Nations Unies

CCPR/C/KGZ/CO/3

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

9 décembre 2022

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le troisième rapport périodique du Kirghizistan *

1.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique du Kirghizistan à ses 3921e et 3922e séances, les 11 et 12 octobre 2022. À sa 3945e séance, le 28 octobre 2022, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique du Kirghizistan et les renseignements qui y sont donnés. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation de haut niveau de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour appliquer les dispositions du Pacte. Il remercie l’État partie des réponses écrites apportées à la liste de points, qui ont été complétées oralement par la délégation, ainsi que des renseignements supplémentaires qui lui ont été communiqués par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité salue l’adoption par l’État partie des mesures législatives et institutionnelles ci-après :

a)L’adoption, en 2022, d’une nouvelle loi portant modification de la loi sur l’aide juridictionnelle garantie par l’État ;

b)L’adoption, le 5 mai 2021, de la Constitution, qui contient des dispositions sur la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, y compris des droits énoncés dans le Pacte, et sur la place du droit international, notamment du droit international des droits de l’homme, dans le système juridique interne (art. 6 (par. 3) et 55) ;

c)L’adoption, en 2020, du décret présidentiel sur la Stratégie nationale 2021‑2024 de lutte contre la corruption et d’élimination de ses conséquences ;

d)L’adoption, en 2020, d’une directive sur l’élaboration d’une identité civique (jarany kirghize) pour la période 2021-2026 ;

e)L’adoption, en 2020, du Plan de lutte contre la corruption au sein du système judiciaire pour la période 2021-2024 ;

f)La création, en 2019, du mécanisme national d’orientation des victimes de la traite des personnes.

4.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées en 2019.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Application du Pacte et du Protocole facultatif s’y rapportant

5.Le Comité prend note de l’exécution du Plan d’action national relatif aux droits de l’homme pour la période 2019-2021, mais il constate avec préoccupation que l’établissement de la version finale du plan d’action pour la période 2022-2024 a pris du retard et que les parties prenantes concernées, notamment les représentants de la société civile, n’ont pas été conviées à des consultations ouvertes et constructives. Il constate également avec préoccupation que dans le projet de loi sur les actes juridiques, le délai imparti à la consultation publique sur les projets de loi est court dans certains cas. Il accueille avec satisfaction les renseignements fournis par l’État partie selon lesquels, en application du Code de procédure pénale de 2021, lorsqu’il conclut à une violation du Pacte par l’État partie, les victimes peuvent saisir les tribunaux nationaux pour demander la réouverture de leur affaire. Il note toutefois avec inquiétude que certaines des constatations qu’il a adoptées n’ont pas été appliquées tout de suite, voire n’ont pas été appliquées du tout, et que les tribunaux nationaux appliquent rarement directement les dispositions du Pacte. Il salue les progrès considérables accomplis par l’État partie dans la lutte contre l’apatridie, mais il reste préoccupé par le projet de loi sur la déchéance de la nationalité. Ce projet de loi prévoit la possibilité de déchoir une personne de sa nationalité en cas de participation à des actes liés au terrorisme, de financement d’activités terroristes, de trahison, d’espionnage, de séparatisme, d’extrémisme et de prise des armes en tant que mercenaires, ne protège pas le droit à un procès équitable et n’énonce pas les garanties d’une procédure régulière.

6.L ’ État partie devrait :

a)Accélérer l ’ adoption du Plan d ’ action national relatif aux droits de l ’ homme pour la période 2022-2024, en menant des consultations ouvertes et constructives avec la société civile ;

b)Revoir le projet de loi sur les actes juridiques afin de garantir que tous les acteurs concernés, notamment les représentants de la société civile, puissent participer réellement et de manière ouverte au processus législatif ;

c)Prendre toutes les mesures voulues pour donner suite à toutes les constatations adoptées par le Comité, notamment recourir à des mécanismes appropriés et efficaces, afin de garantir le droit des victimes à un recours utile en cas de violation du Pacte, conformément à l ’ article 2 (par. 3), et dispenser des formations aux juges, aux procureurs et aux avocats ;

d)Diffuser les constatations adoptées par le Comité en vue de les faire connaître auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et du grand public, notamment en les traduisant dans les langues parlées sur son territoire et en les publiant sur les sites Web officiels ;

e) Veiller à ce que le projet de loi sur la déchéance de la nationalité soit conforme aux dispositions du Pacte et aux normes internationales relatives aux droits de l ’ homme.

Institution nationale des droits de l’homme

7.Le Comité est préoccupé de constater qu’aucun progrès n’a été fait pour ce qui est de garantir la pleine indépendance du Bureau du Médiateur (Akyikatchy). Il note avec regret que l’État partie n’a pas modifié la loi sur le Médiateur pour la rendre conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris). Il regrette également de ne pas avoir reçu d’informations sur les ressources financières et techniques allouées au Bureau du Médiateur (art. 2).

8.Eu égard aux précédentes recommandations du Comité , l ’ État partie devrait :

a)C onsulter la société civile sur les moyens de rendre le mandat du Médiateur (Akyikatchy) pleinement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris) , notamment sur les moyens de faire en sorte que le Médiateur soit totalement indépendant des autorités exécutives ;

b)D oter le Bureau du Médiateur de s ressources humaines et financières lui permettant de s ’ acquitter de son mandat de manière efficace et indépendante.

Mesures de lutte contre la corruption

9.Le Comité se félicite des réformes engagées et des mesures prises par l’État partie afin de lutter contre la corruption, mais reste préoccupé par les informations selon lesquelles les faits de corruption sont en forte augmentation, notamment parmi les juges. En outre, il regrette de n’avoir pas reçu d’informations détaillées au sujet des enquêtes, des poursuites et des condamnations auxquelles les faits de corruption mis au jour ont pu donner lieu, en particulier dans la haute fonction publique. Il est préoccupé par le projet de loi sur la dénonciation spontanée d’éléments de revenu et de fortune par des personnes physiques à des fins d’amnistie et de régularisation, qui prévoit de rendre les déclarations de patrimoine des fonctionnaires inaccessibles au public. Il constate également avec préoccupation que la loi du 14avril 2022 sur les marchés publics exempte de publication un tiers des marchés publics (art. 2 et 14).

10.L ’ État partie devrait :

a)Faire en sorte que tout fait de corruption soit soumis sans délai à une enquête approfondie et que les auteurs de faits de corruption, y compris dans la haute fonction publique et l ’ appareil judiciaire, soient poursuivis et condamnés à des peines à la mesure de la gravité de leurs actes ;

b)Veiller au recouvrement d ’ actifs, s ’ il y a lieu ;

c)Former les membres des forces de l ’ ordre, les procureurs et les juges afin qu ’ ils soient capables de détecter des faits de corruption, en particulier des faits de corruption de haut niveau, d ’ enquêter sur ces faits et de poursuivre leurs auteurs ;

d)Réviser, en y associant largement la société civile, le projet de loi sur la dénonciation spontanée d ’ éléments de revenu et de fortune par des personnes physiques à des fins d ’ amnistie et de régularisation , et s ’ abstenir de rendre les déclarations de patrimoine des fonctionnaires inaccessibles au public ;

e)Réviser la loi sur les marchés publics afin de garantir le respect des principes de transparence et de responsabilité dans la passation des marchés, notamment par la publication d ’ informations et la mise en place d ’ un mécanisme de contrôle indépendant.

Non-discrimination

11.Le Comité accueille avec satisfaction les informations fournies par l’État partie selon lesquelles le projet de Plan d’action national relatif aux droits de l’homme pour la période 2022‑2024 comprend des propositions relatives à l’adoption d’une législation complète contre la discrimination. Il reste toutefois préoccupé par le fait que le cadre juridique en place n’offre pas une protection pleine et efficace contre la discrimination directe, indirecte et multiple dans les secteurs public et privé, pour tous les motifs visés par le Pacte. Il s’inquiète en particulier du fait que l’article 24 de la Constitution ne mentionne pas expressément l’orientation sexuelle et l’identité de genre comme motifs de discrimination, et de l’applicabilité des dispositions de cet article à la discrimination dans la sphère privée, y compris dans les domaines de l’éducation et de la santé. Le Comité note en outre avec préoccupation que l’article 330 du Code pénal, qui réprime l’incitation à l’hostilité ou à la haine raciale, ethnique, religieuse ou interrégionale, n’inclut pas l’orientation sexuelle et l’identité de genre (art. 2 et 26).

12.Conformément aux précédentes recommandations du Comité , l ’ État partie devrait :

a)Adopter une législation antidiscrimination complète qui protège pleinement et efficacement contre la discrimination dans tous les domaines, qui contienne une liste exhaustive des motifs de discrimination interdits, dont l ’ orientation sexuelle et l ’ identité de genre, et qui prévoie des recours utiles en cas de violation ;

b)Adopter des mesures concrètes, notamment en mettant en place des programmes de formation et de sensibilisation à l ’ intention des fonctionnaires, des agents des forces de l ’ ordre et des membres de l ’ appareil judiciaire, y compris du ministère public, afin de prévenir efficacement les actes de discrimination ;

c)Encourager le signalement des crimes de haine et des discours haineux, y compris en ligne, et veiller à ce que tous les actes de ce type donnent lieu à une enquête approfondie, à ce que leurs auteurs soient poursuivis et sanctionnés, et à ce que les victimes reçoivent une réparation intégrale.

Discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre

13.Le Comité est préoccupé par les informations signalant la persistancedes crimes de haine et des discours haineux fondés sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Il est en outre préoccupé par les informations concernant les actes de stigmatisation, de harcèlement, de violence et de discrimination commis en toute impunité par des responsables politiques et des agents de l’État à l’égard de personnes en raison de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre, notamment lors des élections législatives de 2020. Il note que des cours de formation sont régulièrement organisés à l’intention des fonctionnaires, mais il est préoccupé par l’absence de programmes de formation complets pour tous les agents de l’État et de campagnes de sensibilisation visant l’ensemble de la population (art. 2, 7, 17, 21 et 26).

14.L ’ État partie devrait adopter une approche globale de l ’ action à mener pour prévenir et combattre toutes les formes de discrimination fondée sur l ’ orientation sexuelle et l ’ identité de genre, et :

a)Assurer une protection effective contre toutes les formes de discrimination et de violence fondées sur l ’ orientation sexuelle et l ’ identité de genre, tant en droit que dans la pratique, et veiller à ce que de tels actes fassent sans délai l ’ objet d ’ une enquête approfondie ;

b)Renforcer la formation des agents de l ’ État, notamment des membres de l ’ appareil judiciaire, du ministère public et de la police, en ce qui concerne la prévention et la répression de la violence fondée sur l ’ orientation sexuelle et l ’ identité de genre.

Égalité des genres

15.Le Comité prend note avec satisfaction des mesures que l’État partie a prises pour accroître la représentation des femmes dans la vie politique, notamment dans les parlements nationaux et locaux. Toutefois, il reste préoccupé par le fait que seuls 21 % des sièges du parlement national sont occupés par des femmes. En outre, selon les informations reçues, une seule femme a remporté un siège dans les 36 circonscriptions uninominales lors de l’élection de 2021. Le Comité prend note des renseignements communiqués par la délégation, mais il est préoccupé par la représentation encore faible des femmes dans les organes judiciaires, législatifs et exécutifs, en particulier aux postes de décision de haut niveau (art. 2, 3, 25 et 26).

16. L ’ État partie devrait renforcer les mesures visant à permettre aux femmes de participer pleinement et dans des conditions d’égalité avec les hommes à la vie politique et publique, y compris au sein des organes exécutifs, judiciaires et législatifs aux niveaux national, régional et local, en particulier aux postes de décision.

État d’urgence et mesures de lutte contre la COVID-19

17.Le Comité note avec préoccupation que si la plupart des restrictions liées à la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) ont été levées, le Gouvernement a prolongé l’état d’urgence en juillet 2022. À cet égard, il se déclare préoccupé par le fait que les autorités n’ont pas diffusé les informations relatives à la COVID-19, notamment les ordonnances et règlements officiels, dans les langues des minorités ethniques. Il se félicite de l’adoption de la loi sur la défense civile en 2018, mais il constate avec préoccupation que l’article 2 (par. 4) de ladite loi définit les situations d’urgence de manière plus large que l’article 4 du Pacte en incluant les accidents, les sinistres et les catastrophes d’origine humaine. Il est également préoccupé par le fait que l’État partie a utilisé l’état d’urgence pour adopter de manière accélérée une cinquantaine de lois sans rapport avec la pandémie de COVID-19, en contournant la procédure parlementaire. Il note en outre avec préoccupation qu’en dépit des efforts déployés par l’État partie, le taux de vaccination de la population demeure faible (art. 4, 9, 12, 14, 17 et 21).

18.L ’ État partie devrait veiller à ce que la législation nationale relative aux situations d ’ urgence soit pleinement conforme à toutes les dispositions du Pacte et à l ’ observation générale n o 29 (2001) du Comité sur les dérogations aux dispositions du Pacte pendant un état d ’ urgence. Sachant que la plupart des mesures relatives à la COVID-19 ont été levées, l ’ État partie devrait également envisager de mettre fin à l ’ état d ’ urgence. Il devrait s ’ abstenir d ’ adopter des lois de manière accélérée , en contournant la voie parlementaire, et veiller à ce que les parties concernées, y compris la société civile, soient effectivement consultées. Il devrait mener des campagnes de sensibilisation afin d’ augmenter le taux de vaccination contre la COVID-19. Il devrait aussi faire en sorte que toute la réglementation relative aux urgences sanitaires soit disponible dans toutes les langues utilisées dans le pays.

Mesures de lutte contre le terrorisme

19.Le Comité regrette l’absence d’informations sur le contenu et l’application de la législation de l’État partie visant à lutter contre le terrorisme et l’extrémisme. Il est préoccupé par le caractère trop large et imprécis des définitions figurant dans la législation antiterroriste nationale, en particulier celles de l’« extrémisme », et par l’absence de garanties suffisantes pour empêcher l’utilisation arbitraire des mesures antiterroristes comme moyen derestreindre l’exercice légitime des droits et libertés garantis par le Pacte, notamment des libertés de religion, d’expression et d’association. Il salue les dispositions que l’État partie a prises en coopération avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance en vue de rapatrier 79 enfants d’Iraq en 2021, mais il note avec regret qu’aucune nouvelle mesure n’a été prise en vue de rapatrier les autres ressortissants kirghizes des zones de conflit en Afghanistan, en Iraq et en République arabe syrienne (art. 2, 18, 19, 21 et 22).

20.L ’ État partie devrait :

a)Clarifier et préciser les définitions du terrorisme et de l’extrémisme figurant dans la législation nationale relative à la lutte contre le terrorisme, notamment en y incluant le critère de l’incitation directe ou du recours à la violence et en veillant à ce qu e les dispositions de la législation soient conformes aux principes de sécurité juridique, de prévisibilité et de proportionnalité ;

b)Prévoir des garanties appropriées, notamment un contrôle juridictionnel, pour toute restriction des droits de l ’ homme imposée à des fins de sécurité nationale et veiller à ce que l ’ application de telles restrictions vise des objectifs légitimes et soit nécessaire et proportionnée ;

c)Continuer de s ’ efforcer de rapatrier tous les ressortissants kirghizes d ’ Afghanistan, d ’ Iraq et de République arabe syrienne et fournir à ces personnes un soutien, des moyens de réadaptation et de réinsertion et des possibilités de regroupement familial.

Traite des personnes

21.Le Comité se félicite de la création du mécanisme national d’orientation des victimes de la traite des personnes en 2019. Il constate toutefois avec préoccupation que, selon les informations dont il dispose, en octobre2022, ce mécanisme n’était toujours saisi d’aucun cas. Il demeure préoccupé par l’absence de centres d’hébergementfinancés par l’État pour les victimes de la traite. Il est en outre profondément préoccupé par le faible nombre d’enquêtes ouvertes, de poursuites engagées et de condamnations prononcées dans des affaires de traite et de travail forcé, y compris de travail et d’exploitation sexuelle des enfants. Il s’inquiète également de l’existence de contradictions entre les articles 166 (par. 4) et 167 du Code pénal, relatifs à la traite des personnes et à la traite des enfants (art. 3, 8 et 24).

22.L ’ État partie devrait :

a)Veiller à ce que les allégations de traite des personnes , y compris de travail et d ’ exploitation sexuelle des enfants, donnent lieu à des enquêtes approfondies et que les auteurs présumés de tels faits soient poursuivis et sanctionnés de manière appropriée ;

b)Veiller à ce que les victimes de la traite reçoivent une assistance adéquate, qu ’ elles coopèrent ou non avec les autorités dans le cadre des enquêtes et des poursuites pénales, notamment en créant des centres d ’ hébergement financés par l ’ État ;

c)Réviser l ’ article 166 (par. 4) du Code pénal afin de prévoir des sanctions appropriées pour la traite des enfants.

Violence à l’égard des femmes et violence familiale

23.Le Comité prend note avec satisfaction des efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la violence à l’égard des femmes et la violence familiale, mais il est préoccupé par l’augmentation du nombre de cas de violence familiale signalés, en particulier pendant la pandémie de COVID-19. Il constate en outre avec préoccupation que les pratiques néfastes des mariages précoces et des mariages forcés persistent. Il regrette de ne pas avoir reçu d’informations claires sur le rôle et les capacités des comités locaux de protection et de défense contre la violence familiale. Il s’inquiète de l’absence d’informations détaillées sur le service d’appel d’urgence 112, mis en place pour venir en aide aux victimes. En outre, il demeure profondément préoccupé par le nombre élevé d’enquêtes suspendues concernant des violences sexuelles ou fondées sur le genre et par le faible nombre de condamnations pour de tels actes. Il est également préoccupé par l’absence de centres financés par l’État pour l’accueil des victimes de violence familiale (art. 2, 3, 7, 23 et 26).

24.L ’ État partie devrait :

a)Prendre des mesures efficaces pour prévenir les violences familiales, enquêter sur ces actes, poursuivre leurs auteurs et prononcer des sanctions adéquates ;

b)Redoubler d ’ efforts pour lutter contre le mariage forcé et le mariage précoce ;

c)Élargir et renforcer les services d ’ aide aux victimes et la protection accordée aux femmes et aux filles qui ont subi des violences, en leur donnant accès à un hébergement, à une prise en charge médicale sans jugement, à une assistance psychosociale et à tous les autres services d ’ aide conformément aux meilleures pratiques telles que celles définies dans la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique ( Convention d ’ Istanbul ) ;

d)Renforcer la participation de la société civile et du public et le contrôle public de l ’ application de la législation et des politiques visant à prévenir et réprimer la violence à l ’ égard des femmes et la violence familiale, et améliorer les interactions entre la société civile, les organes de l ’ État et les acteurs de la justice pénale ;

e)Renforcer les activités visant à mieux faire connaître aux femmes et aux filles, y compris dans les zones rurales, les recours dont elles peuvent se prévaloir pour obtenir la protection de leurs droits ;

f)Sensibiliser les chefs religieux et les chefs communautaires au fait que les femmes qui font valoir leurs droits ne doivent pas être stigmatisées, et organiser des formations sur les droits des femmes et l ’ égalité hommes-femmes à l ’ intention des membres de l ’ appareil judiciaire et des agents de la force publique, afin de lutter contre les stéréotypes liés au genre et les préjugés visant les femmes qui remettent en cause le patriarcat dans le système judiciaire.

Violences interethniques

25.Le Comité constate à nouveau avec préoccupation qu’aucune enquête complète, indépendante et efficace n’a été menée sur les violations des droits de l’homme commises pendant et après le conflit ethnique de juin 2010 dans le sud du Kirghizistan et regrette que l’État partie n’ait pas accordé une indemnisation aux victimes, sans discrimination fondée sur l’appartenance ethnique. Il demeure en outre préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas totalement éliminé les causes profondes de ce conflit, qui risquent de persister. Il note avec préoccupation que, malgré des allégations persistantes de stigmatisation et de discours de haine fondés sur l’appartenance ethnique, aucune plainte n’a été enregistrée à ce sujet pendant la période considérée (art. 2, 7, 9, 14, 26 et 27).

26.L ’ État partie devrait :

a)Mener une enquête indépendante, impartiale, approfondie et efficace sur toutes les allégations de violations des droits de l ’ homme liées au conflit ethnique de 2010 et veiller à ce que les responsables soient poursuivis et que les victimes aient accès à des voies de recours sans aucune discrimination fondée sur l ’ appartenance ethnique ;

b)Mettre en place un mécanisme de plainte impartial et veiller à ce que des recours utiles et accessibles soient disponibles pour toutes les formes de discrimination, y compris celles fondées sur l ’ appartenance ethnique, et collecter des données ventilées sur les plaintes pour discrimination et leurs résultats.

Droit à la vie et protection de la population

27.Le Comité félicite l’État partie pour les mesures qu’il a prises en ce qui concerne la protection de la population dans la région de Batken. Toutefois, il est préoccupé par les informations selon lesquelles lesopinions de la population touchée et de la société civile ne sont pas suffisamment prisesen considération par les agents de l’État responsables de la protection de la population et de la restauration des biens endommagés ou détruits (art. 6).

28. L ’ État partie devrait poursuivre ses efforts pour assurer la protection de la population dans la région de Batken et adopter une stratégie nationale de protection des personnes touchées, en particulier des déplacés, à l ’ issue de consultations larges et ouvertes avec tous les acteurs concernés.

Torture et mauvais traitements et non-refoulement

29.Le Comité prend note de l’explication fournie par l’État partie concernant sa décision de fusionner le Centre national pour la prévention de la torture avec le Bureau du Médiateur, mais il reste préoccupé par le fait que le Centre ne dispose pas d’un financement suffisant pour s’acquitter de son mandat de manière efficace et indépendante. Il est profondément préoccupé par les modifications apportées au Code pénal et au Code de procédure pénale, en particulier par le rétablissement de la phase de vérification préalable à l’enquête, qui a pour effet de limiter les droits de la victime et du défendeur. En outre, il demeure préoccupé par le degré élevé d’impunité dont jouissent les auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements à l’égard de personnes privées de liberté, notamment dans les internats et les établissements militaires et psychiatriques, et par l’insuffisance des indemnisations accordées aux victimes. Il est également préoccupé par les informations persistantes selon lesquelles des personnes seraient extradées malgré des informations crédibles signalant un risque de torture. Il relève aussi avec préoccupation que l’État partie n’a pas mené d’enquête approfondie et efficace sur la disparition forcée d’Orhan Inandi (art. 2, 6, 7 et 14).

30.L ’ État partie devrait :

a)Doter le Centre national pour la prévention de la torture des ressources financières nécessaires pour lui permettre de s ’ acquitter de son mandat de manière efficace et indépendante, notamment en assurant à son personnel un accès sans entrave à tous les lieux de privation de liberté et en instituant la responsabilité administrative et pénale pour les ingérences illégales dans les activités du Centre ;

b)Réviser le Code de procédure pénale , veiller à ce qu ’ il soit pleinement conforme au Pacte et aux normes internationales relatives à l ’ équité des procès et à l ’ administration de la justice et, e n particulier, envisager d ’ abolir les vérifications préalables à l ’ enquête , car il s’agit d’une pratique qui enfreint les règles d ’ une procédure équitable étant donné qu ’ elle contourne les garanties en matière de droits de l ’ homme dont devraient bénéficier les victimes d ’ infractions et les suspects  ;

c)Veiller à ce que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements donnent lieu, dans les meilleurs délais, à une enquête impartiale, approfondie et effective, à ce que les auteurs de tels actes soient poursuivis et à ce que les victimes reçoivent une réparation intégrale, comprenant des services de réadaptation et une indemnisation adéquate ;

d)Appliquer strictement l ’ interdiction absolue du refoulement découlant des articles 6 et 7 du Pacte et faire preuve de la plus grande prudence dans l ’ évaluation des assurances diplomatiques , veiller à ce qu ’ un suivi approprié, efficace et indépendant soit effectué après le transfert de personnes ayant fait l ’ objet d ’ assurances et s ’ abstenir de se fier à de telles assurances lorsqu ’ il n ’ est pas en mesure de surveiller efficacement le traitement réservé aux personnes concernées après leur extradition, leur expulsion, leur transfert ou leur retour dans un autre pays  ;

e)Mener sans délai une enquête approfondie, efficace et impartiale sur la disparition forcée d ’ Orhan Inandi et rendre publics ses résultats.

Liberté et sécurité de la personne

31.Le Comité prend note des informations communiquées par la délégation, mais constate avec préoccupation que, dans la pratique, toutes les personnes privées de liberté ne jouissent pas des garanties juridiques fondamentales et, en particulier, ne bénéficient pas de l’assistance d’un avocat ainsi que le prévoit le système d’aide juridictionnelle de l’État. Enoutre, il note avec inquiétude que, selon les éléments portés à sa connaissance, les examens médicaux sont très superficiels. Il constate avec une vive préoccupation que, dans certains cas, des enfants en conflit avec la loi sont arrêtés, interrogés et mis en détention sans que leurs parents ou un tuteur soient présents (art.9 et 14).

32.L ’ État partie devrait :

a)Faire en sorte que toute personne privée de liberté bénéficie, en pratique et dès sa mise en détention, de toutes les garanties juridiques, notamment qu ’ elle ait accès à un avocat et fasse l ’ objet d ’ un examen médical immédiatement après son arrestation ;

b)Former les membres des forces de l ’ ordre, les juges et les procureurs à des méthodes d ’ enquête et d ’ interrogatoire adaptées aux enfants ;

c)De préférer les mesures non privatives de liberté à la détention provisoire et à l ’ incarcération.

Détention administrative

33.Le Comité constate avec préoccupation que le Code des infractions administratives autorise de nouveau le placement en détention administrative pour une durée pouvant aller jusqu’à cinq jours et que les personnes placées en détention administrative ne bénéficient pas de garanties suffisantes ni ne jouissent d’un droit réel de contester la décision de leur mise en détention (art.9, 10 et 14).

34. L ’ État partie devrait mettre le Code des infractions administratives en conformité avec les articles 9, 10 et 14 du Pacte et, en particulier, remédier aux lacunes susmentionnées afin que les procédures soient équitables et impartiales. Il devrait garantir, en droit et en pratique, que les personnes placées en détention administrative puissent contester leur mise en détention.

Conditions de détention et décès en détention

35.Le Comité est vivement préoccupé par les informations selon lesquelles des détenus seraient morts à la suite d’actes de torture et de mauvais traitements. Il prend note des informations communiquées par l’État partie, mais constate avec inquiétude que tous les décès survenus en détention ne donnent pas lieu à des enquêtes sérieuses et impartiales. Ilfélicite l’État partie pour ses efforts visant à moderniser le système pénitentiaire et à améliorer les conditions de détention. Cependant, il considère que les conditions de détention, en particulier des personnes condamnées à l’emprisonnement à vie, restent préoccupantes. En outre, il s’inquiète de la situation dans les établissements psychiatriques, qui s’est aggravée pendant la pandémie de COVID-19. Enfin, le Comité constate avec préoccupation que l’enquête sur la mort d’Azimjan Askarov n’a donné aucun résultat (art.7 et 10).

36.L ’ État partie devrait :

a)Prendre sans délai des mesures pour que les décès survenus en détention fassent l ’ objet d ’ enquêtes approfondies et impartiales, que les responsables aient à répondre de leurs actes et que les familles des victimes obtiennent réparation ;

b)Redoubler d ’ efforts pour améliorer les conditions de détention, y compris dans les établissements psychiatriques, et veiller au respect de la dignité des personnes privées de liberté, conformément à l ’ article 10 du Pacte et à l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela), en allouant à cette fin des ressources humaines et financières suffisantes ;

c)Faire en sorte que toutes les personnes détenues reçoivent rapidement des soins de santé appropriés et, s ’ il y a lieu, un traitement spécialisé , et envisager de le s transf érer vers des établissements de santé publique ou d’appliquer de s mesures substitutives à la détention s i le traitement hospitalier requis n ’ est pas possible à l ’ intérieur de l ’ établissement pénitentiaire ;

d)Faire en sorte que tous les lieux de privation de liberté pour de courtes durées soient gérés par le Service pénitentiaire d ’ État ;

e)Mener à bien, dans les meilleurs délais, une enquête impartiale et objective sur la mort d ’ Azimjan Askarov.

Indépendance du pouvoir judiciaire

37.Le Comité est préoccupé par les informations mettant en doute l’indépendance et l’impartialité du pouvoir judiciaire, en particulier en raison de l’intervention du Président dans les procédures de sélection et de nomination des juges, et par les allégations de pressions politiques, ycompris dans des affaires politiques très médiatisées. Il est aussi préoccupé par les pressions et les menaces dont useraient des membres des forces de l’ordre sur des avocats chargés de la défense de prisonniers politiques (art.14).

38.L ’ État partie devrait :

a)Veiller à ce que les procédures de sélection, de nomination, de promotion et de révocation des juges respectent les dispositions du Pacte et les normes internationales pertinentes, notamment les Principes fondamentaux relatifs à l ’ indépendance de la magistrature ;

b)Mettre fin à toute forme d ’ ingérence et garantir l ’ indépendance des avocats en droit et en pratique, y compris en effectuant des enquêtes impartiales sur toute menace ou pression dont ils feraient l ’ objet.

Tribunaux des anciens

39.Le Comité prend note des affirmations de l’État partie selon lesquelles les tribunaux des anciens (aksakals) ne font pas partie du système judiciaire et constituent des organismes publics électifs et autonomes, formés sur une base volontaire. Il constate toutefois avec préoccupation que ces organismes exercent bien des fonctions judiciaires en ce qu’ils règlent des différends entre citoyens. Il constate aussi avec préoccupation que leurs membres ne possèdent pas de compétences juridiques, ycompris en ce qui concerne la protection des droits de l’homme dans le cadre des procédures qu’ils mènent, et prennent leurs décisions en se fondant sur des normes culturelles et morales relevant de la tradition, ce qui peut léser des groupes vulnérables tels que les femmes et les enfants (art.2, 3 et 14).

40. Rappelant ses recommandations précédentes , le Comité demande instamment à l ’ État partie de faire en sorte que les tribunaux des anciens exercent leurs fonctions en parfaite conformité avec les dispositions du Pacte, en particulier dans le respect des garanties d ’ un procès équitable et du principe de non-discrimination, et que leurs membres reçoivent une formation sur les droits consacrés par le Pacte.

Châtiments corporels

41.Le Comité est préoccupé par le recours plus fréquent qui est fait aux châtiments corporels, surtout dans le système éducatif. Il est aussi préoccupé par l’incapacité de l’État partie à lutter contre ce type de violence. En outre, il est préoccupé par les effets préjudiciables que le récent projet de loi sur la protection des enseignants pourrait avoir sur la protection des enfants (art.7 et 24).

42. L ’ État partie devrait élaborer et appliquer un vaste programme national de sensibilisation du public aux questions de la santé physique et mentale et du développement de l ’ enfant ainsi que de la violence contre les enfants, afin de faire évoluer les comportements sociaux, et prendre des mesures concrètes, y compris de nature législative, s ’ il y a lieu, pour mettre fin aux châtiments corporels dans tous les contextes. Il devrait en outre promouvoir le réexamen des procédures de lutte contre la violence faite aux enfants, notamment dans les établissements d ’ enseignement, et définir et appliquer des politiques institutionnelles de protection de l ’ enfance.

Liberté de conscience et de croyance religieuse

43.Le Comité se félicite des modifications qu’il est prévu d’apporter à la loi sur la liberté de religion et les organisations religieuses afin que les organisations et missions religieuses et les établissements d’enseignement religieux ne soient plus tenus de fournir une liste de leurs membres certifiée par un notaire et approuvée par un conseil local pour leur enregistrement. Cependant, il est préoccupé par l’ampleur des exigences auxquelles les organisations représentant des communautés religieuses moins nombreuses dans le pays, telles que les bahaïs, les protestants, les musulmans ahmadis, les témoins de Jéhovah, les tengristes et les zoroastriens, doivent satisfaire pour leur enregistrement. Le Comité est aussi préoccupé par la censure et les restrictions d’utilisation auxquelles l’État partie soumet les publications religieuses. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles des membres de la communauté chrétienne n’ont pas été autorisés à enterrer leurs morts dans les cimetières locaux (art.18, 19, 26 et 27).

44.L ’ État partie devrait :

a)Accélérer l ’ adoption des modifications à la loi sur la liberté de religion et les organisations religieuses et faire en sorte que toutes les restrictions qui sont incompatibles avec l ’ article 18 du Pacte soient supprimées, en instaurant une procédure équitable et transparente pour l ’ enregistrement des organisations religieuses et en dépénalisant toute activité religieuse pratiquée par des organisations religieuses non enregistrées ;

b)Réglementer l ’ attribution des lieux d ’ inhumation et l ’ administration des cimetières en évitant toute discrimination fondée sur des motifs religieux.

Liberté d’expression

45.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les autorités du pays exercent des pressions sur des défenseurs des droits de l’homme, des juristes, des responsables politiques, des journalistes et d’autres personnes en raison des opinions qu’ils expriment, en particulier si ces opinions sont critiques à l’égard de leurs initiatives, et note que les pressions en question peuvent prendre la forme de poursuites pénales contre des blogueurs et des journalistes. Il constate avec une vive préoccupation que l’État partie n’a pas donné suite aux nombreux signalements d’actes de harcèlement et d’intimidation commis, en ligne et hors ligne, contre des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes. Il constate aussi avec préoccupation que la loi sur la protection contre les informations non fiables et fallacieuses autorise des organes du pouvoir exécutif à bloquer l’accès à toute ressource Internet sans autre forme de procès et en l’absence de tout contrôle préalable par une instance judiciaire. En outre, il note avec regret que, selon l’État partie, cette loi ne requiert aucune modification. Il constate aussi avec préoccupation que la loi sur la société nationale de télévision et de radiodiffusion de la République kirghize exclut les activités de ladite société nationale de tout contrôle public. Enfin, il est préoccupé par le projet de loi portant réglementation des médias, en particulier par les dispositions obligeant tous les organes de presse à s’enregistrer de nouveau (art.19).

46.L ’ État partie devrait :

a)S ’ abstenir de recourir à des poursuites pénales pour faire taire les opinions critiques sur des questions d ’ intérêt général ;

b)Mieux protéger les blogueurs, les journalistes, les défenseurs des droits de l ’ homme et les personnes critiques à l ’ égard du Gouvernement contre toute forme de menace, de pression, d ’ intimidation ou d ’ agression, et faire en sorte que tous les actes d ’ ingérence commis à leur endroit fassent l ’ objet d ’ enquêtes rigoureuses et indépendantes, que les responsables de ces actes soient poursuivis et punis, et que les victimes disposent de recours utiles ;

c)Réviser la loi sur la protection contre les informations non fiables et fallacieuses, prévoir des garanties efficaces contre toute décision visant à bloquer l ’ accès à des ressources médiatiques et soumettre toute décision de ce type au contrôle d ’ une instance judiciaire ;

d)Réviser les dispositions juridiques et institutionnelles nationales qui sont susceptibles de restreindre indûment la liberté des médias, notamment la loi sur la société nationale de télévision et de radiodiffusion de la République kirghize et le projet de loi portant réglementation des médias, afin qu ’ elles soient conformes aux dispositions de l ’ article 19 du Pacte, telles qu ’ elles sont explicitées dans l ’ observation générale n o  34 (2011) du Comité sur la liberté d ’ opinion et la liberté d ’ expression.

Liberté de réunion pacifique

47.Le Comité est préoccupé par les restrictions injustifiées qui sont imposées, en droit et en pratique, au droit de réunion pacifique, comme il ressort des informations selon lesquelles des militants ont été arrêtés, mis en détention et sanctionnés pour avoir participé à des rassemblements pacifiques ou en avoir organisé. Il est aussi préoccupé par l’interdiction générale des rassemblements pacifiques dans le centre de Bichkek (art.9, 19 et 21).

48.Conformément à l ’ article 21 du Pacte et à la lumière de l ’ observation générale n o  37 (2020) du Comité sur le droit de réunion pacifique, l ’ État partie devrait :

a)S ’ abstenir d ’ interférer indûment dans l ’ exercice du droit de réunion pacifique, en particulier s ’ abstenir d ’ imposer des restrictions générales à l ’ exercice de ce droit et d ’ ordonner la dispersion de rassemblements pacifiques selon des critères sélectifs et discriminatoires ;

b)Faire en sorte que tous les faits de violence et les arrestations et détentions arbitraires visant des manifestants pacifiques donnent lieu sans délai à des enquêtes impartiales et que les responsables aient à répondre de leurs actes ;

c)Fournir une formation aux membres des forces de l ’ ordre, aux procureurs et aux juges pour les familiariser avec les principes qui devraient guider l ’ application de tout type de restriction au droit de réunion pacifique.

Liberté d’association et participation à la conduite des affaires publiques

49.Le Comité est vivement préoccupé par la loi de 2021 sur les organisations à but non lucratif, qui impose des exigences fastidieuses et déraisonnables aux organisations non gouvernementales en les obligeant à publier des informations consolidées concernant leurs sources de financement, l’affectation de leurs dépenses et leurs acquisitions, utilisations et cessions d’actifs. Il constate avec préoccupation que l’État partie est resté sourd aux nombreuses réactions des mécanismes internationaux relatifs aux droits de l’homme et de la société civile face au caractère disproportionné de ces obligations. Il constate aussi avec préoccupation que des parlementaires ont à plusieurs reprises tenté de faire adopter la « loi sur les agents étrangers », qui accorde aux autorités de vastes pouvoirs d’ingérence dans les affaires internes des organisations à but non lucratif, considérées comme des « agents étrangers » lorsqu’elles reçoivent des financements de l’extérieur du pays. Il constate également avec préoccupation que les condamnés sont privés du droit de participer aux affaires publiques et du droit de voter (art.19, 22 et 25).

50. L ’ État partie devrait rendre les dispositions de la loi sur les organisations à but non lucratif pleinement conformes aux articles 19, 22 et 25 du Pacte. Il devrait empêcher qu ’ une loi sur les associations et les organisations non gouvernementales se traduise, dans son application, par un contrôle injustifié desdites associations et organisations ou une ingérence dans leurs activités. C ompte tenu de l ’ observation générale n o  25 (1996) du Comité , i l devrait revoir le cadre juridique applicable et garantir le droit de vote aux détenus.

Droits des minorités

51.Le Comité constate avec préoccupation que la représentation des minorités ethniques dans les organes politiques et aux postes décisionnels ne s’est guère améliorée. Il regrette de n’avoir pas obtenu de données ventilées par origine ethnique sur la représentation des minorités ethniques parmi les juges et les procureurs. Il constate aussi avec préoccupation que, selon les informations fournies par la délégation, la police compte de moins en moins de représentants des minorités ethniques depuis 2018, alors que ceux-ci étaient déjà peu nombreux. Il relève avec inquiétude que le nombre d’écoles ouzbèkes diminue et qu’il n’y a pas de garanties effectives ni de mesures concrètes propres à faciliter l’enseignement, ycompris l’enseignement professionnel ou universitaire, dans les langues minoritaires. Enoutre, le Comité constate avec préoccupation que l’obligation faite à tous les fonctionnaires de maîtriser la langue d’État empêche les membres des minorités ethniques d’accéder à la fonction publique (art. 2 (par. 1), 26 et 27).

52.L ’ État partie devrait :

a)Faire en sorte que les minorités ethniques soient dûment représentées au sein des organes de l ’ État et des administrations publiques, y compris parmi les juges et les procureurs et dans les services de maintien de l ’ ordre, s ’ il y a lieu en adoptant des mesures positives ;

b)Repenser les dispositions du projet de loi sur l ’ éducation et garantir effectivement le droit à l ’ éducation, y compris professionnelle et universitaire, dans les langues minoritaires afin que les personnes appartenant à des minorités ethniques aient plus facilement accès à l ’ éducation et aux services publics et soient mieux intégrées dans la société ;

c)Rétablir le système national d ’ évaluation des connaissances dans les langues minoritaires afin de garantir l ’ égalité d ’ accès à l ’ enseignement supérieur, indépendamment de l ’ origine ethnique et de la langue.

D.Diffusion et suivi

53. L ’ État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, des deux Protocoles facultatifs s ’ y rapportant, de son troisième rapport périodique et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu ’ auprès du grand public pour faire mieux connaître les droits consacrés par le Pacte. Il devrait faire en sorte que le rapport périodique et les présentes observations finales soient traduits dans sa langue officielle.

54.Conformément à l’article 75 (par. 1) du règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à faire parvenir, le 4 novembre 2025 au plus tard, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 20 (mesures de lutte contre le terrorisme), 44 (liberté de conscience et de croyance religieuse) et 46 (liberté d’expression).

55.Conformément au cycle d’examen prévisible du Comité, l’État partie recevra en 2028 la liste de points établie par le Comité avant la soumission du rapport et devra soumettre dans un délai d’un an ses réponses à celle-ci, qui constitueront son quatrième rapport périodique. Le Comité demande en outre à l ’ État partie, lorsqu ’ il élaborera ce rapport, de tenir de vastes consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays. Conformément à la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots. Le prochain dialogue constructif avec l ’ État partie se tiendra en 2030, à Genève.