Nations Unies

CED/C/ALB/CO/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

3 juillet 2018

Français

Original : anglais

Comité des disparitions forcées

Observations finales concernant le rapport soumis par l’Albanie en application du paragraphe 1de l’article 29 de la Convention *

1.Le Comité des disparitions forcées a examiné le rapport soumis par l’Albanie en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention (CED/C/ALB/1) à ses 243e et 244e séances (CED/C/SR.243 et 244), les 24 et 25 mai 2018. À sa 253e séance, le 31 mai 2018, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport soumis par l’Albanie en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention et les informations qui y figurent, mais regrette que le rapport n’ait pas été établi conformément aux directives concernant l’établissement des rapports et que les réponses écrites n’aient pas traité pleinement et de manière adéquate des questions posées dans la liste de points. Il se félicite du dialogue ouvert et constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie sur les mesures prises pour appliquer les dispositions de la Convention, dialogue qui lui a permis de dissiper certaines de ses préoccupations. Il remercie l’État partie de ses réponses écrites à la liste de points (CED/C/ALB/Q/1/Add.1), ainsi que des informations supplémentaires communiquées par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié la totalité des principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme et des protocoles facultatifs s’y rapportant, ainsi que le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

4.Le Comité félicite également l’État partie d’avoir reconnu la compétence du Comité pour examiner des communications émanant de particuliers et d’États en application des articles 31 et 32 de la Convention, respectivement.

5.Le Comité félicite en outre l’État partie pour les mesures qu’il a prises dans des domaines ayant trait à la Convention, notamment :

a)Le fait qu’en vertu de l’article 67 du Code pénal, la disparition forcée est imprescriptible lorsqu’elle est constitutive d’un crime contre l’humanité ;

b)L’adoption du Code de justice pour mineurs, en 2018.

6.Le Comité salue la création d’un groupe de travail interinstitutions chargé de rédiger les rapports concernant l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

7.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a mis en place, au sein du Bureau du Médiateur, un mécanisme national de prévention de la torture.

8.Le Comité accueille avec satisfaction la visite du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires dans l’État partie (A/HRC/36/39/Add.1), en 2016.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

9.Le Comité considère qu’au moment de l’adoption des présentes observations finales, la législation en vigueur dans l’État partie pour prévenir et réprimer les disparitions forcées n’était pas pleinement conforme à certaines des obligations qui incombent aux États ayant ratifié la Convention. Il engage l’État partie à mettre en œuvre ses recommandations, qui ont été formulées dans un esprit constructif et dans le but de l’aider, pour que le cadre juridique existant et la manière dont il est appliqué par les autorités de l’État partie soient pleinement conformes aux droits et obligations consacrés par la Convention.

Consultation avec les organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile

10.Le Comité note que le processus d’élaboration des rapports soumis au Comité est essentiellement interministériel et que les organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile n’y sont pas pleinement associés. Il considère qu’il serait utile que l’État partie engage les organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile à apporter leur contribution à un stade qui permettrait de prendre leurs vues en considération.

11.Le Comité invite instamment l ’ État partie à encourager les organisations non gouvernementales et d ’ autres membres de la société civile, en particulier ceux ayant des activités liées à la Convention ou à des domaines connexes, à apporter leur contribution au stade le plus approprié de la rédaction des rapports destinés au Comité. Il recommande à l ’ État partie d’ associer aussi ces acteurs aux activités de suivi des observations finales.

1.Définition et incrimination de la disparition forcée (art. 1er à 7)

Définition de la disparition forcée

12.Le Comité note que le premier paragraphe de l’article 109 c) du Code pénal fournit des éléments de définition de la disparition forcée et établit que celle-ci constitue une infraction, conformément aux articles 2 et 4 de la Convention. Il regrette toutefois que bien que l’article 109/c prévoie les peines encourues, des éléments relatifs à la responsabilité du supérieur et certaines circonstances aggravantes liées au crime de disparition forcée, il ne couvre pas le cas de toute personne qui ordonne une disparition forcée, la commandite, tente de la commettre, en est complice ou y participe, prévu au paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention. Ce cas est en revanche pris en considération dans le cadre du régime général défini aux articles 22 à 27 du Code pénal. Le Comité considère que le libellé de l’article 109/c est vague et ne décrit pas dans sa globalité le régime juridique prévu par le Code pénal concernant le crime de disparition forcée. Il estime qu’une définition claire de la disparition forcée en tant qu’infraction autonome permettrait à l’État partie de s’acquitter pleinement de l’obligation qui lui incombe en vertu de l’article 4 de la Convention, laquelle est étroitement liée à d’autres obligations conventionnelles concernant la législation, comme celles qui sont énoncées à l’alinéaa) du paragraphe1 de l’article6 et aux articles7 et 8 de la Convention (art. 2, 4 et 6 à 8).

13. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de reformuler l ’ article 109/c du Code pénal pour donner une définition claire et distincte de la disparition forcée, et pour préciser les sanctions applicables, conformément aux articles 2 et 4 de la Convention. La nouvelle formulation devrait préciser davantage le régime juridique national relatif à la disparition forcée et aux obligations connexes, comme celles énoncées à l ’ alinéa a) du paragraphe 1 de l ’ article 6 et à l ’ article 7.

Personnes ou groupes de personnes agissant sans l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État

14.Le Comité constate qu’il existe une incertitude dans le droit pénal national quant à l’application de la Convention aux agissements qui sont l’œuvre de personnes ou de groupes de personnes agissant sans l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, y compris en ce qui concerne d’autres infractions connexes, comme la traite des personnes (art. 3).

15. Le Comité encourage l ’ État partie à intégrer expressément dans sa législation nationale les mesures visées à l ’ article 3 de la Convention relatives aux agissements définis à l ’ article 2 de la Convention qui sont l’œuvre de personnes ou de groupes de personnes agissant sans l ’ autorisation, l ’ appui ou l ’ acquiescement de l ’ État.

Définition de la disparition forcée constitutive d’un crime contre l’humanité

16.Le Comité note que l’article 74 du Code pénal fait référence à la disparition forcée comme l’un des actes constitutifs des crimes contre l’humanité. Toutefois l’article 74 ne contient pas de définition de la disparition forcée qui satisfasse pleinement aux dispositions de l’article 5 de la Convention. Le Comité regrette également que la disparition forcée constitutive d’un crime contre l’humanité ne soit pas pleinement incorporée dans le Code pénal (art. 5).

17. Le Comité engage vivement l ’ État partie à adopter les mesures nécessaires pour intégrer dans son Code pénal une définition de la disparition forcée constitutive de crime contre l ’ humanité, en application de l ’ article 5 de la Convention .

Ordre d’un supérieur

18.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie selon lesquelles le Code des procédures administratives, la loi no 108/2015 sur la Police d’État et la loi no 10032 du 11 décembre 2008 sur la Police pénitentiaire, telle que modifiée, offrent des garanties au subordonné qui souhaite désobéir à un ordre lui enjoignant de commettre un acte de disparition forcée, et laissent la possibilité d’engager des mesures disciplinaires contre le supérieur en question si l’ordre est exécuté. Il souligne que ces dispositions ne sont ni assez claires ni assez précises, et qu’elles ne couvrent pas toutes les catégories de personnes visées au paragraphe 2 de l’article 6 de la Convention, ce qui fait qu’elles n’offrent pas une protection suffisante à tout subordonné qui souhaite désobéir à un ordre donné par son supérieur lui enjoignant de commettre un acte de disparition forcée. En conséquence, le Comité estime que ces dispositions ne semblent pas offrir les garanties requises au titre du paragraphe 2 de l’article 6 de la Convention (art. 6).

19. Le Comité recommande à l ’ État partie de réviser les dispositions de la législation susmentionnée et d ’ y indiquer expressément qu ’ aucun ordre ni aucune instruction émanant d ’ une autorité publique, civile, militaire ou autre, ne peut être invoqué pour justifier un crime de disparition forcée, comme il est établi au paragraphe 2 de l ’ article 6 de la Convention. Il recommande également à l ’ État partie de renforcer la protection et les garanties juridiques prévues pour les subordonnés qui souhaitent désobéir à l ’ ordre d ’ un supérieur leur enjoignant de commettre un acte de disparition forcée.

Circonstances aggravantes et atténuantes

20.Le Comité relève que l’article 109 c) du Code pénal prévoit des peines plus sévères lorsque le crime de disparition forcée est commis dans des circonstances particulières, notamment en cas de décès de la personne disparue, ou pour ceux qui se sont rendus coupables de la disparition forcée de femmes enceintes, de mineurs, de personnes handicapées ou d’autres personnes particulièrement vulnérables. L’article 109 c) n’indique toutefois pas les circonstances atténuantes applicables à l’infraction de disparition forcée en vertu de l’alinéa a) du paragraphe 2 de l’article 7 de la Convention. Le Comité note également que le Code pénal établit un régime général de circonstances atténuantes et aggravantes (art. 48 et 50). Néanmoins, il estime que ces dispositions du Code pénal ne prennent pas correctement et pleinement en considération tous les éléments énoncés à l’article 7 de la Convention (art. 7).

21. Le Comité encourage l ’ État partie à prévoir explicitement dans son Code pénal des circonstances atténuantes et aggravantes applicables à l ’ acte de disparition forcée, qui recouvrent tous les éléments prévus au paragraphe 2 de l ’ article 7 de la Convention. Il lui recommande également de faire en sorte que les circonstances atténuantes ne donnent en aucun cas lieu à l ’ absence de sanction appropriée.

2.Responsabilité pénale et coopération judiciaire en matière de disparition forcée (art. 8 à 15)

Caractère continu de l’infraction de disparition forcée et prescription

22.Le Comité prend note de la déclaration de la délégation de l’État partie selon laquelle la législation pénale nationale prend en considération le caractère continu de la disparition forcée, mais relève qu’il n’en est pas fait mention à l’article 109 c) du Code pénal, qui définit et incrimine la disparition forcée. Il prend note également des informations fournies par l’État partie selon lesquelles le crime de disparition forcée relève du régime commun de prescription des délits et crimes prévu à l’article 66 du Code pénal, qui prévoit que le délai de prescription en cas de disparition forcée commence à courir lorsque le crime est commis et non lorsque celui-ci cesse, comme le prévoit l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 8 de la Convention (art. 8).

23. Le Comité recommande à l ’ État partie de réviser son Code pénal de manière à reconnaître expressément le caractère continu du crime de disparition forcée, et de s ’ assurer que le délai de prescription de l ’ action pénale prenne en compte l ’ extrême gravité du crime de disparition forcée et ne commence à courir que lorsque celui-ci cesse.

Compétence

24.Le Comité note que l’article 7 a) du Code pénal établit que la législation pénale albanaise s’applique aux citoyens étrangers qui se rendent coupables, en dehors du territoire de l’État partie, de l’une des infractions pour lesquelles des lois spéciales ou des accords internationaux auxquels l’Albanie est partie prévoient l’applicabilité de la législation pénale albanaise. Il prend note des informations fournies par l’État partie dans ses réponses à la liste de points (CED/C/ALB/Q/1/Add.1, par. 40), mais ne comprend pas bien si la compétence de l’État partie est établie lorsque le crime de disparition forcée est commis par un étranger en dehors du territoire d’un État partie contre un autre étranger (art. 9).

25. Le Comité encourage l ’ État partie à prendre les mesures nécessaires pour rendre sa législation pénale pleinement conforme aux dispositions du paragraphe 2 de l ’ article 9 de la Convention.

Tribunaux militaires

26.Le Comité prend note des explications fournies par l’État partie dans ses réponses à la liste de points, à savoir que lorsqu’un crime de disparition forcée est commis par un soldat, le tribunal ordinaire est compétent pour connaître de l’infraction (CED/C/ALB/Q/1/ Add.1, par. 44) et que ni la loi ni la Constitution ne confèrent à une institution militaire quelconque la possibilité d’obtenir cette compétence, même en temps de guerre ou en période d’état d’urgence (ibid., par. 57). Il relève toutefois que les informations figurant dans le rapport de l’État partie (CED/C/ALB/1, par. 31 et 32) et dans ses réponses à la liste de points (CED/C/ALB/Q/1/Add.1, par. 44), laissent supposer que les autorités militaires sont en réalité compétentes pour instruire et poursuivre le crime de disparition forcée, ce qui est en contradiction avec les informations susmentionnées. Le Comité rappelle sa position selon laquelle, par principe, les juridictions militaires ne sauraient offrir l’indépendance et l’impartialité requises par la Convention pour connaître de violations des droits de l’homme telles que les disparitions forcées (art. 11).

27. Le Comité, rappelant sa déclaration sur les disparitions forcées et la juridiction militaire, recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour préciser sa législation et faire en sorte que les disparitions forcées restent expressément en dehors du champ de compétence des juridictions militaires dans tous les cas et que ces affaires ne puissent faire l ’ objet d ’ une enquête et être jugées que par les tribunaux ordinaires ( A/70/56, annex e III, par. 5 ) .

3.Mesures de prévention des disparitions forcées (art. 16 à 23)

Non-refoulement

28.Le Comité note que la loi no 121/2014 sur le droit d’asile (art. 6), mentionne le risque, pour un demandeur d’asile, de faire l’objet d’une disparition forcée parmi les motifs de non-refoulement, mais qu’elle ne prévoit aucune disposition sur l’application du principe de non-refoulement dans les autres situations prévues au paragraphe 1 de l’article 16 de la Convention. Il note également que l’article 11 du Code pénal, qui concerne l’extradition, ne fait pas expressément référence à la disparition forcée. Il note en outre que l’État partie ne donne aucune information quant à l’éventuelle existence de procédures ou mécanismes clairs et précis pour évaluer et vérifier le risque que court une personne d’être victime de disparition forcée dans le pays de destination (art. 16).

29. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager d ’ inscrire expressément dans sa législation nationale l ’ interdiction d ’ expulser, de refouler, de remettre ou d ’ extrader une personne lorsqu ’ il y a des motifs sérieux de croire qu ’ elle risque d ’ être victime d ’ une disparition forcée, en application du paragraphe 1 de l ’ article 16 de la Convention. Il encourage l ’ État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte qu ’ il existe des procédures ou des mécanismes clairs et précis pour évaluer et vérifier le risque que court une personne d ’ être victime de disparition forcée dans le pays de destination.

Formation aux dispositions de la Convention

30.Le Comité prend note des informations concernant les nombreux programmes de formation sur les droits de l’homme, y compris sur les normes régissant la privation de liberté, offerts aux agents de police et aux agents pénitentiaires. Il constate cependant que ces programmes de formation ne sont pas dispensés régulièrement et ne portent pas expressément sur la Convention (art. 23).

31. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que tous les agents des forces de l ’ ordre , civils comme militaires , le personnel médical, les agents de la fonction publique et les autres personnes susceptibles d ’ intervenir dans la garde ou le traitement de toute personne privée de liberté, notamment les juges, les procureurs et les autres personnes responsables de l ’ administration de la justice, reçoivent régulièrement une formation appropriée sur les dispositions de la Convention, comme le prévoit son article 23.

4.Mesures de réparation et mesures de protection des enfants contre les disparitions forcées (art. 24 et 25)

Définition de la victime

32.Le Comité prend note des dispositions de l’article 58 du Code de procédure pénale, qui renforce les droits des victimes dans les affaires pénales. Il est toutefois préoccupé par l’absence, dans ce Code, de définition du terme « victime » qui soit conforme aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 24 de la Convention. Il prend note des explications fournies par la délégation de l’État partie selon laquelle la détermination du statut de « victime » se fait au cas par cas, mais rappelle que le paragraphe 1 de l’article 24 établit une définition de la « victime » d’une nature plus large, qui englobe non seulement la personne disparue mais aussi toute personne physique ayant subi un préjudice direct du fait de la disparition forcée. Le Comité note également que l’article 58 ne mentionne pas expressément le droit des victimes de savoir la vérité sur les circonstances de la disparition forcée. Il considère donc que la législation de l’État partie n’est pas pleinement conforme à la définition plus large qui figure au paragraphe 1 de l’article 24 de la Convention (art. 24).

33. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ inscrire dans sa législation pénale une définition de la victime de disparition forcée qui soit conforme à celle qui est énoncée au paragraphe 1 de l ’ article 24 de la Convention, afin de garantir à toute personne ayant subi un préjudice direct du fait d ’ une disparition forcée la pleine jouissance des droits consacrés par la Convention. L ’ État partie devrait également veiller à ce que l ’ article 58 de son Code pénal consacre le droit des victimes de connaître la vérité sur les circonstances de la disparition forcée, comme le prévoit le paragraphe 2 de l ’ article 24 de la Convention.

Droit d’obtenir réparation et d’être indemnisé rapidement, équitablement et de manière adéquate

34.Le Comité relève que l’article 58 du Code de procédure pénale dispose que la victime d’une infraction pénale a le droit de demander une indemnisation, mais ne garantit pas les autres formes de réparation prévues aux paragraphes 4 et 5 de l’article 24 de la Convention, notamment la restitution, la réadaptation, la satisfaction, y compris le rétablissement de la dignité et de la réputation, et des garanties de non-répétition (art. 24).

35. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour élargir les formes de réparation disponibles, en particulier en prévoyant la restitution, la réadaptation, la satisfaction et les garanties de non-répétition, conformément au paragraphe 5 de l ’ article 24 de la Convention.

Les disparitions forcées sous le régime communiste

36.Le Comité salue les différentes initiatives prises par l’État partie pour lutter contre les violations des droits de l’homme, en particulier les disparitions forcées survenues pendant la période communiste, de 1944 à 1991. Le Comité constate que l’État partie a pris des mesures pour indemniser les victimes et leur famille, et a mis en place des institutions spécialement chargées d’étudier et de recenser les persécutions politiques commises par le régime communiste et de faire mieux connaître ces événements à la population. Il note que l’État partie a créé, au sein de l’Institut pour l’intégration des victimes de persécutions politiques, une section des personnes disparues, essentiellement chargée de rechercher les personnes qui ont été victimes de disparition forcée sous le régime communiste, en particulier en s’attachant à recueillir des éléments de preuve et des renseignements sur ces victimes, et en procédant à des exhumations de restes humains. Il se félicite de la négociation d’un accord avec la Commission internationale des personnes disparues. Il regrette toutefois que l’État partie n’ait pas encore mené d’enquêtes en vue d’identifier et de poursuivre les responsables et d’accorder aux victimes et à leur famille toutes les formes de réparation prévues à l’article 24 de la Convention.

37. Le Comité encourage l ’ État partie à redoubler d’efforts pour faire toute la lumière sur les disparitions forcées qui ont eu lieu sous le régime communiste, en particulier sur le sort qui a été réservé aux victimes et sur l’endroit où elles se trouvent, et à envisager d ’ enquêter sur ces crimes, de poursuivre les responsables et d ’ accorder aux victimes et à leur famille toutes les formes de réparation prévues à l ’ article 24 de la Convention.

Législation relative à la soustraction d’enfants

38.Le Comité prend note des dispositions de l’article 109 c) du Code pénal qui englobent tous les éléments de l’alinéa a) du paragraphe 1 de l’article 25 de la Convention. La législation nationale offre une protection générale des enfants contre la violence, l’exploitation, la négligence et la maltraitance, mais ne prévoit pas de protection particulière des enfants victimes de disparition forcée. Il constate également que l’État partie n’a fourni aucun renseignement approprié sur les procédures mises en place pour rétablir la véritable identité de tout enfant soumis à une disparition forcée, et qu’il ne l’a pas informé de la législation et des procédures en place pour réviser et, le cas échéant, annuler toute décision d’adoption ou de placement d’enfants qui trouve son origine dans une disparition forcée, ou des dispositions législatives qui s’y rapportent, en vue de satisfaire pleinement aux dispositions des paragraphes 1 b), 2 et 4 de l’article 25 (art. 25).

39.Le Comité demande instamment à l ’ État partie de prendre les mesures particulières nécessaires pour assurer une protection effective des enfants contre la disparition forcée, et en particulier : a) de mettre en place des procédures visant à rétablir l ’ identité véritable des enfants en cas de falsification, de dissimulation et de destruction des documents qui en attestent  ; b) d ’ adopter une législation et d ’ établir des procédures pour réviser et, le cas échéant , annuler toute adoption ou tout placement d’enfants qui trouve son origine dans une disparition forcée ; c) de conclure des accords d ’ entraide avec d ’ autres États pour la recherche, l ’ identification et la localisation des enfants soumis à une disparition forcée.

D.Diffusion et suivi

40.Le Comité tient à rappeler les obligations auxquelles les États ont souscrit en devenant parties à la Convention et, à ce propos, engage l’État partie à veiller à ce que toutes les mesures qu’il adopte, quelles que soient leur nature et l’autorité dont elles émanent, soient pleinement conformes aux obligations qu’il a acceptées en devenant partie à la Convention et d’autres instruments internationaux pertinents. Il engage tout particulièrement l’État partie à garantir la conduite d’une enquête efficace sur toutes les disparitions forcées ainsi que la satisfaction sans réserve des droits des victimes tels qu’ils sont consacrés par la Convention.

41. Le Comité tient également à souligner que les disparitions forcées ont des effets particulièrement cruels sur les droits fondamentaux des femmes et des enfants. Les femmes victimes de disparition forcée sont particulièrement vulnérables à la violence sexuelle et aux autres formes de violence sexiste. Lorsqu’elles sont les parentes d’une personne disparue, les femmes sont particulièrement exposées à des conséquences sociales et économiques graves ainsi qu’à la violence, aux persécutions et aux représailles du fait des efforts qu’elles font pour localiser leurs proches. Pour leur part, les enfants victimes de disparition forcée, qu’ils soient eux-mêmes soumis à une disparition ou qu’ils subissent les conséquences de la disparition de membres de leur famille, sont particulièrement exposés à de multiples violations des droits de l’homme, notamment la substitution d’identité. C’est pourquoi le Comité insiste sur la nécessité, pour l’État partie, de tenir compte des questions de genre et de la sensibilité des enfants dans l’application des droits et obligations qui découlent de la Convention.

42. L’État partie est invité à diffuser largement la Convention, le rapport qu’il a soum is en application du paragraphe 1 de l’article 29, ses réponses écrites à la liste de points élaborée par le Comité et les présentes observations finales, en vue de sensibiliser les autorités judiciaires, législatives et administratives, la société civile, les organisations non gouvernementales qui sont actives dans le pays et le grand public. Il est également invité à promouvoir la participation de la société civile, en particulier les associations de victimes, aux mesures prises en application des présentes observations finales.

43. L’État partie ayant soumis son document de base en 2012 (HRI/CORE/ ALB/2012), le Comité l’invite à mettre celui-ci à jour, conformément aux règles applicables aux documents de base communs, énoncées dans les Directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (voir HRI/GEN.2/ Rev.6, chap. I).

44. Conformément au règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait communiquer, le 1 er  j uin 2019 au plus tard, des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 31, 33 et 39.

45. En application du paragraphe 4 de l’article 29 de la Convention, le Comité demande à l’État partie de lui soumettre, au plus tard le 1 er juin 2024, des informations précises et actualisées sur la mise en œuvre de toutes les recommandations formulées, ainsi que tous renseignements nouveaux concernant l’exécution des obligations découlant de la Convention, dans un document conforme aux prescriptions énoncées dans les Directives concernant la forme et le contenu des rapports que les États parties doivent soumettre en application de l’article 29 de la Convention (voir CED/C/2, par.  39). Le Comité encourage l’État partie à promouvoir et à faciliter la participation de la société civile, en particulier les associations de victimes, à la compilation de ces informations.