Trente-neuvième session

23 juillet-10 août 2007

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes : Guinée

Le Comité a examiné le rapport unique valant quatrième, cinquième et sixième rapports périodiques de la Guinée (CEDAW/C/GIN/4-6) à ses 795e et 796e séances, le 25 juillet 2007 (voir CEDAW/C/SR.795 A et 796 A). La liste des questions posées par le Comité a été publiée sous la cote CEDAW/C/GIN/Q/6 et les réponses de la Guinée à ces questions sous la cote CEDAW/C/GIN/Q/6/Add.1.

Introduction

Le Comité exprime ses remerciements à l’État partie pour son rapport unique valant quatrième, cinquième et sixième rapports périodiques, empreint de franchise; cependant il déplore le fait que ce rapport fût attendu de longue date, qu’il ne soit pas conforme à ses directives pour les rapports et ne fasse pas référence aux recommandations générales du Comité, sans compter que les réponses écrites fournies à la liste des questions soulevées par le groupe de travail présession ne donnent pas directement suite aux nombreuses questions soulevées.

Le Comité exprime également ses remerciements pour le dialogue franc et constructif qui s’est noué entre ses membres et la délégation de l’État partie, qui a permis de cerner de plus près la situation réelle des femmes dans le pays.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau dirigée par la Ministre des affaires sociales, de la promotion féminine et de l’enfance et comprenant des représentants d’un certain nombre de ministères et de bureaux.

Aspects positifs

Le Comité félicite l’État partie d’avoir créé plusieurs institutions tendant à promouvoir l’égalité des sexes, notamment les comités pour l’égalité dans le système éducatif, les points focaux genre dans certains départements ministériels, l’Observatoire sur les droits des femmes à l’Assemblée nationale ainsi que le Comité national et les comités régionaux de suivi de la Convention.

Le Comité accueille avec satisfaction les progrès réalisés dans la lutte contre la traite des personnes, comme la création en 2005 du Comité national de lutte contre la traite, l’élaboration d’un plan d’action national, l’adhésion au Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, l’amendement du Code pénal et la conclusion, en 2005, d’un accord de coopération bilatéral et d’un accord multilatéral avec sept pays de l’Afrique de l’Ouest sur le rapatriement d’enfants victimes de la traite.

Le Comité félicite l’État partie pour diverses initiatives prises pour améliorer la santé des femmes, notamment le lancement d’un projet multisectoriel de lutte contre le VIH/sida, la mise du Secrétariat exécutif du Comité national de lutte contre le sida sous l’autorité de la Primature et l’augmentation du budget de l’État alloué au secteur de la santé en général, et à la santé maternelle en particulier, comme l’a déclaré oralement la délégation de l’État partie.

Le Comité prend acte avec satisfaction des efforts déployés par l’État partie pour autonomiser les femmes rurales, tels que la création du Service de la promotion rurale et de la vulgarisation, la mise en place du Programme triennal d’alphabétisation des femmes destiné à 300 000 femmes des zones communautaires et l’adoption du Code foncier et domanial.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Tout en rappelant l’ obligation de l’ État partie d’ appliquer systématiquement et continuellement toutes les dispositions de la Convention, le Comité considère que les sujets de préoccupation et les recommandations identifiés dans les présentes observations finales requièrent l’ attention prioritaire de l’ État partie d’ ici à la publication du prochain rapport périodique. En conséquence, le Comité invite l’ État partie à faire porter ses efforts sur ces domaines dans le cadre des activités d’ application de la Convention et à faire rapport sur les mesures prises et les résultats obtenus dans son prochain rapport périodique. Il invite l’ État partie à communiquer les présentes observations finales à tous les ministères concernés et au Parlement afin que les recommandations soient pleinement appliquées.

Tout en notant que la Convention fait partie intégrante du droit guinéen, le Comité constate que l’absence d’une disposition précise dans le droit guinéen, donnant une définition de la discrimination à l’égard des femmes conforme à l’article premier de la Convention, visant la discrimination tant directe qu’indirecte, constitue un obstacle à l’application intégrale de la Convention dans l’État partie, comme il l’a déjà indiqué dans ses observations finales précédentes (voir A/56/38, Part II, chap. IV, par. 118).

Le Comité rappelle qu’ il a recommandé à l’ État partie de renforcer ses capacités pour comprendre ce qu’ il faut entendre par « égalité réelle et non-discrimination », au sens où l’ exige la Convention, et d’ inclure, dans son droit interne, l’interdiction de la discrimination à l’ égard des femmes, englobant la discrimination tant directe qu’ indirecte, conformément à l’ article premier de la Convention.

Le Comité constate avec préoccupation que les juges, les avocats et les procureurs, et les femmes elles-mêmes, ne sont pas suffisamment au fait de ses recommandations générales ni des dispositions de la Convention. Il est également troublé par le fait que la Convention n’a pas encore été invoquée par des femmes dans les procédures internes ni appliquée par le pouvoir judiciaire. Il s’inquiète aussi que la capacité des femmes de saisir les tribunaux en cas de discrimination soit limitée par des obstacles tels que la pauvreté, l’analphabétisme, les difficultés d’ordre pratique pour saisir ces instances, le manque d’informations sur leurs droits reconnus et l’absence d’aide lorsqu’il s’agit de les faire respecter.

Le Comité invite l’ État partie à redoubler d’ efforts pour faire connaître la Convention et ses propres recommandations générales, et à mettre en œuvre à l’ intention des procureurs, juges et avocats des programmes de formation couvrant la Convention, afin d’ instaurer fermement dans le pays une culture juridique favorisant l’ égalité des sexes et la non-discrimination. Il l’ exhorte à fournir des services d’ assistance juridique et recommande que des campagnes de sensibilisation et d’ information juridique soient organisées à l’ intention des femmes, notamment de celles vivant en milieu rural, ainsi que des organisations non gouvernementales s’ occupant de la condition féminine, afin de les encourager à tirer parti des procédures et recours disponibles en cas de violation des droits que leur garantit la Convention. Il demande à l’ État partie de lever les obstacles qui peuvent entraver l’ accès des femmes, notamment celles vivant en milieu rural, à la justice et l’ invite à solliciter l’ aide de la communauté internationale pour appliquer des mesures qui dans la pratique faciliteront cet accès.

Tout en accueillant avec satisfaction le renforcement du mécanisme national pour la promotion de la femme avec la désignation de points focaux genre dans certains départements ministériels et la création de l’Observatoire sur les droits des femmes au sein de l’Assemblée nationale ainsi que du Comité national et des comités régionaux de suivi de la Convention, le Comité est préoccupé devant le fait que ces institutions ne soient pas en mesure de s’acquitter de leurs fonctions, faute de soutien. Il s’inquiète également que le mécanisme national n’ait pas assez de pouvoirs, ni de notoriété et de ressources financières pour mener à bien, comme il convient, sa mission consistant à assurer la promotion de la femme et l’égalité des sexes. Il est en outre préoccupé par l’insuffisance de la coordination et de la coopération entre le Ministère et les autres mécanismes institutionnels, eu égard à la promotion de l’égalité des sexes et à la prévention et à l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes.

Le Comité recommande que l’ État partie renforce son mécanisme national pour la promotion de la femme en définissant clairement le mandat et les responsabilités de ses diverses composantes et en leur allouant des ressources humaines et financières suffisantes pour faire en sorte qu’ elles puissent pleinement et correctement accomplir toutes leurs fonctions. Il faudrait, au titre de ces mesures, en particulier mettre en place les moyens requis pour mieux et plus effectivement assurer la coopération et la coordination entre les divers mécanismes, et renforcer la coopération avec la société civile.

S’il se félicite de la révision de la Politique nationale de la promotion féminine en 2006, le Comité note avec inquiétude que les politiques, programmes et plans d’action passés sur l’égalité des sexes n’aient fait l’objet d’aucune évaluation ni étude d’impact et que les mesures correctives nécessaires n’aient pas été prises.

Le Comité fait appel à l’ État partie pour qu’ il passe en revue les politiques et programmes antérieurs relatifs à l’ égalité des sexes afin de relever les carences, les lacunes et le manque de progrès, et mette à jour ses politiques, programmes et mesures à la lumière de cette évaluation. Il engage également l’ État partie à contrôler systématiquement la mise en œuvre de ses politiques et programmes relatifs à la parité entre les sexes, à évaluer leurs résultats et la mesure dans laquelle les objectifs définis ont été atteints, et à prendre au besoin des mesures correctives. Il l’ enjoint en outre d’ inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les résultats de ses politiques et programmes pour ce qui est de la promotion de l’ égalité des sexes.

Le Comité constate avec préoccupation l’absence de toute mesure temporaire spéciale telle que visée au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, et le fait que l’État partie semble ne pas comprendre pourquoi il est nécessaire de prendre des mesures temporaires spéciales.

Le Comité recommande que l’ État partie ait recours à des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’ article 4 de la Convention et à sa recommandation générale 25, comme élément d’ une stratégie conçue pour accélérer l’ instauration d’ une égalité réelle entre les hommes et les femmes. Il lui demande d’ envisager toute une gamme de mesures telles que quotas, critères, objectifs et incitations, eu égard notamment aux articles 7, 8, 10, 11 et 14 de la Convention.

Le Comité se déclare préoccupé par les retards accusés dans l’adoption du projet de code civil, partant la persistance de dispositions discriminatoires qui dénient aux femmes l’égalité de droits avec les hommes dans divers domaines.

Le Comité invite instamment l’ État partie à accorder un rang de priorité élevé à l’ achèvement du processus nécessaire à l’ adoption du projet de code civil et à adopter ce dernier sans retard, selon un calendrier clair, afin de rapidement en aligner les dispositions pertinentes sur la Convention, s’ agissant en particulier des articles 9, 13, 15 et 16 de la Convention.

Le Comité s’inquiète de l’existence d’une idéologie patriarcale aux stéréotypes solidement ancrés concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société. Il s’inquiète également de la persistance de règles, de coutumes et de traditions culturelles néfastes et fermement enracinées, à savoir notamment le mariage forcé et le mariage précoce, les mutilations génitales féminines, qui sont discriminatoires à l’égard des femmes, perpétuent la violence contre elles et constituent de graves obstacles à l’exercice, par elles, de leurs droits fondamentaux.

Le Comité prie instamment l’ État partie de bien vouloir considérer la culture comme un élément dynamique de la vie en société et du tissu social du pays, qui peut par conséquent évoluer. Il engage l’ État partie à mettre en place sans plus tarder une stratégie d’ ensemble assortie d’ objectifs et d’ échéances clairs afin de modifier ou d’ éliminer les pratiques culturelles et les stéréotypes préjudiciables qui constituent des discriminations à l’ encontre des femmes, et de promouvoir le plein exercice par celles-ci de leurs droits fondamentaux. Il l’ exhorte aussi à mettre en place des mécanismes de suivi afin d’ évaluer régulièrement les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs fixés. Il lui demande d’ engager ces efforts en collaboration avec la société civile, les organisations de femmes, et les dirigeants locaux et chefs religieux, et de rendre compte dans son prochain rapport périodique des mesures prises et des résultats obtenus.

Tout en notant que les mutilations génitales féminines ont une assise culturelle solidement enracinée et tout en se félicitant de la promulgation de la loi L/2000/010/AN du 10 juillet 2000 sur la santé en matière de procréation qui interdit les mutilations génitales féminines et institue d’autres mesures, telles que l’interdiction de la pratique de ces mutilations dans les centres de santé, le Comité est profondément préoccupé par la persistance et l’incidence très élevée de cette pratique néfaste, qui est une grave violation des droits fondamentaux des filles et des femmes de même que des obligations contractées par l’État partie en vertu de la Convention. Il est également préoccupé par l’impunité dont jouissent les auteurs de cette pratique. Il note les graves complications d’ordre sanitaire qui peuvent découler, pour les filles et les femmes, de la pratique des mutilations génitales féminines, et peuvent, dans certains cas, entraîner la mort.

Il engage l’ État partie à populariser la loi sur la santé en matière de procréation qui interdit les mutilations génitales féminines et à la faire appliquer, notamment en poursuivant et en punissant comme il se doit les coupables. Le Comité l’ engage aussi à renforcer ses efforts de sensibilisation et d’ éducation visant les hommes et les femmes, avec l’ appui de la société civile et des chefs religieux, afin d’ éliminer cette pratique et ses justifications culturelles sous-jacentes. Il encourage l’ État partie à mettre au point des programmes afin de trouver d’ autres sources de revenus pour les personnes dont les mutilations génitales féminines sont le métier. Il invite l’ État partie à se pencher sur la pathologie des mutilations génitales féminines et à offrir une aide médicale à celles qui les ont subies. À ce propos, il encourage l’ État partie à solliciter l’ assistance technique du Fonds des Nations Unies pour la population et de l’ Organisation mondiale de la santé.

Le Comité demeure préoccupé par la fréquence des cas de violence contre les femmes et les filles. Il s’inquiète tout particulièrement des cas de violence familiale, de viol, notamment conjugal, de toutes les formes d’abus sexuel des femmes et de la persistance d’attitudes patriarcales qui permettent le châtiment physique des membres de la famille, dont les femmes. Il s’inquiète en outre du fait que le rapport ne contienne pas de données sur la fréquence des différentes formes de violence à l’égard des femmes, qu’une loi tendant à traiter la violence familiale de façon approfondie fasse défaut, que le public ne semble pas être au courant de cette violation des droits fondamentaux des femmes et que les victimes ne bénéficient pas d’un soutien suffisant.

Le Comité engage vivement l’ État partie à donner la primauté à l’ adoption d’ une démarche globale qui permette de combattre toutes les formes de violence dirigée contre les femmes. Il l’ encourage à tenir pleinement compte de sa recommandation générale 19 lors qu’ il s’ efforce de lutter contre la violence à l’ égard des femmes, ainsi que de l’ étude approfondie du Secrétaire général sur toutes les formes de violence à l’ égard des femmes (A/61/122/Add.1 et Corr.1). Il le prie instamment de faire appel aux médias et aux programmes éducatifs pour faire comprendre à la population que toutes les formes de violence dirigée contre les femmes sont inacceptables. Il lui demande de dispenser une formation à l’ intention des magistrats, des agents chargés de l’ application de la loi, des membres des professions juridiques, des travailleurs sociaux et du personnel médical afin de veiller à ce que les auteurs d’ actes de violence contre des femmes soient poursuivis en justice et sanctionnés avec la détermination et la diligence voulues, et d’ assurer aux victimes un soutien véritable axé sur les sexospécificités. Il l’ invite à élargir l’ accès des victimes aux remèdes juridiques et à prendre des mesures pour les aider, notamment en leur offrant des centres d’ accueil et une aide juridique, médicale et psychologique. Il l’ enjoint de promulguer sans plus tarder une loi sur la violence familiale, notamment le viol conjugal, et toutes les formes d’ abus sexuel des femmes, comme demandé dans ses observations finales précédentes (voir A/56/38, Part II, chap. IV, par. 135). Il le prie de donner dans son prochain rapport des renseignements sur les lois, mesures et programmes en place et sur leur effet pour s’ attaquer à toutes les formes de violence à l’ égard des femmes ainsi que des données statistiques et tendancielles sur la prévalence des diverses formes de cette violence.

Tout en se félicitant des efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la traite des femmes et des filles, le Comité demeure préoccupé par l’absence de mesures efficaces visant à lutter contre ce phénomène, ses causes et son ampleur, notamment du point de vue de l’État partie en tant que pays d’origine, de transit et de destination. De plus, le Comité s’inquiète du manque d’informations et de données statistiques sur l’ampleur de la traite des femmes et des filles, en particulier de la traite interne des zones rurales vers les zones urbaines.

Le Comité prie instamment l’ État partie de déployer des efforts pour déterminer les causes et l’ ampleur de la traite des femmes et des filles, de son point de vue de pays d’ origine, de transit et de destination, ainsi que pour déterminer l’ ampleur de la traite interne. Il lui recommande de renforcer les mesures visant à combattre et à prévenir la traite des femmes et des filles et à améliorer la situation économique des femmes afin qu’ elles ne soient plus vulnérables face à l’ exploitation et aux proxénètes. Il lui demande de donner, dans son prochain rapport périodique, des renseignements détaillés sur la traite des femmes et des filles.

Le Comité se déclare de nouveau préoccupé par le fait que les femmes continuent d’être sous-représentées dans la vie publique et politique et aux postes de décision, notamment à l’Assemblée nationale, au Gouvernement, dans le service diplomatique et les organes locaux. Il constate avec inquiétude la baisse de 2002 à 2007 du nombre de femmes occupant des postes de rang élevé et des postes de décision, en particulier de femmes parlementaires, de femmes ministres et de femmes secrétaires générales de ministère.

Le Comité incite l’ État partie à prendre des mesures fermes, y compris des dispositions temporaires spéciales, comme le prévoient le paragraphe 1 de l’ article 4 de la Convention et la recommandation générale 25 du Comité concernant les mesures temporaires spéciales, et à arrêter des objectifs concrets assortis de délais pour accroître la représentation des femmes dans les organes dont les membres sont élus ou nommés, dans toutes les sphères de la vie publique, y compris le service diplomatique, à tous les niveaux, et à suivre leur application. Il recommande en outre que des efforts supplémentaires soient consentis pour augmenter le nombre de femmes occupant des postes de décision dans l’ administration publique et dans le secteur privé. Étant donné la tenue des élections législatives en décembre 2007, il invite instamment l’ État partie à organiser des campagnes de sensibilisation, à œuvrer de concert avec les partis politiques afin d’ augmenter le nombre de candidates et à mettre au point des programmes de formation et d’ encadrement ciblés destinés aux candidates. Il l’ invite en outre à mettre en lumière l’ importance que revêt pour la société tout entière la pleine participation des femmes, sur un pied d’ égalité avec les hommes, aux décisions intéressant le développement du pays.

Le Comité constate avec préoccupation que certaines dispositions du Code civil restent en contradiction avec l’article 9 de la Convention sur la nationalité et sont discriminatoires à l’égard des femmes guinéennes.

Le Comité invite l’ État partie à modifier sans tarder le Code civil de manière à le conformer à l’ article 9 de la Convention.

Tout en notant avec satisfaction l’introduction dans le cursus des centres d’appui à l’autopromotion féminine (CAAF) des modules d’alphabétisation fonctionnelle et la création, en 2003, d’une chaire UNESCO « Femmes, genre, société et développement » à l’Université de Conakry, le Comité demeure préoccupé par le taux très élevé d’analphabétisme chez les femmes et les filles, net indice de discrimination directe et indirecte selon l’article 10. Il s’inquiète également de la très faible présence de filles dans l’enseignement supérieur, de leur faible taux de scolarisation, en particulier dans les zones rurales, et du fort taux d’abandon scolaire chez les filles, notamment pour des raisons comme la grossesse et le mariage précoce ou forcé. Il s’inquiète en outre des carences dans l’infrastructure éducative et de l’insuffisance d’écoles et de professeurs qualifiés ainsi que du fardeau économique que suppose la scolarisation des filles pour leurs parents.

Le Comité prie instamment l’État partie de faire comprendre l’importance de l’éducation, droit fondamental et assise de l’habilitation des femmes, et de prendre des mesures pour surmonter les attitudes traditionnelles qui perpétuent la discrimination et la non-conformité aux dispositions de l’article 10 de la Convention. Il recommande que l’État partie prenne des mesures pour que les filles et les femmes aient le même accès que les hommes à tous les niveaux d’éducation et pour assurer le maintien des filles à l’école, notamment en recourant à des mesures temporaires spéciales conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale 25 du Comité, comme par exemple à des mesures incitant les parents à envoyer les filles à l’école. Le Comité invite l’État partie à tout faire pour améliorer l’alphabétisation des filles et des femmes par l’adoption de programmes complets d’éducation scolaire ou non et par l’éducation et la formation des adultes. Il le prie de prendre des mesures spécifiques pour permettre aux filles enceintes de terminer leurs études après avoir accouché et pour lutter contre les mariages précoces et forcés qui font obstacle à leur éducation. Il encourage l’État partie à renforcer sa collaboration avec la société civile et à chercher l’appui accru de la communauté internationale et des organisations de donateurs pour accélérer l’exécution de l’article 10 de la Convention.

Le Comité s’inquiète du taux élevé de chômage des femmes, par suite notamment de la compression des effectifs de la fonction publique. Il s’inquiète aussi de la ségrégation professionnelle et de la concentration des femmes dans les secteurs de main-d’œuvre à bas salaire et sans qualifications. Il s’inquiète en outre de ce que l’accès des femmes aux emplois n’est pas égal à celui des hommes, si bien qu’elles sont surreprésentées dans le secteur non structuré qui ne fournit aucune protection sociale. Le Comité regrette que le rapport ne communique pas d’informations ou de données sur l’article 11, y compris sur les conditions de travail des femmes et leurs salaires, les prestations sociales, le congé de maternité, la sécurité et la santé au travail ainsi que sur les possibilités de formation et de reconversion qui s’offrent aux chômeuses.

Le Comité prie instamment l’État partie d’appliquer pleinement l’article 11 de la Convention. Il lui demande d’éliminer les obstacles auxquels les femmes se heurtent dans le domaine de l’emploi et lui recommande de prendre des mesures pour encourager et appuyer l’esprit d’entreprise des femmes, notamment en leur dispensant une formation et en leur permettant d’accéder au crédit. Il invite l’État partie à fournir dans son prochain rapport des informations détaillées sur la situation des femmes face à l’emploi et au travail dans les secteurs structurés et non structurés, et sur les mesures prises et leurs effets pour égaliser les possibilités offertes aux deux sexes.

Tout en se félicitant des initiatives récemment prises pour améliorer la santé des femmes, le Comité demeure préoccupé par le faible accès des femmes à des services de santé adéquats, en particulier à l’information sur les soins prénatals et postnatals et la planification familiale, notamment en zone rurale. Il est alarmé par le taux de mortalité maternelle chroniquement élevé – le plus élevé de l’Afrique subsaharienne, qui témoigne du manque de soins obstétricaux – et par le fort taux de mortalité infantile. Le Comité est également alarmé par l’augmentation des taux d’infection de femmes par le VIH/sida.

Le Comité prie instamment l’État partie de poursuivre ses efforts visant à améliorer l’infrastructure sanitaire du pays. Il lui demande d’intégrer le souci de l’égalité des sexes dans toutes les réformes du secteur de la santé, tout en veillant à tenir dûment compte des besoins des femmes dans les domaines de la sexualité et de la santé procréative et à appliquer pleinement à cette fin l’article 12 et la recommandation générale 24 du Comité. Le Comité recommande en particulier que l’État partie prenne les mesures qui s’imposent pour améliorer l’accès des femmes aux soins et aux services de santé ainsi qu’à l’information connexe, notamment pour les femmes vivant en zone rurale. Il invite l’État partie à améliorer la disponibilité des services en matière de sexualité et de santé de la procréation, notamment l’information et les services de planification familiale ainsi que l’accès aux services prénatals, postnatals et obstétricaux afin de réduire la mortalité infantile et de réaliser l’objectif du Millénaire relatif à la réduction de la mortalité maternelle. Le Comité recommande également l’exécution d’un programme systématique et à délais fixes pour réduire la mortalité infantile. Il encourage l’État partie à solliciter l’appui technique du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) dans ces domaines. Il recommande aussi que des programmes et des mesures soient adoptés pour faire mieux connaître les méthodes de contraception à bas prix et y donner accès afin que les femmes et les hommes puissent faire des choix éclairés quant au nombre de leurs enfants et à l’espacement des naissances. Il recommande en outre que l’éducation sexuelle soit largement encouragée et s’adresse aux filles et aux garçons, un accent particulier étant mis sur la prévention des grossesses précoces et la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles et le VIH/sida. Il demande aussi à l’État partie d’assurer la mise en œuvre intégrale de la législation et des politiques concernant le VIH/sida, et de solliciter à cet égard l’assistance technique de l’Organisation mondiale de la santé et du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida.

Le Comité s’inquiète de l’existence de dispositions discriminatoires en ce qui concerne les prestations familiales, dans la mesure où seul l’époux, considéré comme le chef de famille, en bénéficie.

Le Comité prie instamment l’État partie d’abroger les dispositions discriminatoires en ce qui concerne les prestations familiales, conformément à l’article 13 de la Convention.

Le Comité craint que la pauvreté répandue chez les femmes et leurs piètres conditions socioéconomiques ne comptent parmi les causes de la violation des droits des femmes et de la discrimination dont elles font l’objet. Il s’inquiète tout particulièrement de la situation des femmes rurales, compte tenu surtout de leurs conditions de vie précaires et de leur manque d’accès à la justice, aux soins de santé, à la propriété de la terre, à l’héritage, à l’éducation, au crédit et aux services de proximité. Il s’inquiète en outre des obstacles pratiques qui entravent l’accès des femmes au crédit, notamment l’absence de garanties ou le manque d’intérêt des institutions classiques pour les activités agricoles.

Le Comité prie instamment l’État partie de faire de la promotion de l’égalité des sexes une composante spécifique de ses plans et politiques de développement national, en particulier les plans et politiques visant à réduire la pauvreté et en faveur du développement durable. Il le prie aussi d’accorder une attention particulière aux besoins des femmes rurales, en faisant en sorte qu’elles participent aux processus de prise de décisions et qu’elles aient pleinement accès à la justice, à l’éducation, à la santé et au crédit. Il le prie en outre de prendre des mesures appropriées pour éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes au niveau de la propriété et de l’héritage de terres. Le Comité invite l’État partie à veiller à intégrer le souci de l’égalité des sexes dans tous les plans et stratégies d’élimination de la pauvreté. Enfin, il recommande que l’État partie réunisse des données sur la situation des femmes rurales et les incorpore avec une analyse dans son prochain rapport périodique.

Le Comité s’inquiète de la présence dans le Code civil de plusieurs dispositions discriminatoires qui, en particulier, fixent l’âge du mariage à 17 ans pour les femmes et à 18 ans pour les hommes, ou consacrent le mari comme chef de famille à qui revient, en tant que tel, le choix du domicile, et les dispositions concernant la garde des enfants mineurs et le partage inégal des responsabilités entre époux.

Le Comité prie instamment l’État partie de s’attacher en priorité à adopter rapidement le projet de code civil afin d’en conformer sans tarder les dispositions pertinentes aux articles premier, 2, 15 et 16 de la Convention. Il l’invite à redoubler d’efforts pour sensibiliser l’opinion publique à l’importance de cette réforme pour une mise en œuvre intégrale de ses dispositions.

Le Comité regrette que le rapport ne contienne pas assez de données statistiques ventilées par sexe et par ethnie sur la concrétisation du principe d’égalité des sexes dans tous les domaines visés par la Convention. Il regrette aussi que le rapport ne donne pas assez d’informations sur l’effet et les résultats des mesures juridiques et politiques prises.

Le Comité prie instamment l’État partie de développer son système de collecte de données, de demander une assistance technique à la communauté internationale et d’inclure dans son prochain rapport des données ventilées par sexe. Il recommande également que l’État partie fasse régulièrement le point de ses réformes législatives, de ses politiques et de ses programmes pour s’assurer que les mesures prises atteignent les objectifs recherchés et que, dans son prochain rapport, il informe le Comité de ses conclusions à cet égard.

Le Comité encourage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et à accepter dès que possible l’amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant la périodicité de ses réunions.

Le Comité engage l’État partie à tenir le plus grand compte, dans l’exécution de ses obligations selon la Convention, de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing qui renforcent les dispositions de la Convention, et il le prie de donner dans son prochain rapport périodique des renseignements à cet égard.

Le Comité souligne également que l’ application intégrale et efficace de la Convention est indispensable pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement. Dans tous les efforts visant à les réaliser, il préconise donc l’inclusion d’une perspective sexospécifique et la prise en compte explicite des dispositions de la Convention et il prie l’État partie de donner des renseignements à cet égard dans son prochain rapport périodique.

Le Comité félicite l’État partie pour avoir ratifié les sept grands instruments internationaux concernant les droits de l’homme et relève que l’adhésion de l’État partie à ces instruments aide les femmes à jouir de leurs droits et de leurs libertés fondamentales dans tous les domaines de la vie.

Le Comité demande que soient largement diffusées en Guinée les présentes observations finales afin d’y faire connaître à la population et notamment aux fonctionnaires, aux politiques, aux parlementaires et aux organisations de défense des femmes et des droits de l’homme, les mesures prises pour instaurer en droit et en fait l’égalité des sexes ainsi que les autres mesures voulues à cet égard. En particulier, le Comité encourage l’État partie à convoquer un colloque public destiné à informer le public avec la participation de tous les acteurs de l’État, ainsi que de la société civile, pour examiner la présentation du rapport et le contenu des observations finales. Il demande à l’État partie de continuer de diffuser largement, notamment auprès des organisations de défense des femmes et des droits de l’homme, la Convention et son Protocole facultatif, les recommandations générales du Comité, la Déclaration et le Programme d’action de Beijing et les résultats de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale intitulée « Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e  siècle ».

Le Comité prie l’État partie de tenir compte des préoccupations exprimées dans les présentes observations finales lorsque, conformément à l’article 18 de la Convention, il établira son prochain rapport périodique. Il l’invite à présenter son septième rapport périodique, qui est attendu en septembre 2007, et son huitième rapport périodique, attendu en juin 2011, sous forme de rapport unique en 2011.