs comprennent désormais des thèmes visant à les sensibiliser à la condition de la femme.

Une formation en cascade a été dispensée à tout le personnel du Département des affaires intérieures dans toutes les régions du pays, certains fonctionnaires ayant été aussi formés pour transmettre les connaissances acquises à leurs collègues, selon le principe de la formation par les pairs. Un guide pratique spécifique a été conçu à l’intention des formateurs sur une base novatrice qui associe les méthodes pédagogiques traditionnelles à des supports vidéo et des cours en ligne, et permet notamment l’analyse de cas concrets. Des opuscules utilisés par les fonctionnaires du Département des affaires intérieures dans leurs activités quotidiennes, ainsi qu’un recueil interne d’actes législatifs, ont fait l’objet de tirages importants, et un cours spécial a été introduit à l’Académie du Ministère des affaires intérieures, ce qui a permis de l’institutionnaliser.

Ces dernières années, des mesures ont été prises dans de multiples directions pour augmenter la représentation féminine dans la police, et des formations ont été organisées en vue d’accroître les compétences professionnelles des femmes fonctionnaires et de permettre leur développement personnel. Ces mesures ont été accompagnées par la mise en œuvre d’un programme éducatif portant sur la fonction de direction, par une action de sensibilisation à la condition de la femme et par la création d’un programme de tutorat auquel a activement participé l’Association des policières kirghizes. À des fins d’avancement de carrière, une nouvelle disposition régit l’admission des femmes au concours de recrutement dans la police, en vertu de laquelle, en cas d’égalité de résultats, la préférence est donnée aux candidats dont le sexe est sous-représenté ou qui appartiennent à des minorités ethniques. Déjà, il existe des patrouilles effectuées conjointement par des femmes et des hommes, et une expérience est à l’étude en vue de créer et de mettre en service des unités spécialisées chargées de la lutte contre la violence familiale qui seraient composées de femmes. Ainsi, les travaux préparatoires à l’application de la recommandation concernée consistent à faire en sorte qu’un plus grand nombre de femmes soient recrutées dans le Département des affaires intérieures, entre autres en leur permettant de suivre la formation dispensée à l’Académie.

Le Ministère de la santé a fait savoir que tous les médecins judiciaires, dont les experts médicaux et psychiatriques auprès des tribunaux, ont suivi une formation les préparant à l’établissement en bonne et due forme de la documentation médicale et à la communication des cas de violence sexuelle aux forces de l’ordre. Les règles présidant à l’accomplissement de ces deux tâches ont été intégrées aux programmes d’étude qui sont en vigueur avant et après l’obtention du diplôme. Des cours de perfectionnement sont régulièrement organisés à l’intention du personnel médical. Conformément à la nouvelle législation, à compter de 2019, les expertises médicales seront conduites également à la demande de citoyens, en plus d’être effectuées en application des dispositions régissant l’activité du parquet et des organes chargés des enquêtes judiciaires. Par ailleurs, une formation est dispensée aux avocats, aux travailleurs sociaux, aux enseignants, au personnel des collectivités territoriales et des services administratifs locaux et, grâce à la coopération de la Commission étatique des affaires religieuses avec la Direction religieuse des musulmans du Kirghizistan, aux représentants des autorités religieuses.

IV.Accès à la justice

En 2017, l’Association des femmes juges du Kirghizistan a conduit une analyse de la pratique judiciaire dont il est ressorti, entre autres, qu’en 2016, l’instruction de neuf affaires relevant de l’article 154 du Code pénal avait abouti à la condamnation de huit personnes, et l’instruction de 26 affaires relevant de l’article 155 dudit Code avait abouti à la condamnation de 40 personnes ; en 2017, ces chiffres ont été respectivement de cinq affaires et trois condamnations et de 25 affaires et 47 condamnations. L’instruction judiciaire repose sur des principes qui ont été renforcés dans la quasi-totalité des instruments juridiques internationaux et qui figurent dans le code national de procédure judiciaire, ce qui garantit la tenue de procès équitables.

L’article 40 de la Constitution kirghize confère à chacun le droit de recevoir une assistance judiciaire qualifiée (en bonne et due forme). L’article 24 dispose quant à lui que la sécurité est garantie à toute personne dès sa mise en détention, et que doivent lui être fournis les moyens d’assurer elle-même sa défense, de recourir à l’assistance qualifiée d’un avocat ou, encore, de bénéficier des services d’un conseil juridique, comme le prévoient la Constitution et la loi relative à la garantie par l’État d’une aide judiciaire. Cette loi règlemente en outre l’accès de chacun à une telle aide sous deux formes : une offre de conseils juridiques et une aide judiciaire qualifiée. L’offre de conseils juridique se décline en services, tels que :

•La communication de renseignements juridiques ;

•La consultation et l’explication de questions juridiques ;

•La rédaction de déclarations, de plaintes et d’autres documents à caractère juridique (sauf les documents relevant de la procédure judiciaire) ;

•L’octroi d’une assistance, notamment en ce qui concerne l’accès à une aide judiciaire qualifiée ;

•L’apport de toute autre aide juridique.

Dans le cadre des procédures de justice civile, administrative ou pénale, ont droit à une assistance judiciaire qualifiée les requérants, les défendeurs, les suspects, les inculpés, les prévenus, les condamnés, les acquittés, les victimes et les témoins mineurs dont le revenu annuel ne dépasse pas un montant égal à 60 fois le salaire minimum fixé chaque année par la loi budgétaire. En outre, cette aide est octroyée sans condition de salaire, entre autres aux mineurs – à leur bénéfice ou au bénéfice de leurs parents (tuteurs ou curateurs) –, aux enfants, aux mères célibataires élevant un ou plusieurs enfants et aux personnes ayant à charge un ou plusieurs enfants orphelins de mère, lorsque l’exercice et la protection des droits des enfants ou les intérêts légitimes de ceux-ci sont en jeu.

Le Ministère de la justice a mis en place toute une série de contrôles afin de suivre l’activité des avocats qui sont chargés de fournir l’assistance judiciaire publique garantie. Dans le cadre de la nouvelle loi ad hoc, le barreau a élaboré et approuvé des critères qui président au choix des avocats qui sont commis à la fourniture de cette assistance. La certification de l’étude de la législation y relative est notamment exigée. À cet égard, un plan de formation complet a été créé à l’intention de tous les acteurs de ce système d’assistance, notamment les avocats possédant des compétences spécialisées en matière de violence familiale, de justice pour mineurs, de questions liées à l’égalité des sexes ou de soutien aux personnes ayant subi des actes de torture.

Aux fins de la protection des droits et des intérêts légitimes des citoyens, 20 centres ouverts au public et aux personnes juridiques offrent des consultations juridiques gratuites données par des juristes hautement qualifiés ; ces derniers proposent leurs services à tous, à titre gracieux, sans considération du statut social au sens large, conseillant notamment sur les questions liées à l’égalité de sexes ou au leadership féminin.

Le Ministère de l’éducation prend note de l’annexe 5 au Guide pratique du Ministère de la santé, dans laquelle figure l’instruction relative à la prise de clichés et à la photographie, à des fins d’identification, des lésions corporelles observées à l’examen médical, l’objectif étant de garder trace et d’attester, documents à l’appui, des violences, tortures et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants subis par la victime. Cette instruction, qui s’adresse aux membres du personnel médical à tous les niveaux du système de santé, encadre la prise de vue photographique dans son ensemble et pose les principales règles de cette activité menée dans le contexte judiciaire et aux fins susmentionnées. Elle revêt un caractère obligatoire eu égard à la précision requise des procédés techniques et fait office de recommandation en ce qui concerne les méthodes, moyens et technologies utilisables.

Aux mesures susmentionnées s’ajoute un protocole clinique à l’usage du personnel de santé, qui encadre l’assistance médicale fournie aux victimes de violence sexuelle (arrêté du Ministère de la santé en date du 10 janvier 2014) et dans lequel figurent des recommandations relatives à l’examen médical, au nombre d’interventions préconisé, à la prophylaxie des maladies sexuellement transmissibles (hépatite et VIH/sida), à la prévention des grossesses non désirées et au traitement à administrer aux victimes de violence sexuelle et, en particulier, de viol, après un conflit. Ce protocole renferme également des orientations détaillées sur la manière spécifique dont l’entretien avec une victime de violence sexuelle doit être conduit, des renseignements concernant les services administratifs et les coordonnées des centres d’intervention d’urgence et des autorités habilitées à traiter de tels cas. En 2018, il est également prévu d’élaborer un guide clinique sur les grossesses et naissances précoces (traitant de la psychologie clinique et des aspects médico-sociaux et juridiques) qui fixe les règles de protection de l’enfance contre la violence, dont les mariages et grossesses précoces.

V.Droit de choisir librement son conjoint et égalité des droits dans le mariage et après sa dissolution

Le Service d’enregistrement national de la République kirghize a fait observer que, conformément aux articles 4 et 27 de la loi relative à l’enregistrement des faits d’état civil, les mariages étaient officiellement enregistrés par les organes compétents en la matière.

Afin de veiller au respect le plus strict des articles 154 et 155 du Code pénal et de l’article 14 du Code de la famille – dans lequel l’âge nubile est fixé à 18 ans mais qui dispose que les autorités locales peuvent, sur la base de motifs valables et à la demande des intéressés, autoriser le mariage jusqu’à un an plus tôt, tant pour les hommes que pour les femmes, en se fondant sur l’opinion émise par les unités territoriales compétentes en matière de protection de l’enfance – ainsi que de l’article 54 du Code de la famille :

•Le père et la mère d’un nouveau-né unis par le mariage sont inscrits comme parents de l’enfant dans le registre des naissances, à la demande de l’un ou l’autre d’entre eux. Conformément au paragraphe 3 de l’article 54 du Code de la famille, dans le cas d’un enfant né hors mariage, si la demande d’inscription n’émane pas des deux parents ou si la justice ne s’est pas prononcée sur la paternité de l’enfant, le nom de famille du père est remplacé dans le registre des naissances par celui de la mère, le prénom, le patronyme et la nationalité du père étant pour leur part consignés selon les indications fournies par la mère.

Conformément à l’article 18 de la loi relative à l’enregistrement des faits d’état civil, l’enregistrement du prénom, du patronyme et du nom de famille d’un enfant dans le registre des naissances doit répondre aux règles suivantes :

•Au moment de l’enregistrement de la naissance, l’enfant reçoit le nom de famille des parents  ;

•Si les parents ont des noms de famille différents, ils choisissent celui qu’ils souhaitent donner à leur enfant ;

•L’enfant reçoit le prénom choisi par les parents ;

•En cas de désaccord des parents concernant le prénom ou le nom de famille de l’enfant (lorsque les parents ont des noms différents), il est demandé à un tribunal d’intervenir ;

•Le patronyme de l’enfant est construit à partir du prénom du père, sauf indication contraire dans les coutumes nationales ;

•Lorsque les parents ne sont pas mariés et que la paternité n’est pas établie, la mère choisit le prénom de l’enfant et lui donne son nom de famille, tandis que le patronyme attribué à l’enfant correspond au nom de la personne indiquée dans le certificat de naissance comme étant le père ;

•Lorsque la mère n’est pas mariée au père de l’enfant, elle peut demander que l’acte de naissance ne contienne aucune information le concernant, auquel cas elle est libre de choisir elle-même le patronyme de l’enfant ;

•Lorsqu’aucun des parents n’est connu, l’unité territoriale compétente en matière de protection de l’enfance choisit le prénom, le patronyme et le nom de famille de l’enfant ;

•Si les parents le souhaitent, ils peuvent attribuer à leur enfant soit le nom de famille du père ou du grand-père soit un autre nom conformément aux traditions nationales kirghizes. Si les parents ne sont pas de nationalité kirghize, ils peuvent choisir le nom et le prénom de leur enfant conformément à leurs traditions.

La Commission d’État sur les affaires religieuses de la République kirghize a fait savoir que, dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’action relatif à l’application de la politique nationale en matière de religion pour la période 2015-2020, lequel a été approuvé par l’arrêté gouvernemental no 315-r du 9 juillet 2015, des activités d’information et de prévention étaient organisées à l’intention des responsables religieux. Les employés des mosquées sont sensibilisés à l’importance de respecter la législation et à la nécessité de s’abstenir de célébrer un mariage religieux avant que le mariage civil n’ait eu lieu.

La Commission d’État élabore actuellement un projet de modification de la loi relative à la liberté de culte et aux organisations religieuses en République kirghize, qui prévoit que le mariage religieux ne peut être célébré qu’après l’enregistrement du mariage civil.

Dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’action relatif à l’application de la politique nationale en matière de religion pour la période 2015-2020, lequel a été approuvé par l’arrêté gouvernemental no 315-r du 9 juillet 2015, des activités d’information et de prévention sont organisées à l’intention des responsables religieux. Les employés des mosquées sont sensibilisés à l’importance de respecter la législation et à la nécessité de s’abstenir de célébrer un mariage religieux avant que le mariage civil n’ait eu lieu.

VI.Soutien aux victimes

D’après le Ministère des finances, la fourniture de matériel aux centres de crise offrant des services médicaux, psychologiques et juridiques ainsi qu’un abri aux victimes de rapt nuptial et à leurs enfants doit impérativement se faire dans les limites des moyens prévus par le Ministère du travail et du développement social, conformément à la loi sur l’action sociale de l’État, qui encadre l’achat, à des organisations non gouvernementales, de services complets d’assistance aux victimes de violences fondées sur le genre. En 2015, le Ministère du travail et du développement social a ouvert une ligne d’assistance téléphonique (111) pour apporter une aide psychologique aux enfants victimes de violences.

Le Ministère des finances a indiqué qu’il était actuellement difficile d’élaborer et d’adopter un programme de soutien visant à offrir un logement abordable aux victimes de rapt nuptial et à leurs enfants, en raison d’un déficit budgétaire national considérable. Il est donc nécessaire de faire en sorte que la fourniture de logements abordables et d’autres services de base aux victimes, notamment l’octroi de soins et d’une éducation aux enfants, soit financée par les auteurs des violences commises contre elles et considérée comme une réparation du préjudice moral.

VII.Prévention et sensibilisation

Il convient avant tout de souligner que l’attention accordée dans les médias aux conséquences néfastes et au caractère illégal des rapts nuptiaux et des mariages précoces a largement augmenté, et que les campagnes d’information et d’éducation menées auprès de la population, ainsi que les stratégies novatrices mises en place pour sensibiliser la jeunesse, ont permis de mobiliser les citoyens hostiles à ces pratiques néfastes en mettant ces dernières sur le devant de la scène.

Il faut cependant tenir compte de certains obstacles qui empêchent toute amélioration décisive de la situation. On constate par exemple, en particulier dans les zones rurales, que des pratiques présentées comme étant plus convenables pour les vrais croyants que celles prescrites par la loi tendent à se propager. Face à cette situation, les organismes publics compétents organisent des activités de sensibilisation à grande échelle, auxquelles sont tenus d’assister les responsables religieux, les représentants d’organisations non gouvernementales et les responsables communautaires. Malgré ces obstacles, ainsi que les stéréotypes sexistes parfois constatés au sein même des organismes publics compétents, dont ils limitent l’efficacité, des progrès ont été relevés, en particulier ces derniers temps.

Le Ministère de l’éducation et des sciences a expliqué que, dans les établissements d’enseignement, la question de la prévention des mariages précoces était abordée dans le cadre de l’application de la politique d’égalité des sexes. L’accès des femmes et des hommes, sur un pied d’égalité, à l’éducation et l’égalité des sexes sont garantie grâce à une politique d’enseignement tenant compte des aspects sexospécifiques de l’éducation. Dans les écoles, un certain nombre d’ heures de cours sont consacrées à la problématique femmes-hommes dans le cadre de matières telles que le droit, les études sociales, l’éducation morale (Adep Sabaghy) et l’éthique. Dans les établissements d’enseignement général, la question des droits de la personne, y compris la violence à l’égard des femmes, est abordée dans le cadre d’activités de sensibilisation et d’information organisées sur les thèmes « L’individu et la société » et « Adep Sabaghy ». Le cours d’éthique « Adep Sabaghy », qui est obligatoire, porte entre autres sur les règles régissant le comportement individuel et les qualités spirituelles et morales nécessaires pour vivre en société, ainsi que sur les traditions spirituelles des Kirghizes et des autres peuples du Kirghizistan. Cette matière est systématiquement dispensée du premier au onzième niveau. Certaines parties du cours sont consacrées à des questions liées aux relations au sein de la famille et un cours intitulé « Yibylia » (famille) est dispensé au 9e niveau. Pour veiller au bon déroulement des leçons, les enseignants ont suivi des cours de perfectionnement et des formations sur l’introduction des questions liées au genre dans l’éducation familiale. Le cours sur « L’individu et la société » (enseigné aux 10e et 11e niveaux) est également en partie consacré à l’égalité des sexes. Grâce à l’étude de ces matières, les élèves développent une plus grande autonomie personnelle, sociale et professionnelle, renforcent leur estime de soi, deviennent plus tolérants, prennent conscience de la nécessité de respecter et de protéger les droits de la personne et les autres cultures et religions et acquièrent les compétences nécessaires à cette fin. Ils se familiarisent avec l’histoire, les traditions, les coutumes et les caractéristiques nationales des Kirghizes et d’autres peuples, et sont sensibilisés à la question des relations interethniques. Dans tous les établissements d’enseignement de la République, des activités extrascolaires (cours spéciaux, réunions de parents et cours ouverts) portant sur la morale, le patriotisme, la citoyenneté, le multiculturalisme et le travail sont organisées, dans le cadre desquelles la question de l’égalité des sexes est également abordée. Des programmes visant à promouvoir un mode de vie équilibré ont par ailleurs été mis en place à l’intention des élèves des niveaux 6 à 11. Ceux-ci prévoient l’organisation de formations sur la prévention des stéréotypes sexistes, qui visent notamment à dissuader les garçons d’avoir recours à des pratiques néfastes comme le rapt nuptial. L’importance devant être accordée à la question des grossesses précoces et au comportement des enfants a été soulignée dans l’arrêté ministériel no1024/1 du 22 juillet 2015, qui portait sur les programmes de base des établissements d’enseignement général du Kirghizistan en 2015-2016. Des programmes pertinents ont par ailleurs été adoptés par divers établissements de premier et de deuxième cycles, à savoir l’Université d’État Arabaev, l’Université russo-kirghize slave Boris Eltsine et l’Université Karassayev d’études humanitaires de Bichkek. En collaboration avec le studio Nowchpok et l’Institut de l’UNESCO pour l’application des technologies de l’information à l’éducation (ITIE), on a réalisé 11 vidéos éducatives (d’une durée maximale de cinq minutes) portant sur l’adolescence, la problématique femmes-hommes et les jeunes, l’usage de substances psychotropes, la violence chez les jeunes, la santé sexuelle et procréative, la prévention du VIH et des autres maladies sexuellement transmissibles, les relations interpersonnelles et la résolution des conflits, et la prévention de la cyberdépendance et de la violence juvénile sur le Web. Il a été recommandé que ces vidéos soient utilisées dans le cadre des activités visant à sensibiliser les adolescents et les jeunes au problème du VIH et à les motiver à adopter un mode de vie sain. Les enseignants et les éducateurs, tout comme les centres d’accueil pour adolescents et les associations d’enfants et de jeunes, ont par ailleurs été encouragés à s’en servir dans le cadre d’activités facultatives et parascolaires de prévention organisées à l’intention des étudiants, en particulier les adolescents appartenant à des groupes à risque. Ces supports pédagogiques s’accompagnent de recommandations d’utilisation (manuel) élaborées par des experts du Ministère de l’éducation et des sciences et de l’Académie de l’éducation, ainsi que par des enseignants de l’Université d’État Arabaev.

Tous les outils d’information et supports pédagogiques qui sont envoyés aux établissements d’enseignement en vue d’encourager les jeunes et les étudiants à avoir un mode de vie équilibré et à adopter un comportement responsable au quotidien sont analysés en détail et soumis à un examen par les pairs.

D’après le Ministère de la culture, de l’information et du tourisme, la pénurie de fonds dont souffre l’exécution de la campagne d’information est principalement due au déficit qu’accuse le budget de la République. Faute de ressources suffisantes et compte tenu de l’ampleur du problème, les projets menés par les médias dans ce domaine grâce aux dons d’organisations ne bénéficient pas à l’ensemble de la population. Par conséquent, on s’efforce actuellement d’améliorer le code de conduite des médias afin de promouvoir l’égalité des sexes et la tenue de débats publics sur les rapts nuptiaux et d’éviter la publication d’images discriminatoires.

VIII.Collecte de données

Le Ministère de la santé a indiqué que son système de collecte de statistiques sur les demandes d’assistance médicale à la suite de violences était alimenté en données provenant de tous les centres de crise et établissements de soins publics auxquels les victimes étaient susceptibles de s’adresser. Afin de veiller au bon enregistrement des données brutes, un registre unique des victimes de violences ayant fait appel à ces structures (annexe 9 au Guide pratique) ainsi que des instructions sur son utilisation (annexe 10 au Guide pratique) ont été élaborés. Il est spécifié dans les instructions que le registre est tenu par les spécialistes des services d’admission des hôpitaux, les médecins des centres de santé familiale, les médecins de famille, les infirmiers et les sages-femmes travaillant dans des centres spécialisés, les médecins ou assistants médicaux des cliniques de soins d’urgence et les médecins des services médico-légaux, ce qui permet de garder une trace de toutes les personnes s’étant rendues dans un établissement de soins après avoir subi des violences.

En centralisant ces informations, le registre fait le lien entre les autorités judiciaires, les forces de l’ordre et les centres de crise. Les données qui y figurent permettent de rendre compte des cas de violence et de les classer par type. Elles permettent de déterminer le nombre de personnes reçues par les établissements de soins pour violences physiques, sexuelles, psychologiques ou autres, ainsi que l’âge et le sexe de ces personnes. Bien que les violences résultant de rapts nuptiaux ne fassent pas l’objet d’une catégorie distincte, le registre contient des informations sur les circonstances des violences, notamment sur la question de savoir si elles ont eu lieu dans le cadre familial ou domestique.

Le Ministère du travail et du développement social a fait savoir que, sur la base des données issues de l’enquête sur la problématique femmes-hommes et la société menée dans le pays, le Comité national de statistique de la République kirghize avait réalisé, en 2015-2016, avec l’appui technique et financier du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), une enquête du même type au niveau national. Le Plan d’action national en faveur de l’égalité femmes-hommes (2015-2017) prévoyait en effet la réalisation d’une étude nationale exhaustive sur l’attitude de la société vis-à-vis de la problématique femmes-hommes dans le cadre de la mise en œuvre de la Stratégie nationale de promotion de l’égalité des sexes à l’horizon 2020.

La nécessité de réaliser des études sur toute une série de questions relatives à la problématique femmes-hommes a été soulignée par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes dans ses conclusions sur le quatrième rapport périodique du Kirghizistan concernant l’application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. C’est dans ce contexte qu’a été lancé le projet d’étude sur la problématique femmes-hommes et la société dans la République, financé grâce au Fonds des Nations Unies pour la consolidation de la paix et mené en collaboration avec l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes), le FNUAP et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), ainsi qu’avec le Ministère kirghize du travail et du développement social.

Les méthodes et outils d’enquête ont été élaborés avec l’appui de représentants d’établissements d’enseignement supérieur, d’instituts de recherche, d’organisations communautaires, de ministères et de départements administratifs de premier plan, tels que le bureau du Président de la République, l’Académie nationale des sciences, le Conseil national de la défense, le Ministère de la culture, de l’information et du tourisme, et le Ministère de l’intérieur. Le Comité national de statistique s’est quant à lui chargé de mener à bien diverses composantes du projet, à savoir notamment une étude sur les ménages.

L’objectif de l’enquête sur la problématique femmes-hommes et la société menée en 2015-2016 était de rassembler un maximum de données factuelles fiables sur la participation à la vie politique, l’économie, l’entreprenariat, les croyances et pratiques religieuses, les mouvements migratoires, les mariages précoces et les rapts nuptiaux dans les communautés à risque, afin d’étudier l’effet de ces éléments sur l’autonomisation des femmes et la participation de celles-ci au règlement des conflits.

Les résultats de l’enquête pourraient être utiles aux institutions publiques chargées de mettre au point des politiques et programmes de promotion de l’égalité des sexes et de consolidation de la paix pour toutes et tous, ainsi qu’aux organismes internationaux œuvrant à l’instauration d’une paix durable et à l’autonomisation des femmes – notamment l’ONU, par le truchement de son équipe de pays – et aux organisations communautaires partenaires.