Nations Unies

CAT/C/TGO/CO/2

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

11 décembre 2012

Original: français

Comité contre la torture

Observations finales du deuxième rapport périodique du Togo, adoptées par le Comité lors de sa quarante-neuvième session (29 octobre-23 novembre 2012)

1.Le Comité contre la torture a examiné le deuxième rapport périodique du Togo (CAT/C/TGO/2) à ses 1114ème et 1117ème séances, tenues les 12 et 13 novembre 2012 (CAT/C/SR.1114 et CAT/C/SR.1117), et a adopté les observations finales ci-après à sa 1128ème séance (CAT/C/SR.1128) le 21 novembre 2012.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième rapport périodique du Togo, ainsi que les réponses de l’État partie à la liste des points à traiter établie avant la présentation du rapport (CAT/C/TGO/Q/2). Il regrette, néanmoins, que le rapport ne contienne pas de renseignements concrets sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention.

3.Le Comité se félicite du dialogue franc et ouvert qu’il a eu avec la délégation de haut niveau envoyée par l’État partie, et accueille avec satisfaction les informations complémentaires qui lui ont été fournies pendant l’examen du rapport.

B.Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a accédé, depuis l’examen de son rapport initial, aux instruments internationaux ci-après, ou les a ratifiés :

a)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 20 juillet 2010 ;

b)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 1er mars 2011 ;

c)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 1er mars 2011.

5.Le Comité se félicite des efforts fournis par l’État partie pour réviser sa législation dans les domaines touchant la Convention, et notamment des:

a)Loi no 2007-017 du 6 juillet 2007 portant Code de l’enfant au Togo ;

b)Loi no  2009-011 du 24 juillet 2009 abolissant la peine de mort.

6.Le Comité prend note également des initiatives prises par l’État partie pour modifier ses politiques, programmes et procédures administratives de façon à donner effet à la Convention, et notamment de :

a)L’adoption du plan national de lutte contre la traite des personnes en général et en particulier des femmes et des enfants, en 2007 ;

b)La signature de l’accord tripartite signé entre le Bénin, le Togo et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, le 3 avril 2007 ;

c)La signature de l’accord tripartite entre le Ghana, le Togo et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, le 11 avril 2007 ;

d)La création de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation le 25 février 2009 ;

e)L’élaboration du « Guide de bonne pratiques pour la protection des mineurs en conflit avec la loi au Togo », le 2 juillet 2010 ;

f)La diffusion du rapport de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) le 27 février 2012, qui a été mandaté par le Ministre de la justice pour enquêtersur les allégations de torture et de mauvais traitements dans les locaux de l’Agence nationale de renseignements (ANR).

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition et incrimination de la torture

7.Le Comité note avec inquiétude que, six ans après la mise sur pied de la Commission nationale de modernisation de la législation et 25 ans après la ratification de la Convention, l’État partie n’a toujours pas adopté de disposition pénale qui définisse et criminalise explicitement la torture (art. 1er et 4).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires afin d’insérer dans le Code pénal tous les éléments de la définition de la torture contenus dans l’article premier de la Convention, ainsi que des dispositions incriminant et sanctionnant les actes de torture par des peines proportionnées à leur gravité.

Réformes législatives

8.Tout en prenant note de l’adoption du projet du Code pénal par le Conseil des ministres en novembre 2012, le Comité reste préoccupé, comme il en avait fait part dans ses observations finales précédentes adoptées en 2006, du fait que les réformes législatives, notamment l’adoption du nouveau Code pénal et du nouveau Code de procédure pénale, n’aient toujours pas abouti à ce jour (art. 1, 2 et 4).

L’ É tat partie devrait accélérer le processus de réforme législative et prendre les mesures nécessaires pour promulguer dans les plus brefs délais et faire adopter le nouveau Code pénal et le nouveau Code de procédure pénale afin de remédier au vide juridique actuel concernant la torture.

Allégations de torture et mauvais traitements

9.Le Comité est préoccupé par les allégations de torture et mauvais traitements en détention, notamment des personnes en garde à vue et détenues dans les locaux des unités d’enquête, commissariats de police, brigades de gendarmerie, locaux de l’Agence nationale de renseignements (ANR), caserne tenue par la garde présidentielle et autres lieux de détention, y compris des lieux de détention non officiels. Il est particulièrement préoccupé par la conclusion qu’ « il a été commis sur les détenus des actes de violence physique et morale à caractère inhumain et dégradant » formulée dans le rapport de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) et qui auraient été infligés aux personnes qui seraient liées à la tentative de coup d’État en 2009 dans les locaux de l’Agence nationale de renseignements (ANR) et autres lieux de détention. Le Comité s’inquiète aussi que le nouveau Code de procédure pénale dont les dispositions annulent les aveux obtenus sous la torture ne soit toujours pas en vigueur (art. 2, 11, 15 et 16).

L’État partie devrait :

a) Donner des instructions claires aux responsables des forces de sécurité (police et gendarmerie) sur la prohibition absolue de la torture, sa pénalisation et sur le fait que de tels actes ne sauraient être tolérés et que leurs auteurs seront poursuivis ;

b) Prendre des mesures efficaces pour m ener sans délai des enquêtes approfondies, promptes, indépendantes et impartiales sur toutes les allégations de torture et mauvais traitements, déférer les auteurs de ces actes à la justice , qui devrait les punir par des peines appropriées selon les dispositions pénales pertinentes en vigueur et rendre les résultats publics ;

c) Accélérer l’adoption par le Parlement du nouveau Code pénal et du nouveau Code de procédure pénale et assurer que les aveux obtenus sous la torture et les procédures subséquentes soient annulés ,  et sensibiliser les magistrats à l’irrecevabilité des déclarations obtenues par la torture ainsi qu’à l’obligation d’ouvrir des enquêtes lorsque les allégations de torture sont portées à leur connaissance.

Garanties juridiques fondamentales

10.Le Comité s’inquiète de ce que les garanties juridiques fondamentales des personnes détenues sont souvent violées et que des arrestations et détentions arbitraires pourraient être commises. Le Comité est préoccupé du fait que certaines gardes à vue dépassent les délais légaux, surtout à l’intérieur du pays. Il s’inquiète aussi du fait que la législation ne prévoit l’assistance d’un avocat qu’à partir de la 25ème heure de privation de liberté et qu’il ne dispose que de 30 minutes pour s’entretenir en privé avec son client. Le Comité est préoccupé aussi par le fait que l’assistance d’un avocat n’est pas systématiquement assurée à la personne indigente dès le début de la procédure, mais au stade du jugement, et que les suspects n’ont pas toujours la possibilité après leur arrestation de consulter immédiatement un juge et un médecin et de contacter leurs proches (art. 2 et 11).

L’ É tat partie devrait :

a) Prendre immédiatement des mesures efficaces afin de v eiller à ce que toute personne privée de liberté bénéficie de toutes les garanties juridiques fondamentales dès le début de la garde à vue, à savoir le droit d’être informé e des motifs de son arrestation, d’avoir rapidement accès à un conseil et, le cas échéant, à une aide juridictionnelle ;

b) Faire en sorte que l es détenus puissent se faire examiner par un médecin indépendant ou un médecin de leur choix, contacter un membre de leur famille, être présentés sans délai à un juge et faire examiner par un tribunal la légalité de leur détention, conformément aux normes internationales ;

c) Libérer et indemniser t outes les personnes détenues irrégulière ment ou arbitraire ment  ;

d) Instituer une procédure dans le Code de procédure pénale permettant aux victimes d’erreurs judiciaires de recevoir réparation.

Impunité et enquêtes

11.Le Comité est gravement préoccupé par :

a)L’actuelle impunité totale des auteurs d’actes de torture et par la déclaration de l’État partie selon laquelle le juge togolais ne dispose pour l’instant d’aucun arsenal juridique pour réprimer la torture et qu’il n’y a donc aucun exemple de jugement en la matière. Il s’inquiète de l’information indiquant qu’aucun tribunal n’a pu jusqu’à ce jour appliquer directement les dispositions de la Convention, même en cas de preuves d’actes de torture devant les juges, à défaut de textes les incriminant et les punissant. Le Comité est très préoccupé du fait qu’aucune poursuite pénale ne serait entamée à ce jour à l’encontre des auteurs des actes de torture perpétrés dans les locaux de l’ANR en 2009malgré le fait que les détenus ont raconté en détail les tortures et mauvais traitements auxquels ils auraient été soumis au cours de leur détention, ainsi que les noms des auteurs ;

b)L’information selon laquelle les juges refusent de traiter des cas de torture qui seraient commis par les forces de sécurité, ce qui contribue à l’impunité et constitue un déni de justice pour les victimes d’actes de torture. En outre, il est préoccupé du fait que les allégations de torture et de mauvais traitements en détention ne font pas l’objet d’enquêtes systématiques et approfondies, et que les coupables des actes de torture seraient sanctionnés seulement par des mesures disciplinaires qui ne correspondent pas à la gravité de leurs actes ;

c)Le fait que les 13 recommandations du rapport de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) publié le 27 février 2012, qui a été mandaté par le Gouvernement pour enquêter sur les allégations de torture et de mauvais traitements, notamment dans les locaux de l’Agence nationale de renseignements (ANR), ne soient pas encore mises en œuvre et que les personnes qui seraient coupables des actes de torture à l’ANR seraient restées en fonction ou auraient été promues après de courtes suspensions de service de 30 à 45 jours comme mesure disciplinaire (art. 2, 12, 13 et 14).

L’ É tat partie devrait :

a) Conformément à son engagement lors de l’Examen périodique universel, mettre fin à l’impunité des personnes qui ont commis des actes de torture en ouvrant des e nquêtes crédibles, promptes et impartiales sur toutes les allégations d’actes de torture ou de mauvais traitements commis par les agents de s services de sécurité ou autres , en particulier dans les locaux de l’ANR en 2009 et, le cas échéant, punir les coupables conformément à la gravité de leurs actes ;

b) Inclure l’imprescriptibilité du crime de torture dans le Code pénal et éliminer la disposition de dix ans de prescriptibilité pour les actes de torture qui serait actuellement inclue dans le projet du Code pénal ;

c) Mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour respecter toutes ses obligations conventionnelles, notamment celle de lutter contre l’impunité d es auteurs d ’ actes de torture. Le Comité rappelle à l’ É tat partie que , conformément à l’article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités ,  «  une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution d’un traité  » ;

d) Prendre des mesures pour mettre en œuvre les recommandations de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) sur les allégations de torture et de mauvais traitements dans les locaux de l’Agence n ationale de r enseignements (ANR) et autres lieux de détention ;

e) É tablir un registre central spécifique pour consigner les cas de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants et fournir des informations sur les résultats des enquêtes initiées.

Détention préventive

12.Le Comité constate avec préoccupation que plus de 65 % des détenus sont en détention préventive, ce qui met en cause le principe de présomption d’innocence et contribue à la surpopulation carcérale dans tout le pays. Il s’inquiète de ce que les délais de détention préventive ne sont pas toujours respectés, que des personnes sont maintenues des années durant en détention sans avoir été jugées, y compris pour des délits mineurs, ce qui reflète un dysfonctionnement sérieux du système judiciaire. Le Comité s’inquiète qu’une des raisons de l’incidence élevée de la détention préventive serait le nombre insuffisant de magistrats et d’infrastructures et du fait que le retard dans la réforme législative ne permet pas de mettre en œuvre l’institution du juge de libertés et de la détention qui peut contribuer à la réduction du taux de détention préventive (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait :

a) Sans délai accélérer le Programme national de modernisation de la justice et prendre des dispositions pour limiter le recours à la détention préventive , y compris la durée de celle-ci, en privilégiant les mesures de substitution à la détention et les peines non privatives de liberté, conformément aux Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) ;

b) Transférer les infractions mineures de la justice répressive à la justice préventive ;

c) Renforcer la formation des magistrats, juges, préfets, sous-préfets et avocats sur le principe de présomption d’innocence, ce qui réduirait l’incidence de la détention préventive ;

d) Assurer, lorsqu’ il existe des raisons impérieuses de placer le prévenu en détention, que tous les délais concernant les inculpés et prévenus sont respectés ;

e) Relâcher toute personne dont le délai légal de détention a expiré ;

f) Envisager de recruter un nombre supplémentaire de magistrats et de construire de nouvelles salles d’audience dans le pays.

Conditions de détention

13.Le Comité est gravement préoccupé par :

a)La situation alarmante des conditions dans les centres de détention dans tout le pays, et notamment à Lomé, dont certaines sont assimilables à la torture étant donné que les prévenus en attente de jugement sont entassés à concurrence de 60 à 90 personnes dans des cellules mesurant 7m sur 6m tandis que les prisonniers condamnés s’entassent à concurrence de 50 à 60 dans des cellules de 6m sur 5m. Il s’inquiète aussi de la taille exiguë des cellules dans la prison de Notsé et particulièrement dans le camp militaire de Kara, où la détention dans des cellules disciplinaires pour militaires mesurant 1,12 m sur 90 cm constitue une violation de la Convention. En outre, le surpeuplement serait actuellement de l’ordre de 156 % en moyenne ;

b)Le manque d’hygiène, de ventilation, d’éclairage, de couchage, ainsi que d’alimentation qui consisterait en un repas par jour, comme décrit dans le rapport initial, et serait de mauvaise qualité ;

c)Le manque quasi-total d’accès aux soins de santé et aux médicaments ainsi que le fait que les détenus malades sont transférés dans les hôpitaux pratiquement au stade de l’agonie. Le Comité est préoccupé notamment par l’état de santé du capitaine Lambert Adjinon, incarcéré dans la prison civile de Lomé et qui souffrirait d’une tumeur, sans pour autant recevoir de soins. Une telle situation serait contraire à la décision du Conseil des ministres en date du 29 février 2012 d’effectuer le suivi médical de toute personne en garde à vue ou en détention à toutes les phases de la procédure, comme recommandé par une des 13 mesures à mettre en œuvre suite à la publication du rapport de la CNDH ;

d)Les conditions décrites par l’État partie lui-même comme épouvantables dans les locaux de garde à vue des commissariats, postes de police et brigades de gendarmerie, où de nombreux détenus passent de longues périodes sans aucun fondement juridique ;

e)Le nombre élevé et croissant de décès en détention, en particulier du fait du manque de nourriture et d’hygiène, ainsi que de la violence entre les détenus (art. 2, 11 et 16).

L’ É tat partie devrait  :

a) R edoubler d’efforts et augmenter les fonds alloués pour rendre les conditions de vie dans tous les établissements pénitentiaires conform es aux normes internationales, et à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus ;

b) Mettre en œuvre la déclaration faite par les représentants du Togo au Comité lors de sa 49 ème session selon laquelle tous les dossiers en instance vont être jugés en janvier 2013 pour réduire la surpopulation carcérale de 50 % ;

c) Afin de désengorger les lieux de détention, a dopter des calendriers précis pour la construction de nouvelles prisons , y compris à Lomé et Kpalimé, et la rénovation des prisons et infrastructures existantes , ainsi qu ’augmenter les effectifs d’agents pénitentiaires dans tous les établissements ; s’assurer que la taille des cellules corresponde aux normes internationales ;

d) A ugmenter les fonds alloués pour le financement des services de base, parmi lesquels l’accès à l’eau potable, à au moins deux repas par jour , à l’hygiène et aux produits de première nécessité et à veiller à ce que l’éclairage naturel et artificiel et la ventilation des cellules soient suffisants  ; assurer la prise en charge médicale et psychosociale des détenus et prévenir ainsi le nombre de décès en détention ;

e) É vacuer le capitaine Lambert Adjinon à l’étranger pour qu’il y re çoive les soins médicaux dont il a besoin ,  ainsi que toute autre personne se trouvant dans une situation de santé similaire ;

f) Prendre des mesures urgentes pour améliorer les conditions dans les locaux de garde à vue des commissariats, postes de police et brigades de gendarmerie, conformément au x normes internationales ;

g) Procéder à des enquêtes sur les décès en détention et leurs causes , et fournir au Comité les données statistiques ainsi que les mesures préventives prises par les autorités pénitentiaires dans le prochain rapport périodique ; prendre des mesures afin de réduire la violence entre détenus ;

h) É tablir un registre central sur tous les détenus dans le pays indiquant s’ils sont en détention préventive ou des prisonniers condamnés, pour quel délit, leur date d’entrée en détention, dans quels lieux, ainsi que leur âge et sexe ;

i) Assurer à la CNDH et aux organisations des droits de l’homme le libre accès à tous les lieux de détention , notamment par des visites inopiné e s et des entretiens privé s avec les détenus.

Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) et désignation du mécanisme national de prévention

14.Le Comité note avec préoccupation que le budget de la CNDH aurait diminué de 20 % depuis 2008, l’empêchant de remplir pleinement ses fonctions. Tout en prenant note de l’information selon laquelle l’Agence nationale de renseignement (ANR) ne peut plus absorber de personnes supplémentaires, le Comité s’inquiète aussi qu’il ne peut plus y avoir d’inspection dans les locaux de l’ANR. Tout en prenant note que la CNDH serait désignée pour remplir le rôle de mécanisme national de prévention de la torture, le Comité s’inquiète du fait que ce mécanisme n’est pas entré en fonction à ce jour. Il s’inquiète aussi du fait que le Président de la CNDH, M. Kounté, a dû quitter le pays après la publication du rapport suite aux menaces qui auraient été proférées à son égard afin qu’il modifie certains résultats de l’enquête de la Commission (art. 2).

L’État partie devrait :

a) Doter la CNDH de ressources financières, humaines et matérielles lui permettant de remplir pleinement ses fonctions de manière indépendante, impartiale et efficace ;

b) Procéder à une révision de la loi organique portant attributions, composition et fonctionnement de la CNDH pour lui permettre de jouer le rôle de mécanisme national de prévention conformément aux exigences du Protocole facultatif à la Convention, y compris de faire des enquêtes et de prévenir les actes de torture ainsi que d’effectuer des visites inopinées dans tous les lieux de détention, y compris à l’ANR, dans les lieux non officiels, ceux décrits comme « difficile s d’accès » , ainsi que dans les institutions psychiatriques et tous les lieux où des personnes sont privées de liberté ;

c) P rendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer l’intégrité physique et psychologique des membres du mécanisme national ;

d) Enquêter sur les raisons qui ont poussé M. Kounté à quitter le pays et mettre en œuvre toutes les mesures de protection et fournir les garanties qui permettrai en t le retour au pays en toute sécurit é de M. Kounté et de sa famille s’il décide de rentrer.

Violence à l’égard des femmes

15.Le Comité est préoccupé par l’absence de législation spécifique réprimant toute forme de violence à l’égard des femmes, y compris les violences domestiques et sexuelles. Il s’inquiète aussi de l’incidence de violences contre les femmes, y compris le viol conjugal, ainsi que des mutilations génitales féminines et des abus sexuels à l’égard des femmes en milieu carcéral. Le Comité s’inquiète du progrès insuffisant fait dans la réduction de la traite des personnes, notamment des femmes et des filles, particulièrement aux fins d’exploitation sexuelle (art. 2 et 16).

L’ É tat par tie devrait :

a) É laborer et adopter, à titre prioritaire, une législation complète sur la violence à l’égard de s femmes, érigeant en infractions pénales à part entière les violences sexuelles, y compris le viol conjugal, et la violence au foyer, dans le nouveau Code pénal ;

b) I ntensifier ses efforts pour prévenir la violence à l’égard des femmes, y compris la violence intrafamiliale , les mutilations génitales féminines, la violence en milieu carcéral ainsi que la traite des femmes et des filles, en particulier aux fins d’exploitation sexuelle , et encourager les victimes à porter plainte ;

c) Entamer des e nquête s en bonne et due forme, des poursuites et, le cas échéant, sanctionner les coupables ;

d) Former les juges, procureurs et membres de la police sur l’application rigoureuse de la loi relative à la répression des mutilations génitales féminines et fournir des statistiques sur le nombre de plaintes, enquêtes, poursuites et condamnations lié e s à la violence à l’égard des femmes et relatives aux mutilations génitales féminines ;

e) Procéder à des campagnes de sensibilisation de masse sur l’interdiction des mutilations génitales féminines dans tout le pays.

N on-refoulement

16.Le Comité regrette les informations incomplètes fournies dans le rapport sur les procédures et mesures mises en place par l’État partie afin de s’acquitter de l’obligation de respecter le principe de non-refoulement qui lui incombe en vertu de l’article 3 de la Convention (art. 3).

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’o bserver le respect du principe de non-refoulement conformément à l’article 3 de la Convention , et notamment l’obligation de vérifier s’il existe de sérieux motifs de croire que le demandeur d’asile risque d’être torturé ou maltraité en cas d’expulsion , y compris en procédant systématiquement à des entretiens individuels pour évaluer le risque couru personnellement par les requérants ;

b) D’i ntroduire dans le Code pénal le droit d’appel suspensif contre une décision d’expulsion et de respecter toutes les garanties dans le cadre des procédures d’asile et d’expulsion en attendant l’issue des recours intentés .

Formation sur l’interdiction de la torture

17.Toute en prenant note des multiples formations, y compris dans le domaine des droits de l’homme, organisées au bénéfice des membres des services de sécurité, le Comité est préoccupé par l’absence de formation en ce qui concerne la Convention contre la torture et notamment l’interdiction absolue de la torture, prévue pour les policiers, gendarmes, gardiens de préfecture, officiers de la police judiciaire, agents pénitentiaires ainsi que le personnel chargé de l’application des lois comme les juges, procureurs, magistrats, préfets, sous-préfets et avocats. Il se préoccupe aussi du fait que le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) ne soit pas utilisé systématiquement dans l’examen des cas de torture ou mauvais traitements (art. 10).

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De m ettre en œuvre des programmes de formation et d’ élaborer des modules sur les droits de l’homme pour assurer que le personnel de sécurité tel que les policiers, gendarmes, gardiens de préfecture, officiers de police judiciaire, agents pénitentiaires ainsi que le personnel chargé de l’application des lois comme les juges, les procureurs, les magistrats, les préfets, les sous-préfets et les avocats soient pleinement informés des dispositions de la Convention , et notamment de l’interdiction absolue de la torture ;

b) De dispenser de manière régulière et systématique au personnel médical , aux médecins légistes, juges et procureurs et à toutes les autres personnes qui interviennent dans la garde, l’interrogatoire ou le traitement de tout individu arrêté, détenu ou emprisonné, ainsi qu’aux autres personnes participant aux enquêtes sur les cas de torture, une formation sur le Protocol e d’Istanbul ;

c) D’é laborer et de mettre en œuvre une méthodologie permettant d’évaluer l’efficacité des programmes d’éducation et de formation sur la Convention contre la torture et du Protocole d’Istanbul, et leurs effets sur la diminution des cas de torture et de mauvais traitement s .

Réparations et réadaptation des victimes de torture

18.Le Comité est préoccupé par le fait que la législation pénale actuelle ne contient aucune disposition garantissant la réparation des préjudices causés aux victimes de la torture. De même, il n’existe pas non plus de procédure de demande en réparation des préjudices résultant d’actes de torture. Le Comité s’inquiète en outre du fait que le seul cas de demande de réparation à ce jour serait celui des auteurs présumés de la tentative de coup d’État dont la réparation constitue une des recommandations du rapport de la CNDH publié le 27 février 2012. La Commission invite notamment à procéder à une juste réparation des victimes de torture. Une telle recommandation n’est pas encore complètement mise en œuvre, étant donné que les victimes et leurs avocats n’ont pas été consultés par les autorités à propos de la réparation recommandée par la CNDH (art. 2, 12, 13 et 14).

L’État partie devrait :

a) Prendre des mesures législatives et administratives pour assurer aux victimes de torture et de mauvais traitements le bénéfice de toutes les formes de réparation, y compris des mesures de restitution, d’indemnisation, de réadaptation, de satisfaction et de garantie de non-répétition , et les introduire dans la législation pénale ;

b) Donner u ne réparation et une in demnisation équitable s et suffisante s pour une réadaptation aussi complète que possible à toutes les victimes de torture liées aux événements de 2009 décrits dans le rapport de la CNDH ;

c) Donner une réparation et une réadaptation équitable s et suffisante s à toutes les victimes de torture ainsi qu’aux victimes de violence à l’égard des femmes et des filles, aux victimes de la traite des personnes et aux victimes de violence dans le milieu carcéral.

Le Comité attire l’attention de l’ É tat partie sur la Recommandation g énérale sur l’article 14 récemment adopté (CAT/C/GC/3) qui explicite le contenu et la portée des obligations des É tats parties en vue de fournir une réparation totale aux victimes de torture.

Châtiments corporels

19.Le Comité s’inquiète de ce que les châtiments corporels des enfants sont interdits dans les établissements scolaires mais pas dans le milieu social ou familial où ils seraient « courants et acceptés socialement dès lors qu’ils restent dans une proportion raisonnable » (art. 16).

L’ É tat partie devrait modifier la législation pénale et notamment la l oi n o 2007-017 du 6 juillet 2007 portant Code de l’enfant au Togo afin d ’interdire et de pénaliser toute forme de châtiment corporel des enfants dans tous les milieux et contextes, conformément aux normes internationales.

Collecte de données statistiques

20.Le Comité regrette l’absence de données complètes et ventilées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations relatives à des actes de torture et des mauvais traitements imputés à des agents des service de sécurité, y compris les gendarmes, les policiers, les gardiens de préfecture et de l’administration pénitentiaire. Des données statistiques manquent aussi à propos de la traite des personnes, la violence à l’égard des femmes, notamment la violence familiale et sexuelle et les mutilations génitales féminines, et la violence contre les enfants (art. 2, 11, 12, 13, 14 et 16).

L’État partie devrait collecter des données statistiques, ventilées par âge et sexe de la victime, qui soient utiles pour surveiller l’application de la Convention au niveau national, notamment des données sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations relatives à des actes de torture et des mauvais traitements imputés à des agents des service de sécurité , y compris des gendarmes, policiers et gardiens de préfecture, et de l’administration pénitentiaire et sur les décès en détention. Des données statistiques devraient être fournies également sur la traite des personnes, sur la violence à l’égard des femmes, y compris familiale, sexuelle et sur les mutilations génitales féminines, sur la violence contre les enfants, ainsi que sur les mesures de réparation, notamment l’indemnisation et la réadaptation dont ont bénéficié les victimes.

21.Le Comité encourage l’État partie à envisager de faire la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention, par laquelle il reconnaîtrait la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers.

22.Le Comité invite l’État partie à envisager de ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie : le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

23.L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, par le biais des sites web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

24.Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, au plus tard le 23 novembre 2013, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations suivantes : a) faire entrer en vigueur d’urgence le nouveau Code pénal et le nouveau Code de procédure pénale ; b) améliorer d’urgence les conditions de détention ; c) renforcer ou faire respecter les garanties juridiques auxquelles ont droit les détenus ; et d) poursuivre et punir les auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements, tels que formulés aux paragraphes 8, 10 a, b et c, 11 a, b et e et 13 d, e et f du présent document.

25.Le Comité invite l’État partie à présenter son prochain rapport périodique, qui sera le troisième, d’ici au 23 novembre 2016. À cet effet, le Comité invite l’État partie à accepter, le 23 novembre 2013 au plus tard, d’établir son rapport selon la procédure facultative, qui consiste pour le Comité à adresser à l’État partie une liste de points à traiter établie avant la soumission du rapport périodique. Les réponses de l’État partie à la liste de points à traiter constitueront son troisième rapport périodique au titre de l’article 19 de la Convention.