Observations finales concernant le rapport valant huitième et neuvième rapports périodiques du Guatemala *

Le Comité a examiné le rapport valant huitième et neuvième rapports périodiques du Guatemala (CEDAW/C/GTM/8-9) à ses 1558e et 1559e séances (voir CEDAW/C/SR.1558 et CEDAW/C/SR.1559), le 10 novembre 2017. La liste des points et questions soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/GTM/Q/8-9 et les réponses du Guatemala dans le document CEDAW/C/GTM/Q/8-9/Add.1.

A.Introduction

Le Comité remercie l’État partie d’avoir présenté, en un seul document, ses huitième et neuvième rapports périodiques. Il le remercie également des informations qu’il a fournies au titre de la procédure de suivi des observations finales sur son septième rapport périodique (CEDAW/C/GUA/CO/7/Add.1) et des réponses écrites à la liste de points et de questions soulevés par le groupe de travail d’avant-session, ainsi que de l’exposé oral de la délégation et des précisions apportées en réponse aux questions que le Comité a posées oralement durant l’échange de vues.

Le Comité félicite l’État partie de sa délégation importante et de haut niveau, qui était dirigée par la Secrétaire présidentielle pour les femmes, Ana Leticia Aguilar Theissen. La délégation se composait également du ministre du travail et de la sécurité sociale et de représentants du Secrétariat présidentiel à la condition féminine, de la Cour suprême, de la Cour constitutionnelle, du Ministère de la santé publique et de l’assistance sociale, du Ministère de la gouvernance, du Congrès et de la Commission parlementaire pour les femmes, du Forum des femmes parlementaires, de la Commission présidentielle chargée de la coordination de la politique de l’exécutif en matière de droits de l’homme, de la Commission présidentielle contre la discrimination et le racisme à l’égard des peuples autochtones, de la Direction des droits de l’homme du Ministère des affaires étrangères et de la Mission permanente du Guatemala auprès du Bureau des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité prend note avec satisfaction des avancées réalisées depuis l’examen en 2009 du septième rapport périodique de l’État partie (CEDAW/C/GUA/7) dans l’adoption de réformes législatives, notamment des textes suivants :

a)Décret no 13-2017 modifiant le code civil afin de fixer à 18 ans l’âge minimum du mariage ou de l’union civile pour les femmes et les hommes sans exception;

b)Décret no 9-2016 sur la conduite immédiate de recherches des femmes disparues et sur l’établissement d’un mécanisme à cet effet;

c)Décret no 18-2016 créant, au sein du Bureau du procureur général, des postes de procureurs spécialisés en matière de crimes de traite des personnes et de féminicide;

d)Décret no 27-2010 modifiant le code civil et le code pénal afin d’abroger les dispositions discriminantes à l’égard des femmes en lien avec le mariage, le divorce et la présomption de paternité.

Le Comité se félicite de l’adoption en 2009 de la politique nationale de promotion et de développement intégral de la femme et du plan pour l’égalité des chances 2008-2023. Il note également avec satisfaction l’adoption en 2016 du plan d’action national concernant la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes et la paix et la sécurité.

Le Comité félicite l’État partie, au cours de la période qui s’est écoulée depuis l’examen du précédent rapport, d’avoir ratifié les instruments internationaux suivants, ou d’y avoir adhéré :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2009;

b)Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en 2012.

Le Comité prend note avec satisfaction de l’engagement de l’État partie à mettre en œuvre les objectifs de développement durable en lien avec le plan de développement national, intitulé « K’atun : notre Guatemala 2032 », notamment en ce qui concerne la lutte contre les inégalités d’accès des femmes et des hommes à l’éducation, à l’emploi et à la représentation politique.

C.Facteurs et difficultés entravant l’application effective de la Convention

Le Comité reconnaît les obstacles auxquels se heurte l’État partie dans sa lutte contre les causes de la persistance des inégalités économiques et sociales, de la pauvreté, de l’exclusion et de l’impossibilité pour les femmes d’accéder à la terre et aux ressources productives, en particulier les femmes autochtones, les femmes Garifuna et les femmes non-Garifuna d’ascendance africaine, et la nécessité urgente d’accroître la collecte des recettes et d’en améliorer l’efficacité afin de financer les dépenses sociales. Il note les retards pris pour rendre la justice et verser les indemnités aux femmes qui ont subi des violences sexuelles pendant le conflit interne. Le Comité note également que les allégations constantes de corruption et d’impunité entravent les efforts déployés pour renforcer l’état de droit dans l’État partie. Il prend note du caractère profondément enraciné du racisme et de la discrimination à l’égard des femmes, qui contribue à perpétuer la violence. Il note en outre la pression qu’imposent des groupes qui font campagne contre les droits des femmes, et le risque croissant d’échecs et de reculs qui pèse sur la réalisation de l’égalité de fait des femmes.

D.Parlement

Le Comité souligne le rôle crucial que joue le pouvoir législatif afin de garantir l’application intégrale de la Convention (voir la déclaration du Comité sur sa relation avec les parlementaires, adoptée à sa quarante-cinquième session en 2010). Il invite le Congrès, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les présentes observations finales avant le prochain rapport périodique présenté au titre de la Convention.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la discrimination et cadre législatif

Le Comité note avec satisfaction que le droit à l’égalité est inscrit à l’article 4 de la Constitution et que l’État partie a déployé des efforts pour adopter des lois et des mécanismes de promotion de la femme. Il reste néanmoins préoccupé par l’absence dans la Constitution d’un article complet sur le droit à la non-discrimination, conformément aux articles 1 et 2 b) de la Convention, et d’une législation sur l’interdiction de toutes les formes de discrimination, notamment des sanctions en cas de discriminations de cette nature. Il est également préoccupé par l’insuffisance des mesures prises pour modifier ou abroger les lois et règlements discriminatoires en vigueur et par l’absence de mise en œuvre et de visibilité de la Convention dans l’État partie.

Rappelant sa recommandation générale n o 28 (2010) concernant les obligations fondamentales des États parties découlant de l’article 2 de la Convention, le Comité réitère sa précédente recommandation ( CEDAW/C/GUA/CO/7 , par. 12) et invite l’État partie :

a)À appliquer dans sa législation la définition complète de la discrimination à l’égard des femmes et des filles qui figure à l’article 1 de la Convention et à interdire toute discrimination à l’égard des femm es, conformément à l’article 2  b), et à s’assurer que la législation couvre tous les motifs prohibés de discrimination, qu’elle englobe la protection contre les discriminations pour les femmes autochtones, les femmes Garifuna, les femmes handicapées, les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres ainsi que les personnes intersexuées, dans la sphère publique comme dans la sphère privée, et qu’elle couvre toutes les formes croisées de discrimination;

b)À réexaminer sa législation, en particulier son code civil et son code pénal, afin de garantir leur conformité à la Convention, et d’abroger toute disposition discriminante à l’égard des femmes;

c)À faire connaître la Convention et les droits des femmes, notamment parmi les femmes et les fonctionnaires, ainsi que la population dans son ensemble.

Accès à la justice et aux voies de recours

Le Comité félicite le Bureau du Procureur général d’avoir consenti des efforts pour combattre la corruption et l’impunité, en coopération avec la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala et les organisations de la société civile, et pour améliorer l’accès des femmes à la justice. Il note l’adoption de la politique concernant l’accès des populations autochtones au Bureau et les efforts déployés pour développer un système judiciaire spécialisé et pour fournir des services d’interprétation afin de renforcer l’accès à la justice des femmes autochtones. Cependant, le Comité note avec préoccupation :

a)Les multiples obstacles qui entraventT l’accès des femmes à la justice, en particulier la couverture limitée du système judiciaire, surtout dans les endroits isolés, la pauvreté et les barrières linguistiques, qui dissuadent les intéressées de porter plainte, ainsi que la rareté des points d’accès – commissariats de police, centres de santé, écoles et églises – des femmes au système judiciaire au niveau local;

b)La persistance, dans le système judiciaire, de la stigmatisation sociale, des stéréotypes et de la discrimination à l’égard des femmes, en particulier les femmes autochtones;

c)L’insuffisance des capacités qu’ont les responsables de l’application des lois à conduire des enquêtes et des poursuites et, en conséquence, le niveau élevé d’impunité des auteurs de violences sexistes à l’égard des femmes, qui s’explique souvent par la corruption, l’absence d’indépendance de la magistrature et l’influence que de puissants acteurs non étatiques exercent sur les juges, y compris par des assassinats et des menaces de recours à la violence.

Rappelant sa recommandation générale n o  33 (2015) sur l’accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l’État partie :

a)De garantir l’accès des femmes à la justice, y compris en allouant des moyens supplémentaires, en étendant l’accès des femmes aux services d’aide juridictionnelle et d’interprétation gratuite, et en adoptant et appliquant des protocoles de fourniture de services visant à améliorer l’accès à la justice qui tiennent compte des besoins particuliers des femmes autochtones, des femmes Garifuna et des femmes non-Garifuna d’ascendance africaine;

b)De prévoir des mesures obligatoires de renforcement des capacités des juges, des avocats, du personnel responsable de l’application des lois et des autres professionnels concernés sur le droit des femmes à accéder à la justice et les recours dont elles disposent à ces fins;

c)De poursuivre ses efforts visant à renforcer l’indépendance et l’efficacité du système judiciaire, à enquêter sur les auteurs d’infractions commises contre les femmes et à les poursuivre et les punir, et à s’assurer que les fonctionnaires qui ne respectent pas le cadre juridique international et national des droits de l’homme concernant les poursuites des auteurs de ces infractions soient dûment sanctionnés.

Mécanisme national de promotion de la femme

Le Comité note avec satisfaction que le Secrétariat présidentiel à la condition féminine a été rétabli dans son rôle de principal mécanisme de promotion de la femme et que le plan institutionnel stratégique pour 2018-2022 a été approuvé, suite à l’affaiblissement des trois principaux mécanismes de promotion de la femme entre 2012 et 2015. Il note cependant avec inquiétude que l’État partie rechigne à adopter un projet de loi visant à élever le Secrétariat présidentiel à la condition féminine au niveau ministériel. Il demeure préoccupé par le caractère limité de ses moyens, de son autorité et de ses capacités, comme ceux d’autres institutions spécialement chargées de la promotion des droits des femmes, notamment le Bureau pour la défense des droits des femmes autochtones et l’Organe national de coordination pour la prévention de la violence familiale et de la violence à l’égard des femmes. Le Comité note avec inquiétude que les crédits budgétaires alloués au renforcement institutionnel et à la mise en œuvre de politiques telles que la politique nationale de promotion et de développement intégral de la femme et le plan pour l’égalité des chances sont trop faibles, en partie à cause de l’insuffisance des recettes fiscales.

Le Comité recommande à l’État partie :

a)De renforcer le mandat du Secrétariat présidentiel à la condition féminine, de l’élever au niveau ministériel, de lui allouer les ressources adéquates et d’améliorer son efficacité opérationnelle;

b)D’accroître les capacités et les ressources consacrées à la promotion de la femme du Secrétariat présidentiel à la condition féminine, du Bureau pour la défense des droits des femmes autochtones et de l’Organe national de coordination pour la prévention de la violence familiale et de la violence à l’égard des femmes, en renforçant la coordination entre eux, et d’accélérer le rétablissement de l’Organe national de coordination sous l’autorité du Secrétariat présidentiel;

c)D’accroître ses recettes publiques pour garantir les ressources nécessaires au financement de la dépense publique, notamment pour la mise en œuvre de la politique nationale de promotion et de développement intégral de la femme;

d)De continuer d’intensifier ses efforts afin de mettre en œuvre une méthode budgétaire tenant compte de la problématique hommes-femmes lors de la répartition des ressources publiques dans le budget national afin d’accélérer la réalisation de l’égalité de fait entre les femmes et les hommes.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité note avec préoccupation que l’État partie ne tient pas dûment compte de la nature, de la portée et de la nécessité des mesures temporaires spéciales visant à accélérer l’égalité de fait entre les femmes et les hommes, conformément à l’article 4 1) de la Convention. Il s’inquiète également de l’absence de mesures temporaires spéciales visant à accélérer l’instauration d’une égalité de fait entre les femmes et les hommes dans la vie politique et publique, dans l’éducation et dans l’emploi.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter et d’appliquer des mesures temporaires spécial es, conformément à l’article 4  1) de la Convention, et de fixer des objectifs et des délais spécifiques afin d’accélérer la réalisation de l’égalité de fait entre les femmes et les hommes dans tous les domaines où les femmes, notamment les femmes autochtones, les femmes d’ascendance africaine et les femmes handicapées, demeurent désavantagées ou sous-représentées, par exemple dans la vie politique et publique, dans l’éducation et dans l’emploi. Sur ce point, le Comité appelle l’attention de l’État partie s ur sa recommandation générale n o  25 (2004) relative aux mesures temporaires spéciales.

Stéréotypes

Le Comité note avec préoccupation la persistance dans l’État partie de stéréotypes discriminatoires concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, selon lesquels il est couramment considéré que les femmes se trouvent dans une position de subordination par rapport aux hommes. Ces stéréotypes contribuent à la perpétuation de niveaux élevés de violence à l’égard des femmes et des filles, y compris de féminicide, de violences sexuelles et familiales, de harcèlement et de mauvais traitements.

Le Comité réitère sa recommandation à l’État partie de mettre en œuvre des mesures globales pour modifier et transformer les stéréotypes discriminatoires concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et à tous les niveaux de la société, et pour éliminer les stéréotypes sexistes (voir CEDAW/C/GUA/CO/7 , par. 20). Il recommande à l’État partie, dans le cadre d’une stratégie globale, de dispenser aux agents publics de tous les secteurs une formation visant à accélérer l’égalité de fait entre les hommes et les femmes et à éliminer les formes croisées de discrimination à l’égard des femmes et des filles. De même, il recommande à l’État partie de supprimer les stéréotypes sexistes discriminatoires qui figurent dans les manuels et les programmes scolaires.

Violence sexiste à l’égard des femmes

Le Comité note avec satisfaction qu’ont été créés une branche du Bureau du procureur général ayant compétence nationale sur les affaires de féminicide ainsi que des tribunaux spécialisés en matière de féminicide et d’autres formes de violence à l’égard des femmes. Étant donné la régression des institutions chargées de protéger les femmes contre les violences et des mesures promues pendant la période précédente, le Comité se félicite de la réactivation récente de l’Organe national de coordination pour la prévention de la violence familiale et de la violence à l’égard des femmes et de la politique relative aux mesures de réparation décentes et porteuses de changement dans les affaires de violences sexuelles, de grossesse forcée et de maternité forcée parmi les filles et les adolescentes. Toutefois, le Comité demeure préoccupé par les points suivants :

a)La généralisation de la violence sexiste à l’égard des femmes et des filles dans l’État partie, notamment les taux alarmants et croissants de féminicide, de crimes inspirés par la haine à l’égard de femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres et de personnes intersexuées, de violences familiales et de viols et d’incestes résultant en grossesses forcées, ainsi que l’absence de données ventilées fiables et de stratégies de prévention efficaces;

b)Le faible nombre de poursuites engagées à l’encontre des auteurs et la clémence des sentences prononcées contre eux, qui se traduisent par une impunité systémique et une incapacité d’apporter réparation aux victimes;

c)L’insuffisance des ressources consacrées à la prévention de ces violences et aux services d’aide aux victimes, notamment les refuges;

d)Les rapports faisant état d’actes de violence sexuelle perpétrés par le personnel médical et la stérilisation forcée de femmes handicapées, y compris des femmes internées à l’hôpital psychiatrique Federico Mora;

e)L’absence de protocoles normalisés faisant place aux femmes afin d’enquêter et d’engager des poursuites dans les cas de violences sexistes à l’égard des femmes et des filles et l’insuffisance des capacités et de la disponibilité des tribunaux spécialisés en matière de féminicide et d’autres formes de violence à l’égard des femmes sur tout le territoire.

Rappelant sa recommandation générale n o  35 (2017) sur la violence sexiste à l’égard des femmes, portant actualisation de la recommandation générale n o  19, le Comité recommande à l’État partie d’appliquer sa précédente recommandation sur le sujet et de renforcer l’Organe national de coordination pour la prévention de la violence familiale et de la violence à l’égard des femmes ( CEDAW/C/GUA/CO/7 , par. 22). Il recommande également à l’État partie :

a)De mettre en œuvre de manière prioritaire et selon un calendrier prédéfini un plan national pour la prévention de la violence sexiste à l’égard des femmes, y compris les femmes autochtones et les femmes d’ascendance africaine, les femmes vivant dans la pauvreté, les femmes handicapées et les femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres, ainsi que les personnes intersexuées, et d’établir un système centralisé de collecte des données sur la violence sexiste à l’égard des femmes en les ventilant par âge et par type de relation entre la victime et l’auteur des faits;

b)De s’assurer que tous les crimes commis contre les femmes et les filles, en particulier les féminicides, fassent l’objet d’enquêtes de police, que leurs auteurs soient poursuivis et dûment punis et que les victimes obtiennent des réparations adéquates;

c)D’allouer des ressources suffisantes afin que les refuges accueillant des femmes victimes d’actes de violence sexiste soient pleinement opérationnels sur tout le territoire de l’État partie et de veiller à ce que les femmes victimes de violence sexiste aient un accès concret aux traitements médicaux, à l’aide psychologique, à l’aide juridictionnelle et aux autres services de soutien;

d)Veiller à ce que tous les actes de violence sexuelle et de stérilisation forcée commis contre des femmes et des filles handicapées fassent dûment l’objet d’enquêtes, que leurs auteurs soient poursuivis et punis comme il convient et que toute procédure médicale ne soit conduite qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées, conformément aux normes internationales;

e)D’allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour renforcer et étendre la couverture géographique des tribunaux spécialisés en matière de féminicide et d’autres formes de violence à l’égard des femmes, d’harmoniser les différentes lois et réglementations sur la violence sexiste à l’égard des femmes, de renforcer la coordination entre les différentes institutions chargées de leur application et d’adopter le recours au protocole type latino-américain sur les enquêtes concernant les assassinats sexistes de femmes afin de s’assurer que tous les cas de violence sexiste à l’égard des femmes et des filles donnent lieu à des enquêtes et à des poursuites tenant compte de la situation des femmes.

Violences sexistes commises à l’égard des femmes pendant le conflit interne

Le Comité prend note avec satisfaction de la contribution extrêmement précieuse qu’ont apportée les groupes de la société civile, en particulier les groupes de femmes, aux processus de paix conduits dans l’État partie. Il félicite les femmes autochtones qui ont été victimes ou témoins des crimes perpétrés dans le village de Sepur Zarco pour leurs contributions à l’instruction du dossier. Il se réjouit de l’adoption en 2016 du plan d’action national concernant la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) sur les femmes et la paix et la sécurité. Toutefois, le Comité est préoccupé par le retard important qu’accuse l’application de l’Accord pour une paix ferme et durable, en particulier en ce qui concerne les réparations liées aux crimes perpétrés contre les femmes pendant le conflit interne, et des promesses relatives à la promotion de la femme. Il est également préoccupé par l’insuffisance des fonds alloués au Secrétariat pour la paix et au programme national de réparations.

Rappela nt sa recommandation générale n o  30 (2013) sur les femmes et la prévention des conflits, les conflits et les situations d’après conflit, le Comité recommande à l’État partie :

a)De veiller à la mise en œuvre rapide de l’Accord pour une paix ferme et durable;

b)D’enquêter sur les violations des droits de l’homme commises dans le passé et de fournir réparation aux femmes qui ont été victimes de violences sexistes pour les souffrances subies;

c)De faire connaître les processus de vérité, de réconciliation et de réparation aux femmes, notamment les processus liés à l’affaire et au jugement Sepur Zarco, de sorte que les femmes connaissent leur droit à porter leurs cas devant la justice et à obtenir réparation;

d)D’allouer des moyens suffisants à l’indemnisation des femmes qui sont victimes de violations des droits de l’homme, au titre du programme national de réparations, et à l’application du plan d’action national concernant la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité.

Traite et exploitation sexuelle

Le Comité se réjouit des efforts consentis par l’État partie pour renforcer sa lutte contre la traite. Il prend note de l’initiative qu’a prise le Ministère du travail afin de fournir des sources alternatives de revenus aux femmes qui souhaitent abandonner la prostitution. Toutefois, il est préoccupé par l’incidence élevée de la traite sur les femmes et les filles, en particulier les femmes autochtones, les femmes d’ascendance africaine et les femmes rurales, à des fins de travail forcé et d’exploitation sexuelle. De même, il note avec préoccupation les points suivants :

a)La faiblesse des taux de poursuites et de condamnation des trafiquants de femmes et de filles et les cas signalés de collusion de fonctionnaires dans des affaires de traite et d’exploitation de la prostitution, y compris d’institutions publiques comme des établissements de protection de l’enfance et des hôpitaux;

b)Les plaintes concernant les mauvais traitements et la traite de filles, avec la complicité signalée des autorités, à Hogar Seguro Virgen de la Asunción, un établissement public pour enfants en situation vulnérable où 41 filles ont péri dans un incendie et bien d’autres ont été blessées à cause de la négligence de la direction, du personnel et des gardes;

c)La vulnérabilité face à la traite à des fins de travail forcé ou d’exploitation sexuelle des femmes déplacées et de leur famille, et des femmes qui ont été déportées dans l’État partie;

d)Le nombre insuffisant de refuges spécialisés dans l’État partie, en particulier dans les zones rurales;

e)L’insuffisance des capacités de l’État partie à identifier rapidement les victimes de la traite et à les orienter vers les services compétents.

Le Comité recommande à l’État partie de réformer le système actuel de protection de l’enfance afin de garantir la dignité et le bien-être physique et psychologique de toutes les filles. Il recommande également la poursuite des programmes d’aide aux femmes souhaitant sortir de la prostitution et relatifs aux sources alternatives de revenus qui leur sont offertes. Il recommande en outre à l’État partie :

a)De renforcer les capacités qu’ont la magistrature et la police à conduire des enquêtes faisant place aux femmes dans les affaires de traite à des fins de travail forcé et d’exploitation sexuelle, et à poursuivre et dûment punir les auteurs de ces actes;

b)De poursuivre sans délai l’enquête concernant les allégations de violences et de traite dans l’établissement Hogar Seguro Virgen de la Asunción, de faire en sorte que les responsables des décès et des blessures infligées aux filles répondent de leurs actes devant la justice sans impunité, et d’éviter que des événements de cette nature ne se reproduisent;

c)De reconnaître les groupes vulnérables qui ont besoin d’une attention particulière et de prendre les mesures nécessaires pour répondre à leurs besoins, notamment les femmes migrantes et déplacées et leur famille , ainsi que les femmes qui ont été déportées par l’État partie, et de renforcer les capacités de détection précoce des forces de sécurité afin d’identifier rapidement les victimes de la traite et de faciliter leur orientation vers les services compétents;

d)De renforcer la protection des femmes et des filles qui ont été victimes de la traite et de leur fournir un accès gratuit et immédiat à des refuges spécialisés, à des soins médicaux, à une aide psychologique, à une aide juridictionnelle et à des services de rétablissement et de réinsertion;

e)De renforcer la coopération régionale avec les pays de transit et de destination afin d’empêcher la traite par l’échange d’informations, et de renforcer les capacités et les ressources des inspecteurs du travail ainsi que des agents de police et des douanes afin de détecter le travail forcé, la traite et les crimes connexes commis contre les femmes et les filles.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité est préoccupé par la non-inclusion des principes d’égalité des sexes, de parité et de désignation en alternance de candidats et de candidates par les partis politiques dans les récents amendements à la Loi sur les élections et les partis politiques, malgré deux décisions favorables de la Cour constitutionnelle, et par le fait que les femmes qui se présentent à des fonctions officielles, notamment les femmes autochtones et les femmes d’ascendance africaine, continuent de se heurter à des obstacles. Il s’inquiète également de la faiblesse persistante de la représentation des femmes aux postes à responsabilité pourvus par une élection ou une nomination; les femmes n’occupent que deux postes ministériels et ne représentent que 27 % des chefs de mission dans la diplomatie, 16 % des membres du Congrès et moins de 3 % des maires.

Le Comité réitère la recommandation figurant au paragraphe 26 de ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/GUA/CO/7 ) et recommande à l’État partie :

a)De prendre des mesures durables, y compris des mesures temporaires spéciales, comme la révision de la Loi sur les élections et les partis politiques, afin d’introduire des quotas réglementaires de représentation des femmes aux postes à responsabilité pourvus par une élection ou une nomination, de faire respecter la désignation en alternance par les partis politiques de candidats et de candidates, et d’offrir des incitations financières aux partis politiques qui désignent un nombre égal de femmes et d’hommes à des places équivalentes sur leurs listes électorales, conformément aux articles 4 (1), 7 et 8 de la Co nvention, à la recommandation n o  25 (1997) du Comité sur les femmes dans la vie politique et publique et à la recommandation générale n o  25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, en vue d’accélérer la représentation des femmes dans tous les domaines de la vie politique et publique, y compris les organes élus et les fonctions gouvernementales à tous les niveaux et au niveau international;

b)De renforcer l’accessibilité des programmes de formation et de renforcement des capacités pour les femmes, notamment les femmes autochtones et les femmes d’ascendance africaine, qui souhaitent participer à la vie politique ou occuper des fonctions officielles;

c)De renforcer les capacités qu’ont les médias à ne pas perpétuer les stéréotypes concernant la place des femmes dans la vie politique et publique et de s’assurer que les femmes et les hommes qui sont candidats ou représentants élus bénéficient d’une visibilité équivalente, surtout en période électorale;

d)De sensibiliser les responsables politiques, les médias, les chefs traditionnels et le public dans son ensemble au fait que la participation entière, égale, libre et démocratique des femmes à la vie politique et publique, sur un pied d’égalité avec les hommes, est une obligation pour appliquer correctement la Convention, mais aussi pour assurer la stabilité politique et le développement économique du pays.

Défenseures des droits de l’homme

Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie concernant l’élaboration en cours de la politique publique relative à la protection des défenseurs des droits de l’homme. Cependant, le Comité note avec préoccupation que les défenseures des droits de l’homme dans l’État partie, notamment les femmes autochtones qui défendent des droits à la terre et aux ressources environnementales, les femmes qui militent en faveur de la protection contre la violence sexiste et les femmes qui défendent les droits fondamentaux des femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres et des personnes intersexuées, sont victimes d’un nombre croissant d’agressions et d’actes de violence sexuelle, d’intimidation et de stigmatisation, de mesures de criminalisation de leurs activités et de détention illégale et de campagnes de diffamation les visant. Il s’inquiète également du fait que la contestation sociale est réprimée au moyen d’actes de violence sexiste, notamment sexuelle, commis contre des militantes. Il prend note avec préoccupation du fait que les auteurs d’actes de violence sexiste et d’autres violations des droits à l’égard des défenseures des droits de l’homme bénéficient d’une impunité généralisée, et des allégations de collusion entre les forces de sécurité et les auteurs de tels actes.

Le Comité recommande à l’État partie :

a)De garantir la protection des défenseures des droits de l’homme contre la violence et l’intimidation, y compris en adoptant et en appliquant la politique publique relative à la protection des défenseurs des droits de l’homme et le protocole du Bureau du procureur général sur les enquêtes concernant les cas de violations des droits des défenseurs des droits de l’homme;

b)De veiller à ce que toutes les agressions commises contre des défenseures des droits de l’homme donnent lieu sans délai à des enquêtes, des poursuites et des sanctions, en tenant compte des risques particuliers auxquels les femmes sont exposées;

c)De veiller à ce que les militantes et défenseures des droits de l’homme puissent librement effectuer leur travail de protection des droits des femmes et exercer leur droit de réunion pacifique et de libre association.

Nationalité

Le Comité est préoccupé par l’incapacité de l’État partie à parvenir à l’enregistrement universel des naissances.

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts pour moderniser et décentraliser ses bureaux de l’état civil et leur capacité à fournir des services dans les zones rurales où dominent les langues autochtones.

Éducation

Le Comité note avec satisfaction les efforts qu’a consentis l’État partie pour établir un système d’éducation bilingue et pour fournir une éducation culturellement adaptée aux filles et aux garçons. Il demeure toutefois préoccupé par le niveau élevé d’analphabétisme et par le faible niveau d’aptitude au calcul parmi les filles et les femmes, en particulier les filles et les femmes autochtones. Il s’inquiète du fait que les filles connaissent un taux de scolarisation particulièrement faible et un taux d’échec scolaire très élevé, ce qui est dû à plusieurs facteurs dont la pauvreté, la violence et le harcèlement sur le chemin de l’école, les grossesses précoces, les obligations concurrentes de ménage et de garde d’enfants, et le recrutement des filles comme employées de maison. Le Comité s’inquiète également de l’accès limité des filles et des femmes rurales et autochtones à l’enseignement secondaire, et de l’insuffisance des ressources consacrées à la généralisation de l’accès des populations autochtones à un enseignement bilingue et interculturel. Le Comité note avec préoccupation le retard pris par l’adoption d’une politique publique relative à un enseignement adapté à l’âge des élèves concernant la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation et l’absence de mise en œuvre d’un programme complet d’éducation sexuelle.

Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts, par l’intermédiaire du Ministère de l’éducation, afin d’améliorer l’inclusion et le maintien des filles à l’école, en particulier dans le cycle secondaire, en accordant une attention particulière aux filles autochtones. Il recommande également à l’État partie :

a)D’adopter et d’appliquer des mesures ciblées, y compris des mesures temporaires spéciales, afin d’accélérer la réalisation de l’égalité d’accès à une éducation de qualité aux niveaux obligatoires pour les filles et les femmes, notamment les filles autochtones, les filles d’ascendance africaine et les filles handicapées;

b)D’intensifier ses efforts, par exemple en accordant des bourses et des repas scolaires gratuits, afin de maintenir les filles à l’école et de s’assurer que les jeunes mères peuvent retourner à l’école après avoir donné naissance à leur enfant afin d’achever leur parcours éducatif;

c)De renforcer les infrastructures scolaires dans les zones rurales et isolées afin de faciliter l’accès des filles à une éducation de qualité et d’améliorer la qualité de l’enseignement à distance;

d)D’établir des mécanismes efficaces d’information et de responsabilité afin d’enquêter sur les cas d’agression sexuelle et de harcèlement de filles à l’école et d’en poursuivre les auteurs;

e)De renforcer les capacités des enseignants à dispenser un enseignement bilingue et interculturel aux populations autochtones et rurales;

f)D’incorporer à tous les niveaux d’enseignement des programmes adaptés à l’âge des élèves visant à donner une éducation sexuelle complète aux filles et aux garçons, y compris sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation, les comportements sexuels responsables et la prévention des grossesses précoces et des infections sexuellement transmissibles, et de former les enseignants à dispenser ces programmes;

g)De renforcer la coopération et les partenariats avec les organisations de la société civile, le secteur privé et les médias, entre autres, afin de garantir une éducation de qualité à toutes les femmes et les filles.

Emploi

Le Comité réitère son inquiétude concernant les discriminations que subissent les femmes en matière d’emploi, l’absence de protection sociale et de protection au travail accordée aux femmes en raison du caractère précaire de leur activité dans l’agriculture, dans les maquiladoras et dans la production alimentaire locale, et la ségrégation de la plupart des femmes confinées dans les emplois les moins bien rémunérés, en particulier des emplois informels, y compris le travail domestique. Il est également préoccupé par la persistance du travail des enfants et par le caractère limité des informations relatives aux stratégies d’élimination de ce phénomène. Le Comité note avec préoccupation qu’il n’existe aucune disposition juridique visant explicitement le harcèlement sexuel au travail, et s’inquiète des pratiques discriminatoires et illégales telles que le dépistage du VIH/sida et de la grossesse chez les femmes pendant les processus de recrutement.

Le Comité recommande à l’État partie d’éliminer la ségrégation professionnelle horizontale et verticale, y compris en adoptant des mesures temporaires spéciales afin de promouvoir l’accès des femmes à l’emploi, et lui recommande également :

a)D’accroître l’accès des femmes à un travail décent et de favoriser leur passage d’un travail dans les professions les moins bien rémunérées à un emploi dans le secteur formel, et de veiller à ce que les femmes employées dans le secteur informel et dans le secteur agricole soient couverte par la protection sociale et la protection du travail;

b)D’accélérer la ratification de la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques ( n o  189 ) de l’Organisation internationale du travail (OIT), et de fixer dans la loi un salaire minimum et une protection sociale pour tous les travailleurs;

c)Accroître la fréquence des inspections du travail pour détecter le travail des enfants et d’engager des poursuites à l’encontre des employeurs qui recrutent des filles à des fins d’exploitation, principalement dans le secteur informel et dans le secteur agricole;

d)D’adopter des lois spécialement destinées à lutter contre le harcèlement sexuel au travail, notamment dans le cadre du droit du travail et du droit pénal, en prévoyant des sanctions adéquates et des réparations pour les victimes de harcèlement sexuel.

Santé

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a reconnu la contribution importante des pratiques traditionnelles et des savoirs autochtones à la santé des femmes, en particulier dans le domaine de la santé maternelle. Il prend également note de l’approbation d’un protocole concernant l’avortement thérapeutique qui vise à préserver la vie et la santé des femmes. En revanche, le Comité demeure préoccupé par les points suivants :

a)Le faible niveau de l’investissement public dans la santé et le caractère limité de la couverture et de l’accès aux services de soins de santé pour les femmes dans l’État partie, en particulier dans les zones rurales, en raison des coûts, de facteurs géographiques et des discriminations du fait du personnel des services de santé;

b)La persistance de taux élevés de mortalité maternelle, de grossesse précoce et de malnutrition, en particulier parmi les femmes et les filles autochtones;

c)L’absence d’éducation complète sur la santé sexuelle et procréative et sur les droits qui y sont liés, et de services de planification familiale, et l’accès limité aux moyens modernes de contraception dans l’État partie;

d)La prévalence croissante du VIH/sida parmi les femmes, malgré la baisse des taux dans l’ensemble de la population;

e)L’absence de mesures visant à mettre en œuvre les précédentes recommandations du Comité afin de modifier la législation criminalisant l’avortement et d’empêcher les avortements non médicalisés (CEDAW/C/GUA/CO/7, par.36).

Le Comité recommande à l’État partie :

a)D’augmenter ses dépenses de santé et d’améliorer la couverture des services de santé et leur accès par les femmes sur tout le territoire;

b)De réduire la prévalence de la mortalité maternelle, notamment en collaborant avec les sages-femmes traditionnelles et en formant les professionnels de santé, en particulier dans les zones rurales, afin de s’assurer que toutes les naissances soient suivies par des professionnels de santé qualifiés, conformément aux cibles 3.1 et 3.7 des objectifs de développement durable, et en déployant des efforts coordonnés pour lutter contre la malnutrition par une action stratégique;

c)De veiller à ce que toutes les femmes aient accès à des services de santé sexuelle et procréative de bonne qualité, y compris à une éducation sexuelle adaptée à l’âge dans les écoles et à des campagnes de sensibilisation dans les langues locales concernant la planification familiale et la prévention des grossesses précoces et des infections sexuellement transmissibles, ainsi qu’à des moyens de contraception abordables et modernes;

d)De veiller à ce que les femmes et les filles qui sont victimes d’agressions sexuelles aient immédiatement accès à des services de soins de santé, notamment pour réduire les risques liés aux avortements non médicalisés;

e)De garantir un égal accès des femmes et des hommes à un traitement adéquat et aux moyens de prévention du VIH/sida, ainsi qu’un accès gratuit des femmes et des filles aux médicaments antirétroviraux afin d’éviter la transmission du virus de la mère à l’enfant;

f)De légaliser l’avortement en cas de menace pour la santé de la femme, de viol, d’inceste ou de grave malformation fœtale, de le dépénaliser dans tous les autres cas et de mettre en œuvre des mesures efficaces pour assurer l’accès à l’avortement thérapeutique.

Avantages économiques et sociaux et autonomisation économique des femmes

Le Comité se félicite que la politique économique nationale fixe des priorités en matière d’autonomisation économique des femmes. Cependant, il est préoccupé par les niveaux disproportionnés de pauvreté parmi les femmes et par l’absence d’initiatives visant à accroître la collecte d’impôts afin de financer les dépenses sociales. Il s’inquiète de la gestion inadéquate des processus de développement, de la fragmentation des programmes de développement social de faible ampleur qui sont insuffisamment suivis et évalués, et de l’absence de politique cohérente concernant les programmes de protection sociale et d’indemnisation des femmes, surtout celles qui sont cheffes de famille. Le Comité s’inquiète également du fait que la majorité des femmes employées dans le secteur informel n’aient pas accès au système national de sécurité sociale ni aux programmes de protection sociale et d’indemnisation. En outre, il est préoccupé par les obstacles auxquels se heurtent les femmes concernant l’accès aux services financiers, comme l’obligation de fournir une attestation de revenu stable ou d’emploi ou de possession d’un bien immobilier.

Le Comité recommande à l’État partie :

a)D’accroître la collecte des recettes fiscales et d’améliorer l’administration des finances publiques;

b)De prendre des mesures visant à réduire la pauvreté et à améliorer l’autonomisation économique des femmes, en particulier parmi les femmes autochtones et les femmes d’ascendance africaine;

c)D’améliorer l’accès des femmes au système national de sécurité sociale, de mettre au point des programmes coordonnés de protection sociale et d’indemnisation pour les femmes et de moderniser les processus obsolètes de gestion et de développement;

d)D’établir des mécanismes adéquats de suivi, d’évaluation et d’analyse d’impact des programmes de développement social destinés aux femmes, et de garantir la participation des femmes aux efforts déployés pour atteindre les objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030;

e)De favoriser des mesures ciblées pour améliorer l’accès des femmes aux services financiers, en particulier aux mécanismes d’épargne et de crédit à faible taux d’intérêt, et de promouvoir leurs activités entrepreneuriales en leur fournissant des services d’assistance technique et de conseil.

Femmes rurales, autochtones et Garifuna

Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption de la politique pour l’égalité des sexes et du plan stratégique de mise en œuvre du Ministère de l’agriculture pour la période 2014-2023. Toutefois, il est préoccupé par la tendance actuelle du développement rural et par la dégradation des conditions de vie dans les zones rurales, en particulier parmi les populations autochtones et Garifuna. Il note avec préoccupation que les femmes rurales n’ont encore qu’un accès limité, voire nul, au logement, aux services et infrastructures de base, y compris à l’eau potable et aux installations d’assainissement adéquates, et que la propriété foncière reste concentrée entre les mains de quelques personnes, ce qui limite les possibilités de revenus et d’emploi des femmes. Il s’inquiète des récentes expulsions forcées lors desquelles des femmes et des filles ont été victimes de violences indues, d’actes de harcèlement et d’agressions sexuelles par des agents de sécurité publique et privée. Le Comité est également préoccupé par les incidences néfastes du recours aux pesticides, aux engrais et aux produits agrochimiques sur la santé des femmes.

Rappelant sa recommandation générale n o  34 (2016) sur les droits des femmes rurales, le Comité recommande à l’État partie :

a)De veiller à la participation des femmes rurales, autochtones et Garifuna aux organisations rurales et à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques, des programmes et des initiatives visant à favorisant leur possibilités d’emploi et d’autonomisation économique;

b)D’élargir et de faciliter l’accès des femmes rurales, autochtones et Garifuna à la propriété foncière et la représentation des femmes dans les processus de prise de décision concernant l’utilisation des terres et la planification du développement;

c)De prendre des mesures législatives et autres pour prévenir les expulsions et les agressions contre les femmes et pour protéger concrètement les femmes qui sont victimes de harcèlement et de violences lors d’expulsions forcées, de faire en sorte que les auteurs de ces actes en répondent devant la justice et de rechercher le consentement préalable, libre et éclairé des femmes autochtones dans le cadre de consultations sur tout projet ou activité d’agriculture intensive, de développement ou d’extraction minière sur leurs terres ancestrales, de veiller à ce qu’elles aient accès à des moyens de subsistance alternatifs et qu’elles bénéficient de toutes les activités de cette nature, conformément à la Convention de 1989 relative aux peuples indigènes et tribaux (n o  169 ) de l’OIT;

d)De garantir l’accès des femmes rurales, autochtones et Garifuna aux services de base et au logement, à l’eau potable et à des services d’assainissement adéquats, ainsi que la conduite rapide d’enquêtes en cas de plaintes de femmes rurales concernant l’utilisation néfaste de pesticides, d’engrais et de produits agrochimiques.

Femmes migrantes et déplacées

Le Comité se félicite de l’approbation du code des migrations (décret no 44­2016), qui intègre une approche fondée sur les droits de l’homme et tient compte de la situation particulière des femmes qui se déplacent. Cependant, le Comité est préoccupé par les points suivants :

a)L’absence de textes réglementaires d’application du code des migrations;

b)L’absence de politique visant à protéger les droits des travailleuses migrantes;

c)L’absence de données concernant la situation des femmes déplacées et de leur famille, et les raisons multiples qui sont à l’origine de leur déplacement, notamment les expulsions foncières, la violence et les menaces qu’elles subissent de la part d’acteurs étatiques et privés, d’entreprises ou de groupes de criminalité organisée et de gangs, et la dégradation de l’environnement.

Le Comité recommande à l’État partie :

a)D’adopter des textes réglementaires permettant l’application concrète du code des migrations en conformité avec les normes internationales, notamment dans le respect du principe de non-refoulement, en dépénalisant l’entrée irrégulière de toutes les femmes ayant besoin d’une protection internationale et en leur fournissant une aide;

b)D’élaborer et d’appliquer des mesures visant à protéger et à promouvoir les droits des travailleurs migrantes, en collaboration avec les pays de la région;

c)De conduire des travaux d’analyse sur les raisons multiples qui sont à l’origine des migrations et du déplacement interne des femmes et de s’en servir pour formuler des mesures adéquates afin de garantir les droits fondamentaux des femmes dans le contexte des migrations internationales et de remédier aux causes profondes des déplacements internes.

Femmes incarcérées

Le Comité prend note avec satisfaction des récentes initiatives pilotes, qui ont reçu un soutien international, concernant la réforme pénitentiaire, notamment les mesures non privatives de liberté – avec la pose d’un bracelet électronique par exemple – en remplacement des mesures de détention préventive des femmes et des hommes. Toutefois, le Comité est préoccupé par le fait que 50 % des femmes incarcérées sont en détention préventive. Il note avec inquiétude les conditions déplorables de surpopulation qui prévalent dans les lieux de détention des femmes, ainsi que les cas allégués de violence sexiste, l’interdiction faite aux femmes lesbiennes et transgenres de recevoir la visite de leurs partenaires et le recours à l’isolement comme sanction. Il note également avec inquiétude les conditions inadéquates dans lesquelles sont détenues les femmes enceintes et les femmes avec enfant.

Le Comité rappelle les Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes et l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus, et recommande à l’État partie :

a)De poursuivre ses initiatives relatives à la réforme pénitentiaire et de réduire la surpopulation en favorisant des mesures non privatives de liberté en lieu et place de la détention préventive;

b)De veiller à ce que les femmes incarcérées aient un accès adéquat aux soins de santé, à la nutrition et à l’hygiène;

c)D’enquêter sans délai sur toutes les allégations de mauvais traitements et de violence à l’égard des femmes incarcérées et de veiller à ce que les droits de visite des partenaires soient respectés, sans discrimination à l’égard des femmes lesbiennes et transgenres;

d)De fournir des solutions alternatives à la détention aux femmes enceintes et aux mères de jeunes enfants, en tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Mariage et relations familiales

Le Comité se félicite des modifications légales visant à élever l’âge minimum du mariage à 18 ans et de la suppression de toutes les exemptions à cet âge (décrets no 8-2015 et no 13-2017). Toutefois, le Comité est préoccupé par le fait que de nombreuses filles sont encore mariées ou ont contracté une union, avec des conséquences graves sur leur santé et leur éducation. Il note avec inquiétude que les dispositions relatives à l’âge du consentement sexuel figurant dans le code pénal n’ont pas été harmonisées afin de garantir la protection des filles âgées de 14 à 18 ans. Le Comité est également préoccupé par le nombre élevé de mariages non enregistrés.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à la st ricte application des décrets n o  8-2015 et n o  13-2017. Il lui recommande également d’harmoniser les dispositions du code pénal relatives à l’âge du consentement sexuel (articles 173 et 173 bis). Il lui recommande de s’attaquer aux causes profondes des mariages et unions précoces et de mener des programmes de sensibilisation du public afin de mettre fin à ces pratiques, notamment des campagnes concernant les conséquences négatives de la grossesse et du mariage précoces sur la santé et l’éducation des filles. Il recommande aussi à l’État partie d’adopter des mesures visant à protéger les droits des filles déjà mariées ou dans une union et à veiller à l’enregistrement de tous les mariages.

Collecte et analyse des données

Le Comité note avec satisfaction que le prochain recensement se tiendra en avril 2018. Il regrette cependant que les données qui sont actuellement disponibles ne permettent pas de bien cerner les conditions de vie et les inégalités existantes parce qu’elles sont insuffisantes ou obsolètes. Il déplore également que les données ventilées qui ont été fournies dans plusieurs domaines couverts par la Convention soient insuffisantes. Le Comité est préoccupé par l’absence d’informations concernant les mesures visant à renforcer les capacités de l’institut national de statistique à fournir des statistiques ventilées par sexe, afin de renseigner plus clairement sur la situation des femmes.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que le prochain recensement, en 2018, comprenne des critères permettant aux personnes qui répondront de se désigner elles-mêmes comme des femmes autochtones et des femmes Garifuna ou non-Garifuna d’ascendance africaine, afin de les identifier et de les reconnaître. De même, le Comité recommande aussi que les organisations de la société civile, y compris les organisations de femmes qui représentent les groupes susmentionnés, soient associées à tous les processus de collecte d’informations et que des programmes de sensibilisation soient mis en place pour les communautés et tous ceux qui sont responsables de concevoir les méthodes de recensement et de collecter et d’analyser les données. Il recommande également à l’État partie de prendre des mesures visant à renforcer les capacités de l’institut national de statistique à améliorer la collecte et l’analyse des données statistiques ventilées par sexe, âge, race, appartenance ethnique, situation géographique et parcours socioéconomique dans tous les domaines couverts par la Convention, en ce qui concerne notamment les groupes de femmes affectées par des formes croisées de discriminations, afin d’évaluer les progrès accomplis en faveur de l’égalité de fait, l’impact des mesures prises et les résultats obtenus.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l’État partie à tenir compte de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing dans ses initiatives visant à mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

Le Comité appelle à la réalisation de l’égalité effective entre les sexes, conformément aux dispositions de la Convention, tout au long du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Diffusion

Le Comité demande à l’État partie de veiller à la diffusion rapide des présentes observations finales, dans sa langue officielle, auprès des institutions publiques pertinentes de tous niveaux (national, régional et local), en particulier du Gouvernement, des ministères, du Parlement et de l’appareil judiciaire, afin d’en assurer l’application intégrale.

Assistance technique

Le Comité recommande à l’État partie de conjuguer la mise en œuvre de la Convention avec ses efforts de développement, et de mettre à profit l’assistance technique régionale ou internationale à cet effet.

Ratification d’autres instruments

Le Comité note que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribuerait à favoriser l’exercice effectif par les femmes de leurs droits individuels et de leurs libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. Il encourage donc l’État partie à ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, à laquelle il n’est pas encore partie.

Suivi des observations finales

Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai de deux ans, des informations écrites sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations énoncées aux paragrap hes 15 a), 25 b), 35 b) et 41  a) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité demande à l’État partie de soumettre son dixième rapport périodique en novembre 2021. Le rapport doit être soumis dans les délais et couvrir toute la période allant jusqu’à la date de soumission.

Le Comité demande à l’État partie de suivre les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme, y compris les directives relatives à un document de base commun et à des documents spécifiques aux différents instruments (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).