Observations finales concernant le sixième rapport périodique de la Géorgie *

Le Comité a examiné le sixième rapport périodique de la Géorgie (CEDAW/C/GEO/6) à ses 1943e et 1944e séances (CEDAW/C/SR.1943 et CEDAW/C/SR.1944), tenues le 8 février 2023. La liste de points et de questions soulevés par le groupe de travail de présession figure dans le document publié sous la cote CEDAW/C/GEO/Q/6, et les réponses de la Géorgie dans le document publié sous la cote CEDAW/C/GEO/RQ/6.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le sixième rapport périodique de l’État partie. Il remercie ce dernier pour son rapport de suivi sur les précédentes observations finales du Comité (CEDAW/C/GEO/CO/4-5/Add.1) et pour ses réponses écrites à la liste de points et de questions soulevés par le groupe de travail de présession. Il remercie également l’État partie pour l’exposé oral de sa délégation et les éclaircissements complémentaires donnés en réponse aux questions que le Comité a posées oralement au cours du dialogue.

Le Comité félicite l’État partie pour sa délégation de haut niveau, dirigée par Niko Tatulashvili, conseiller du Premier Ministre pour les questions relatives aux droits humains, et composée de représentants du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de la justice, du Ministère de l’intérieur, du Bureau du Ministre d’État pour la réconciliation et l’égalité civique, du Ministère de l’éducation et des sciences, du Ministère des personnes déplacées des territoires occupés, du travail, de la santé et des affaires sociales, du Bureau du Procureur général, du Conseil supérieur de la magistrature, de l’Administration du Gouvernement géorgien et d’un député, ainsi que d’Alexander Maisuradze, Ambassadeur et Représentant permanent de la Géorgie, et d’autres représentants de la Mission permanente de la Géorgie auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève.

* Adoptées par le Comité à sa quatre-vingt-quatrième session (6 au 24 février 2023).

B.Aspects positifs

Le Comité se félicite des progrès accomplis sur le front des réformes législatives depuis l’examen, en 2014, du rapport unique valant quatrième et cinquième rapports périodiques (CEDAW/C/GEO/4-5), en particulier l’adoption des mesures suivantes :

a)Décret gouvernemental no 523 du 9 novembre 2022, instaurant la règle selon laquelle les victimes de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, y compris la violence domestique, peuvent obtenir une indemnisation financée par l’État auprès de l’Agence nationale chargée des soins, conformément à une décision de justice ;

b)Modifications apportées à la Loi organique sur les actes normatifs, exigeant des évaluations des incidences pour les femmes et les hommes des projets de loi présentés, en 2022 ;

c)Modifications législatives supprimant l’exigence du statut officiel de « victime de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre » pour l’accès aux services d’aide financés par l’État, introduites en 2022 et prenant effet le 1er juillet 2023 ;

d)Modifications législatives visant à ériger en infractions le mariage forcé, les mutilations génitales féminines, le harcèlement obsessionnel et la stérilisation forcée, en 2017 ;

e)Modifications apportées à l’article 11(3) de la Constitution sur le droit à l’égalité, qui stipule que « L’État assure l’égalité des droits et des chances entre les femmes et les hommes. L’État prend des mesures spéciales pour assurer l’égalité réelle des femmes et des hommes et pour éliminer les inégalités », en 2017 ;

f)Modifications apportées à la Loi sur l’égalité femmes-hommes et au Code d’autoadministration locale dans le but de créer des postes de conseillers à l’égalité femmes-hommes en tant que mécanisme institutionnel permanent au sein des municipalités, en 2016 ;

g)Loi sur l’élimination de toutes les formes de discrimination, qui vise à éliminer la discrimination fondée sur le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité de genre et l’expression de genre, en 2014.

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et stratégique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des genres, notamment l’adoption ou la mise en place de ce qui suit :

a)Politique nationale sur l’égalité femmes-hommes, en 2022 ;

b)Plan d’action national contre la traite des personnes (2022-2024), en 2022 ;

c)Plan d’action national pour l’élimination des violences faites aux femmes, en 2022 ;

d)Quatrième Plan d’action national sur les femmes et la paix et la sécurité (2022-2024), en 2022 ;

e)Stratégie et Plan d’action pour l’égalité femmes-hommes, élaborés par le Bureau de la fonction publique en vue de mettre en place une fonction publique tenant compte des questions de genre, en 2022 ;

f)Stratégie pour l’égalité femmes-hommes (2022-2025) pour le Ministère des affaires étrangères, en 2021 ;

g)Commission interinstitutionnelle sur l’égalité des genres, la violence à l’égard des femmes et la violence intrafamiliale, en 2017 ;

h)Stratégie nationale sur les soins de santé maternelle et infantile (2017-2030), en 2017.

Le Comité note avec satisfaction que, depuis l’examen du précédent rapport, l’État partie a ratifié les instruments internationaux et régionaux ci-après, ou y a adhéré :

a)Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2021 ;

b)Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul), en 2017 ;

c)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, en 2016.

C.Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite du soutien apporté par la communauté internationale aux objectifs de développement durable et préconise le respect de l’égalité des genres en droit ( de jure ) et dans les faits ( de facto ), conformément aux dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, dans tous les aspects de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il rappelle l’importance de l’objectif 5 et de la prise en compte systématique des principes d’égalité et de non-discrimination dans la réalisation des 17 objectifs. Il encourage vivement l’État partie à reconnaître le rôle moteur joué par les femmes dans le développement durable de la Géorgie et à adopter des politiques et des stratégies en conséquence.

D.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s’agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir A/65/38 , deuxième partie, annexe VI). Il invite le Parlement, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant que l’État partie ne soumette son prochain rapport périodique en application de la Convention.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Visibilité de la Convention, du Protocole facultatif et des recommandations générales du Comité

Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour améliorer la visibilité de la Convention, du Protocole facultatif s’y rapportant et des recommandations générales du Comité, notamment en renforçant les capacités des parties prenantes et en organisant des campagnes de sensibilisation du public aux droits des femmes, à l’égalité femmes-hommes et à la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, y compris la violence domestique, en partenariat avec les partenaires de développement et les organisations locales de la société civile, et au moyen d’une stratégie de communication pour 2018-2020 sur le mandat du Conseil pour l’égalité des genres en tant qu’organe consultatif permanent auprès du Parlement. Il est toutefois préoccupé par le fait que les femmes appartenant à des groupes défavorisés et marginalisés tels que les femmes des zones rurales, les femmes issues de minorités ethniques, les femmes handicapées, les femmes déplacées à l’intérieur du pays et les femmes vivant dans des zones touchées par des conflits, ainsi que les femmes réfugiées, demandeuses d’asile, migrantes ou apatrides, ne connaissent et n’utilisent que très peu les services publics dans ce domaine.

Rappelant sa recommandation précédente ( CEDAW/C/GEO/CO/4-5 , par. 9), le Comité recommande que l’État partie :

a)Intensifie ses efforts pour diffuser largement et faire connaître la Convention, le Protocole facultatif et les observations finales et recommandations générales du Comité et fournisse des informations dans son prochain rapport périodique sur les mesures prises pour donner suite aux constatations du Comité concernant la communication n o 140/2019 (H.H., I.H. et Y.H. c. Géorgie/Jeiranova)  ;

b)Envisage de mettre en place un mécanisme global de mise en œuvre des présentes observations finales et y associe le Bureau du Défenseur public de Géorgie et les organisations non gouvernementales de défense des droits des femmes et de promotion de l’égalité femmes-hommes, en tenant compte des quatre capacités essentielles que doit posséder un mécanisme national d’élaboration des rapports et de suivi, à savoir être en mesure de collaborer, d’assurer la coordination, de mener des consultations et de gérer l’information  ;

c)Sensibilise les femmes aux droits que leur confère la Convention et aux recours judiciaires dont elles disposent pour dénoncer les violations de ces droits, et veille à ce que des informations sur la Convention, le Protocole facultatif s’y rapportant et les recommandations générales du Comité soient accessibles à toutes les femmes, y compris celles qui appartiennent à des groupes défavorisés et marginalisés.

Cadre constitutionnel et législatif et statut juridique de la Convention

Le Comité se félicite que l’État partie ait modifié sa Constitution en 2017 afin de consacrer le principe de l’égalité réelle des femmes et des hommes (article 11) et que plusieurs décisions des tribunaux géorgiens citent la Convention et la jurisprudence du Comité. Il note cependant avec préoccupation les éléments suivants :

a)Le conflit non résolu entre la Fédération de Russie et l’État partie, qui laisse l’Abkhazie (Géorgie) et la région de Tskhinvali/Ossétie du Sud (Géorgie) hors du contrôle effectif de l’État partie, expose les femmes et les filles à un risque accru de violence fondée sur le genre et se traduit par un manque de protection et d’accès aux services de réadaptation psychosociale, ainsi que par le déplacement continu des femmes à l’intérieur du pays ;

b)La Loi sur l’égalité femmes-hommes de 2010 n’a pas encore été révisée de manière à accélérer la réalisation de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, malgré les amendements constitutionnels de 2017 ;

c)Le manque de données complètes sur les décisions de justice dans lesquelles la Convention a été directement appliquée ou la législation nationale a été interprétée en conformité avec la Convention, et l’absence d’informations sur l’issue des décisions mentionnées par l’État partie dans ses réponses à la liste de questions (CEDAW/C/GEO/RQ/6, par. 26 et 27).

Rappelant sa recommandation précédente ( CEDAW/C/GEO/CO/4-5 , par. 13), le Comité recommande que l’État partie :

a)Poursuive ses efforts, notamment par l’intermédiaire du Ministère d’État à la réconciliation et à l’égalité civique et dans les diverses instances internationales compétentes, pour faire en sorte que les femmes et les filles d’Abkhazie (Géorgie) et de la région de Tskhinvali/Ossétie du Sud (Géorgie) puissent exercer les droits que leur confère la Convention ;

b)Révise la Loi sur l’égalité femmes-hommes de 2010 pour la mettre en conformité avec les récents amendements constitutionnels afin d’accélérer la réalisation de l’égalité en droit (de jure) et dans les faits (de facto) entre les femmes et les hommes ;

c)Veille à ce que la Convention, la jurisprudence du Comité et les recommandations générales fassent partie intégrante, d’une part, du renforcement systématique des capacités de tous les juges, afin de leur permettre d’appliquer directement les dispositions de la Convention et d’interpréter les dispositions juridiques nationales à la lumière de cette dernière, et, d’autre part, de la formation des fonctionnaires, des procureurs, des agents de police et autres responsables de l’application des lois, ainsi que des avocats.

Lois discriminatoires

Le Comité note que, à la suite d’une décision de décembre 2021 de la Cour constitutionnelle, le Parlement a modifié le Code civil en juin 2022 de manière à redéfinir les critères juridiques définissant le statut de chef de famille monoparentale, la grande majorité de ceux-ci étant des femmes. Le Comité craint toutefois que les nouveaux critères soient encore trop étroits et discriminatoires à l’endroit des femmes.

Le Comité demande instamment à l’État partie de revoir et de modifier de manière substantielle sa législation dans la mesure où elle est discriminatoire à l’égard des femmes et, en particulier, de modifier le Code civil de manière à établir des critères permettant à toutes les mères qui élèvent seules un enfant d’être considérées comme des chefs de famille monoparentale, afin qu’elles aient accès aux services sociaux et autres services d’aide.

Accès des femmes à la justice

Le Comité se félicite de la prestation d’une assistance judiciaire gratuite aux femmes victimes d’actes de violence fondée sur le genre, y compris la violence sexuelle ou domestique, et aux victimes de la traite des êtres humains, ainsi qu’aux femmes handicapées, dans toutes les procédures judiciaires, par l’intermédiaire du Service public d’assistance judiciaire, et de l’organisation de campagnes de sensibilisation aux droits des femmes conférés par la Convention et aux voies de recours permettant aux femmes de faire valoir leurs droits. Il est toutefois préoccupé par le fait que les femmes et les filles qui ont été victimes de violence fondée sur le genre, y compris les violences sexuelles liées aux conflits et la violence domestique, hésitent souvent à signaler ces actes en raison des stéréotypes sexistes, de la peur de la stigmatisation ou de représailles, et du manque de confiance dans les mécanismes d’application de la loi et dans les services d’aide de l’État.

Renvoyant à sa recommandation générale n o 33 (2015) sur l’accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l’État partie de s’attaquer aux causes profondes de la sous-déclaration des cas de violence à l’égard des femmes et des filles fondée sur le genre, notamment :

a)En garantissant une protection efficace et des services de soutien accessibles aux femmes victimes de ces actes de violence, en particulier les femmes des zones rurales, les femmes handicapées, les femmes appartenant à des groupes ethniques minoritaires, les femmes déplacées à l’intérieur du pays et les femmes vivant dans des zones touchées par des conflits, les femmes réfugiées, demandeuses d’asile, migrantes et apatrides, ainsi que les femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexes ;

b)En renforçant les capacités des juges, des procureurs, de la police et des autres responsables de l’application de la loi en ce qui concerne les méthodes d’enquête et d’interrogatoire tenant compte du genre et adaptées aux enfants, y compris en ce qui concerne la traite des personnes, en particulier celle des femmes et des filles ;

c)En menant des campagnes de sensibilisation pour éliminer, dans le système judiciaire, les préjugés liés au genre et la stigmatisation des femmes et des filles victimes de violence fondée sur le genre ;

d)En continuant de fournir une assistance judiciaire gratuite aux femmes handicapées et aux victimes de violence, et en envisageant de l’étendre à d’autres femmes confrontées à des formes de discrimination croisée, telles que les femmes âgées, les femmes handicapées, les femmes appartenant à des groupes ethniques minoritaires, les femmes déplacées à l’intérieur du pays et les femmes vivant dans des zones touchées par des conflits, les femmes réfugiées, demandeuses d’asile, migrantes et apatrides, ainsi que les femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexes.

Mécanisme national de promotion des femmes et prise en compte des questions de genre

Le Comité note que l’État partie s’est efforcé de renforcer son dispositif national de promotion de la femme, en particulier dans le domaine de l’élaboration des politiques, en créant des conseils pour l’égalité femmes-hommes et en nommant des conseillers pour l’égalité femmes-hommes au niveau municipal en 2019, et qu’il a entrepris des auto-évaluations de la gestion des finances publiques tenant compte des questions de genre dans le cadre de la Banque mondiale. Le Comité est néanmoins préoccupé par le fait que :

a)La deuxième Stratégie nationale pour la protection des droits humains en Géorgie (2022-2030), qui comprend un chapitre sur la promotion des droits des femmes et de l’égalité femmes-hommes et a été présentée au Parlement le 5 septembre 2022, n’a pas encore été adoptée ;

b)La Politique nationale sur l’égalité femmes-hommes n’englobe pas l’égalité femmes-hommes dans toutes ses dimensions et n’aborde pas les droits des femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexes ;

c)Les institutions chargées de promouvoir les droits des femmes et l’égalité femmes-hommes restent faibles en raison d’un manque de coordination et de ressources humaines, techniques et financières, en particulier en ce qui concerne les conseils pour l’égalité femmes-hommes dans certaines municipalités ;

d)L’État partie ne procède pas systématiquement à une évaluation des incidences pour les femmes et les hommes des projets de loi, malgré les modifications législatives apportées à cet effet dans la Loi organique sur les actes normatifs en décembre 2022, et n’a pas encore adopté une planification et une budgétisation systématiques tenant compte des questions de genre.

Rappelant sa recommandation précédente ( CEDAW/C/GEO/CO/4-5 , par. 15), le Comité recommande que l’État partie :

a)Adopte sans délai la deuxième Stratégie nationale pour la protection des droits humains en Géorgie (2022-2030) et porte une grande attention à la promotion des droits des femmes et à l’égalité femmes-hommes ;

b)Adopte des mesures législatives et des politiques pour lutter contre la violence et la discrimination fondées sur le genre à l’égard des femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexes ;

c)Renforce son mécanisme national de promotion des femmes en définissant clairement son mandat et ses responsabilités et en les portant au niveau institutionnel, en le dotant de ressources humaines, techniques et financières adéquates, et en renforçant l’intégration des mécanismes des collectivités locales, afin de coordonner et de contrôler efficacement la promotion de l’égalité des genres et la prise en compte des questions de genre à tous les niveaux de l’administration ;

d)Fasse de l’évaluation des incidences pour les femmes et les hommes une exigence pour tous les projets de loi déposés au Parlement, étende l’exigence de cette évaluation à toutes les politiques afin de poursuivre la planification tenant compte des questions de genre à tous les niveaux de l’administration, et continue de réformer le système de gestion des finances publiques afin de mettre en œuvre une budgétisation systématique tenant compte des questions de genre, notamment par le biais d’une formation appropriée et d’un renforcement des capacités pour tous les fonctionnaires concernés.

Institutions nationales pour la promotion et la protection des droits humains

Le Comité salue le travail du Bureau du Défenseur public de Géorgie, en particulier son département consacré à l’égalité femmes-hommes, en tant qu’institution nationale pour la promotion et la protection des droits humains chargée de l’égalité femmes-hommes et de la promotion des femmes, notamment ses travaux récents sur la prévention du féminicide, la santé et les droits sexuels et procréatifs, les femmes appartenant à des groupes défavorisés et marginalisés, dont les femmes appartenant à des minorités ethniques et les femmes et les filles handicapées, et sur l’impact de la pandémie de coronavirus (COVID-19) sur les femmes qui travaillent dans le secteur de la santé. Il est toutefois préoccupé par les ressources humaines, techniques et financières limitées dont le Bureau dispose.

Le Comité recommande à l’État partie d’accorder la priorité au renforcement du Bureau du Défenseur public en lui fournissant notamment des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour lui permettre de s’acquitter de son mandat avec efficacité et en toute indépendance, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

Mesures temporaires spéciales

Le Comité prend acte des mesures temporaires spéciales mises en place pour assurer la participation égale des femmes à la vie politique et publique. Il note néanmoins avec préoccupation que les modifications apportées au Code électoral en 2020 n’ont institué un quota que de 25 % (élections de 2028 et 2032 : un tiers) de femmes candidates sur les listes électorales pour les élections législatives, qui ne s’applique en outre qu’aux listes de candidats des partis politiques et non au scrutin principal, de sorte que 20 % seulement des députés siégeant actuellement au Parlement sont des femmes. Le Comité note également avec préoccupation le fait que le quota de 50 % de femmes candidates sur les listes proportionnelles pour les conseils locaux a été aboli en 2021, ainsi que le recours limité aux mesures temporaires spéciales dans d’autres domaines couverts par la Convention dans lesquels les femmes sont sous-représentées ou désavantagées, tels que l’emploi et l’entrepreneuriat.

Rappelant sa recommandation précédente ( CEDAW/C/GEO/CO/4-5 , par. 17) et conformément à l’article 4 (par. 1) de la Convention et de sa recommandation générale n o 25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter ou de réintroduire des mesures ciblées, y compris des mesures spéciales temporaires, telles que des quotas et le financement ciblé des campagnes politiques, et de fixer des objectifs assortis de délais, en tant que stratégie nécessaire pour accélérer la réalisation de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines couverts par la Convention où les femmes sont sous-représentées ou défavorisées, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, en particulier au niveau de la prise de décision, et en accordant une attention particulière aux groupes de femmes défavorisés ;

b)De mettre en place des mécanismes pour suivre la mise en œuvre des mesures temporaires spéciales et évaluer leurs effets sur la réalisation de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, et d’adopter des sanctions adéquates en cas de non-respect ;

c)De collecter systématiquement des données sur les effets des mesures spéciales temporaires et de les faire figurer dans son prochain rapport périodique.

Pratiques préjudiciables

Le Comité prend note des mesures législatives et des politiques adoptées par l’État partie pour lutter contre les pratiques préjudiciables telles que le mariage forcé, les mutilations génitales féminines et les prétendus « tests de virginité », notamment en érigeant en infractions le mariage forcé et les mutilations génitales féminines et en créant un groupe de travail sur les pratiques préjudiciables coprésidé par la Commission interinstitutionnelle sur l’égalité des genres, la violence à l’égard des femmes et la violence intrafamiliale et le Fonds des Nations Unies pour la population. Il reste néanmoins préoccupé par le fait que les pratiques préjudiciables sont toujours répandues dans l’État partie et que les peines imposées aux responsables de mariages forcés sont clémentes.

Rappelant ses recommandations précédentes ( CEDAW/C/GEO/CO/4-5 , par. 19 et 21), et conformément à la recommandation générale n o 31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et à l’observation générale n o 18 du Comité des droits de l’enfant (2019) sur les pratiques préjudiciables et à la cible 5.3 des objectifs de développement durable, dans le but d’éliminer toutes les pratiques préjudiciables, le Comité recommande à l’État partie :

a)D’adopter une législation interdisant les « tests de virginité », d’encourager le signalement, de poursuivre et de punir comme il se doit les auteurs et les facilitateurs de pratiques préjudiciables en fonction de la gravité du délit, conformément aux dispositions du droit pénal en vigueur, et de collecter systématiquement des données en vue d’élaborer une approche solide et fondée sur des preuves pour s’attaquer aux causes profondes des pratiques préjudiciables ;

b)De continuer de mener des campagnes de sensibilisation et d’éducation (dont celles du Ministère de l’intérieur) destinées, en particulier, au personnel médical, aux parents, aux notables, aux érudits religieux, aux groupes ethniques minoritaires et aux hommes et aux garçons, dans le but de faire mieux comprendre la nature criminelle des mutilations génitales féminines et la nécessité de les abolir.

Violence à l’égard des femmes fondée sur le genre

Le Comité prend note de l’ensemble considérable de mesures législatives et de politiques adoptées pour lutter contre la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, y compris l’adaptation de ces mesures pendant la pandémie de COVID-19, telles que la révision du champ d’application des dispositions relatives à la violence domestique, qui étaient auparavant formulées de manière neutre sur le plan du genre, leur extension à d’autres formes de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, la criminalisation du harcèlement obsessionnel et de la stérilisation forcée, la création de la Commission interinstitutionnelle sur l’égalité des genres, la violence à l’égard des femmes et la violence intrafamiliale, ainsi que d’un département de protection des droits humains et de contrôle de la qualité chargé, au sein du Ministère de l’intérieur, de superviser les enquêtes et autres procédures relatives à la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, y compris la violence domestique, le lancement en 2022 de la campagne de sensibilisation et d’information « Non au féminicide », et l’élargissement du mandat du Bureau du Défenseur public de manière à y inclure le suivi des cas de féminicide (fonction d’observatoire du féminicide). Le Comité est toutefois préoccupé par les éléments suivants :

a)La lenteur des progrès dans la révision de la législation sur la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, en particulier l’adoption d’une définition du viol fondée sur l’absence de consentement ;

b)L’incidence élevée et la sous-déclaration des actes de violence domestique et sexuelle, ainsi que le faible nombre d’ordonnances de protection délivrées, malgré la disponibilité de systèmes de surveillance électronique et d’applications d’alarme silencieuse ;

c)La forte augmentation des cas de violence à l’égard des femmes et des filles fondée sur le genre, y compris la violence domestique, traités par les tribunaux de district (municipaux), qui ont plus que triplé entre 2020 et 2021, le nombre sans précédent de féminicides en 2014 et l’augmentation récente de ces cas après une période de diminution entre 2014 et 2019, également due, selon les informations disponibles, au fait que le risque de récidive n’est pas évalué de manière appropriée par les responsables de la justice pénale et les juges ;

d)Le faible taux de poursuites dans les cas de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, la capacité limitée du système judiciaire à appliquer, dans les affaires relatives à certaines infractions violentes, les dispositions introduites en 2018 dans la législation pénale faisant de la motivation liée au genre une circonstance aggravante, le fait que les agents des forces de l’ordre n’enregistrent généralement qu’un résumé des déclarations des victimes et des témoins, et les peines clémentes infligées aux auteurs d’actes de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre ;

e)Le manque de refuges et de centres d’accueil d’urgence, l’absence de centres d’aide aux victimes de viol et le sous-développement des systèmes de soutien psychosocial pour les victimes d’actes de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, ainsi que les obstacles auxquels se heurtent les femmes et les filles handicapées et les femmes et les filles lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexes victimes de ces actes pour ce qui est de bénéficier d’ordonnances de protection et de services d’aide aux victimes.

Rappelant sa recommandation précédente ( CEDAW/C/GEO/CO/4-5 , par. 21), et renvoyant à sa recommandation générale n o 35 (2017) sur la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation générale n o  19, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’accélérer ses efforts visant à harmoniser la législation nationale avec les recommandations du Comité et à l’aligner sur la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul) et, en particulier, de modifier le Code pénal pour fonder la définition du viol sur l’absence de libre consentement et définir les crimes dits « d’honneur » ainsi que la violence économique ;

b) D’encourager le signalement des cas de violence familiale et de veiller à ce que les femmes victimes aient un accès effectif aux ordonnances de protection, y compris les ordonnances d’éloignement d’urgence, à ce que les autorités enquêtent sur les cas signalés, à ce que les ordonnances de protection soient effectivement appliquées et à ce que des sanctions dissuasives adéquates soient imposées en cas de non-respect de ces mesures ;

c) D’intensifier, à titre prioritaire, les efforts de prévention de la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, en particulier le féminicide, notamment en rendant obligatoires pour les auteurs de tels actes les programmes de formation visant à modifier leur comportement et en renforçant les capacités des juges et des agents des forces de l’ordre en matière d’évaluation du risque ;

d) De veiller à ce que toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles fondée sur le genre, y compris la violence familiale et la violence sexuelle, fassent l’objet d’enquêtes en bonne et due forme et à ce que les auteurs soient poursuivis d’office, d’autoriser les enregistrements audio et vidéo des déclarations des victimes et des témoins, de continuer d’assurer un renforcement systématique des capacités de tous les juges et des procureurs, des avocats et des coordonnateurs des services aux victimes et aux témoins, afin qu’ils puissent appliquer de manière adéquate la circonstance aggravante que constitue la motivation liée au genre, et de veiller à ce que les peines prononcées dans les affaires de violence à l’égard des femmes et des filles fondée sur le genre soient proportionnées à la gravité des infractions ;

e) De renforcer les services d’aide aux victimes et la protection des victimes, de mettre en place des refuges adéquats et accessibles, d’assurer aux victimes des traitements médicaux, des conseils psychosociaux et un soutien économique, y compris dans les centres d’accueil d’urgence pour les victimes de viol, dans toutes les régions de l’État partie, notamment en adoptant rapidement le projet de loi sur les mécanismes nationaux d’orientation pour le repérage et la protection des victimes d’actes de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, le soutien à leur apporter et leur réadaptation, en mettant particulièrement l’accent sur les femmes qui subissent des formes de discrimination croisées, telles que les femmes et les filles handicapées et les femmes et les filles lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexes.

Traite des femmes et exploitation de la prostitution

Le Comité se félicite de l’adoption du Plan d’action national contre la traite des êtres humains (2022-2024) et des efforts faits par l’État partie pour prévenir et combattre la traite des personnes, en particulier des femmes et des filles, en criminalisant le proxénétisme, en offrant un soutien juridique, psychologique et social multilingue aux victimes de la traite des personnes et en renforçant la coopération internationale, notamment pendant la pandémie de COVID-19, au moyen de la restructuration des services fournis dans les refuges et les centres d’accueil d’urgence gérés par l’Agence pour l’aide aux victimes reconnues de la traite des personnes et leur prise en charge. Le Comité est néanmoins préoccupé par :

a)Le nombre élevé de filles victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle, en particulier en provenance de l’État partie et à l’intérieur de celui-ci, depuis 2019 ;

b)L’absence de repérage précoce des femmes victimes de la traite, malgré les mesures de renforcement des capacités et les campagnes de sensibilisation organisées à l’intention des professionnels ;

c)La fragmentation des lignes d’assistance téléphonique d’urgence et de consultation, qui sont gérées par divers organismes de l’État et par le Bureau du Défenseur public ;

d)L’aide financière limitée fournie aux victimes de la traite (1 000 lari géorgiens) ;

e)L’absence d’informations sur les risques de traite des femmes et des filles liés à la gestation pour autrui pratiquée dans le cadre de contrats internationaux, la Géorgie étant l’un des rares pays au monde à l’autoriser ;

f)Le manque d’informations sur l’existence de programmes visant à aider les femmes qui souhaitent quitter le milieu de la prostitution.

Rappelant sa recommandation précédente ( CEDAW/C/GEO/CO/4-5 , par. 23), et renvoyant à sa recommandation générale n o 38 (2020) sur la traite des femmes et des filles dans le contexte des migrations internationales, le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures ciblées pour prévenir la traite des filles à des fins d’exploitation sexuelle et de mettre en place des services d’aide spécialisés tenant compte des questions de genre et adaptés aux enfants, y compris des refuges, pour les filles victimes de la traite, en particulier celles qui sont victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle et qui ont subi des violences sexuelles, et de multiplier et systématiser les campagnes de sensibilisation du public en tant que mesure essentielle pour prévenir la traite des femmes et des filles et l’exploitation de la prostitution, en ciblant en particulier les femmes et les filles qui appartiennent aux groupes les plus vulnérables, telles que les femmes déplacées à l’intérieur du pays, les femmes vivant dans des zones touchées par des conflits, les réfugiées, les demandeuses d’asile, les migrantes et les apatrides, les femmes des zones rurales et les femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexes ;

b) De renforcer le repérage précoce et l’orientation des victimes de la traite des femmes et des filles vers les services appropriés, notamment en évaluant et, si nécessaire, en révisant les Lignes directrices de 2017 sur le repérage des victimes de la traite des êtres humains à la frontière de la Géorgie ;

c) D’envisager de regrouper en une seule ligne les différentes lignes d’assistance téléphonique destinées à aider les victimes de la traite, afin de garantir des services plus efficaces ;

d) D’augmenter l’aide financière pour les victimes de la traite et de fournir cette aide pendant toute la période nécessaire à leur protection et à leur réinsertion ;

e) De collecter des informations et des données sur les risques de traite des femmes liés à la gestation pour autrui pratiquée dans le cadre de contrats internationaux et de fournir des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique ;

f) De recueillir des informations et des données sur les femmes qui se prostituent, de s’attaquer aux causes profondes de l’exploitation des femmes et des filles par la prostitution, de prendre des mesures visant à réduire la demande de prostitution et de donner aux femmes qui souhaitent quitter le milieu de la prostitution l’accès à des programmes conçus à cette fin et à d’autres types d’activités rémunératrices, et de donner des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Participation à la vie politique et à la vie publique dans des conditions d’égalité

Le Comité se félicite de la Stratégie et du Plan d’action pour l’égalité femmes-hommes du Bureau de la fonction publique, qui visent à établir un système de fonction publique tenant compte des questions de genre afin de permettre la participation pleine et effective des femmes aux processus décisionnels, de la Stratégie pour l’égalité femmes-hommes (2022-2025) du Ministère des affaires étrangères et des divers programmes de sensibilisation et de formation mis en œuvre par l’Administration électorale pour lutter contre les stéréotypes de genre liés au processus électoral et à la participation des femmes à la vie politique et publique en général. Il constate toutefois avec préoccupation :

a)Que seuls 2 ministres sur 12 sont des femmes, que la représentation des femmes aux échelons supérieurs de la fonction publique est extrêmement faible dans certaines administrations (6 % en 2021 au Ministère de l’intérieur) ou a diminué (passant de 33 % en 2020 à 20 % au Ministère de la défense) et que 18 % seulement des postes de direction dans les missions diplomatiques de l’État partie et environ 10 % des postes de décision dans le système judiciaire sont occupés par des femmes ;

b)Que les femmes dans la vie politique et publique sont confrontées à un discours politique sexiste et misogyne, au harcèlement sexuel, au sexisme, à des menaces et à des actes d’intimidation.

Rappelant sa recommandation précédente ( CEDAW/C/GEO/CO/4-5 , par. 25), et conformément à sa recommandation générale n o 23 (1997) sur la participation des femmes à la vie politique et publique, le Comité recommande à l’État partie :

a) De donner la priorité aux femmes dans les recrutements et, le cas échéant, d’adopter des mesures temporaires spéciales, telles que des quotas et un système de parité femmes-hommes, à tous les niveaux de l’administration, dans le système judiciaire, dans les universités, dans le service diplomatique et pour le détachement auprès d’organisations internationales, en particulier aux niveaux décisionnels, ce qui devrait inclure des politiques visant à promouvoir et à soutenir les femmes handicapées, les femmes appartenant à des groupes ethniques minoritaires et les femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexes ;

b) De renforcer les mesures de lutte contre la discrimination et les discours de haine à l’égard des femmes en politique, notamment en menant des campagnes de sensibilisation et d’éducation auprès de la classe politique, dans les écoles, dans les médias et auprès du grand public, pour faire comprendre que la participation pleine, égale, libre et démocratique des femmes à la vie politique et publique, dans des conditions d’égalité avec les hommes, est indispensable à la bonne application de la Convention.

Les femmes et la paix et la sécurité

Le Comité se félicite de l’adoption du quatrième Plan d’action national (2022‑2024) visant à mettre en application la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité, et de la création d’une plateforme consultative pour le renforcement de la participation effective des femmes à la consolidation de la paix. Il est toutefois préoccupé par le fait que la participation des Géorgiennes aux négociations pour la paix menées dans le cadre des discussions internationales de Genève, visant à garantir une mise en application de l’accord de cessez-le-feu qui tienne compte des questions de genre, a baissé, passant de 40 % en 2018 à 20 % en 2022.

Rappelant sa recommandation précédente ( CEDAW/C/GEO/CO/4-5 , par. 25), et renvoyant à sa recommandation générale n o 30 (2013) sur les femmes dans la prévention des conflits, les conflits et les situations d’après-conflit, le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les femmes participent effectivement à la mise en œuvre du quatrième Plan d’action national visant à mettre en application la résolution n o 1325 (2000) du Conseil de sécurité, en coopération avec des représentants et représentantes d’organisations de femmes, et de tenir compte de l’ensemble du programme du Conseil de sécurité concernant les femmes et la paix et la sécurité, tel qu’il ressort des résolutions 1325 (2000) , 1820 (2008) , 1888 (2009) , 1889 (2009) , 1960 (2010) , 2106 (2013) , 2122 (2013) , 2242 (2015) , 2467 (2019) et 2493 (2019) du Conseil.

Éducation

Le Comité prend note de la Stratégie nationale unifiée pour l’éducation et la science (2022‑2030), qui prévoit de multiples activités axées sur l’égalité des genres ainsi que la création, au Ministère de l’éducation et des sciences, d’une plateforme pour l’intégration des questions de genre visant à renforcer la prise en considération des questions de genre et à mettre fin aux stéréotypes de genre dans le système éducatif, et note également que les fonds publics alloués au système éducatif doivent représenter 6 % du produit intérieur brut. Il est toutefois préoccupé par :

a)La persistance des stéréotypes de genre dans le système éducatif, ainsi que la forte concentration de femmes et de filles dans des domaines d’études traditionnellement féminins et leur sous-représentation en sciences, en technologie, en ingénierie, en mathématiques et en technologies de l’information et de la communication, ce qui réduit leurs perspectives d’emploi ;

b)Le fait qu’il n’existe pas de cours formels d’éducation à la sexualité adaptés à l’âge des élèves, l’éducation dispensée actuellement portant uniquement sur les aspects médicaux de la santé procréative ;

c)Les taux d’abandon scolaire comparativement plus élevés chez les filles handicapées et les obstacles auxquels se heurtent les filles handicapées dans l’accès à une éducation inclusive, en particulier dans les zones rurales.

Rappelant sa recommandation précédente ( CEDAW/C/GEO/CO/4-5 , par. 27), et renvoyant à sa recommandation générale n o 36 (2017) sur le droit des filles et des femmes à l’éducation, le Comité recommande à l’État partie :

a) De mener des campagnes de sensibilisation et d’éducation pour faire évoluer les normes sociales et mettre fin aux stéréotypes de genre dans l’éducation, de prendre des mesures, y compris des mesures temporaires spéciales, pour encourager les femmes et les filles à choisir des domaines d’études et des carrières professionnelles non traditionnels, tels que les sciences, la technologie, l’ingénierie, les mathématiques et les technologies de l’information et de la communication, notamment en proposant des services d’orientation et en accordant des bourses et des allocations pour couvrir les coûts indirects de l’éducation, et de veiller à ce que tous les domaines d’études et d’emploi soient accessibles aux femmes et aux filles ;

b) D’inscrire dans les programmes scolaires une éducation obligatoire, adaptée à l’âge et inclusive sur la santé sexuelle et procréative et les droits connexes, qui porte notamment sur les comportements sexuels responsables, les formes modernes de contraception, la prévention des infections sexuellement transmissibles et les risques que présentent les avortements non sécurisés ;

c) De renforcer ses campagnes de sensibilisation et d’adopter de nouvelles mesures pour faire augmenter les taux de scolarisation, de rétention et d’achèvement des études chez les femmes et les filles handicapées, en particulier dans les zones rurales.

Emploi

Le Comité se félicite que le harcèlement, en particulier le harcèlement sexuel, sur le lieu de travail et dans la vie publique ait été légalement défini comme une forme de discrimination à l’égard des femmes en 2019. Il reste toutefois préoccupé par :

a)Le taux de chômage des femmes, qui est disproportionné ;

b)La persistance de la ségrégation horizontale et verticale sur le marché du travail et la concentration des femmes dans les emplois mal rémunérés et dans le secteur non structuré de l’économie ;

c)L’augmentation de l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes, en dépit de la croissance économique et de la croissance des revenus qu’enregistre l’État partie, qui profitent de manière inégale aux femmes ;

d)L’accès limité des femmes travaillant dans le secteur non structuré de l’économie aux régimes de protection sociale ;

e)La charge disproportionnée que font peser sur les femmes les tâches ménagères et l’éducation des enfants, qui sont des tâches non rémunérées, et le fait que le nombre d’hommes prenant un congé parental pour s’occuper d’un enfant de moins de trois ans reste faible, malgré l’introduction récente d’un dispositif de congé parental.

Rappelant sa recommandation précédente ( CEDAW/C/GEO/CO/4-5 , par. 29), le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures ciblées, notamment dans le cadre de la politique active du marché du travail, pour faire baisser le taux de chômage chez les femmes, en mettant l’accent sur les femmes déplacées à l’intérieur du pays et les femmes vivant dans des zones touchées par le conflit, les mères célibataires, les jeunes mères, les femmes des zones rurales, les femmes handicapées et les femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexes ;

b) De prendre des mesures visant à éliminer la ségrégation professionnelle horizontale et verticale, y compris des mesures spéciales temporaires, telles que la formation professionnelle et l’instauration de quotas, pour promouvoir l’accès des femmes à l’emploi formel, y compris aux postes de direction ;

c) De modifier le Code du travail et la Loi sur la fonction publique pour donner effet au principe de l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale dans le secteur privé et le secteur public, afin de réduire et, à terme, combler l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes, de réexaminer régulièrement les salaires dans les secteurs qui comptent un grand nombre de femmes et de prendre des mesures pour combler l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes, notamment d’appliquer des méthodes analytiques de classement et d’évaluation des emplois qui soient neutres du point de vue du genre et de réaliser régulièrement des enquêtes sur les salaires, et d’envisager de relever le salaire minimum fixé en 1999 ;

d) De mener une étude pour évaluer la situation des femmes dans le secteur non structuré de l’économie, notamment en ce qui concerne l’accès aux prestations de sécurité sociale et aux régimes de retraite et, en se fondant sur les résultats de cette étude, de poursuivre l’examen de la législation et de la politique actuelles relatives à l’emploi sous l’angle du genre, en vue de garantir une protection sociale à toutes les femmes, y compris celles qui sont employées dans le secteur non structuré de l’économie et celles qui ont un faible revenu et/ou exercent une activité indépendante ;

e) De promouvoir le partage égal des responsabilités entre les femmes et les hommes s’agissant des tâches ménagères et de l’éducation des enfants, notamment en augmentant le nombre d’établissements adéquats accueillant des enfants et en menant des campagnes de sensibilisation pour faire comprendre l’intérêt du congé parental et pour inciter les parents à en faire usage ;

f) De ratifier la Convention de 1981 sur les travailleurs ayant des responsabilités familiales (n o  156), la Convention de 2000 sur la protection de la maternité (n o  183), la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (n o  189) et la Convention de 2019 sur la violence et le harcèlement (n o  190) de l’Organisation internationale du Travail (OIT).

Santé

Le Comité se félicite de l’adoption de la Stratégie nationale sur les soins de santé maternelle et infantile (2017-2030), qui vise à faire baisser les taux de mortalité maternelle et infantile et à offrir à toutes les femmes un accès universel à des soins prénatals, obstétriques, néonatals et postnatals fondés sur des données probantes. Il note néanmoins avec préoccupation :

a)Que les femmes ont du mal à accéder à des services de soins de santé de qualité, y compris des services de santé sexuelle et procréative et le traitement du VIH, en particulier la prophylaxie préexposition, et que la pandémie de COVID-19 a eu des effets disproportionnés sur les femmes ;

b)Que l’accès des femmes et des filles, en particulier de celles qui vivent dans les zones rurales ou qui sont handicapées, à des contraceptifs modernes disponibles et abordables, reste limité malgré les mesures prévues dans le Plan d’action national pour la santé de la mère et du nouveau-né (2021-2023) pour l’améliorer ;

c)Qu’il n’y a pas de données disponibles sur les effets du délai d’attente de cinq jours imposé avant une interruption volontaire de grossesse et sur le nombre de grossesses précoces et d’avortements illicites dans l’État partie, eu égard à l’ampleur du phénomène des mariages d’enfants et des mariages forcés de femmes et de filles, et que certains prestataires de services médicaux, en particulier dans les zones rurales, ne savent pas que les victimes de violences sexuelles et toutes les filles à partir de 14 ans ont légalement accès à l’avortement sécurisé ;

d)Que le taux de mortalité maternelle reste élevé (27,4 pour 100 000 naissances vivantes en 2018) ;

e)Que les services de santé mentale proposés aux femmes et aux filles sont insuffisants, qu’il n’y a pas de services d’assistance téléphonique destinés aux personnes suicidaires, y compris les femmes et les filles, et que les femmes n’ont souvent pas recours au système de soins de santé mentale par crainte de la stigmatisation.

Rappelant sa recommandation précédente ( CEDAW/C/GEO/CO/4-5 , par. 31), et renvoyant à sa recommandation générale n o 24 (1999) sur les femmes et la santé, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’augmenter le budget alloué aux soins de santé pour garantir la fourniture de services de santé accessibles et abordables, y compris la prophylaxie préexposition au VIH, à toutes les femmes et les filles, en particulier aux femmes appartenant à des groupes défavorisés et marginalisés ;

b) De faire en sorte que les femmes et les filles, en particulier celles qui appartiennent à des groupes défavorisés et marginalisés et celles qui vivent en milieu rural, aient accès à des contraceptifs modernes disponibles et abordables ;

c) De garantir l’accès des femmes et des filles à l’avortement sécurisé et à des services post-avortement, y compris au moyen de campagnes de sensibilisation et d’activités de renforcement des capacités ciblant les professionnels de santé, de recueillir des données sur la prévalence des avortements illicites dans l’État partie et sur leurs causes, et de faire figurer ces informations dans son prochain rapport périodique ;

d) De prendre davantage de mesures pour combattre les causes de la mortalité maternelle en garantissant l’accès aux soins obstétriques et en augmentant le nombre d’accoucheurs ou accoucheuses qualifié(e)s ;

e) D’adopter des mesures visant à garantir la disponibilité, l’accessibilité et la qualité des services de soins de santé mentale dans les zones urbaines et les zones rurales et de mettre en place des lignes d’assistance téléphonique pour la prévention du suicide.

Autonomisation économique des femmes, avantages économiques et sociaux, et femmes vivant dans la pauvreté

Le Comité prend note de la présentation au Parlement du document d’orientation sur l’autonomisation économique des femmes en décembre 2022, et d’un certain nombre de politiques et de programmes sectoriels, y compris des programmes de prêts préférentiels, visant à l’autonomisation économique des femmes, en particulier dans les zones rurales. Il est toutefois préoccupé par la féminisation de la pauvreté et de l’exclusion sociale, phénomène exacerbé par les effets de la pandémie de COVID-19, et par l’absence de système complet de protection sociale dans l’État partie.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter rapidement le document d’orientation sur l’autonomisation économique des femmes et de le mettre en œuvre, en accordant une attention particulière aux femmes appartenant à des groupes défavorisés et marginalisés tels que les femmes rurales, les femmes issues de groupes ethniques minoritaires, les femmes handicapées, les femmes déplacées à l’intérieur du pays et les femmes vivant dans des zones touchées par un conflit, les femmes réfugiées, les femmes demandeuses d’asile, les femmes migrantes et les femmes apatrides, et de fournir des informations dans son prochain rapport périodique sur les résultats obtenus dans la mise en œuvre du document d’orientation ;

b) De mettre en place des régimes de protection sociale complets, tenant compte des questions de genre et dotés d’un financement adéquat pour les femmes, en particulier les groupes de femmes défavorisés et marginalisés, tels que les mères célibataires, les femmes âgées, les veuves, les femmes rurales, les femmes sans emploi, les femmes accomplissant un travail non rémunéré, les femmes issues de groupes ethniques minoritaires, les femmes déplacées à l’intérieur du pays et les femmes vivant dans des zones touchées par un conflit, ainsi que les femmes réfugiées, les femmes demandeuses d’asile, les femmes migrantes et les femmes apatrides, notamment en facilitant l’accès aux prestations sociales par le biais de la technologie numérique.

Groupes de femmes défavorisés et marginalisés

Le Comité prend note de la Stratégie nationale pour l’égalité civique et l’intégration des minorités ethniques (2021-2030) et des plans d’action qui y figurent, qui intègrent également les droits des femmes et l’égalité femmes-hommes. Néanmoins, il reste préoccupé par le fait que les femmes âgées, les femmes handicapées, les femmes appartenant à des groupes ethniques minoritaires ainsi les femmes déplacées à l’intérieur du pays et les femmes vivant dans des zones touchées par des conflits, les réfugiées, les demandeuses d’asile et les migrantes et les femmes apatrides, ainsi que les femmes lesbiennes, bisexuelles, trangenres ou intersexes continuent de subir des formes croisées et aggravées de discrimination dans l’État partie.

Rappelant sa recommandation précédente ( CEDAW/C/GEO/CO/4-5 , par. 35), le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures ciblées, notamment des mesures temporaires spéciales, afin que les groupes de femmes défavorisées, telles que les femmes âgées, les femmes handicapées, les femmes appartenant à des groupes ethniques minoritaires, les femmes déplacées à l’intérieur du pays et les femmes vivant dans des zones touchées par des conflits, ainsi que les réfugiées, les demandeuses d’asile et les migrantes et les femmes apatrides, de même que les femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres ou intersexes aient accès à la justice, à l’emploi et aux soins de santé, notamment aux services de santé sexuelle et procréative, à la protection sociale et à la sécurité alimentaire et à ce qu’il soit tenu compte de leurs besoins spécifiques.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité se félicite que l’âge minimum du mariage ait été porté à 18 ans pour les femmes comme pour les hommes, que le Code civil prévoie l’égalité des droits de la personne et des droits de propriété et l’égalité des responsabilités des époux, que la prise en charge des enfants soit considérée comme une contribution aux biens communs et que les époux puissent choisir de réglementer le régime des biens en concluant un contrat. Il est toutefois préoccupé par les éléments suivants :

a)Le fait que des filles soient mariées en bas âge, y compris dans le cas de mariages informels ou « culturels » conclus dans le but de contourner l’interdiction du mariage d’enfants, et le fait que les mariages d’enfants ne soient pas toujours considérés comme des mariages forcés dans la législation de l’État partie ;

b)La fréquence des avortements sélectifs en fonction du sexe du fœtus ;

c)Les cas dans lesquels des mères handicapées vivant dans des établissements de soins publics n’ont pas été autorisées à vivre avec leurs enfants.

Rappelant sa recommandation précédente ( CEDAW/C/GEO/4-5 , par. 37) et conformément à la recommandation générale n o 31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et à l’observation générale n o 18 du Comité des droits de l’enfant sur les pratiques préjudiciables, le Comité recommande à l’État partie :

a)De combattre la pratique préjudiciable du mariage d’enfants, en particulier dans les zones rurales, notamment en s’attaquant à ses causes profondes, en encourageant le signalement des cas, en mettant en place des mécanismes de détection de ces cas, en poursuivant les responsables de mariages d’enfants de sexe féminin au titre de l’infraction pénale de mariage forcé et en exigeant l’enregistrement à l’état civil de tous les mariages, et d’entreprendre des réformes législatives visant à protéger les droits des femmes et des filles vivant dans des mariages non enregistrés ou des unions de fait, ainsi que des enfants issus de ces unions ;

b)D’appliquer strictement l’interdiction des avortements sélectifs en fonction du sexe du fœtus et de mettre en place des services, notamment une assistance téléphonique, pour aider les femmes qui font l’objet de pressions visant à leur faire subir de tels avortements ;

c)D’accorder la priorité à la désinstitutionnalisation des mères handicapées conformément à la Stratégie pour l’autonomie de vie des personnes handicapées et la désinstitutionnalisation (2023-2030) et au plan d’action y relatif (2023-2025), et d’améliorer les services de soutien afin que les mères handicapées et leurs enfants jouissent de leur droit à la vie privée et à la vie de famille.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l’État partie à s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing et à continuer d’évaluer la réalisation des droits consacrés par la Convention en vue de parvenir à une égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Diffusion

Le Comité demande à l’État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans la ou les langue(s) officielle(s) de l’État partie, aux institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, au Parlement et au corps judiciaire, afin d’en permettre la pleine application.

Ratification d’autres traités

Le Comité constate que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits humains contribuerait à favoriser l’exercice effectif par les femmes de leurs droits individuels et de leurs libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. Il invite donc l’État partie à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, auxquelles il n’est pas encore partie.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité demande à l’État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des renseignements sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations émises aux paragraphes 12 b), 18 c), 26 a) et 44 c) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité fixera et communiquera la date d’échéance du septième rapport périodique de l’État partie en fonction d’un futur calendrier prévisible de présentation des rapports fondé sur un cycle d’examen de huit ans et après l’adoption d’une liste de points et de questions à traiter, le cas échéant, avant la soumission du rapport par l’État partie. Le rapport devra couvrir toute la période écoulée, jusqu’à la date à laquelle il sera soumis.

Le Comité invite l’État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument ( HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).