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Introductionet champ d’application

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Questions courantes et recommandations sur l’accès des femmes à la justice

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Justiciabilité, disponibilité, accessibilité, bonne qualité, offre de voies de recours et obligation de rendre compte des systèmes de justice

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Lois, procédures et pratiques discriminatoires

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Représentation stéréotypée et préjugés sexistes dans le système de justice, et importance du renforcement des capacités

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Éducation et sensibilisation aux effets des stéréotypes

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Aide juridictionnelle et défense publique

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Ressources

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Recommandations pour des domaines spécifiques du droit

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Droit constitutionnel

18

Droit civil

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Droit de la famille

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Droit pénal

20

Droit administratif, social et du travail

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Recommandations pour des mécanismes spécifiques

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Systèmes judiciaires ou quasi judiciaires spécialisés et systèmes de justice internationaux ou régionaux

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Autres méthodes de règlement des différends

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Institutions nationales des droits de l’homme et bureaux des médiateurs

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Mécanismes de justice pluriels

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Retrait des réserves à la Convention

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Ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention

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I.Introduction et champ d’application

Le droit des femmes à l’accès à la justice est essentiel à la réalisation de tous les droits protégés par la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. C’est un élément fondamental de l’État de droit et de la bonne gouvernance, de même que l’indépendance, l’impartialité, l’intégrité et la crédibilité du système judiciaire, la lutte contre l’impunité et la corruption, la participation égale des femmes aux mécanismes judiciaires et autres mécanismes d’application des lois. Le droit d’accès à la justice a des dimensions multiples. Il englobe la justiciabilité, la disponibilité, l’accessibilité, la bonne qualité et l’obligation de rendre compte des systèmes de justice, ainsi que l’offre de voies de recours pour les victimes. Aux fins de la présente recommandation générale, toutes les références aux « femmes » doivent, sauf indication contraire, s’entendre comme comprenant « les femmes et les filles ».

Dans la présente recommandation générale, le Comité examine les obligations qu’ont les États parties de garantir aux femmes l’accès à la justice. Ces obligations comprennent la protection des droits des femmes contre toutes les formes de discrimination en vue de favoriser leur autonomisation en tant qu’individus et titulaires de droits. L’accès effectif à la justice optimise le potentiel d’émancipation et de transformation du droit.

Dans la pratique, le Comité a relevé un certain nombre d’obstacles et de restrictions qui empêchent les femmes d’exercer leurs droits d’accès à la justice sur la base de l’égalité, notamment l’absence d’une protection juridictionnelle réelle offerte par les États parties en ce qui concerne toutes les dimensions de l’accès à la justice. Ces obstacles interviennent dans un contexte structurel de discrimination et d’inégalité imputable à des facteurs tels que stéréotypes sexistes, lois discriminatoires, formes de discrimination croisée ou exacerbée, exigences et pratiques en matière de procédures et de preuves, et incapacité à garantir systématiquement que les systèmes judiciaires soient physiquement, économiquement, socialement et culturellement à la portée de toutes les femmes. Tous ces obstacles constituent des violations persistantes des droits fondamentaux des femmes.

Le champ d’application de la présente recommandation générale comprend les procédures et la qualité de la justice pour les femmes à tous les niveaux des systèmes de justice, y compris les mécanismes spécialisés et quasi-judiciaires. Les mécanismes quasi-judiciaires englobent toutes les actions des organismes administratifs publics, similaires à celles qui sont menées par le système judiciaire, qui ont des effets juridiques et peuvent influer sur les droits, les obligations et les privilèges légaux.

Le champ d’application du droit à l’accès à la justice comprend également les mécanismes de justice pluriels. Cette expression fait référence à la coexistence au sein d’un État partie entre d’une part les lois, les règlements, les procédures et les décisions, et d’autre part les lois et pratiques religieuses, coutumières, autochtones ou communautaires. Par conséquent, ces mécanismes comportent des sources multiples du droit, qu’elles soient formelles ou non – étatiques, non étatiques ou mixtes – que les femmes peuvent trouver lorsqu’elles tentent d’exercer leur droit d’accès à la justice. Les systèmes de justice religieux, coutumiers, autochtones et communautaires, appelés systèmes de justice traditionnels dans la présente recommandation générale, peuvent être formellement reconnus par l’État, fonctionner avec son assentiment sans avoir pourtant de statut explicite, ou encore fonctionner en dehors de son cadre règlementaire.

Les traités internationaux et régionaux et les déclarations sur les droits de l’homme, tout comme la plupart des constitutions nationales, contiennent des garanties relatives à l’égalité des sexes devant la loi et les obligations de veiller à ce que chacun jouisse de la même protection. L’article 15 de la Convention reconnaît à la femme l’égalité avec les hommes devant la loi et la même protection. L’article 2 stipule que les États parties doivent prendre toutes les mesures appropriées afin de garantir le principe de l’égalité des hommes et des femmes dans tous les domaines, notamment par la création de « tribunaux nationaux compétents et autres institutions publiques » afin de garantir « la protection effective des femmes contre tout acte discriminatoire ». La teneur et le champ d’application de cette disposition sont encore explicités de manière plus détaillée dans la recommandation générale no 28 du Comité sur les obligations fondamentales des États parties au titre de l’article 2 de la Convention. L’article 3 mentionne la nécessité de prendre des mesures appropriées pour s’assurer que les femmes puissent jouir de leurs droits de l’homme et de leurs libertés fondamentales au même titre que les hommes.

La discrimination peut s’exercer contre les femmes pour des raisons sexistes. Le mot « genre » renvoie à l’identité, aux attributs et au rôle de la femme et de l’homme, et à la signification sociale et culturelle que la société donne aux différences biologiques, qui sont toujours pris en compte dans le système de justice et ses institutions. Aux termes de l’article 5 a) de la Convention, les États parties ont l’obligation de dénoncer et supprimer les obstacles sociaux et culturels sous-jacents, notamment les stéréotypes sexistes, qui empêchent les femmes d’exercer et de revendiquer leurs droits et d’avoir effectivement accès à des voies de recours.

La discrimination à l’égard des femmes, fondés sur des stéréotypes sexistes, les préjugés, les normes culturelles néfastes et patriarcales, et la violence sexiste qui touche les femmes en particulier, ont une incidence négative sur leur capacité à avoir accès à la justice sur un pied d’égalité avec les hommes. En outre, la discrimination contre les femmes est aggravée par des facteurs convergents qui touchent certaines femmes dans une mesure ou d’une manière différente par rapport aux hommes ou aux autres femmes. Les motifs des discriminations croisées ou aggravées peuvent comprendre l’ethnicité ou la race, le statut autochtone ou minoritaire, la couleur, la situation socio-économique et/ou la caste, la langue, la religion ou la croyance, l’opinion politique, l’origine nationale, le statut marital et/ou maternel, l’âge, l’emplacement urbain ou rural, l’état de santé, le handicap, l’accès à la propriété et l’identité en tant que lesbienne, bisexuelle, transgenre ou personnes intersexuée. Ces facteurs croisés rendent plus difficile l’accès des femmes à la justice.

Les autres facteurs qui rendent plus difficile l’accès des femmes à la justice sont l’analphabétisme, la traite des femmes, les conflits armés, le statut de demandeur d’asile, les déplacements internes, l’apatridie, la migration, le fait d’être une femme chef de famille, le veuvage, la séropositivité, la privation de liberté, la criminalisation de la prostitution, l’éloignement géographique et les préjugés à l’encontre des femmes qui luttent pour leurs droits. Le fait que les défenseurs et organisations de défense des droits de l’homme sont souvent ciblés à cause de leurs actions doit être souligné et leurs propres droits d’accès à la justice protégés.

Le Comité a réuni des informations sur de nombreux exemples de l’impact négatif des formes croisées de discrimination sur l’accès à la justice, y compris les voies de recours inefficaces, pour des groupes spécifiques de femmes. Bien souvent, les femmes appartenant à ces groupes sont dans l’impossibilité de signaler les violations de leurs droits aux autorités par crainte d’être humiliées, stigmatisées, arrêtées, expulsées, torturées ou soumises à d’autres formes de violence par les responsables de l’application des lois. Le Comité a également relevé que lorsque des femmes appartenant à ces groupes déposent plainte, les autorités négligent fréquemment d’agir avec le soin qui s’impose pour enquêter, poursuivre et punir les auteurs et/ou offrir des voies de recours.

Outre les dispositions des articles 2 c), 3, 5 a) et 15 de la Convention, les États parties ont de plus des obligations découlant des traités de veiller à ce que toutes les femmes aient accès à l’éducation et à l’information au sujet de leurs droits et des voies de recours possibles, et des moyens d’y accéder, et à des systèmes de règlement des différends compétents et tenant compte des besoins des deux sexes, ainsi qu’à l’égalité d’accès à des voies de recours effectives et en temps utile.

Les vues et recommandations du Comité au sujet des mesures à prendre pour surmonter les obstacles que rencontrent les femmes pour avoir accès à la justice reposent sur l’expérience qu’il a tirée de l’examen des rapports des États parties, de son analyse de requêtes individuelles et des enquêtes qu’il a menées au titre du Protocole facultatif à la Convention. De plus, il est fait référence aux travaux relatifs à l’accès à la justice réalisés par d’autres mécanismes de défense des droits de l’homme des Nations Unies, des institutions nationales des droits de l’homme et des organisations de la société civile, y compris des associations communautaires féminines et des chercheurs universitaires.

II.Questions courantes et recommandations sur l’accès des femmes à la justice

A.Justiciabilité, disponibilité, accessibilité, bonne qualité,offre de voies de recours et obligation de rendre comptedes systèmes de justice

Le Comité a constaté que la concentration des tribunaux et des organes quasi-judiciaires dans les villes principales, leur non-disponibilité dans les zones rurales et reculées, le temps et l’argent nécessaires pour y accéder, la complexité des procédures, les obstacles physiques pour les femmes handicapées, le manque d’accès à des conseils juridiques de qualité élevée et soucieux de la problématique hommes-femmes, y compris l’aide juridictionnelle, ainsi que les insuffisances souvent observées dans la qualité des systèmes de justice (jugements ou décisions ne tenant pas compte de la problématique hommes-femmes à cause du manque de formation, des retards et de la longueur excessive des procédures, de la corruption), empêchent les femmes d’avoir accès à justice.

Par conséquent, six composantes essentielles et interdépendantes– justiciabilité, disponibilité, accessibilité, bonne qualité, offre de voies de recours pour les victimes et obligation de rendre compte des systèmes de justice – sont nécessaires pour garantir l’accès à la justice. Si les différences entre les conditions juridiques, sociales, culturelles, politiques et économiques qui prévalent nécessitent une application différenciée de ces caractéristiques dans chaque État partie, les éléments de base de cette approche ont une pertinence universelle et doivent être immédiatement appliqués. En conséquence:

a)La justiciabilité signifie que les femmes doivent bénéficier d’un accès sans entrave à la justice, et avoir la capacité et les moyens de revendiquer leurs droits comme des droits juridiques au titre de la Convention;

b) La disponibilité signifie la création de tribunaux, d’organes quasi-judiciaires ou d’autres organes dans l’État partie, dans les zones urbaines, rurales et éloignées, ainsi que leur entretien et leur financement;

c)L’accessibilité signifie que tous les systèmes de justice, à la fois formels et quasi-judiciaires, sont sûrs, financièrement et physiquement accessibles aux femmes, et adaptés et appropriés aux besoins des femmes, y compris celles qui sont victimes de formes croisées ou exacerbées de discrimination;

d)La bonne qualité des systèmes de justice signifie que toutes les composantes du système respectent les normes internationales de compétence, d’efficacité, d’indépendance et d’impartialité et offrent, en temps opportun, des voies de recours appropriées et efficaces, qui soient mises en œuvre et aboutissent à un règlement durable des différends et prenant en compte l’égalité des sexes, pour toutes les femmes. Elle signifie également que les systèmes de justice correspondent à un contexte déterminé, sont dynamiques, participatifs, ouverts à des mesures pratiques innovantes, et prennent en compte l’égalité des sexes et les demandes croissantes des femmes en matière de justice;

e)L’offre de voies de recours signifie que les femmes doivent pouvoir recevoir des systèmes de justice une véritable protection et bénéficier d’une juste réparation en cas de préjudice quel qu’il soit (voir article 2);

f)L’obligation de rendre compte des systèmes de justice est assurée par une surveillance permettant de s’assurer qu’ils fonctionnent conformément aux principes de justiciabilité, de disponibilité, d’accessibilité, de bonne qualité et d’offre de voies de recours. L’obligation de rendre compte fait également référence au suivi des actions des spécialistes du système judiciaire et de leur responsabilité juridique lorsqu’ils enfreignent la loi.

En ce qui concerne la justiciabilité, le Comité recommande que les États parties:

a) S’assurent que les droits et les protections juridiques correspondantes sont reconnus et intégrés dans la loi , en améliorant la prise en compte de la problématique hommes-femmes par le système de justice;

b) Renforcent l’accès sans entrave des femmes aux systèmes de justice, leur donnant ainsi les moyens d’obtenir l’égalité de droit et de fait;

c) S’assurent que les spécialistes des systèmes de justice traitent les dossiers en tenant compte de la problématique hommes-femmes;

d) Garantissent l’indépendance, l’impartialité, l’intégrité et la crédibilité du système judiciaire et la lutte contre l’impunité;

e) S’attaquent à la corruption des systèmes de justice en le considérant comme un élément fondamental de l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes en matière d’accès à la justice;

f) Mesurent et éliminent les obstacles qui empêchent la participation professionnelle des femmes dans tous les organes et à tous les niveaux des systèmes judiciaire et quasi-judiciaire et en tant que fournisseurs de services juridiques, et prennent des mesures, y compris des mesures temporaires spéciales afin de garantir que les femmes soient représentées à égalité dans les systèmes judiciaires et autres mécanismes d’application des lois en qualité de magistrats, juges, procureurs, ministères publics, avocates, administratrices, médiatrices, responsables de l’application des lois, fonctionnaires des services judiciaires et pénaux, expertes, ainsi que dans d’autres fonctions;

g) Revoient les règles relatives à la charge de la preuve afin de garantir l’égalité entre les parties, dans tous les domaines où les relations de pouvoir privent les femmes de la possibilité d’un traitement équitable de leurs dossiers par le système judiciaire;

h) Coopèrent avec les organisations de la société civile et communautaires afin de créer des mécanismes durables qui facilitent l’accès des femmes à la justice et encouragent les organisations non gouvernementales et les entités de la société civile à être parties dans les procédures judiciaires concernant les droits des femmes;

i) S’assurent que les défenseurs des droits des femmes ont accès à la justice et sont protégés contre le harcèlement, les menaces, les représailles et la violence.

En ce qui concerne la disponibilité des systèmes de justice, le Comité recommande que les États parties:

a) Garantissent la création, l’entretien et le développement de tribunaux, de juridictions et d’autres entités, selon les besoins, qui garantissent le droit d’accès des femmes à la justice sans discrimination sur tout le territoire de l’État partie, y compris dans les zones éloignées, rurales et isolées, en envisageant la création d’audiences foraines, en particulier pour les femmes vivant dans ces zones, ainsi que l’utilisation créative de solutions informatiques modernes, lorsque cela est faisable;

b) Garantissent, dans les affaires de violence contre les femmes, l’accès à une aide financière, à des centres de crise, à des refuges, à des services d’assistance téléphonique, et à des services médicaux, psychosociaux et de conseil;

c) S’assurent que des règles permanentes permettent aux groupements et organisations de la société civile intéressés par une affaire donnée de présenter des pétitions et de participer aux débats;

d) Créent un mécanisme de surveillance avec des inspecteurs indépendants afin de garantir le bon fonctionnement du système de justice et de lutter contre les discriminations à l’égard des femmes commises par des spécialistes du système judiciaire.

En ce qui concerne l’accessibilité des systèmes de justice, le Comité recommande que les États parties:

a) Suppriment les obstacles économiques à la justice en offrant une aide juridictionnelle et veillent à ce que les frais de publication et d’archivage des documents, ainsi que les frais de justice, soient réduits pour les femmes disposant d’un faible revenu et annulés pour celles qui vivent dans la pauvreté;

b) Éliminent les obstacles linguistiques en mettant à disposition des services indépendants et professionnels de traduction et d’interprétation lorsqu’ils sont nécessaires, et fournissent une aide individualisée aux femmes analphabètes afin de s’assurer qu’elles comprennent bien les procédures judiciaires ou quasi-judiciaires;

c) Créent des activités ciblées de vulgarisation et diffusent des informations au sujet des systèmes judiciaires, procédures et voies de recours disponibles sous différentes formes, mais également dans les langues locales. Ces activités et ces informations doivent être adaptées à tous les groupes ethniques et les minorités, et conçues en étroite collaboration avec les femmes appartenant à ces groupes et, plus particulièrement, les organisations féminines et autres organisations pertinentes;

d) Garantissent l’accès à Internet et aux autres technologies de l’information et des communications (TIC) afin d’améliorer l’accès des femmes aux systèmes de justice à tous les niveaux, et envisagent le développement de l’infrastructure Internet, notamment les visio-conférences, afin de faciliter l’organisation des auditions et le partage, la collecte et la gestion des données et des informations entre les parties concernées;

e) Veillent à ce que le cadre de vie et la situation géographique des institutions judiciaires et quasi-judiciaires et autres services soient accueillants, sûrs et accessibles à toutes les femmes, en envisageant la création de cellules genre au sein des institutions judiciaires et en faisant particulièrement attention à la prise en charge des frais de transport jusqu’aux institutions judiciaires et quasi-judiciaires et aux autres services pour les femmes dépourvues de ressources suffisantes;

f) Créent des centres d’accès à la justice tels que des « guichets uniques » qui offrent un éventail de services juridiques et sociaux, afin de réduire le nombre de démarches qu’une femme doit effectuer pour avoir accès à la justice. Ces centres peuvent fournir des conseils et une aide juridictionnelles, entamer les procédures juridiques et coordonner les services d’appui aux femmes dans des domaines tels que la violence à l’égard des femmes, les problèmes familiaux, la santé, la sécurité sociale, l’emploi, la propriété et l’immigration. Ils doivent être accessibles à toutes les femmes, y compris celles qui vivent dans la pauvreté et/ou dans les zones rurales et éloignées;

g) Accordent une attention particulière à l’accès aux systèmes de justice pour les femmes handicapées.

En ce qui concerne la bonne qualité des systèmes de justice, le Comité recommande que les États parties:

a) S’assurent que les systèmes de justice sont de bonne qualité et conformes aux normes internationales de compétence, d’efficacité, d’indépendance et d’impartialité, ainsi qu’à la jurisprudence internationale;

b) Adoptent des indicateurs permettant de mesurer l’accès des femmes à la justice;

c) Adoptent une approche innovante et transformative de la justice, notamment, lorsque cela est nécessaire, en investissant dans des réformes institutionnelles plus larges;

d) Offrent, en temps opportun, des voies de recours appropriées et efficaces, qui soient mises en œuvre et aboutissent à un règlement durable des différends et prenant en compte l’égalité des sexes, pour toutes les femmes;

e) Mettent en œuvre des mécanismes destinés à garantir l’impartialité du règlement de preuve, des enquêtes et autres procédures judiciaires et quasi-judiciaires et qu’ils ne soient pas influencés par des stéréotypes ou des préjugés sexistes;

f) S’assurent, lorsque cela est nécessaire pour protéger la vie privée, la sécurité et les autres droits fondamentaux des femmes, que les procédures judiciaires peuvent se dérouler en partie ou en totalité de manière confidentielle, dans le respect de la régularité et de l’équité des procédures, ou que les témoignages peuvent être donnés à distance ou par le biais d’un système de communication, de manière à ce que seules les parties concernées puissent accéder à leur contenu. L’utilisation de pseudonymes ou d’autres mesures pour protéger l’identité de ces femmes à toutes les étapes de la procédure judiciaire doit être autorisée. Les États parties doivent garantir la possibilité de prendre des mesures afin de protéger la vie privée et l’image des victimes en interdisant la prise et la diffusion d’images lorsqu’elles risquent de porter atteinte à la dignité, à l’état psychologique et à la sécurité des filles et des femmes;

g) Protègent les plaignantes, les témoins, les défenderesses et les détenues contre les menaces, le harcèlement et toute autre atteinte, pendant et après les procédures judiciaires, et fournissent les budgets, les ressources, les directives et les cadres législatifs et de suivi nécessaires pour garantir l’efficacité des mesures de protection .

En ce qui concerne l’offre de voies de recours, le Comité recommande que les États parties:

a) Offrent et fassent respecter des voies de recours appropriées et en temps utile dans les cas de discrimination à l’égard des femmes, et veillent à ce que celles-ci jouissent de l’égalité d’accès à tous les recours judiciaires et non judiciaires disponibles;

b) Veillent à ce que les voies de recours soient adéquates, efficaces, rapides, globales et proportionnées au préjudice subi. Les recours doivent comprendre, selon le cas, la restitution (réintégration), une compensation (sous forme d’espèces, de biens ou de services) et la réhabilitation (traitement médical et psychologique et autres services sociaux) . Les recours civils et les sanctions pénales ne doivent pas s’exclure mutuellement;

c) Tiennent compte pleinement des activités ménagères et de soins non rémunérées accomplies par les femmes dans les évaluations des dommages faites en vue de fixer une compensation appropriée pour le dommage subi dans toutes les procédures civiles, pénales, administratives ou autres;

d) Créent des fonds spécifiques aux femmes afin de s’assurer que ces dernières reçoivent une réparation adéquate lorsque les personnes ou les entités responsables de la violation de leurs droits fondamentaux sont dans l’impossibilité de la donner ou s’y refusent;

e) Dans les cas de violences sexuelles en situation de conflit ou d’après conflit, ordonnent des réformes institutionnelles, abrogent les lois discriminatoires et promulguent des lois prévoyant des sanctions adéquates conformément aux normes internationales en matière de droits de l’homme, et définissent des mesures de réparation avec la participation étroite des organisations féminines et de la société civile afin de lutter contre les discriminations préexistantes au conflit;

f) Veillent à ce que les voies de recours non judiciaires, telles que des excuses publiques, des témoignages officiels et des garanties de non-répétition définies par des commissions de vérité, justice et réconciliation, ne soient pas utilisées pour remplacer les enquêtes et les poursuites contre les auteurs de violations des droits de l’homme en situation de conflit ou d’après conflit, refusent les amnistie pour les violations sexistes des droits de l’homme telles que la violence sexuelle à l’égard des femmes et rejettent la prescription légale des poursuites contre ces violations (voir la recommandation générale n o  30 sur les femmes dans la prévention des conflits, les conflits et les situations d’après conflit);

g) Offrent des voies de recours efficaces et en temps utile, et veillent à ce qu’elles correspondent aux différents types de violations que subissent les femmes, ainsi que des réparations adéquates, et garantissent la participation des femmes à l’élaboration de tous les programmes de réparation, tel que le préconise la recommandation générale n o  30.

En ce qui concerne l’obligation de rendre compte des systèmes de justice, le Comité recommande que les États parties:

a) Créent des mécanismes efficaces et indépendants pour observer et surveiller l’accès des femmes à la justice afin de s’assurer que les systèmes de justice sont conformes aux principes de justiciabilité, de disponibilité, d’accessibilité, de bonne qualité et d’efficacité des voies de recours, notamment la vérification ou l’examen périodique de l’autonomie, de l’efficacité et de la transparence des organes judiciaires, quasi judiciaires et administratifs qui prennent des décisions touchant les droits des femmes;

b) Veillent à ce que des mesures disciplinaires et autres soient prises pour lutter contre les pratiques et les actes discriminatoires identifiés et imputables à des spécialistes du système judiciaire;

c) Créent une entité spécifique pour recevoir les plaintes, les pétitions et les suggestions concernant tout le personnel participant au fonctionnement du système de justice, y compris les travailleurs sociaux et les agents sanitaires, ainsi que les experts techniques;

d) Les données doivent comprendre, entre autres:

i) Le nombre et la répartition géographique des tribunaux et des organismes quasi-judiciaires;

ii) Le nombre d’hommes et de femmes travaillant à tous les niveaux des organismes d’application des lois et des institutions judiciaires et quasi-judiciaires;

iii) Le nombre et la répartition géographique des avocats et des avocates, y compris ceux de l’aide juridictionnelle;

iv) La nature et le nombre de cas et de plaintes déposées auprès des organes judiciaires, quasi-judiciaires et administratifs, ventilés par sexe du plaignant;

iv) La nature et le nombre de cas traités par les systèmes de justice formels et informels, quasi-judiciaires et administratifs, ventilés par sexe du plaignant;

vi) La nature et le nombre de cas dans lesquels une aide juridictionnelle et/ou un avocat commis d’office ont été demandés, acceptés et fournis, ventilés par sexe du plaignant;

vii) La longueur des procédures et leur issue, ventilés par sexe du plaignant;

e) Mènent et facilitent des études qualitatives et des analyses critiques par sexe de tous les systèmes de justice, en collaboration avec les organisations de la société civile et les établissements universitaires, afin de mettre en évidence les pratiques, les procédures et la jurisprudence qui favorisent ou limitent le libre accès des femmes à la justice;

f) Appliquent de manière systématique les conclusions de ces analyses afin de déterminer les priorités et d’élaborer les politiques, la législation et les procédures nécessaires pour garantir que toutes les composantes du système de justice tiennent compte des besoins des deux sexes, soient faciles à utiliser et rendent compte.

B.Lois, procédures et pratiques discriminatoires

Très souvent, les États parties ont des dispositions constitutionnelles, des lois, des règlements, des procédures, des coutumes et des pratiques qui sont fondées sur les stéréotypes et les normes sexistes traditionnels et sont, par conséquent, discriminatoires et dénient aux femmes la pleine jouissance de leurs droits au titre de la Convention. Par conséquent, le Comité exhorte régulièrement les États parties, dans ses observations finales, à revoir leurs cadres législatifs et à modifier et/ou abroger les dispositions discriminatoires envers les femmes. Cette exhortation est cohérente avec l’article 2 de la Convention, qui énonce les obligations qu’ont les États parties d’adopter les mesures juridiques et autres appropriées pour éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes exercées par les autorités publiques et les acteurs non étatiques, qu’il s’agisse de personnes, d’organisations ou d’entreprises.

Toutefois, les femmes se heurtent à de nombreuses difficultés pour avoir accès à la justice en raison d’une discrimination directe et indirecte telle que définie au paragraphe 16 de la recommandation générale no 28. Cette inégalité est apparente non seulement dans le contenu discriminatoire et/ou l’incidence des lois, règlements, procédures, coutumes et pratiques, mais également dans le manque de capacités et de prise de conscience des institutions judiciaires et quasi-judiciaires pour traiter comme il convient les violations des droits fondamentaux des femmes. Dans sa recommandation générale no 28, le Comité fait remarquer par conséquent que les institutions judiciaires doivent appliquer le principe de l’égalité réelle ou de fait tel qu’il est inscrit dans la Convention et interpréter les lois, y compris les lois nationales, religieuses et coutumières, conformément à cette obligation. L’article 15 comprend les obligations qu’ont les États parties de veiller à ce que les femmes jouissent réellement de l’égalité avec les hommes dans tous les domaines du droit.

Toutefois, beaucoup des observations finales et des vues du Comité au titre du Protocole facultatif montrent que des règles discriminatoires en matière de procédures et de preuves et le manque de diligence voulue dans la prévention, l’investigation, la poursuite, la sanction et l’offre de voies de recours dans les cas de violations des droits des femmes ont pour résultat des violations des obligations de garantir l’égalité d’accès des femmes à la justice.

Une attention particulière doit être accordée aux filles (y compris les petites filles et les adolescentes, le cas échéant) du fait qu’elles se heurtent à des obstacles spécifiques pour avoir accès à la justice. Bien souvent, elles n’ont pas la capacité sociale ou juridique de prendre des décisions importantes quant à leurs conditions de vie dans les domaines liés à l’éducation, la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation. Elles peuvent être forcées de se marier ou soumises à d’autres pratiques néfastes et à diverses formes de violence.

Le Comité recommande que les États parties:

a) Veillent à ce que le principe de l’égalité devant la loi soit effectivement appliqué en prenant des mesures en vue d’abolir le droit existant, les procédures, les règlements, la jurisprudence, les coutumes et les pratiques directement ou indirectement discriminatoires à l’égard des femmes, particulièrement en ce qui concerne leurs possibilités d’accès à la justice, et d’éliminer les obstacles discriminatoires qui empêchent l’accès à la justice, notamment:

i) L’obligation ou la nécessité pour les femmes de demander l’autorisation de membres de leur famille ou de la communauté pour intenter une action juridique;

ii) Les préjugés des participants actifs du système de justice à l’encontre des femmes qui luttent pour leurs droits;

iii) Les règles relatives à la corroboration, discriminatoires à l’égard des femmes en qualité de témoins, plaignantes et prévenues, qui leur imposent une charge de la preuve plus lourde qu’aux hommes afin d’établir s’il y a eu délit ou de rechercher une voie de recours;

iv) Les procédures qui excluent le témoignage des femmes ou lui accordent un statut inférieur;

v) L’absence de mesures visant à garantir l’égalité des conditions entre les femmes et les hommes pendant la préparation, le traitement et les suites des cas;

vi) La prise en charge des cas et la collecte de preuves inadéquates dans les cas dénoncés par des femmes, entraînant des omissions systématiques dans les enquête;

vii) Les obstacles rencontrés dans la collecte de preuves concernant les nouvelles violations des droits des femmes qui surviennent en ligne et dont les auteurs utilisent les TIC et les nouveaux médias sociaux;

b) Garantissent aux filles la disponibilité de mécanismes de dépôt de plaintes et de communication d’informations indépendants, sûrs, efficaces, accessibles et répondant aux besoins des enfants. Ces mécanismes doivent être mis en place conformément aux normes internationales, en particulier la Convention relative aux droits de l’enfant, et employer du personnel dûment formé, travaillant d’une manière efficace et prenant en compte l’égalité des sexes, conformément à l’observation générale n o  14 du Comité des droits de l’enfant, afin que l’intérêt des filles concernées soit une considération primordiale;

c) Prennent des mesures afin d’éviter que les filles soient marginalisées en raison d’un conflit ou de leur manque d’autonomie au sein de leurs familles et de l’absence de soutien à leurs droits qui en résulte, et suppriment les règles exigeant l’autorisation parentale ou maritale pour avoir accès aux services tels que l’éducation et la santé, y compris en matière de sexualité et de procréation, ainsi qu’aux services juridiques et aux systèmes de justice;

d) Protègent les femmes et les filles contre les interprétations discriminatoires des textes religieux et des normes traditionnelles qui font obstacle à leur accès à la justice et entraînent des discriminations à leur égard.

C.Représentation stéréotypée et préjugés sexistes dans le système de justice, et importance du renforcement des capacités

La représentation stéréotypée et les préjugés sexistes dans le système de justice ont des répercussions profondes sur la capacité des femmes à jouir pleinement de leurs droits fondamentaux. Ils empêchent l’accès des femmes à la justice dans tous les domaines du droit, et peuvent avoir une incidence particulièrement négative sur les femmes victimes d’actes de violence. La représentation stéréotypée déforme les perceptions et donne lieu à la prise de décision fondées sur des idées préconçues et reçues plutôt que sur des faits. Souvent, les juges adoptent des normes rigides sur ce qu’ils considèrent comme étant le comportement approprié des femmes et pénalisent celles qui ne correspondent pas à ces stéréotypes. La représentation stéréotypée influe également sur le crédit accordé aux opinions, arguments et témoignages des femmes lorsqu’elles sont parties ou témoins. Elle peut pousser les juges à mal interpréter les lois ou à les appliquer à mauvais escient. Cela a de profondes conséquences, par exemple, dans le droit pénal, lorsqu’il en résulte que les auteurs de violations des droits des femmes ne sont pas légalement tenus responsables, entretenant ainsi une culture d’impunité. Dans tous les domaines du droit, la représentation stéréotypée porte atteinte à l’impartialité et à l’intégrité du système de justice, ce qui peut par conséquent entraîner des erreurs judiciaires, y compris la revictimisation des plaignantes.

Les juges, les magistrats et les arbitres ne sont pas les seuls acteurs du système de justice qui appliquent, renforcent et perpétuent les stéréotypes. Les procureurs, les responsables de l’application des lois et les autres acteurs permettent souvent aux stéréotypes d’influencer les enquêtes et les procès, en particulier dans les cas de violence sexiste, les stéréotypes affaiblissant les plaintes de la victime et renforçant dans le même temps la défense de l’auteur présumé. La représentation stéréotypée peut, par conséquent, imprégner aussi bien l’enquête que le procès et influer sur le jugement final.

Les femmes doivent pouvoir se fier à un système de justice débarrassé des idées reçues et des stéréotypes, et à un système judiciaire dont l’impartialité n’est pas amoindrie par ces préjugés. L’élimination de la représentation stéréotypée dans le système de justice est cruciale pour garantir l’équité et la justice pour les victimes.

Le Comité recommande que les États parties:

a) Prennent des mesures, notamment des programmes de sensibilisation et de renforcement des capacités pour tout le personnel du système de justice et les étudiants en droit, afin d’éliminer les stéréotypes sexistes et d’intégrer une démarche tenant compte de la problématique hommes-femmes dans tous les aspects du système de justice;

b) Prévoient la participation aux programmes de sensibilisation et de renforcement des capacités d’autres spécialistes, en particulier les professionnels de la santé et les assistants sociaux, qui peuvent jouer un rôle important dans les cas de violence à l’égard des femmes et de problèmes familiaux;

c) S’assurent que les programmes de renforcement des capacités prennent en compte, plus particulièrement:

i) Le problème du crédit et du poids accordés aux opinions, arguments et témoignages des femmes lorsqu’elles sont parties ou témoins;

ii) Les règles inflexibles souvent adoptées par les juges et les procureurs sur ce qu’ils considèrent comme un comportement approprié pour les femmes;

d) Envisagent d’encourager un dialogue sur les effets négatifs de la représentation stéréotypée et des préjugés sexistes, et la nécessité d’améliorer le traitement par la justice des femmes victimes d’actes de violence;

e) Sensibilisent sur les effets négatifs de la représentation stéréotypée et des préjugés sexistes, et encouragent le plaidoyer pour lutter contre la représentation stéréotypée et des préjugés sexistes dans les systèmes de justice, plus particulièrement dans les cas de violence sexiste;

f) Offrent aux juges, aux procureurs, aux avocats et aux responsables de l’application des lois des programmes de renforcement des capacités sur l’application des instruments internationaux des droits de l’homme, notamment la Convention et la jurisprudence du Comité, ainsi que sur l’application de la législation interdisant la discrimination à l’égard des femmes.

D.Éducation et sensibilisation aux effets des stéréotypes

Dispenser une éducation avec une démarche tenant compte de la problématique hommes-femmes et sensibiliser le public par l’intermédiaire de la société civile, des médias et de l’utilisation des TIC sont des mesures essentielles pour lutter contre les formes multiples de discrimination et de représentation stéréotypée ayant des effets sur l’accès à la justice et garantir l’efficacité et l’applicabilité de la justice pour toutes les femmes.

L’article 5 a) de la Convention stipule que les États parties sont tenus de prendre toutes les mesures appropriées pour modifier les schémas sociaux et culturels de conduite afin d’éliminer les préjugés ainsi que toutes les pratiques coutumières et autres qui se fondent sur des idées relatives à l’infériorité ou la supériorité de l’un ou l’autre sexe. Dans sa recommandation générale no 28, le Comité a souligné que toutes les dispositions de la Convention doivent être lues conjointement afin de garantir que toutes les formes de discrimination sexiste soient condamnées et éliminées.

1. Éducation tenant compte de la problématique hommes-femmes

Les femmes qui ne connaissent pas leurs droits fondamentaux ne peuvent en revendiquer l’exercice. Le Comité a remarqué, en particulier lors de l’examen des rapports périodiques des États parties, que ceux-ci omettent souvent de garantir aux femmes l’égalité d’accès à l’éducation, à l’information et à des programmes de culture juridique. En outre, la sensibilisation des hommes aux droits fondamentaux des femmes est également indispensable pour garantir la non-discrimination et l’égalité, ainsi que l’accès des femmes à la justice.

Le Comité recommande que les États parties:

a) Développent les compétences en matière d’égalité des sexes, notamment en augmentant le nombre de conseillers pour la problématique hommes-femmes, avec la participation des organisations de la société civile, des établissements universitaires et des médias;

b) Diffusent sous différents formats de la documentation pour informer les femmes de leurs droits fondamentaux, de la disponibilité de mécanismes d’accès à la justice et des possibilités d’obtenir un soutien, y compris une aide juridictionnelle, ainsi que des services sociaux en rapport avec les systèmes de justice;

c) Intègrent dans les programmes à tous les niveaux de l’enseignement des programmes éducatifs sur les droits fondamentaux des femmes et l’égalité des sexes, y compris des programmes de culture juridique, qui mettent l’accent sur le rôle crucial de l’accès des femmes à la justice et le rôle des hommes et des garçons en tant que défenseurs et parties prenantes de cet accès.

2. Sensibilisation par le biais de la société civile, des médias et des technologies de l’information et de la communication

La société civile, les médias et les TIC jouent un rôle important à la fois pour renforcer et reproduire les stéréotypes sexistes, mais également pour en venir à bout.

Le Comité recommande que les États parties:

a) Soulignent le rôle que les médias et les TIC peuvent jouer dans l’élimination des stéréotypes culturels relatifs aux femmes par rapport à leur droit d’accès à la justice sur un pied d’égalité, en accordant une attention particulière aux stéréotypes culturels lourds de conséquences concernant la discrimination et la violence sexistes, y compris la violence conjugale, le viol et les autres formes de violence sexuelle;

b) Élaborent et mettent en œuvre des mesures pour sensibiliser les médias et la population, en étroite collaboration avec les communautés et les organisations de la société civile, sur le droit des femmes à avoir accès à la justice. Ces mesures doivent avoir des dimensions multiples et s’adresser aux femmes et aux filles, ainsi qu’aux garçons et aux hommes, et doivent prendre en compte la pertinence et le potentiel des TIC pour transformer les stéréotypes culturels et sociaux;

c) Appuient et impliquent les organes de presse et les personnes qui travaillent avec les TIC dans un dialogue public continu au sujet des droits fondamentaux des femmes en général et plus particulièrement dans le contexte de l’accès à la justice;

d) Prennent des mesures pour promouvoir une culture et un environnement social dans le cadre desquels la recherche de la justice par les femmes est considérée à la fois comme légitime et acceptable plutôt que comme un motif de discrimination et/ou de stigmatisation supplémentaire.

E.Aide juridictionnelle et défense publique

La fourniture gratuite ou peu coûteuse d’une aide juridictionnelle, d’avis juridiques et de possibilités de représentation dans les procédures judiciaires et quasi judiciaires dans tous les domaines du droit est un élément crucial pour garantir l’accessibilité économique des systèmes de justice à toutes les femmes

Le Comité recommande que les États parties:

a) Institutionnalisent des systèmes d’aide juridictionnelle et de défense publique qui soient accessibles, durables et adaptés aux besoins des femmes, veillent à ce que ces services soient fournis de manière opportune, continue et efficace à tous les stades de la procédure judiciaire ou quasi judiciaire, y compris d’autres mécanismes de règlement des différends et processus de justice réparatrice, et s’assurent que les fournisseurs d’aide juridictionnelle et les avocats commis d’office bénéficient d’un accès sans entrave à toute la documentation et aux autres informations pertinentes, notamment les déclarations des témoins;

b) Veillent à ce que les fournisseurs d’aide juridictionnelle et les avocats commis d’office soient compétents et tiennent compte de la problématique hommes-femmes, respectent la confidentialité et disposent de suffisamment de temps pour défendre leurs clients;

c) Organisent des programmes d’information et de sensibilisation pour les femmes sur l’existence de services d’aide juridictionnelle et de défense publique et sur les conditions pour les obtenir en utilisant efficacement les TIC afin de faciliter ces programmes;

d) Concluent des partenariats avec des fournisseurs non gouvernementaux d’aide juridictionnelle et/ou forment les assistants juridiques afin de donner aux femmes les informations et l’assistance nécessaires pour qu’elles puissent s’y retrouver dans les processus judiciaires et quasi-judiciaires et les systèmes de justice traditionnels;

e) Dans les cas de conflit familial ou lorsqu’une femme n’a pas accès au revenu familial, l’utilisation de la vérification des ressources pour déterminer l’éligibilité à une aide juridictionnelle et à une défense publique doit être fondée sur le revenu réel ou les avoirs disponibles de la femme .

F.Ressources

Il est essentiel de disposer de ressources humaines hautement qualifiées, combinées avec des ressources techniques et financières adéquates, pour garantir la justiciabilité, la disponibilité, l’accessibilité, la bonne qualité, l’offre de voies de recours aux victimes et l’obligation de rendre compte des systèmes de justice.

Le Comité recommande que les États parties:

a) Fournissent une aide budgétaire et technique adéquate, et allouent des ressources humaines hautement qualifiées à tous les secteurs des systèmes de justice, y compris les organes judiciaires, quasi judiciaires et administratifs spécialisés, les autres mécanismes de règlement des différends, les institutions nationales des droits de l’homme et les bureaux des médiateurs;

b) Recherchent l’aide de sources externes, telles que les institutions spécialisées des Nations Unies, la communauté internationale et la société civile, lorsque les ressources nationales sont limitées, tout en s’assurant qu’à moyen et long terme, des ressources publiques suffisantes seront allouées aux systèmes de justice pour les pérenniser.

III.Recommandations pour des domaines spécifiques du droit

Compte tenu de la diversité des institutions et des dispositifs judiciaires à travers le monde, certains éléments considérés comme faisant partie d’un domaine du droit dans un pays peuvent être pris en compte dans d’autres domaines dans un autre pays. Par exemple, la définition de la discrimination peut être incluse ou non dans la Constitution, les ordonnances de protection peuvent être régies par le droit de la famille et/ou le droit pénal, et les questions liées aux demandes d’asile et aux réfugiés peuvent être gérées par les tribunaux administratifs ou les organes quasi judiciaires. Il est demandé aux États parties d’en tenir compte en lisant les paragraphes suivants.

A.Droit constitutionnel

Le Comité a remarqué que, dans la pratique, les États parties ayant adopté des garanties constitutionnelles relatives à l’égalité réelle entre les hommes et les femmes et intégré le droit international des droits de l’homme, y compris la Convention, dans leurs législations nationales sont mieux équipés pour garantir l’égalité des sexes dans l’accès à la justice. Au titre des articles 2 a) et 15 de la Convention, les États parties doivent intégrer le principe de l’égalité des hommes et des femmes dans leurs constitutions nationales ou dans toute autre législation appropriée, notamment par la création de tribunaux nationaux compétents et autres institutions publiques, et prendre des mesures pour garantir la réalisation de ce principe dans toutes les sphères de la vie publique et privée de même que dans tous les domaines du droit.

Le Comité recommande que les États parties:

a) Prévoient explicitement dans la Constitution la protection de l’égalité formelle et réelle et de la non-discrimination dans les sphères publiques et privées, notamment en ce qui concerne toutes les questions de situation personnelle, de famille, de mariage et de droit successoral, et dans tous les domaines du droit;

b) Lorsque les dispositions du droit international ne s’appliquent pas directement, intègrent totalement le droit international des droits de l’homme dans leurs cadres constitutionnels et législatifs afin de garantir effectivement l’accès des femmes à la justice;

c) Mettent en place les structures nécessaires pour garantir la disponibilité et l’accessibilité des mécanismes de contrôle judiciaire et de surveillance afin de superviser l’application de tous les droits fondamentaux, y compris du droit à une égalité réelle entre les sexes.

B.Droit civil

Dans certaines communautés, les femmes ne peuvent pas approcher les systèmes de justice sans l’aide d’un parent de sexe masculin, et les normes sociales bloquent leur capacité à exercer leur autonomie en dehors du ménage. L’article 15 de la Convention stipule que les femmes et les hommes doivent être égaux devant la loi et que les États parties doivent reconnaître à la femme, en matière civile, une capacité juridique identique à celle de l’homme et les mêmes possibilités pour exercer cette capacité. Les femmes doivent pouvoir avoir accès aux procédures et recours relevant du droit civil, notamment dans les domaines des contrats, de l’emploi privé, des dommages personnels, de la protection du consommateur, de l’héritage, des droits de propriété foncière et immobilière.

Le Comité recommande que les États parties:

a) Éliminent tous les obstacles sexistes à l’accès aux procédures relevant du droit civil, tels que la disposition selon laquelle les femmes doivent obtenir la permission des autorités judiciaires ou administratives ou de membres de leur famille avant d’entamer des actions en justice ou doivent fournir des documents prouvant leur identité ou un titre de propriété;

b) Appliquent les dispositions du paragraphe 3 de l’article 15 de la Convention selon lesquelles « Les États parties conviennent que tout contrat et tout autre instrument privé, de quelque type que ce soit, ayant un effet juridique visant à limiter la capacité juridique de la femme doivent être considérés comme nuls »;

c) Adoptent des mesures positives pour garantir que la liberté des femmes à passer des contrats et autres accords de droit privé soit respectée.

C.Droit de la famille

L’inégalité entre les membres de la famille sous-tend toutes les autres formes de discrimination que subissent les femmes et est souvent justifiée au moyen d’arguments idéologiques ou au nom de la tradition et de la culture. Le Comité a souligné à maintes reprises que les lois relatives à la famille et leurs mécanismes d’application doivent être conformes au principe d’égalité énoncé aux articles 2, 15 et 16 de la Convention.

Le Comité recommande que les États parties:

a) Adoptent sous forme écrite un code de la famille ou des lois relatives au statut personnel qui garantissent l’égalité des époux ou des concubins, indépendamment de leur appartenance religieuse ou ethnique ou du groupe dont ils font partie, conformément aux dispositions de la Convention et aux recommandations générales du Comité;13

b) Envisagent la création, au sein du même cadre institutionnel, de mécanismes judiciaires ou quasi judiciaires des affaires familiales prenant en compte la problématique hommes-femmes afin de traiter des questions relatives au règlement des problèmes de propriété, aux droits fonciers, aux questions d’héritage, à la dissolution du mariage et à la garde des enfants;

c) Veillent à ce que, là où il n’existe pas de code de la famille unifié et où il y a de multiples systèmes de droit familial, par exemple droit civil, autochtone, religieux et coutumier, les lois relatives à la situation personnelle prévoient une possibilité de choix individuel quant au droit de la famille applicable, à n’importe quel stade de la relation. À cet égard, les tribunaux étatiques doivent être habilités à contrôler les décisions de tous les autres tribunaux.

D.Droit pénal

Les lois pénales sont particulièrement importantes pour garantir aux femmes l’exercice de leurs droits fondamentaux, notamment leur droit d’accès à la justice sur un pied d’égalité. Au titre des articles 2 et 15 de la Convention, les États parties ont l’obligation de garantir aux femmes l’accès à la protection et aux recours offerts par le droit pénal et de veiller à ce qu’elles ne fassent pas l’objet d’une discrimination dans le cadre de ces systèmes, soit en tant que victimes soit en tant qu’auteurs d’actes délictueux. Certains codes ou lois de droit pénal et/ou codes de procédure pénale sont discriminatoires à l’égard des femmes en:

a) érigeant en infraction des comportements qui ne le sont pas ou qui ne sont pas punis aussi sévèrement s’ils sont accomplis par des hommes;

b) érigeant en infraction des comportements qui ne peuvent être effectués que par les femmes, tels que l’avortement;

c) omettant d’ériger en infraction ou d’agir avec la diligence voulue pour prévenir et fournir un recours dans les cas de délits touchant les femmes uniquement ou de manière disproportionnée;

d) emprisonnant les femmes pour des délits mineurs et/ou l’incapacité de payer une caution dans ce même type d’affaires.

Le Comité a également mis en évidence le fait que les femmes sont victimes de discrimination dans le domaine pénal en raison d’un manque de possibilités non privatives de liberté et prenant en compte la problématique hommes-femmes autres que la détention, ce qui est une carence dans la réponse aux besoins spécifiques des femmes détenues et une absence de mécanismes de suivi et d’examen indépendant tenant compte de ces besoins. La victimisation secondaire des femmes par le système de justice pénal a des répercussions sur leurs possibilités d’accès à la justice, en raison de la vulnérabilité accrue des femmes aux mauvais traitements et aux menaces psychiques et physiques lors de leur arrestation, de leur interrogatoire et pendant leur détention.

Les femmes sont également criminalisées de manière disproportionnée en raison de leur situation ou de leur statut, notamment celles qui pratiquent la prostitution, les migrantes, celles qui sont accusées d’adultère, les lesbiennes, bisexuelles, transgenres ou intersexuées, celles qui ont subi un avortement ou qui appartiennent à d’autres groupes discriminés.

Le Comité constate qu’un grand nombre de pays manquent cruellement de policiers formés et de juristes et criminalistes capables de répondre aux exigences des enquêtes criminelles.

Le Comité recommande que les États parties:

a) Agissent en toute diligence afin de prévenir tous les délits commis à l’égard de femmes par des acteurs étatiques ou non étatiques, enquêtent sur ces délits, les sanctionnent et offrent des réparations;

b) Veillent à ce que les délais légaux de prescription soient conformes aux intérêts des victimes;

c) Prennent des mesures efficaces pour protéger les femmes contre toute forme de victimisation secondaire de la part des autorités judiciaires et de celles chargées de l’application des lois, et envisagent la création de groupes spécialisés de la problématique hommes-femmes au sein des systèmes d’application des lois et de poursuites pénales;

d) Prennent des mesures appropriées pour créer des conditions favorables encourageant les femmes à revendiquer leurs droits, à faire rapport sur les délits commis à leur égard et à participer activement aux processus de justice pénale, et prennent des mesures pour prévenir les représailles contre les femmes ayant recours au système de justice. Pour élaborer des lois, des politiques et des programmes dans ce domaine, il conviendrait de procéder à des consultations avec des groupements de femmes et des organisations de la société civile;

e) Prennent des mesures, notamment l’adoption de lois, pour protéger les femmes contre les crimes et délits sur Internet;

f) S’abstiennent de subordonner l’apport d’un soutien et d’une assistance aux femmes, y compris l’octroi de permis de résidence, à la coopération avec les autorités judiciaires dans des cas de délits, en particulier dans le contexte de la traite des êtres humains et de la criminalité organisée;

g) Adoptent une approche confidentielle et tenant compte de la problématique hommes-femmes afin d’éviter toute stigmatisation, y compris toute victimisation secondaire dans les cas de violence, pendant toutes les procédures judiciaires, notamment lors des interrogatoires, de la collecte de preuves et de toute autre procédure relative à l’enquête;

h) Examinent les règlements de preuve et leur application, plus particulièrement dans les cas de violence à l’égard des femmes, et adoptent des mesures en tenant dûment compte des droits des victimes et des prévenues à un procès équitable dans les procédures pénales afin de garantir que les prescriptions relatives à la présentation de preuves ne soient pas indûment restrictives, inflexibles ou influencées par des stéréotypes sexistes;

i) Améliorent l’action de la justice pénale en cas de violence conjugale, notamment grâce à l’enregistrement des appels d’urgence, à la prise de preuves photographiques de destruction de biens et de signes de violence, et à l’examen de rapports établis par des médecins ou des assistants sociaux, autant d’éléments qui peuvent montrer comment la violence, même lorsqu’elle est exercée sans témoins, a des incidences importantes sur le bien-être physique, mental et social des victimes;

j) Prennent des mesures pour garantir que les demandes d’ordonnance de protection présentées par des femmes ne subissent pas des retards injustifiés et que tous les cas de discrimination sexiste relevant du droit pénal, y compris les cas impliquant de la violence, soient instruits de manière impartiale et en temps utile;

k) Élaborent des protocoles pour la police et les prestataires de soins de santé relatifs à la collecte et la préservation de preuves scientifiques dans les cas de violence à l’égard des femmes, et forment un nombre suffisant de policiers, de juristes et de criminalistes pour qu’ils mènent les enquêtes criminelles de manière compétente;

l) Suppriment la pénalisation discriminatoire et examinent et suivent toutes les procédures pénales afin de garantir qu’elles ne soient pas directement ou indirectement discriminatoires à l’égard des femmes, dépénalisent les comportements qui ne sont pas pénalisés ou punis aussi sévèrement s’ils sont accomplis par des hommes, dépénalisent les comportements qui ne peuvent être effectués que par les femmes, tels que l’avortement, et agissent avec la diligence voulue pour prévenir et fournir un recours dans les cas de délits touchant les femmes uniquement ou de manière disproportionnée, qu’ils soient commis par des acteurs étatiques ou non étatiques;

m) Surveillent de près les procédures de fixation des peines et éliminent toute discrimination à l’égard des femmes dans les sanctions prévues pour des délits spécifiques et des infractions de gravité moyenne et dans la détermination du droit à bénéficier de la libération conditionnelle ou d’une mise en liberté rapide;

n) Veillent à la création de mécanismes pour surveiller les lieux de détention, accordent une attention particulière à la situation des prisonnières et appliquent les directives et les normes internationales relatives au traitement des femmes détenues;

o) Conservent des données précises et des statistiques concernant le nombre de femmes dans chaque lieu de détention, les raisons de leur détention et sa durée, qu’elles soient ou non enceintes ou accompagnées d’un bébé ou d’un enfant, leurs possibilités d’accès à des services juridiques, sanitaires et sociaux et leur droit à bénéficier des moyens disponibles de réexamen de leur cas, de solutions alternatives non privatives de liberté et de possibilités de formation et à les utiliser;

p) Utilisent la détention préventive en dernier recours et pour une durée aussi brève que possible, et évitent la détention préventive ou l’emprisonnement après condamnation pour les délits mineurs ou l’impossibilité de verser la caution dans ce même type d’affaires.

E.Droit administratif, social et du travail

Conformément aux articles 2 et 15 de la Convention, la disponibilité et l’accessibilité des systèmes judiciaires et quasi-judiciaires et des voies de recours au titre du droit administratif, social et du travail doivent être garantis aux femmes sur un pied d’égalité. Les questions qui relèvent généralement de ce droit et qui ont une importance particulière pour les femmes comprennent notamment les services de santé, les dépenses obligatoires de sécurité sociale, les relations de travail, y compris l’égalité de rémunération, l’égalité des chances d’être embauchée et promue, l’égalité de rémunération des fonctionnaires, le logement et le zonage des sols, les prêts, les subventions et les bourses d’étude, les fonds de compensation et la gouvernance des ressources et de la politique d’Internet ainsi que la migration et l’asile.

Le Comité recommande que les États parties:

a) Veillent à ce qu’un examen indépendant, effectué conformément aux normes internationales, soit disponible pour toutes les décisions prises par des organismes administratifs;

b) Veillent à ce que toute décision relative au rejet d’une requête soit motivée et à ce que le requérant soit en mesure d’interjeter appel de cette décision devant un organisme compétent, et à ce que soit suspendu l’effet de toutes les décisions administratives antérieures dans l’attente de leur examen ultérieur par un tribunal. Ceci est particulièrement important dans le domaine du droit d’asile et de la migration, les requérants pouvant être expulsés avant d’avoir la possibilité de saisir la justice;

c) N’utilisent l’internement administratif qu’exceptionnellement, en dernier recours et pour une durée limitée, lorsque cela est nécessaire et raisonnable dans une situation donnée, en rapport avec une fin légitime et dans le respect des lois nationales et des normes internationales; veillent à ce que toutes les mesures appropriées, notamment une aide juridictionnelle et des mesures efficaces ont été mises en place pour permettre aux femmes de contester la légalité de leur internement; organisent des inspections régulières de ces internements en présence des détenues et veillent à ce que les conditions de l’internement administratif soient conformes aux normes internationales pertinentes pour assurer la protection des droits des femmes privées de leur liberté.

IV.Recommandations pour des mécanismes spécifiques

A.Systèmes judiciaires ou quasi judiciaires spécialisés et systèmes de justice internationaux ou régionaux

Les autres systèmes judiciaires et quasi judiciaires, notamment les tribunaux du travail, les tribunaux des revendications foncières, électoraux et militaires, les inspectorats et les organes administratifs, sont tenus de respecter les normes internationales d’indépendance, d’impartialité et d’efficacité et les dispositions du droit international des droits de l’homme, notamment les articles 2, 5 a) et 15 de la Convention.

Les situations transitionnelles et postconflictuelles peuvent poser davantage de problèmes aux femmes qui cherchent à faire valoir leurs droits d’accès à la justice. Dans sa recommandation générale no 30, le Comité met en lumière les obligations spécifiques des États parties en ce qui concerne l’accès des femmes à la justice dans de telles situations.

Le Comité recommande que les États parties:

a) Prennent toutes les mesures appropriées afin de garantir que tous les systèmes judiciaires et quasi-judiciaires soient disponibles et accessibles aux femmes et exercent leurs mandats avec les mêmes obligations que les tribunaux ordinaires;

b) Prévoient un contrôle indépendant et l’examen des décisions des systèmes judiciaires et quasi-judiciaires spécialisés;

c) Mettent en place des programmes, politiques et stratégies afin de faciliter et d’assurer l’égalité de la participation des femmes à tous les niveaux de ces systèmes judiciaires et quasi-judiciaires spécialisés;

d) Mettent en œuvre les recommandations relatives à l’accès des femmes à la justice dans des situations transitionnelles et postconflictuelles figurant au paragraphe 81 de la recommandation générale n o  30 en adoptant une approche globale, inclusive et participative des systèmes judiciaires transitionnels;

e) Veillent à l’application des instruments internationaux et des décisions des systèmes de justice internationaux et régionaux relatives aux droits des femmes et créent des mécanismes de surveillance pour l’application du droit international.

B.Autres méthodes de règlement des différends

Beaucoup de juridictions ont adopté des systèmes obligatoires ou facultatifs de médiation, de conciliation, d’arbitrage et de règlement collaboratif des différends, ainsi que de facilitation et de négociation fondée sur les intérêts. Cela est le cas en particulier dans les domaines du droit de la famille, de la violence conjugale, de la justice pour mineurs et du droit du travail. Les autres méthodes de règlement des différends sont parfois regroupées sous le terme de justice informelle, parce qu’elles sont liées aux procédures judiciaires formelles mais fonctionnent séparément. Ces méthodes informelles comprennent également les tribunaux autochtones non formels et les modes de règlement des différends au sein des chefferies, dans lesquels les chefs et autres responsables communautaires règlent les différends interpersonnels relatifs aux divorces, à la garde des enfants et aux litiges fonciers. Si ces processus peuvent assurer une plus grande souplesse et diminuer les coûts et les retards pour les femmes qui demandent que justice soit faite, ils peuvent aussi conduire à d’autres violations des droits des femmes et à l’impunité des auteurs dans la mesure où ils sont souvent fondés sur des valeurs patriarcales, ayant de ce fait des répercussions négatives sur l’accès des femmes à un contrôle judiciaire et à des recours.

Le Comité recommande que les États parties:

a) Informent les femmes de leurs droits d’utiliser la médiation, la conciliation, l’arbitrage et le règlement collaboratif des différends;

b) Garantissent que les autres procédures de règlement des différends ne limitent pas l’accès des femmes aux voies de recours judiciaires et autres, dans tous les domaines du droit, et n’entraînent pas de nouvelles violations de leurs droits;

c) Veillent à ce que les affaires de violence à l’égard des femmes, notamment de violence conjugale, ne soient en aucun cas transmises à d’autres mécanismes de règlement des différends.

C.Institutions nationales des droits de l’homme et bureaux des médiateurs

La création d’institutions nationales des droits de l’homme et de bureaux de médiateurs peuvent offrir aux femmes d’autres possibilités d’accès à la justice.

Le Comité recommande que les États parties:

a) Prennent des mesures:

i) Pour allouer des ressources suffisantes à la création et au fonctionnement durable d’institutions nationales indépendantes des droits de l’homme conformément aux principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (les Principes de Paris);

ii) Pour veiller à ce que leur composition et leurs activités tiennent compte de la problématique hommes-femmes;

b) Pour donner aux institutions nationales des droits de l’homme un mandat étendu et le pouvoir de connaître des plaintes relatives aux droits fondamentaux des femmes;

c) Pour faciliter l’accès des femmes à des processus de pétition individuels au sein des bureaux de médiateurs et des institutions nationales des droits de l’homme sur un pied d’égalité et leur donner la possibilité de déposer des plaintes concernant des formes multiples et croisées de discrimination;

d) Pour doter les institutions nationales des droits de l’homme et les bureaux de médiateurs de ressources adéquates et leur apporter un soutien pour des travaux de recherche.

A.Mécanismes de justice pluriels

Le Comité constate que les lois, les règlements, les procédures et les décisions d’un État peuvent parfois coexister, au sein d’un État partie donné, avec les lois et les pratiques religieuses, coutumières, autochtones ou communautaires. D’où l’existence de mécanismes de justice pluriels. Il existe, par conséquent, de multiples sources du droit qui peuvent être officiellement reconnues comme faisant partie de l’ordre juridique national ou être appliquées sans base juridique explicite. Les États parties ont l’obligation, au titre des articles 2, 5 a) et 15 de la Convention et d’autres instruments internationaux des droits de l’homme, de veiller au respect des droits des femmes sur un pied d’égalité et la protection des femmes contre des violations de leurs droits fondamentaux par tous les éléments constitutifs des systèmes de justice pluriels.

L’existence de systèmes de justice pluriels peut en elle-même limiter l’accès des femmes à la justice en perpétuant et renforçant des normes sociales discriminatoires. Dans de nombreux contextes, nonobstant l’existence de multiples voies d’accès à la justice dans les systèmes de justice pluriels, les femmes sont dans l’impossibilité de faire effectivement le choix d’un forum. Le Comité a constaté que, dans quelques États parties où le droit de la famille et/ou le droit personnel fondé sur des règles coutumières, religieuses ou communautaires coexistent avec des systèmes de droit civil, il se peut que les femmes, à titre individuel, ne connaissent pas bien les deux systèmes ou ne soient pas libres de décider quel est le régime qui leur est applicable.

Le Comité a constaté qu’il existe une série de modèles grâce auxquels les pratiques ancrées dans les systèmes de justice pluriels pourraient être harmonisées avec la Convention afin de réduire au minimum tout conflit de lois et de garantir aux femmes l’accès à la justice. Ces modèles comprennent notamment l’adoption de lois définissant clairement les relations entre les systèmes de justice pluriels existants, la création de mécanismes gouvernementaux de contrôle et la reconnaissance et la codification formelles des systèmes religieux, coutumiers, autochtones, communautaires et autres. Les États parties et les protagonistes non étatiques devront s’efforcer d’étudier de concert comment les systèmes de justice pluriels peuvent fonctionner ensemble pour renforcer la protection des droits des femmes.

Le Comité recommande aux États parties, en coopération avec les protagonistes non étatiques:

a) Prennent des mesures immédiates, notamment des programmes de renforcement des capacités et de formation sur les dispositions de la Convention et les droits des femmes, destinées au personnel du système de justice, pour assurer l’harmonisation des règles, procédures et pratiques des systèmes de justice religieux, coutumiers, autochtones et communautaires avec les normes relatives aux droits de l’homme inscrites dans la Convention et d’autres instruments internationaux des droits de l’homme;

b) Promulguent des lois visant à réglementer les relations entre les mécanismes des systèmes de justice pluriels afin de réduire les conflits potentiels;

c) Prévoient des sauvegardes contre les violations des droits fondamentaux des femmes en permettant aux tribunaux ou aux organismes administratifs nationaux d’examiner les activités de toutes les composantes des systèmes de justice pluriels, en accordant une attention spéciale aux tribunaux villageois et traditionnels;

d) Fassent en sorte que les femmes aient réellement la possibilité de choisir en connaissance de cause la loi applicable et le tribunal devant lequel elles préfèreraient être entendues;

e) Veillent à ce que des services d’aide juridique soient mis à la disposition des femmes afin de leur permettre de revendiquer leurs droits au sein des différents systèmes de justice pluriels en recrutant du personnel d’appui local qualifié pour apporter cette aide;

f) Assurent la participation égale des femmes dans les organismes mis en place pour surveiller, évaluer et faire rapport sur les opérations des systèmes de justice pluriels à tous les niveaux;

g) Favorisent le dialogue constructif et formalisent les liens entre les systèmes de justice pluriels notamment grâce à l’adoption de méthodes de partage des informations entre eux.

V.Retrait des réserves à la Convention

Un grand nombre de pays ont émis des réserves au sujet des articles suivants:

a) L’article 2 c), qui dispose que les États parties s’engagent à instaurer une protection juridictionnelle des droits des femmes sur un pied d’égalité avec les hommes et garantir, par le truchement des tribunaux nationaux compétents et d’autres institutions publiques, la protection effective de la femme contre tout acte discriminatoire;

b) L’article 5 a) de la Convention, qui stipule que les États parties sont tenus de prendre toutes les mesures appropriées pour modifier les schémas sociaux et culturels de conduite des hommes et des femmes afin d’éliminer les préjugés ainsi que toutes les pratiques coutumières et autres qui se fondent sur des idées relatives à l’infériorité ou la supériorité de l’un ou l’autre sexe ou sur les rôles stéréotypés des hommes et des femmes;

c) L’article 15, qui dispose que les États parties reconnaissent à la femme, en matière civile, une capacité juridique identique à celle de l’homme et les mêmes possibilités pour exercer cette capacité. Ils lui reconnaissent en particulier des droits égaux en ce qui concerne la conclusion de contrats et l’administration des biens et leur accordent le même traitement à tous les stades de la procédure judiciaire;

d) L’article 16, qui stipule que les États parties sont tenus de prendre toutes les mesures appropriées afin d’éliminer la discrimination à l’égard des femmes sur toutes les questions qui concernent le mariage et les relations familiales.

Compte tenu de l’importance fondamentale de l’accès des femmes à la justice, le Comité recommande aux États parties de retirer leurs réserves à la Convention, en particulier aux articles 2 c), 5 a), 15 et 16.

VI.Ratification du Protocole facultatif à la Convention

Le Protocole facultatif à la Convention constitue un système judiciaire international supplémentaire pour permettre aux femmes de déposer des plaintes au sujet de violations supposées des droits énoncés dans la Convention et au Comité d’enquêter sur des allégations de violations graves ou systématiques des droits définis dans la Convention, renforçant ainsi le droit d’accès à la justice des femmes. Dans le cadre de ses décisions sur les communications individuelles prises dans le cadre du Protocole facultatif, le Comité a formulé des interprétations concernant l’accès à la justice pour les femmes, notamment concernant la violence contre les femmes, les femmes en détention, la santé et l’emploi.

Le Comité recommande que les États parties:

a) Ratifient le Protocole facultatif;

b) Dirigent et encouragent la création et la diffusion de programmes, de ressources et d’activités de vulgarisation et d’éducation, dans différentes langues et sous différentes formes, pour informer les femmes, les organisations de la société civile et les institutions des procédures disponibles pour faciliter l’accès des femmes à la justice par le biais du Protocole facultatif.