Observations finales concernant le sixième rapport périodique de la Gambie *

Le Comité a examiné le sixième rapport périodique de la Gambie (CEDAW/C/GMB/6) à ses 1925e et 1926e séances, tenues le 20 octobre 2022 (voir CEDAW/C/SR.1925 and CEDAW/C/SR.1926). On trouvera la liste des points et questions soulevés par le groupe de travail de présession dans le document CEDAW/C/GMB/Q/6 et les réponses apportées par la Gambie dans le document CEDAW/C/GMB/RQ/6.

A.Introduction

Le Comité remercie l’État partie pour la présentation de son sixième rapport périodique. Il se félicite des réponses écrites fournies par l’État partie aux questions et points soulevés par le groupe de travail de présession ainsi que de la présentation faite oralement par la délégation et des précisions complémentaires qu’elle a apportées en réponse aux questions posées oralement par les membres du Comité au cours du dialogue.

Le Comité salue la délégation de haut niveau de l’État partie, qui était dirigée par la Ministre de la femme, de l’enfance et de la protection sociale, Mme Fatou Kinteh, et qui comprenait des représentants du Ministère de la santé, du Ministère de la femme, de l’enfance et de la protection sociale ainsi que de la Mission permanente de la Gambie auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès accomplis depuis l’examen, en 2015, du rapport unique valant quatrième et cinquième rapports périodiques (CEDAW/C/GMB/4-5) dans la réalisation de réformes législatives, en particulier l’adoption des textes de loi suivants :

a)La loi de 2021 sur les personnes handicapées, qui contient des dispositions visant à garantir expressément l’accès des femmes et des filles handicapées à la justice, à une éducation inclusive, à l’emploi et aux services de santé ainsi que leur participation à la vie politique et publique ;

b)La loi de 2016 portant modification de la loi sur les enfants, qui interdit et punit les mariages d’enfants ;

c)La loi de 2015 portant modification de la loi sur les femmes, qui interdit et punit les mutilations génitales féminines.

Le Comité se félicite des initiatives engagées par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et politique afin d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des genres. On peut citer, entre autres, la création des entités ci-après :

a)Le Ministère de la femme, de l’enfance et de la protection sociale, en 2019 ;

b)La Commission vérité, réconciliation et réparation, en 2018 ;

c)La Commission de révision constitutionnelle, en 2017 ;

d)La Commission nationale des droits de l’homme, en 2017.

Le Comité se félicite de la ratification par l’État partie, depuis l’examen du rapport précédent, des instruments internationaux et régionaux suivants :

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en 2019 ;

b)La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2018 ;

c)La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, en 2018 ;

d)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en 2018 ;

e)Le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, en 1998.

C.Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite du soutien apporté au niveau international aux objectifs de développement durable et appelle à la réalisation de l ’ égalité de droit et de fait entre les genres, en application des dispositions de la Convention, tout au long du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030. Il rappelle l ’ importance de l ’ objectif 5 et de l ’ intégration des principes d ’ égalité et de non-discrimination dans l ’ ensemble des 17 objectifs. Il exhorte l ’ État partie à mettre en avant le rôle moteur joué par les femmes dans le développement durable et à adopter des politiques et stratégies pertinentes à cet effet.

D.Parlement

Le Comité souligne la contribution essentielle du pouvoir législatif à la pleine mise en œuvre de la Convention (voir A/65/38 , deuxième partie, annexe VI). Il invite l ’ Assemblée nationale, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les présentes observations finales avant que l ’ État partie ne soumette son prochain rapport périodique en application de la Convention.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Statut juridique de la Convention et harmonisation des lois

Le Comité prend acte du processus de révision constitutionnelle en cours dans l’État partie et des efforts louables déployés pour examiner, modifier et promulguer des lois visant à promouvoir et à protéger les droits des femmes et des filles. Il note toutefois avec inquiétude que :

a)Les dispositions de la Convention n’ont pas encore été entièrement intégrées dans la législation nationale, une étape pourtant nécessaire pour assurer leur mise en œuvre étant donné le système juridique dualiste de l’État partie ;

b)Les dispositions discriminatoires à l’égard des femmes qui subsistent dans la Constitution et dans la législation nationale, notamment en ce qui concerne les droits des femmes dans le mariage et les relations familiales, sont justifiées par l’État partie par des motifs coutumiers et religieux ;

c)Les lois sur les droits des femmes sont insuffisamment appliquées aux niveaux national, régional et local.

Rappelant que la Convention couvre les droits des femmes dans les sphères privée et publique et que la discrimination à l’égard des femmes ne peut être justifiée par la religion, les coutumes et/ou les pratiques, le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire en sorte que, dans un délai déterminé et en consultation avec les organisations de femmes de la société civile et les chefs traditionnels et religieux, les dispositions de la Convention soient pleinement intégrées dans le cadre juridique national, notamment en modifiant ou en abrogeant toutes les dispositions législatives incompatibles avec le principe d ’ égalité et de non-discrimination, telles que l ’ article 7 et les alinéas c) et d) du paragraphe 5 de l ’ article 33 de la Constitution de 1997, reprises dans la loi sur les femmes, qui établissent la primauté du droit coutumier et de la charia sur les lois ordinaires ;

b) De mobiliser les soutiens voulus pour faciliter l ’ adoption du projet de loi de promulgation de la Constitution par le Parlement ainsi que des nombreux projets de loi protégeant les droits des femmes, comme l ’ État partie s ’ y est engagé au cours du dialogue constructif ;

c) D ’ encourager les tribunaux religieux ( de cadis ) et les tribunaux de common law , les agents chargés de l ’ application de la loi et les imams à respecter dans leurs décisions et leurs actions les engagements de l ’ État partie découlant de sa ratification de la Convention afin de garantir que les femmes et les filles musulmanes jouissent de droits égaux dans tous les aspects de la vie familiale, notamment en matière de mariage, de divorce, d ’ héritage, de biens matrimoniaux, d ’ adoption, d ’ inhumation et de dévolution des biens au décès, y compris par le biais de l ’ initiative Faith for Rights du Haut-Commissariat aux droits de l ’ homme ;

d) De réaliser une étude des dispositions législatives dans les pays ayant des contextes socioculturels et religieux et des systèmes juridiques similaires afin de les intégrer dans son processus d ’ harmonisation législative et d ’ élaborer des stratégies visant à garantir la mise en œuvre de la législation encourageant le respect des droits des femmes et protégeant ces droits.

Accès des femmes à la justice

Le Comité salue les progrès accomplis dans la nomination de femmes juges dans les tribunaux de common law et les tribunaux de cadis. Il note avec préoccupation les obstacles auxquels continuent de se heurter les femmes pour accéder à la justice, comme le souligne le rapport 2021 de la Commission vérité, réconciliation et réparation sur les violences sexuelles et sexistes dans ses conclusions sur les défaillances institutionnelles. Parmi ces obstacles figurent la connaissance limitée qu’ont les femmes de leurs droits et de la manière de les faire valoir, l’absence d’espaces sûrs pour signaler les violations de ces droits, une profonde méfiance à l’égard des autorités chargées de l’application de la loi, y compris le pouvoir judiciaire et le ministère public, et la couverture nationale insuffisante de l’assistance fournie par l’Agence nationale d’aide juridictionnelle.

Conformément à sa r ecommandation générale n o  33 (2015) sur l ’ accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter une stratégie pour la mise en œuvre des recommandations émanant du rapport 2021 de la Commission vérité, réconciliation et réparation sur les violences sexuelles et sexistes ;

b) D ’ informer les femmes de leurs droits et des voies de recours disponibles pour les faire valoir, notamment au moyen de programmes d ’ initiation juridique, et de sensibiliser les chefs traditionnels et religieux, les policiers et le grand public aux droits des femmes et à l ’ égalité des genres ;

c) De créer des espaces sûrs pour que les femmes puissent signaler les violations de leurs droits à des organes indépendants, au besoin, en toute confidentialité ;

d) De renforcer le réseau d ’ aide juridictionnelle gratuite aux femmes, dans le cadre de procédures pénales et civiles, en allouant davantage de ressources humaines, techniques et financières à l ’ Agence nationale d ’ aide juridictionnelle et aux organisations de la société civile fournissant une aide juridictionnelle aux femmes, notamment la Female Lawyers Association –  Gambia, la Gambia Bar Association et le Network for Gender Based Violence ;

e) De renforcer les programmes de développement des capacités des juges, des procureurs, des avocats et des autres professionnels du droit, d ’ œuvrer en faveur de la nomination de femmes dans la magistrature et les tribunaux de cadis et de veiller à ce que la Convention et les recommandations générales du Comité fassent partie intégrante de leur formation professionnelle, afin de leur permettre d ’ appliquer, d ’ invoquer et/ou de mentionner directement les dispositions de la Convention et d ’ interpréter la législation nationale conformément à la Convention ;

f) D ’ encourager et de promouvoir la nomination de femmes juges à tous les niveaux de l ’ appareil judiciaire, y compris les tribunaux de cadis, la commission d ’ appel des cadis et les tribunaux de district, et de renforcer l ’ aptitude des cadis à prendre en compte les traditions islamiques discriminatoires dans les décisions concernant les lois sur le statut personnel des femmes.

Mécanisme national de promotion des femmes

Le Comité se félicite de la création, en 2019, du Ministère de la femme, de l’enfance et de la protection sociale, notant qu’un objectif déclaré du plan stratégique de ce Ministère pour la période 2021-2025 est d’intégrer les questions de genre dans les principaux politiques et programmes sectoriels et de garantir une programmation et une budgétisation tenant compte du genre dans tous les secteurs. Le Comité est toutefois préoccupé par les contraintes de ressources qui font obstacle à l’exécution du mandat du Ministère, seul 0,3 % du budget national total étant consacré aux programmes du gouvernement en faveur des femmes, des enfants et du bien-être social en 2022.

Rappelant les orientations contenues dans le Programme d ’ action de Beijing, notamment en ce qui concerne les conditions nécessaires au bon fonctionnement des mécanismes nationaux, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ accroître les ressources humaines, techniques et financières allouées au Ministère de la femme, de l ’ enfance et de la protection sociale et de doter son personnel de l ’ expertise nécessaire pour coordonner les efforts de promotion de l ’ égalité entre les femmes et les hommes, intégrer les questions de genre dans toutes les politiques gouvernementales et introduire une budgétisation sensible au genre ;

b) D ’ approuver le document de synthèse sur l ’ intégration de la dimension de genre qui lui a été soumis par le Ministère, y compris ses propositions visant à établir un Comité ministériel sur le genre, un Comité technique sur le genre, un Réseau de coordonnateurs et coordonnatrices des questions de genre et un groupe parlementaire sur le genre ;

c) De définir des indicateurs pour tous les objectifs en matière d ’ égalité femmes-hommes, y compris ceux de la Politique nationale définie par la Gambie dans ce domaine pour la période 2021-2030 et du plan d ’ action correspondant ; de renforcer la capacité nationale de collecter systématiquement des données, ventilées par sexe, âge, handicap, origine ethnique, région et milieu socioéconomique, afin d ’ évaluer les progrès accomplis dans la réalisation de ces objectifs ; de présenter une évaluation des progrès accomplis dans son prochain rapport périodique ;

d) De solliciter une assistance technique régionale et internationale, notamment auprès des entités compétentes des Nations Unies, afin de renforcer le mécanisme national conformément à la Convention.

Institution nationale pour la protection des droits de l’homme

Le Comité se félicite de la création de la Commission nationale des droits de l’homme en 2017, notant le statut « A » qui lui a été décerné en 2022 par l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme, ainsi que de la mise en place d’un comité expressément chargé des droits des femmes au sein de cette Commission. Il note toutefois avec inquiétude que la Commission a reçu très peu de plaintes de femmes dénonçant des violations de leurs droits pendant la période considérée.

Le Comité recommande à l ’ État partie de donner suite aux recommandations de la Commission nationale des droits de l ’ homme et de renforcer son aptitude à promouvoir les droits des femmes par ses travaux de recherche et ses activités de plaidoyer et à aider les femmes à faire valoir leurs droits au titre de la Convention, notamment en intensifiant ses efforts de sensibilisation à l ’ existence de son mécanisme de plainte.

Défenseuses des droits humains et société civile

Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les défenseuses des droits humains font l’objet de menaces, d’intimidations et de harcèlement graves, notamment en ligne, en raison de leur travail en faveur des droits fondamentaux des femmes. Sont particulièrement visées celles qui défendent les droits des personnes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexes, qui peuvent faire l’objet de sanctions pénales et sont victimes de formes de discrimination croisée dans l’État partie.

Le Comité recommande à l ’ État partie de créer un environnement propice à l ’ implication des défenseuses des droits humains et de la société civile dans les actions de promotion et de protection des droits fondamentaux des femmes, notamment en les associant à tous les aspects de la planification et de la mise en œuvre de la politique nationale d ’ égalité des genres et en assurant leur protection contre la violence sexiste et l ’ intimidation, entre autres en enquêtant sur tou te s les atteintes dont elles sont victimes et en poursuivant et sanctionnant les auteurs de ces atteintes.

Stéréotypes discriminatoires et pratiques préjudiciables

Mutilations génitales féminines

Le Comité se félicite de la modification apportée en 2015 aux alinéas a) et b) de l’article 32 de la loi sur les femmes pour ériger en infractions pénales les mutilations génitales féminines ainsi que du projet financé par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture pour aider les exciseuses traditionnelles à trouver d’autres sources de revenus. Il prend également note de la stratégie et de la politique nationales sur les mutilations génitales féminines pour la période 2021-2030. Il reste néanmoins préoccupé par le fait que cette pratique préjudiciable reste répandue, touchant 73 % de toutes les femmes âgées de 15 à 49 ans dans l’État partie (selon l’enquête démographique et sanitaire de 2019/20) et que seul un cas de mutilation génitale féminine a été porté devant les tribunaux depuis l’interdiction de cette pratique en 2015.

Conformément à la r ecommandation générale n o  31 du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes et à l ’ observation générale n o  18 du Comité des droits de l ’ enfant sur les pratiques préjudiciables, adoptées conjointement en 2019 , le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De lutter contre les croyances culturelles qui sous-tendent la pratique préjudiciable que constituent les mutilations génitales féminines, notamment en informant les parents, les chefs traditionnels et les chefs religieux des effets dévastateurs qu ’ ont ces pratiques tout au long de la vie, tant sur la santé physique que sur la santé mentale des filles et des femmes et en sensibilisant à la nécessité d ’ ériger en infractions pénales les mutilations génitales féminines ;

b) De mettre en place des mécanismes de signalement sûrs pour les professionnels de la santé, les enseignants, les travailleurs sociaux ainsi que pour les femmes et les jeunes filles, et de veiller à ce que tous les signalements fassent l ’ objet d ’ une enquête en bonne et due forme et de poursuites et que les auteurs soient dûment sanctionnés, y compris lorsque l ’ acte est commis dans un autre État ;

c) D ’ améliorer l ’ accès des femmes et des filles victimes de mutilations génitales féminines aux services d ’ aide et de réadaptation ainsi qu ’ à des réparations, y compris des compensations financières, en veillant à ce qu ’ elles soient protégées contre les représaille s.

Violence à l’égard des femmes fondée sur le genre

Le Comité se félicite de la modification de la loi de 2013 sur les violences domestiques visant à protéger les victimes contre les règlements à l’amiable en dehors des tribunaux ainsi que de la création de l’Unité de l’égalité des sexes par les chambres du Procureur général pour former les procureurs, les agents de police et les autres agents chargés de l’application de la loi aux enquêtes et aux poursuites dans les cas de violences sexuelles et sexistes. Le Comité est toutefois préoccupé par la forte prévalence de la violence sexiste à l’égard des femmes et des filles et par le faible taux de signalement des incidents dans l’État partie, en raison d’une culture du silence et de l’impunité et de l’insuffisance de la protection contre les représailles et de la protection des témoins. Il note avec inquiétude le caractère limité des services de protection et d’aide aux victimes dans l’État partie, notamment l’insuffisance des « centres de services intégrés », et regrette l’absence de données sur le nombre de cas signalés de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, sur les enquêtes qui sont menées, les poursuites qui sont engagées et sur les peines infligées aux auteurs. Il est en outre préoccupé par les faits suivants :

a)La loi sur les infractions sexuelles de 2013 n’incrimine pas expressément le viol conjugal ;

b)Dans l’article 3 de la loi de 2013 sur les infractions sexuelles, la définition du viol est fondée sur la force ou la menace de force et non sur l’absence de consentement ;

c)Des règles discriminatoires en matière de preuve continuent d’être appliquées, notamment l’exigence de corroboration alors même qu’elle a été abolie par la loi de 2013 sur les infractions sexuelles.

Rappelant sa r ecommandation générale n o  35 (2017) sur la violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la r ecommandation générale n o  19, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De sensibiliser les femmes à leurs droits en vertu de la loi sur les violences domestiques et de la loi sur les infractions sexuelles, à la manière de porter plainte pour des incidents de violence sexiste et à la possibilité d ’ utiliser la ligne d ’ assistance téléphonique dédiée aux violences sexuelles et sexistes ;

b) De lutter contre la stigmatisation des femmes victimes de violences sexistes, y compris de violences sexuelles, qui les dissuade de porter plainte, en renforçant les programmes obligatoires de développement des capacités des juges, des procureurs, de la police, des travailleurs sociaux, des psychologues et des professionnels de la santé sur les procédures d ’ enquête et d ’ interrogatoire tenant compte de la dimension de genre dans les cas de violences sexistes à l ’ encontre des femmes, et sur l ’ application stricte de la législation qui incrimine ces violences ;

c) De veiller à ce que les femmes et les filles victimes de violences sexistes aient accès à des voies de recours et à une protection efficaces, notamment à des ordonnances de protection d ’ urgence et à des services de soutien, y compris la délivrance immédiate et gratuite de certificats d ’ examen médical, à des refuges adéquats et accessibles, à une assistance spécialisée et à des services de réadaptation ;

d) De fournir un soutien financier aux organisations non gouvernementales fournissant des services d ’ aide aux victimes et gérant des refuges ;

e) De veiller à ce que les plaintes fassent l ’ objet d ’ une enquête efficace et que les peines infligées aux auteurs soient proportionnées à la gravité de l ’ infraction, afin de lutter contre la culture de l ’ impunité ;

f) De modifier le paragraphe 3 de l ’ article 3 de la loi sur les infractions sexuelles afin d ’ incriminer expressément le viol ;

g) D ’ abolir la pratique consistant à exiger la corroboration du témoignage des plaignant(e)s dans les affaires de violence sexuelle, de sanctionner les erreurs judiciaires à cet égard et d ’ abroger les alinéas a) et c) du paragraphe 2 de l ’ article 180 de la loi sur les preuves ;

h) D ’ investir dans le projet pilote lancé par le Bureau des femmes pour mettre en place un portail du Système d ’ information sur la gestion des questions de genre dans plusieurs postes de police afin de suivre les affaires et de générer des données statistiques sur la violence fondée sur le genre, ventilées par sexe, âge et relation entre la victime et l ’ auteur.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la traite des femmes et des filles, notamment en initiant une coopération bilatérale entre l’Agence nationale de lutte contre la traite des êtres humains et son homologue au Nigéria. Il demeure toutefois préoccupé par le fait que :

a)L’État partie reste une source, une voie de transit et une destination pour la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants, à des fins de travail forcé et d’exploitation sexuelle, y compris le tourisme sexuel ;

b)La traite des femmes et des jeunes filles est très peu signalée, notamment en raison du manque de confiance dans l’administration de la justice, de la longueur des enquêtes et des procédures judiciaires, de l’absence de poursuites et de condamnations et de l’inexistence d’un mécanisme national efficace d’orientation des victimes vers les services d’aide appropriés, y compris la protection contre les représailles ;

c)La loi de 2007 sur la traite des êtres humains (art. 49) ne prévoit pas expressément d’exempter de détention et de poursuites les victimes de la traite ayant commis des violations des lois du fait même de leur condition.

Conformément à sa r ecommandation générale n o  38 (2020) sur la traite des femmes et des filles dans le contexte des migrations internationales, le Comité exhorte l ’ État partie à :

a) Renforcer la formation des premiers intervenants, y compris les agents de la force publique, le personnel chargé du contrôle des frontières et les prestataires de soins de santé, à l ’ identification précoce des victimes et à leur orientation vers les services de protection et de réadaptation appropriés, en veillant à ce que ces services soient centrés sur les victimes et tiennent compte des questions de genre ;

b) Sensibiliser au crime de traite des êtres humains et à la manière de signaler les cas suspects, en ciblant les femmes et les jeunes filles, les enseignants, les parents et les dirigeants communautaires, en particulier ceux qui vivent dans la pauvreté et dans les régions reculées du pays ;

c) Réviser la loi sur la traite des êtres humains pour la mettre en conformité avec le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants et renforcer la capacité des magistrats, des procureurs et des agents des services de répression d ’ intégrer une perspective de genre dans l ’ application des lois et la mise en œuvre des politiques de lutte contre la traite des femmes et des filles ;

d) Recueillir des données sur le nombre de signalements, d ’ enquêtes, de poursuites, de condamnations et de peines infligées aux auteurs de la traite des femmes et des filles, y compris dans les cas où les autorités peuvent être complices.

Participation à la vie politique et à la vie publique dans des conditions d’égalité

Le Comité salue le nombre élevé de femmes inscrites sur les listes électorales pour les élections législatives et présidentielles de 2021. Toutefois, il s’inquiète du fait que peu de femmes aient été désignées comme candidates par les partis politiques et que seuls 6,3 % des membres élus de l’Assemblée nationale soient des femmes. Les femmes restent également sous-représentées aux postes de décision au niveau des collectivités locales et au niveau international. Le Comité regrette que l’Assemblée nationale n’ait pas adopté le projet de loi d’initiative parlementaire visant à modifier la Constitution de 1997, qui aurait introduit un système de quotas de 30 % pour les élections nationales.

Rappelant sa r ecommandation générale n o  23 (1997) sur la participation des femmes à la vie politique et publique et sa r ecommandation générale n o  25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, le Comité recommande à l ’ État partie, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention :

a) De mettre effectivement en œuvre le paragraphe 1 de l ’ article 15 de la loi sur les femmes, qui exige de toutes les institutions publiques, autorités et entreprises privées qu ’ elles adoptent des mesures temporaires spéciales pour accélérer l ’ égalité réelle entre les femmes et les hommes, notamment en adoptant un quota de 30  % pour la représentation de l ’ un ou l ’ autre sexe à l ’ Assemblée nationale et dans les assemblées locales, en incitant les partis politiques à désigner un nombre égal de femmes et d ’ hommes comme candidats aux élections, en instaurant des amendes en cas de non-respect et en prévoyant le recrutement préférentiel de femmes à des postes de direction dans la fonction publique, y compris dans les entreprises publiques ;

b) De renforcer les programmes de formation et de mentorat afin d ’ encourager les femmes et les jeunes filles à participer à la vie politique et publique, notamment en révisant les programmes scolaires et le matériel de formation des enseignants afin de faire prendre conscience des capacités de direction des femmes et des jeunes filles ;

c) D ’ adopter une stratégie pour détecter et stopper les discours de haine, la cyberintimidation et les autres discours diffamatoires dirigés contre les femmes candidates à des fonctions électives, notamment en luttant contre la violence en ligne, le harcèlement, notamment le harcèlement obsessionnel, et les discours de haine sexiste ;

d) De mener des campagnes de sensibilisation à l ’ intention des politiciens, des dirigeants communautaires et religieux, des médias et du grand public afin de mieux faire comprendre que la participation pleine, égale, libre et démocratique des femmes, sur un pied d ’ égalité avec les hommes, à la vie politique et publique est une condition nécessaire à la pleine application des droits fondamentaux des femmes et à la réalisation de la stabilité politique et du développement économique de l ’ État partie.

Nationalité

Le Comité prend note de l’article 7 de la loi de 2005 sur l’enfance, qui rend obligatoire l’enregistrement des naissances, ainsi que de la politique de l’État qui prévoit l’enregistrement gratuit des naissances jusqu’à l’âge de 5 ans (CEDAW/C/GMB/6, par. 96). Il note également que le droit de tous les enfants à acquérir une nationalité est garanti par l’article 29 de la Constitution. Il note toutefois avec préoccupation que l’apatridie continue d’exister parmi les femmes et les filles dans l’État partie en raison des lacunes des lois sur la nationalité, de la privation arbitraire de la nationalité et des pratiques restrictives en matière de délivrance de documents prouvant la nationalité.

Rappelant sa r ecommandation générale n o  32 (2014) sur les dimensions liées au genre du statut de réfugiée, des demandes d ’ asile, de la nationalité et de l ’ apatridie des femme s , le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De réviser ses lois sur la nationalité afin de garantir que la nationalité gambienne soit accordée aux enfants nés dans l ’ État partie et qui seraient autrement apatrides ;

b) D ’ éliminer les obstacles rencontrés lors de l ’ enregistrement des naissances, en accordant une attention particulière aux filles des zones rurales et aux filles nées de parents réfugiés ou célibataires et d ’ informer les officiers d ’ état civil que toutes les filles et tous les garçons doivent être enregistrés et se voir remettre un certificat de naissance sur lequel est consigné le nom de l ’ un des parents ;

c) De supprimer toute pénalité pour enregistrement tardif et de continuer à faciliter les procédures, y compris en ligne, afin d ’ encourager les femmes, en particulier celles des zones rurales, à enregistrer les naissances et à se voir remettre des documents d ’ état civil.

Éducation

Le Comité salue les programmes mis en place par l’État partie pour promouvoir l’éducation des filles, notamment les progrès réalisés dans l’augmentation du taux de scolarisation des filles. Il reste néanmoins préoccupé par le nombre élevé de filles non scolarisées (62 %) et par les taux d’analphabétisme élevés qui en découlent chez les femmes et les filles (52 %) dans l’État partie. Il est aussi préoccupé par le fait que ces mauvais résultats d’apprentissage sont exacerbés chez les filles par les mariages d’enfants, notant le taux élevé d’abandon scolaire chez les filles mariées ou enceintes. Il est en outre préoccupé par les incidents de violence sexuelle à l’encontre des filles à l’école et souligne les disparités entre les zones rurales et urbaines s’agissant de l’accès des filles et des femmes à l’éducation.

Rappelant sa r ecommandation générale n o °36 (2017) sur le droit des filles et des femmes à l ’ éducation, le Comité recommande à l ’ État partie de sensibiliser à l ’ importance de l ’ éducation des filles à tous les niveaux en tant que condition préalable à leur autonomisation et au développement du pays, et :

a) De renforcer les programmes inclusifs et ciblés d ’ alphabétisation des femmes, en donnant la priorité aux femmes des zones rurales et en veillant à ce que l ’ impact et l ’ efficacité des programmes soient systématiquement évalués ;

b) D ’ adopter le projet de loi modificatif sur l ’ éducation de base et l ’ enseignement secondaire, qui vise à revoir et à abroger les dispositions discriminatoires de la loi sur l ’ éducation de base et l ’ enseignement secondaire ;

c) De mettre en œuvre l ’ article 27 de la loi sur les femmes qui protège les filles enceintes contre l ’ expulsion et protège leur droit de reprendre leurs études après l ’ accouchement, notamment en facilitant leur réintégration dans l ’ établissement de leur choix et en luttant contre leur stigmatisation par leur communauté et leurs camarades ;

d) De fournir, dans son prochain rapport périodique, des données, ventilées par âge et autres facteurs pertinents, sur les taux d ’ abandon scolaire des adolescentes et des jeunes femmes en raison des mariages d ’ enfants et des grossesses précoces ainsi que sur leurs taux de réinsertion après le mariage ou à la suite d ’ un accouchement ;

e) De renforcer l ’ offre d ’ une éducation sexuelle adaptée à l ’ âge et fondée sur des données scientifiques pour les filles et les garçons, encourageant un comportement sexuel responsable, dans le cadre de programmes d ’ éducation sexuelle complète ;

f) D ’ établir des procédures efficaces pour enquêter sur les violences sexuelles et le harcèlement sexuel dont sont victimes les filles à l ’ école et sur le chemin de l ’ école, pour poursuivre les auteurs de tels faits et les punir comme il se doit, notamment lorsqu ’ il s ’ agit d ’ enseignants et de membres de l ’ administration scolaire, et de fournir aux victimes des soins médicaux, un soutien psychosocial et des services de réadaptation ;

g) De prévoir un renforcement obligatoire des capacités des enseignants et de tout le personnel de l ’ administration scolaire en matière de responsabilité pénale pour tout acte de viol et de harcèlement sexuel ;

h) De maintenir et de renforcer les mesures temporaires spéciales, y compris les admissions préférentielles et les bourses d ’ études, afin d ’ encourager l ’ inscription des femmes et des filles dans des domaines d ’ études non traditionnels, notamment les sciences, la technologie, l ’ ingénierie et les mathématiques et les technologies de l ’ information et des communications.

Emploi

Le Comité félicite l’État partie des efforts qu’il déploie pour assurer l’égalité des droits des femmes en matière d’emploi, notamment grâce à la ratification de la Convention (no 100) de 1951 sur l’égalité de rémunération et de la Convention (no 111) de 1958 concernant la discrimination (emploi et profession) de l’Organisation internationale du Travail (OIT). Il est toutefois préoccupé par la persistance d’un taux de chômage élevé chez les femmes (57,1 %) et par le fait qu’elles occupent surtout des emplois mal rémunérés dans l’économie informelle, sans protection du travail ni protection sociale. Il note également avec inquiétude la forte prévalence du harcèlement sexuel sur le lieu de travail et le manque de soutien aux victimes.

Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur la cible 8.5 des objectifs de développement durable et lui recommande :

a) De favoriser la transition des femmes vers l ’ économie formelle, notamment en finançant le renforcement des formations pour l ’ acquisition par les femmes des compétences professionnelles nécessaires pour entrer sur le marché du travail ; de fournir progressivement des services publics abordables de prise en charge des personnes âgées et de garde d ’ enfants afin de réduire la contribution disproportionnée que doivent apporter des femmes aux soins non rémunérés et de permettre aux femmes et aux hommes de concilier vie professionnelle et vie familiale ;

b) De faciliter l ’ accès des femmes défavorisées, en particulier les travailleuses agricoles et domestiques, à des régimes de protection sociale, y compris des prestations de maternité adéquates et le versement de prestations pendant d ’ autres périodes d ’ absence dues à des responsabilités familiales et de prise en charge ;

c) De veiller à ce que le Fonds national d ’ intervention d ’ urgence mis en place dans le contexte de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) réponde aux besoins particuliers des femmes, notamment celles qui ont perdu leur emploi en raison de la crise sanitaire ;

d) De modifier la législation pour y intégrer le principe de l ’ égalité de rémunération pour un travail de valeur égale et imposer des amendes strictes en cas de non-respect ;

e) Conformément à l ’ engagement pris dans le cadre de l ’ Examen périodique universel ( A/HCR/43/6 , par. 127.30 ) et aux recommandations de la Commission nationale des droits de l ’ homme, d ’ adopter une loi complète qui traite du harcèlement sexuel sur le lieu de travail, en veillant à ce que les victimes aient accès à des procédures de plainte efficaces, indépendantes et confidentielles, à ce que les auteurs soient poursuivis et sanctionnés de manière adéquate et à ce que les victimes soient protégées contre les représailles ;

f) De ratifier la Convention (n o  190) de 2019 de l ’ OIT concernant l ’ élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail et de veiller à son incorporation dans le droit interne et à sa mise en œuvre effective.

Santé

Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour améliorer l’accès des femmes aux soins de santé, notamment l’initiative Kabilo Baama visant à améliorer la fréquentation des dispensaires par les femmes, qui aurait permis de réduire les taux de mortalité maternelle, infantile et néonatale. Le Comité est toutefois préoccupé par les aspects suivants :

a)Les taux élevés de mortalité maternelle et la prévalence des avortements à risque, notamment chez les adolescentes, compte tenu des circonstances très limitées dans lesquelles l’avortement est légal dans l’État partie, à savoir uniquement lorsque la vie de la femme ou de la fille enceinte est en danger ;

b)La disponibilité et l’accessibilité limitées des services de santé sexuelle et reproductive, y compris les services de planification familiale, pour les femmes et les filles, en particulier celles des zones rurales, ces contraintes étant exacerbées par le détournement des ressources vers les programmes de riposte à la COVID-19.

Rappelant sa r ecommandation générale n o  24 (1999) sur les femmes et la santé et les cibles 3.1 et 3.7 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ augmenter ses dépenses de santé et d ’ améliorer la couverture des services de santé et l ’ accès à ces services sur l ’ ensemble de son territoire en allouant des ressources budgétaires suffisantes pour l ’ établissement d ’ hôpitaux correctement équipés, surtout dans les zones rurales et reculées, et en assurant notamment la gratuité de l ’ accouchement par du personnel qualifié ainsi que des soins pré natals et postnatals pour toutes les femmes et les filles, sans exception ;

b) De légaliser l ’ avortement au moins dans les cas de viol, d ’ inceste, de malformation grave du fœtus et de risque pour la santé ou la vie de la femme enceinte, et de le dépénaliser dans tous les autres cas, en reconnaissant que l ’ incrimination de l ’ avortement est une forme de violence sexiste, conformément à la r ecommandation générale n o  35 ;

c) De veiller à ce que les femmes et les filles aient un accès adéquat à l ’ information sur la santé et les droits sexuels et reproductifs et à ce que toutes les femmes, y compris les femmes des zones rurales et les femmes handicapées, aient accès à des services de santé sexuelle et reproductive adéquats, notamment à la planification familiale, à des méthodes de contraception gratuites, abordables et sûres, à la prévention des grossesses précoces et des infections sexuellement transmissibles et à des services d ’ avortement et de post-avortement sûrs.

Autonomisation économique des femmes et avantages sociaux

Le Comité note que l’autonomisation des femmes est une priorité stratégique du plan national de développement pour la période 2018-2022. Il salue les réalisations du Fonds pour les entreprises féminines, établi en 2019, et note que la politique nationale de protection sociale pour la période 2015-2025 prévoit la mise en place progressive d’un système de protection sociale intégré et inclusif dans l’État partie. Il s’inquiète toutefois de l’absence de mécanismes de suivi et d’évaluation de l’impact de ces politiques et de la consultation insuffisante des organisations de femmes dans les procédures de suivi et d’évaluation.

Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place des procédures de suivi et d ’ évaluation de ses efforts d ’ intégration de la dimension de genre dans ses plans de développement, de son soutien à l ’ autonomisation économique des femmes et de ses stratégies de réduction de la pauvreté, en veillant à ce que la société civile participe pleinement et de manière significative à ces procédures.

Femmes rurales et changements climatiques

Le Comité se félicite de la politique agricole et d’exploitation des ressources naturelles de la Gambie pour la période 2017-2026, qui comporte un volet sur la prise en compte des questions de genre et l’intégration d’indicateurs ventilés par sexe dans le système de suivi et d’évaluation des zones rurales. Il constate toutefois avec préoccupation que :

a)Les résultats en matière de développement humain sont bien moins favorables pour les femmes rurales, qui sont confrontées à des taux plus élevés de pauvreté, de malnutrition, de mariage d’enfants et d’analphabétisme et qui sont moins conscientes de leurs droits et des voies de recours disponibles pour les faire valoir ;

b)Les régimes fonciers coutumiers patriarcaux, qui déterminent les conditions de contrôle et propriété, empêchent les agricultrices de posséder des terres, d’accéder au financement de leurs activités agricoles et de participer à la prise de décision concernant les politiques de développement rural ;

c)Les femmes rurales subissent les effets des changements climatiques de manière disproportionnée, car elles dépendent des produits agricoles pour leur subsistance.

Conformément à la r ecommandation générale n o  34 (2016) sur les droits des femmes rurales, le Comité recommande à l ’ État partie, compte tenu de l ’ importance du secteur agricole pour son développement économique et sa sécurité alimentaire et nutritionnelle :

a) De veiller à la mise en œuvre du volet « prise en compte des questions de genre » de la politique agricole et d ’ exploitation des ressources naturelles pour la période 2017-2026, en procédant à une évaluation des progrès réalisés à mi ‑ parcours et des résultats obtenus, notamment pour ce qui est de la capacité des politiques, programmes et projets agricoles, tels que les programmes nationaux d ’ investissement dans la sécurité alimentaire et la nutrition, de répondre efficacement aux besoins des femmes rurales ;

b) De prendre des mesures ciblées pour soutenir l ’ esprit d ’ initiative des femmes rurales en faisant en sorte qu ’ elles soient représentées à la Commission nationale des terres, au Conseil foncier national et parmi les chefs de village, afin de garantir qu ’ elles participent de manière significative à la prise de décision communautaire ainsi qu ’ à l ’ élaboration et à la mise en œuvre des politiques agricoles, notamment en ce qui concerne les décisions relatives à l ’ utilisation des terres ;

c) De créer, au sein du Ministère de la femme, de l ’ enfance et de la protection sociale, une section chargée de promouvoir les droits des femmes rurales en coordonnant les efforts intersectoriels et en favorisant la collaboration entre les différents ministères et parties prenantes ;

d) De s ’ attaquer aux attitudes et aux présupposés du droit coutumier et religieux qui empêchent les femmes rurales d ’ avoir un accès égal à la propriété ou au contrôle des terres et de mettre en œuvre les dispositions de la loi sur les femmes reconnaissant leur droit d ’ hériter, d ’ acquérir et d ’ administrer des biens, conformément à l ’ engagement de l ’ État partie d ’ atteindre l ’ objectif de l ’ Union africaine d ’ allouer 30  % des terres aux femmes d ’ ici à 2025 et aux bonnes pratiques des pays connaissant des circonstances similaires ;

e) De renforcer la participation égale des femmes et des filles rurales à la prise de décision sur l ’ atténuation des catastrophes et les changements climatiques, conformément à la r ecommandation générale n o  37 (2018) sur les dimensions sexospécifiques de la réduction des risques de catastrophe dans le contexte du changement climatique, y compris aux fins de la mise en œuvre de la politique nationale sur les changements climatiques ;

f) De formaliser le travail agricole des femmes rurales en mettant en place un système garantissant leur juste rémunération et leur accès aux prestations et à la protection sociale ;

g) D ’ améliorer l ’ accès des femmes rurales à l ’ éducation, à l ’ information agricole, aux connaissances financières, aux services de vulgarisation, à la technologie, au crédit et aux services bancaires, aux transports ruraux ainsi qu ’ aux technologies de stockage et de transformation.

Groupes de femmes défavorisées

Femmes handicapées

Le Comité se félicite de l’adoption de la loi sur les personnes handicapées. Il est toutefois préoccupé par le fait que les femmes et les filles handicapées continuent de souffrir de discrimination, de stigmatisation, d’exclusion, de préjugés, de stéréotypes négatifs et d’un manque d’accessibilité aux espaces publics et privés.

Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à la mise en œuvre de la loi sur les personnes handicapées, notamment :

a) En fournissant au Conseil consultatif des personnes handicapées des ressources humaines, techniques et financières suffisantes et en dispensant à ses membres une formation pour les sensibiliser aux questions de genre, afin de mettre en œuvre le mandat du Conseil, qui est de promouvoir et de protéger les droits des filles et des femmes handicapées ;

b) En adoptant et en mettant en œuvre une stratégie visant à accroître l ’ indépendance et l ’ employabilité des femmes handicapées, entre autres grâce à une meilleure accessibilité des lieux de travail et à l ’ introduction d ’ un quota de participation des femmes handicapées au marché du travail ;

c) En améliorant l ’ accès à la justice des femmes handicapées, notamment grâce à une formation systématique des juges, des procureurs et des agents chargés de l ’ application de la loi aux droits des femmes et des filles handicapées.

Les femmes dans le système des castes

Le Comité est préoccupé par les formes de discrimination croisée auxquelles sont confrontées les femmes au rang inférieur du système complexe des castes dans l’État partie, dont certaines sont encore considérées comme des « esclaves », et par l’absence d’interdiction légale de la discrimination à leur encontre fondée sur les castes.

Le Comité recommande à l ’ État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations sur l ’ application des recommandations issues de l ’ étude menée par la Commission nationale des droits de l ’ homme sur la discrimination fondée sur les castes, notamment en réalisant une enquête nationale pour comprendre l ’ incidence de cette discrimination sur les femmes et les filles. Il lui recommande en outre de modifier sa législation pour y inclure une interdiction explicite de la discrimination fondée sur les castes.

Mariage et relations familiales

Le Comité se félicite de la modification apportée en 2016 à la loi sur l’enfance de 2005, qui fixe l’âge du mariage à 18 ans pour les femmes et les hommes, sans exception, et qui incrimine le mariage des enfants en prévoyant des peines de prison pour les adultes ne respectant pas la loi. Toutefois, il est préoccupé par :

a)La persistance des mariages d’enfants dans l’État partie, notant la conclusion de l’enquête en grappes à indicateurs multiples réalisée par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance en 2018, selon laquelle 7,5 % des femmes/filles étaient mariées avant l’âge de 15 ans, tandis que 25,7 % l’étaient avant l’âge de 18 ans, et l’absence de poursuites pour mariage d’enfants malgré la modification de 2016 ;

b)L’absence de garantie, dans l’article 27 de la Constitution de 1997, de l’égalité des droits des femmes dans le mariage ou lors de sa dissolution ;

c)Les résultats principalement discriminatoires pour les femmes résultant du paragraphe 5 de l’article 33 de la Constitution de 1997, autorisant la discrimination à l’égard des femmes en matière d’adoption, de mariage, de divorce, d’enterrement, de dévolution des biens au décès, associée à l’article 45 de la loi sur les femmes, soumettant les dispositions sur l’héritage aux lois coutumières et religieuses ;

d)Le fait que la polygamie continue d’être légitimée socialement dans l’État partie comme une pratique culturellement acceptable et l’absence de législation interdisant expressément le lévirat ;

e)L’absence de législation visant à garantir que les femmes divorcées, célibataires et veuves soient en mesure de percevoir une pension alimentaire pour subvenir aux besoins de leurs enfants.

Rappelant sa r ecommandation générale n o  21 (1994) sur l ’ égalité dans le mariage et les rapports familiaux et sa r ecommandation générale n o  29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage et des liens familiaux et de leur dissolution, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prévenir et éliminer les mariages d ’ enfants, notamment en sensibilisant aux effets négatifs et à la nature criminelle de cette pratique préjudiciable, en créant des mécanismes confidentiels et sûrs pour le signalement des cas de mariage d ’ enfants, en prévoyant le renforcement obligatoire des capacités des chefs religieux et confessionnels, des magistrats, des responsables de l ’ application des lois, des professionnels de la santé et des travailleurs sociaux, afin que les auteurs soient poursuivis et sanctionnés comme il se doit, sans exception, et en apportant une aide adéquate aux victimes ;

b) De modifier l ’ article 27 et le paragraphe 5 de l ’ article 33 de la Constitution ainsi que l ’ article 45 de la loi sur les femmes, afin d ’ inclure une garantie de l ’ égalité des droits des femmes dans le mariage et les liens familiaux, leur dissolution, l ’ héritage, l ’ entretien et la garde des enfants, et de veiller à ce que les juges appliquent ces dispositions conformément à la Convention ;

c) D ’ adopter une législation interdisant expressément les pratiques de la polygamie et du lévirat, sans exception, en prévoyant des sanctions adéquates en cas de non-respect.

Collecte et analyse de données et d’informations

Le Comité est préoccupé par le manque général de données statistiques ventilées, indispensables pour évaluer avec précision la situation des femmes, déterminer l’ampleur et la nature de la discrimination, élaborer des politiques en connaissance de cause et ciblées et suivre et évaluer systématiquement les progrès accomplis vers la réalisation de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines couverts par la Convention.

Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer la collecte, l ’ analyse et la diffusion de données complètes, ventilées par sexe, âge, handicap, situation géographique et autres facteurs pertinents, et d ’ utiliser des indicateurs mesurables pour évaluer les tendances de la situation des femmes et les progrès vers l ’ égalité réelle des femmes dans tous les domaines couverts par la Convention et par les cibles liées au genre des objectifs de développement durable.

Protocole facultatif à la Convention et modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité encourage l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention et à accepter, dans les meilleurs délais, la modification du paragraphe 1 de l ’ article 20 de la Convention concernant le temps de réunion du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité demande à l ’ État partie de tirer parti de la Déclaration et du Programme d ’ action de Beijing et d ’ évaluer plus avant le respect des droits consacrés par la Convention afin de parvenir à une égalité réelle entre les femmes et les hommes .

Diffusion

Le Comité demande à l ’ État partie de veiller à ce que les présentes observations finales soient distribuées en temps voulu, dans ses langues officielles, aux institutions publiques concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au gouvernement, au Parlement et aux institutions judiciaires, afin de permettre leur pleine application .

Assistance technique

Le Comité recommande à l ’ État partie de lier la mise en œuvre de la Convention à ses efforts de développement et de faire appel à l ’ assistance technique régionale ou internationale à cet égard.

Ratification d’autres instruments

Le Comité note que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf grands instruments internationaux des droits de l ’ homme permettrait aux femmes de mieux jouir de leurs droits humains et des libertés fondamentales dans tous les compartiments de la vie. Il encourage donc l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant concernant une procédure de communication, le Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, auxquels il n ’ est pas encore partie .

Suivi des observations finales

Le Comité regrette que l ’ État partie n ’ ait pas fourni d ’ informations sur les mesures prises pour appliquer les recommandations pour lesquelles une action immédiate était expressément demandée dans ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/GMB/CO/4-5 ) et l ’ invite à communiquer, dans un délai de deux ans, des informations écrites sur les mesures prises pour appliquer les recommandations figurant aux paragraphes 20 a), 26 a), 34 b) et 44 a) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité fixera et communiquera la date d ’ échéance du septième rapport périodique de l ’ État partie en fonction d ’ un futur calendrier prévisible de présentation des rapports fondé sur un cycle d ’ examen de huit ans et après l ’ adoption d ’ une liste de points et questions à traiter, le cas échéant, avant la soumission du rapport par l ’ État partie. Le rapport devrait couvrir toute la période jusqu ’ au moment de sa soumission .

Le Comité prie l’État partie de suivre les « directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument » ( HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I) .